Amnistie en France

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L'amnistie, dont l'origine grecque signifie « oubli », est une notion de droit public, qu'on peut définir comme l'acte qui stipule que des fautes passées devront être oubliées, et qui interdit à quiconque de les rechercher ou de les évoquer sous peine de sanctions.

Sommaire

[modifier] Histoire

  • Des clauses d'amnistie se trouvent depuis l'Antiquité dans tous les traités de paix qui concluent une guerre étrangère et depuis le Moyen Âge dans tous les édits de pacification qui terminent une guerre civile. Elles ont pour objet, une fois le règlement du conflit terminé, d'empêcher que la recherche de nouveaux griefs ne rallument les hostilités entre les belligérants. L'amnistie n'englobe jamais la sanction des troupes régulières par les autorités militaires dont elles dépendent. C'est une mesure d'apaisement à la fin d'un conflit.

De nos jours, on prend toujours des mesures d'amnistie. Par exemple, les accords d'Évian comportaient une clause d'amnistie pour les crimes commis pendant la guerre d'Algérie en liaison avec le conflit. Les infractions des manifestants de Mai 68, ou encore les violences commises par les indépendantistes en Nouvelle-Calédonie dans les années 80, ont également fait l'objet de lois d'amnistie.

  • Un acte d'amnistie ou de grâce était aussi prévu par le droit public français à l'avènement d'un nouveau souverain. Il consistait à éteindre certaines catégories de condamnations prononcées au nom du roi précédent. Il accompagnait un certain nombre de cadeaux et de fêtes marquant le joyeux avènement du nouveau roi. Cette coutume peut être rapprochée d'une part du droit général des prescriptions dans notre droit, d'autre part de l'institution du jubilé chez les Anciens Juifs.
L'usage s'est conservé dans nos institutions, pour chaque nouveau président de la République, de faire voter une loi d'amnistie particulière à l'occasion de sa prise de fonction. Cette loi interdit à quiconque de rappeler une infraction amnistiée, l'Article 34 de la Constitution de 1958, le réserve au pouvoir parlementaire.
L'amnistie présidentielle a été détournée de sa fonction afin de résoudre un problème de surpopulation carcérale. C'est le cas, notamment, de l'amnistie collective présidentielle. L'amnistie des infractions routières, qui vise à désengorger les services de recouvrements des amendes, ainsi qu'à se concilier des conducteurs mécontents, peut aussi être vue comme un détournement.

Il ne faut pas non plus confondre l'amnistie avec la grâce présidentielle qui permet, dans certains conditions, d'accorder la remise ou la modération d'une peine définitive.

[modifier] Amnistie et crises politiques

  • Une loi d'amnistie est votée au bénéfice des communards le 11 juillet 1880. On peut noter que cela correspond au moment où la République se consolide véritablement.
  • Après la Seconde Guerre mondiale, une première loi d'amnistie, concernant les faits de collaboration ayant entraîné une peine de prison inférieure à quinze ans, est votée le 5 Janvier 1951. Une seconde loi, très large, est votée en juillet 1953. À la suite de cette amnistie moins de cent personnes restent emprisonnées. Ces lois n'ont pas été particulièrement consensuelles : 327 voix contre 263 pour la première, 394 contre 212 pour la seconde. [1].
  • La fin de la guerre d'Algérie est suivie d'une large loi d'amnistie pour les actes commis en relation avec cette dernière, qu'ils soient du fait du FLN, de l'OAS ou des militaires français. En 1982, François Mitterrand fait voter une amnistie, beaucoup moins consensuelle, au bénéfice des généraux ayant organisé le putsch d'avril 1961.

