Septimanie

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La Septimanie est une province des royaumes barbares et francs du Ve au XIe siècle, correspondant approximativement à la Province de Gaule narbonnaise au temps de l'Empire romain, et à l'actuel Languedoc-Roussillon (hormis l'est et le nord-est du Gard et la Lozère).

Sommaire

[modifier] La Septimanie ancienne

[modifier] L'origine du mot

Les historiens sont sûrs que la Septimanie n’est pas une dénomination romaine car elle n’apparaît pas dans la Notitia Dignitatum, rédigée quelques décennies plus tôt, vers l’an 400, qui détaille l’organisation de l’Empire romain en une longue liste de tous les postes civils et militaires d’Orient et d’Occident[1]. C'est au début du Moyen Age, dans une lettre de l'évêque gallo-romain Sidoine Apollinaire, datée de 472, que l’on trouve le terme pour la première fois, dans l'expression « leur Septimanie »[2]. Il est probable que Sidoine Apollinaire soit lui-même l’inventeur de ce surnom Septimanie. Il est d’ailleurs le seul, à son époque (le Ve siècle), à l’utiliser et, qui plus est, une seule fois dans les presques cent cinquante lettres et vingt-quatre longs poèmes qu’il a laissés[3]. Il écrit : « Fiez-vous notamment aux Goths qui vont bien souvent jusqu'à montrer du dégoût pour leur Septimanie, pourvu qu'ils prennent possession de ce coin de terre [l'Auvergne], même dévastée, qui est l'objet de leur envie. » On peut supposer qu'il a créé un néologisme par imitation du nom de la province romaine voisine de Novempopulanie, lequel signifie « le pays des neuf peuples ». Le nom de Septimanie viendrait de la présence des vétérans de la septième légion romaine qui auraient occupé la région, ou des sept villes sièges d'importants évêchés qui jalonnaient le territoire : Elne, Agde, Narbonne, Lodève, Béziers, Maguelonne et Nîmes. Avec le passage "historique" d'Elne et des actuels Roussillon, Cerdagne et Capcir sous influence catalane, la ville d'Uzès est devenue le septième évêché. Les historiens ne savent pas vraiment l'étendue de la région que Sidoine Apollinaire désigne.

Après la défaite wisigothe de Vouillé en 507, la Septimanie resta la seule partie de la Gaule aux mains des Wisigoths, grâce à l'intervention de Théodoric le Grand Ier roi des Ostrogoths, qui stoppa les armées de Clovis Ier à Arles en 508. Elle resta dépendante du royaume wisigoth d'Espagne jusqu'à la conquête arabo-berbère de 714.

Grégoire de Tours, l’auteur de l’Histoire des Francs, utilise le terme de Septimanie uniquement pour les seize années, de 569 à 585, où la provincia comporte sept unités territoriales, évêchés ou cités comtales. Et comme Sidoine Apollinaire, Grégoire de Tours est le seul, à son époque (le VIe siècle), à employer le mot Septimanie. Grégoire de Tours désigne, sans confusion possible, la province gauloise du royaume wisigoth de Tolède. Cependant il désigne le plus souvent ce territoire par son nom habituel de Province de Narbonne.

[modifier] Une province charnière

Les Wisigoths appelèrent cette partie de la Narbonnaise au nord des Pyrénées, Gallia, ou provincia Galliae. Ils ne lui donnèrent jamais le nom de Septimanie. Les Francs, eux, désignèrent ce territoire sous le nom de Gothie, c’est-à-dire le pays des Goths. En raison de sa position excentrée dans le royaume wisigoth, la province est menacée par les Francs. Dans la seconde moitié du VIe siècle, ils lancèrent plusieurs incursions en Septimanie, sans jamais parvenir à la réduire. Les habitants de la province, sauf exceptions, se montrèrent en effet solidaires des Wisigoths[4]. Sur le plan juridique, la Septimanie est régie par le droit romain. Le roi Alaric II avait fait rédiger, à l'intention de ses sujets romains, le fameux Breviarium legum romanae Wisigothorum plus connu sous le nom de Bréviaire d'Alaric. Quand la capitale wisigothique fut transférée à Tolède, la Septimanie manifesta des velléités séparatistes. La noblesse arienne refusant la conversion au catholicisme s'y est refugiée ainsi que les juifs persécutés dans le reste de la péninsule.

En 711, il ne faut que quelques mois aux troupes arabes, pour soumettre la quasi-totalité de la péninsule ibérique. De là, les musulmans poursuivirent leur irrésistible élan et se lancèrent contre Narbonne prise en 719, puis contre Carcassonne et Nîmes en 725. En 719 la ville de Toulouse fut menacée et les armées arabes lancèrent des incursions au Rouergue, au Quercy, et en Provence. Après qu'Eudes, le duc d’Aquitaine, parvint à les repousser en 721 lors de la bataille de Toulouse, les Arabes, sous la conduite de leur général Ambiza, lancèrent alors en 725 une grande expédition le long du couloir rhodanien jusqu'à Autun qu’ils pillèrent et incendièrent. Lorsque le calife Abd al-Rahman ibn Abd Allah al-Rhafiqi choisit de lancer une grande campagne de conquête du royaume franc, il fut intercepté près de Poitiers par Charles Martel en 732 et fut tué durant la bataille. La grande conquête musulmane de l'Europe fut ainsi partiellement stoppée. Mais en Septimanie, les attaques sarrasines continuèrent et menaçèrent Arles et la Provence. Narbonne fut reprise après la bataille de Birra en 737, et l’Islam reflua progressivement de Gaule pour s’implanter durablement dans la péninsule Ibérique avec le puissant émirat de Cordoue. Pépin le Bref acheva la conquête de la Septimanie, mais non sans de grandes difficultés: Ainsi le siège de Narbonne dura-t-il 7 ans, les Sarazins y étant soutenus par les derniers goths locaux, islamisés (et ex- aryens), hostiles à la conquête franque, donc catholique. Charlemagne lui annexa administrativement une partie de la marche d'Espagne, jusqu'à l'Èbre et appelèrent cette région marche ou marquisat de Gothie. Cette marche fut souvent victime des raids des Sarrasins en 793 par exemple. Ces derniers étaient attirés par la prospérité de la Septimanie à cette époque.

La Septimanie connut de grands progrès du monachisme bénédictin encouragé par Charlemagne. Après le partage de Verdun (843), elle fit partie du royaume de Charles le Chauve, la Francie occidentale. Elle fut partagée en 865 en deux provinces avec deux capitales Barcelone et Narbonne. Le roi Charles le Simple (893-929), accorda de nombreux avantages aux églises et monastères de Septimanie. Les premiers châteaux furent édifiés dans les cités au Xe siècle et les laïcs prirent alors possession des biens religieux : à la fin du Xe siècle, le vicomte Guillaume légua à sa fille Béziers et son évêché. La Septimanie échappa de fait aux rois francs après le règne de Charles le Simple au profit des évêques, des comtes de Provence et des ducs d'Aquitaine.

À l'époque féodale, on parlait de « duché de Narbonne » mais ce titre, aux mains des comtes de Toulouse n'entraînait aucun pouvoir réel, le pouvoir politique étant émietté entre les différents seigneurs locaux (comtes de Mauguio, de Saint-Gilles, vicomtes de Narbonne, de Carcassonne, de Razès, de Béziers, d'Agde, de Nîmes, seigneurs de Montpellier). La Septimanie, intégrée au domaine royal, disparut en tant que province, après la croisade des Albigeois (1215).

[modifier] La postérité du terme Septimanie

Ce sont les historiens qui vont adopter et transmettre le terme de Septimanie qu’ils ont trouvé chez Grégoire de Tours, dont les livres constituent la source à laquelle tous viennent puiser. On le trouve assez couramment au cours des VIIIe, IXe, Xe siècles. C’est dans leurs écrits que la Septimanie se met à désigner la partie de la Narbonnaise à l’époque où elle se trouvait sous la domination des Wisigoths puis des Francs. On peut imaginer que le terme de Septimanie était à leurs yeux plus satisfaisant que celui de Narbonnaise trop lié à l’Empire romain ou celui de Gothie pas assez franc). En fait sauf par deux auteurs membres du clergé, le terme Septimanie n’a jamais eu d’existence réelle, de réalité historique. Mais elle a une réalité culturelle et littéraire, dans laquelle elle a été forgée. De fait quand on évoque la Septimanie, on ne sait pas vraiment de quoi il est question : de l'héritage des Wisigoths, de ce qu’a été la Gothie ou de ce que la Septimanie représente pour les lettrés et érudits régionaux...

De la domination wisigothe en Septimanie, il reste le cimetière wisigoth d’Estagel avec un mobilier funéraire très intéressant mais loin de la splendeur du trésor de Guarrazar (découvert près de Tolède). Certains noms de famille « typiquement » catalans ont une racine germanique qu’on peut rattacher aux Wisigoths : Aliès vient d’Adalhaid (formé à partir des mots adal, noble et haid, la lande). Jaubert est à rapprocher de Gautberht formé de gaut, du peuple goth et de berht, brillant[5]... Mais il faut préciser que l’on trouve dans toutes les régions de France des noms de famille d’origine germanique. La présence wisigothe correspond au moment où se met en place l’organisation de l’Église. Le monastère Saint-Gilles du Gard, haut lieu de pèlerinage en Languedoc-Roussillon, aurait été fondé sur les lieux où le roi wisigoth Wamba, venu mater la rébellion du duc Paul, rencontra l’ermite Gilles[5].

[modifier] Septimanie et Languedoc-Roussillon

L'Hôtel de région en août 2005, avec une banderole « Septimanie »
L'Hôtel de région en août 2005, avec une banderole « Septimanie »

Après son élection à la tête de la région Languedoc-Roussillon en 2004 , Georges Frêche a lancé l'idée de changer le nom de la région en « Septimanie », terme qu'il estimait plus judicieux que son ancienne désignation, issue des travaux de la DATAR. Le Conseil régional a commencé à utiliser ce nom très largement. Il a toutefois rencontré une franche opposition d'une large population, surtout chez les Roussillonnais qui estimaient que le nom « Septimanie » pourrait nuire à l'identité catalane et nier la double identité culturelle présente dans la dénomination même de Languedoc-Roussillon. De plus l'ancienne Septimanie ne recouvrait pas exactement les limites du Languedoc-Roussillon actuel.

Cette opposition, cristallisée par une manifestation rassemblant 8.000 personnes à Perpignan, le 8 octobre 2005, a conduit Georges Frêche à renoncer à ce changement de nom.

[modifier] voir aussi

[modifier] Notes et références

  1. Perpignan tout va bien - Revue de presse
  2. SIDOINE, Lettres, livre III, I, 4
  3. André Bonnery, historien, cité dans http://www.perpignan-toutvabien.com/articles.php?param=full&ida=1089&idcb=63
  4. André Bonnery; La Septimanie sème la zizanie
  5. ab La Septimanie démystifiée; Le Petit Journal des Pyrénées-Orientales, juin 2004

[modifier] Liens externes