Affaire Grégory

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L'affaire Grégory est une affaire judiciaire française commencée en 1984 après le meurtre d'un jeune garçon, Grégory Villemin.

Sommaire

[modifier] Les faits

Dans la soirée du 16 octobre 1984, le corps de Grégory Villemin, âgé de quatre ans, est découvert dans la Vologne. L'enfant est mort noyé, mains et jambes liées, à Docelles, à sept kilomètres en aval de Lépanges-sur-Vologne, où il vivait avec ses parents, Christine et Jean-Marie Villemin.

Le lendemain, le 17 octobre, une lettre anonyme adressée à Jean-Marie Villemin revendique le crime. « J'espère que tu mourras de chagrin, le chef. Ce n'est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con », écrit un mystérieux corbeau. Au village, Jean-Marie Villemin est jalousé bien que sa réussite sociale ne soit pas arrogante.

Bernard Laroche, cousin germain de Jean-Marie Villemin, est dénoncé par Muriel, sa belle-sœur de quinze ans. Elle se rétracte, et il clame son innocence, mais il est inculpé du crime par le juge d'instruction d'Épinal, Jean-Michel Lambert, le 5 novembre 1984.

Le 4 février 1985, le juge, contre l'avis du ministère public, libère Bernard Laroche, qui reprend son travail. Le 29 mars, il est abattu d'un coup de fusil par Jean-Marie Villemin qui lui impute l'assassinat de son fils.

La rumeur dans la région laisse entendre que le corbeau et meurtrier pourrait être la mère de Grégory, qui aurait été vue à la Poste la veille du drame. Le 5 juillet 1985, le juge Lambert inculpe Christine Villemin d'assassinat et la place sous mandat de dépôt. Onze jours plus tard, la chambre d'accusation de Nancy, constatant l'absence totale de charges, la libère. Son cas divise radicalement les acteurs de l'affaire, entre ceux qui sont persuadés de son innocence et ceux qui la considèrent coupable. Marguerite Duras, dans un article publié par le quotidien Libération, qualifiera le crime, qu'elle lui attribue, de « sublime, forcément sublime ». Au bout de sept ans d'une enquête qui ne fait apparaître aucun indice l'accusant, Christine Villemin bénéficie d'un non-lieu le 3 février 1993, non-lieu rendu pour "absence totale de charges", une première en droit pénal (il s'agissait par là de rappeler que le dossier d'instruction était vide de charges contre elle).

L'enquête sera l'occasion de tous les dérapages : violations du secret de l'instruction et de la vie privée ; partis-pris de la presse ; manque de précautions des enquêteurs dans la collecte des indices ; indécision des magistrats ; rivalité exacerbée entre la Gendarmerie et le SRPJ ; inexpérience du juge d'instruction. Bien que l'affaire passionne l'opinion publique, le meurtrier n'a jamais pu être identifié.

Début 2003, l'espoir a été relancé par l'analyse de l'ADN présent sur un demi-timbre qui aurait pu conserver la salive du « corbeau ». Les analyses n'ont rien donné. Le 3 février 2003, le dossier du meurtre de Grégory Villemin, non élucidé, est définitivement clos. L'État français est condamné le 28 juin 2004 à verser 35 000 euros d'indemnités pour « faute lourde » à chacun des époux Villemin, qui vivent désormais dans l'Essonne.

[modifier] Anecdotes

  • Jean-Marie Villemin a été jugé pour l'assassinat de Bernard Laroche en novembre 1993 à Dijon, où l'affaire avait été dépaysée. Après six semaines d'audience, il est condamné à cinq ans de prison dont un avec sursis. Deux semaines plus tard, ayant purgé l'essentiel de sa peine lors de la détention préventive, il est libéré. Le juge Lambert, qui avait manqué de maîtrise du dossier, est qualifié par les juges de « mémorable funambule de la pensée »[1].
  • Contre l’avis du parquet, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a rejeté la demande de réhabilitation de Jean-Marie Villemin, condamné en 1993 à cinq ans d'emprisonnement pour l'assassinat de son cousin Bernard Laroche, qu'il suspectait d'avoir tué son fils. Jean-Marie Villemin n’a jamais contesté être l’auteur du meurtre de son cousin mais la loi permet à tout condamné de déposer une requête en réhabilitation. Ce qu’il avait fait en avril 2005.
  • Dans C'est arrivé près de chez vous (Rémy Belvaux, André Bonzel, Benoit Poelvoorde, 1992), on fait référence au meurtre dudit Grégory alors que l'équipe de tournage s'exécute à un jeu à boire (le "p'tit Grégory"), qui consiste à attacher une olive à un cube de sucre, à immerger le tout dans un verre rempli d'une boisson alcoolisée ("une larme de gin dans une rivière de tonic") et espérer que l'olive remonte à la surface en dernier.