[modifier] Amnistie collective présidentielle

Elle a lieu après chaque élection présidentielle. Globalement, le champ des mesures d'amnistie se réduit à chaque élection présidentielle:

  • En 1981, le texte comprenait 14 domaines d'« exclusion », c'est-à-dire des catégories de crimes et de délits indélébiles.
  • En 1995, le nombre des condamnations que même le président de la République ne peut effacer est passé à 28 et, en 2002, à 49.
  • En 2002, à la réélection de Jacques Chirac, la polémique a porté sur les infractions au Code de la route. Le champ a été restreint mais il a subsisté des mesures individuelles d'amnistie.
  • En 2007, François Bayrou et Nicolas Sarkozy, rejoints plus tardivement par Ségolène Royal, se sont déclarés opposés à l'amnistie des infractions au Code de la route. Cette position est confirmée par Nicolas Sarkozy peu de temps après son élection.

[modifier] Amnisties individuelles

En 1981, les mesures individuelles étaient réservées à quelques profils d'auteurs d'infraction : les personnalités s'étant illustrées dans les domaines scientifiques, culturels et humanitaires, les résistants et engagés volontaires en temps de guerre. En 1988, la mesure a été étendue aux Français qui se distinguent dans le domaine économique, et en 1995 aux personnalités de l'humanitaire.

En 1990, l'article 19 de la loi sur la « clarification du financement des activités politiques », voté à la faveur de la nuit par les seuls députés PS, majoritaires et insomniaques, amnistie les auteurs de détournements de fond au profit de partis politiques. Tous y voient une mesure ad hoc pour protéger les dirigeants du parti socialiste, dont les campagnes électorales ont été payées en partie par les fausses factures d'Urba Gracco et autres Sages.

Cette mesure, votée par surprise après une tentative avortée quelques semaines plus tôt, a créé un sentiment d'outrage dans une grande partie de la population, et a fini de déconsidérer la classe politique. Mais, en vidant les dossiers des juges de leur substance, elle a permis à de nombreux responsables socialistes de haut rang d'éviter une condamnation pénale de plus en plus probable.

En 2002, à la réélection de Jacques Chirac, son champ est globalement restreint mais est étendu aux sportifs de haut niveau et beaucoup y voient une mesure ad hoc pour David Douillet, proche des époux Chirac, ou Guy Drut, député UMP impliqué dans l'affaire des marchés publics d'Ile-de-France et bénéficiaire d'un emploi fictif à la Sicra, filiale de Vivendi.

L'amnistie individuelle de Guy Drut le 25 mai 2006 par un décret présidentiel non publié au Journal officiel déclencha un tollé.

[modifier] Effet d'une amnistie

En France, les effets d'une amnistie sont décrits par les articles 133-9 et suivants du code pénal:

"L'amnistie efface les condamnations prononcées. Elle entraîne, sans qu'elle puisse donner lieu à restitution, la remise de toutes les peines. Elle rétablit l'auteur ou le complice de l'infraction dans le bénéfice du sursis qui avait pu lui être accordé lors d'une condamnation antérieure."

L'effet d'une amnistie est principalement juridique. L'amnistie n'efface pas les faits commis, mais leur fait perdre leur caractère délictueux: ils ne sont plus punissables, ne constituent plus une première infraction pour les récidives, etc.

De plus, il y a légalement calomnie lorsque l’auteur d’une imputation diffamatoire ne peut en établir la véracité ; mais cette preuve n’est pas recevable (art. 35 de la loi du 29 juillet 1881) lorsque l’imputation "se réfère à un fait constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou qui a donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision". La mention d'une condamnation amnistiée est donc par nature une calomnie, qui peut en tant que telle donner droit à réparation.

[modifier] Références et liens

[modifier] Bibliographie

  • Stéphane GACON, Histoire de l'amnistie en France de la Commune à la guerre d'Algérie, Paris, Le Seuil, 2002
  • Sophie WAHNICH (dir.), Une histoire politique de l'amnistie. Etudes d'histoire, d'anthropologie et de droit, Paris, Presses Universitaires de France, 2007

[modifier] Notes

  1. Henry Rousso, Le syndrome de Vichy, éditions du Seuil, (ISBN 2 02-012157-3)

[modifier] Références

[modifier] Voir aussi