Affaire de Plogoff

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L’affaire de Plogoff désigne le projet d'installation d'une centrale nucléaire sur la commune de Plogoff et la mobilisation populaire que ce projet a déclenché contre lui entre 1978 et 1981. Les manifestations ont abouti à son abandon. Dans la mémoire collective du mouvement antinucléaire français cette mobilisation reste un des rares succès obtenus par les populations directement concernées par l'implantation d'une centrale nucléaire.

Sommaire

[modifier] Contexte historique

Pendant les années 1970, la France développe son programme d'installation de centrales nucléaires, afin de diminuer sa dépendance énergétique vis-à-vis des énergies fossiles.

La construction d'une centrale nucléaire en Bretagne est envisagée afin de réduire son déficit énergétique. En effet, les sites de production électriques sont (à l'époque, comme aujourd'hui) éloignés de la Bretagne. L'acheminement de l'électricité sur de longues distances induit des pertes en ligne, ce qui coûte cher à EDF. De plus, plus la distance est importante entre le site de production et le site de consommation et plus le risque de coupure est important.

L'usine marémotrice de la Rance fournissait alors, avec 600 millions de kWh, 90 % de la production de la région Bretagne, correspondant à 3% de sa consommation.

Selon Gérard Borvon, alors opposant au projet d'installation d'une centrale nucléaire en Bretagne[1], la centrale thermique de Cordemais en Loire-Atlantique produisait plus d'électricité que celle consommée par les cinq départements bretons[2].

[modifier] Site de Plogoff

Plogoff est une commune du Finistère à proximité de la Pointe du Raz. La centrale nucléaire aurait été située en bordure de la baie d'Audierne.

[modifier] Chronologie des évènements

  • 1975 : accord de principe des conseils généraux et du Conseil économique et social pour la construction d'une centrale nucléaire en Bretagne
  • Septembre 1978 : le conseil économique et social puis le conseil général retiennent le site de Plogoff
  • 29 novembre 1978 : le conseil général du Finistère se prononce pour l'implantation d'une centrale nucléaire à Plogoff par 28 voix contre 17[3].
  • 30 janvier 1980 : les dossiers pour l'enquête d'utilité publique sont réceptionnés à la mairie de Plogoff, ils sont brulés l'après-midi, devant la mairie de Plogoff
  • 31 janvier 1980 : début de l'enquête d'utilité publique[4]. Des manifestations violentes ont lieu.
  • 16 mars 1980 : 50 000 personnes manifestent à l'occasion de la clôture de l'enquête d'utilité publique.
  • 100 à 150 000 manifestants fêtent la fin de la procédure le 24 mai 1980 ; 50 à 60 000 restent pour le fest-noz qui cloture la fête

François Mitterrand, qui a promis dans ses 110 Propositions de geler la construction de nouvelles centrales, est élu président le 10 mai 1981. Le projet est ensuite abandonné. Par la suite, la pointe du Raz devient Grand site national.

[modifier] Arsenal et effectifs engagés

Sept escadrons de gendarmes mobiles sont stationnés à Pont-Croix et à Loctudy et interviennent à Plogoff et dans les communes proches. Ils sont parfois mobilisés à Quimper aux côtés de la police urbaine et des CRS lors des manifestations dans cette ville, siège du Tribunal de grande instance qui tient plusieurs procès contre les manifestants interpellés. Les gendarmes-parachutistes furent déployés en renfort.

Les gendarmes mobiles utilisent parfois des blindés sur roues à Plogoff et deux canons à eau à Quimper. Un hélicoptère surveille les manifestants afin de protéger les déplacements des mairies annexes. Des véhicules du génie militaire venus d'Angers seront mobilisés pour franchir les barricades.

Concernant l'armement, des grenades incapacitantes seront employées en grand nombre, dont des « grenades lacrymogènes instantatanées » (tolite + gaz CS) (par exemple 85 le vendredi 14 mars, dernier jour de l'enquête d'utilité publique). Du bromo-acétate d'éthyle, bien qu'interdit, semble avoir été utilisé par la police urbaine lors d'émeutes à Quimper qui aurait ainsi liquidé de vieux stocks[2].

[modifier] Conséquences

À la suite d'une mobilisation importante, dans un premier temps locale puis venue de la France entière et même de l'étranger, le projet a été abandonné, ce qui représentait une première en France. En 1989, le site naturel a été classé[5].

[modifier] Problème toujours actuel

L'ouest de la Bretagne est alimentée, comme le reste de la France, par le réseau de RTE . La centrale la plus proche est celle de Cordemais (thermique) en Loire-Atlantique. Les pertes en lignes coûtent cher à RTE. D'après France 3, « l'éloignement moyen entre une centrale et les clients est de 80 km. Entre Cordemais et Brest, il y a 300 km »[6].

En décembre 2006, la Région Bretagne produit à peine 5 % de l'équivalent en électricité qu'elle consomme[7]. Cette situation rend les consommateurs vulnérables aux délestages de l'EDF.

De nombreux projets visent donc à réduire ces pertes en ligne et les risques de délestages. Gaz de France construit une centrale thermique à gaz à Montoir-de-Bretagne en Loire-Atlantique tandis que RTE a lancé un appel d'offre afin de construire une centrale gaz près de Saint-Brieuc. Début 2007, RTE a installé deux stabilisateurs de tension de type CSPR (compensateur statique de puissance réactive) à Plaine-Haute (près de Saint-Brieuc) et à Poteau-Rouge (près de Lorient). Ces installations disposant respectivement de 100 MVA et 140 MVA ont pour but de réduire les risques de coupure dûs à l'éloignement des sites de production.[8]

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Gérard Borvon, Plogoff: un combat pour demain, 2004, éditions Cloître, 230 pages, ISBN 2350020010
  • Renée Conan et Annie Laurent, Femmes de Plogoff, Éditions La Digitale, Quimperlé, ISBN 2-903383-05-7
  • Marc Keraron, Réactions nucléaires sur Plogoff, Rennes, 92 p., (Archives d'I&V - Mémoire 2 J 612)
  • Tudi Kernalegenn, Luttes écologistes dans le Finistère (1967-1981). Les chemins bretons de l'écologie, Yoran Embanner, Fouesnant, 2006
  • T. Le Diouron, Alain Cabon, G. de Lignières , Plogoff-la-révolte, Éditions Le Signor, Le Guilvinec, 1980
  • René Pichavant, Les pierres de la liberté : Plogoff, 1975-1980, Éditions Morgane, 1980

[modifier] Documentaires

  • Plogoff, des pierres contre des fusils, Nicole Le Garrec, sorti en 1980, film-documentaire tourné pendant les manifestations.
  • L'affaire Plogoff, Brigitte Chevet, 2000.
  • Le Dossier Plogoff, Brigitte Chevet, 2000.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. HNS-info : Plogoff un combat pour demain
  2. ab Gérard Borvon, Plogoff, Un combat pour demain
  3. Errances.info
  4. Documentaires
  5. Site classé
  6. France 3 11/01/2006, copies disponibles sur oleocene.org et breizh.info
  7. Électricité : à Nantes, des aiguilleurs veillent (Ouest France)
  8. L'usine nouvelle n°3039-3040, page 36.