[modifier] Témoignages

Avertissement : Plusieurs ouvrages ont été consacrés à cette affaire. Sont retenus ici, ceux qui apportent des éclairages complémentaires.

  • Laurence Lacour, Le Bûcher des innocents, éd. Les Arènes, paru en 1993, réédité en 2006, 1er prix du livre d'investigation 2006. Alors, jeune journaliste à Europe 1, elle était restée quatre ans dans les Vosges pour couvrir le déroulement de l’affaire. Dans son livre, elle relate le drame et les dérapages des journalistes, enquêteurs et magistrats. Selon elle, l'affaire Grégory a abouti à plusieurs réformes : la création de l'Institut de recherche criminelle au sein de la Gendarmerie nationale et le vote de la première loi sur la présomption d'innocence en janvier 1993. Elle considère également que l'affaire a suscité chez les journalistes, une certaine prise de conscience des écueils possibles dans le traitement des faits divers.
Pascal Bonitzer et Raoul Peck, ont adapté ce livre pour écrire le scénario d’un téléfilm, retraçant les dérives et les rebondissements de l’enquête. Réalisé par Raoul Peck, L'Affaire Villemin, est diffusé sur France 3, les 28, 29 et 30 octobre 2006 en 6 épisodes de 55 mn : La Foudre, La Meute, L'Engrenage, Dérapage, La Traque et L'Espoir. Seuls les époux Villemin – joués par Armelle Deutsch et Francis Renaud – et la journaliste, Laurence Lacour ont accepté de garder leur identité.
  • Christophe Hondelatte, Faites entrer l'accusé. L'Assassinat du petit Grégory, éd. Michel Lafon, avril 2005. D’après l’émission télévisée, Faites entrer l'accusé, réalisée par Bernard Faroux, présentée par Christophe Hondelatte. L'histoire est relatée pendant près de 2 heures avec de nombreuses images d'archives et des intervenants de l'époque. Diffusée sur France 2, en 2003, rediffusée, le 22 janvier 2006.
  • Colonel (en retraite) Étienne Sesmat, Les deux affaires Grégory, éd. Belmond, août 2006. Capitaine de Gendarmerie à l'époque des faits, il fut le premier à conduire l'enquête. Aujourd’hui, il sort de son silence en apportant des informations précises sur les débuts de l’enquête et répond aux accusations dont la gendarmerie a été la cible en soulevant certaines questions. Pourquoi furent-ils dessaisis au profit de la police alors qu'ils savaient déjà beaucoup de choses et qu’ils étaient sur le point de toucher au but ? Pourquoi a-t-il fallu neuf années à la justice pour parvenir aux mêmes conclusions que celles rendues par la gendarmerie au bout de trois semaines ? Néanmoins, il rend hommage au feu Président Simon pour avoir eu le courage d'abandonner les charges contre Christine Villemin. Il n'est en revanche pas tendre avec le juge Lambert, le commissaire Corazzi et la presse.
  • Denis Robert, Au cœur de l’affaire Villemin, éd. Hugo doc. octobre 2006. Recueil de reportages, chroniques, comptes rendus d’audiences et photos d’époque. Envoyé spécial pour Libération, le journaliste fut surnommé « le rat de la Vologne », lors de sa couverture du fait divers. Ce livre fut écrit après sa réaction au roman de Philippe Besson, L’Enfant d’octobre, Grasset, 2006 – dans lequel l’auteur se met dans la peau de Christine Villemin.
  • L'Affaire Villemin, Minisérie télévisée de Raoul Peck (France, 2006, 6x52mn) d’après Le bûcher des innocents de Laurence Lacour et Le seize octobre de Christine et Jean-Marie Villemin

[modifier] Notes et références

  1. POLICEtcetera

[modifier] Articles connexes

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes