Politique gouvernementale française d'uniformisation linguistique

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La politique gouvernementale française d'uniformisation linguistique se réfère à diverses politiques menées par l'État français afin d'imposer l'usage d'une langue commune à l'ensemble des populations de son territoire, et réduire ainsi les particularismes régionaux. Ces politiques d'uniformisation linguistique accompagnent, depuis la renaissance, la création de la Nation française. Cette évolution très précoce de l'ensemble géographique français en une nation, distingue la France des autres pays, notamment dans sa politique vis à vis des langues régionales.

Amorcée sous l'ancien régime, la politique d'unité de la nation française se renforce avec la révolution française. Tout au long du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, cette politique, dans le domaine linguistique, vise à imposer l'usage unique de la langue française à l'ensemble du territoire, y compris à l'empire colonial français.

Cet usage imposé de la langue française, principalement dans les documents officiels et dans l'enseignement, vise à intégrer de force les différentes populations régionales en gommant leurs particularismes, et participe à un ensemble de mesures gouvernementales. Les moyens employés, notamment à l'école, ont fortement marqué les esprits. Les brimades et les châtiments physiques s'accompagnaient d'un sentiment de honte et de rejet de la langue vernaculaire, entrainant le déclin des patois.

Depuis la fin du XXe siècle, les mentalités ont évoluées, la culture régionale et la diversité sont vues comme des richesses à préserver. Les politiques successives de divers gouvernements visent à empêcher la disparition des langues dites "régionales"

Sommaire

[modifier] Histoire des langues en France

Le français est une langue romane originaire de France qui plonge ses racines dans le Latin, et dont l'évolution fut fortement influencée par d'autres langues, mais aussi par des groupes intellectuels ou des institutions, comme l'Académie française. C'est aujourd'hui la langue officielle et largement dominante en France, mais avant la révolution, l'usage des langues régionales de France était dominant.

Icône de détail Article détaillé : Histoire de la langue française.

[modifier] Unir la France en une Nation

[modifier] La France sous l'ancien régime

La France se distingue des autres pays européens par son évolution très précoce en une nation. Sous l'ancien régime, il s'agit principalement d'une unité géographique et une tendance vers le centralisme naissant. Des conquêtes militaires des rois de France, le territoire actuel de la France émerge très tôt. Les frontière du royaume de France sont, dès le XVIIe siècle, très proche de celles du territoire français actuel. Sur le plan politique, les Rois de France de l'époque moderne tendent à réunir le contrôle de ce territoire sous le pouvoir royal. Mais les particularisme régionaux restent très forts, et s'opposent régulièrement au pouvoir royal. Dans les domaines législatifs et fiscaux, chaque région possède ses particularités.

Sur le plan linguistique, les peuples conquis possèdent leur propre langue, très vivace. Tout au long du Moyen Âge, la langue des documents officiels est le latin. C'est à la renaissance que le français, langue du nord de la France, principalement parlée dans le bassin parisien, devient la langue officielle des Rois de France, du droit et de l'administration. Ainsi, en 1539, l'Article 111 de l'Ordonnance de Villers-Cotterêts[1] oblige à prononcer et expédier tous actes en langaige françoys. Conçu à l'origine comme un moyen de remplacer le latin dans les textes officiels — peu de sujets du XVIe siècle ayant l'éducation nécessaire à sa compréhension — il stipule également que le français, et lui seul, est désormais la langue légal dans le royaume (en langage maternel françoys et non aultrement). Néanmoins, la société cultivée continue d'employer le latin dans les universités, et la grande majorité de la population française conserve l'usage des langues régionales.

Au XVIIe siècle, des institutions sont fondées, comme l'Académie française en 1635, et la Comédie-Française en 1680.

Au XVIIIe siècle, à la veille de la Révolution française, seul un quart de la population française parle français, le reste de la population parle des langues régionales. Par contre, le français est la langue des élites européenne et de la diplomatie : elle est la langue véhiculaire de l'Europe.

[modifier] La révolution française

Au XVIIIe siècle, la Révolution Française remanie profondément l'organisation de la France, dans le but de créer un ordre nouveau. La volonté est tres marquée chez les révolutionnaire d'effacer toutes traces de l'ancien régime. La nation et l'union nationale deviennent l'un de leurs objectifs principaux.

Les révolutionnaires procèdent au remodelage des frontières intérieures de la France avec la création des départements. La loi, passée le 22 décembre 1789, prend effet l'année suivante, le 4 mars 1790. Antonin Perbòsc écrit ainsi dans la préface de son Anthologie[2]:

Lorsque la Constituante créa les départements, son but avoué était bien d'effacer l'ancienne distinction géographique et historique des provinces; toutefois ce but ne fut pas atteint autant que certains l'eussent désiré: en général, les départements résultèrent de la fragmentation des provinces, assez rarement du groupement de parties provenant de provinces différentes. ...On peut reprocher à cette division territoriale d'être trop arbitraire et trop géométrique.

Poursuivant l'élaboration d'une france nouvelle et unie, les révolutionnaires tentent également de restreindre les particularismes régionaux dans le domaine linguistique. Le 27 janvier, Bertrand Barère de Vieuzac, Occitan de Tarbes, déclare [3] devant la Convention nationale que:

La monarchie avait des raisons de ressembler à la tour de Babel; dans la démocratie, laisser les citoyens ignorants de la langue nationale, incapables de contrôler le pouvoir, c'est trahir la patrie... Chez un peuple libre, la langue doit être une et la même pour tous. [...] Combien de dépenses n'avons-nous pas faites pour la traduction des lois des deux premières assemblées nationales dans les divers idiomes de France! Comme si c'était à nous à maintenir ces jargons barbares et ces idiomes grossiers qui ne peuvent plus servir que les fanatiques et les contre-révolutionnaires!

Le 4 juin 1794, l'Abbé Grégoire présente à cette même convention son Rapport sur la nécessité et les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser la langue française[4]. Il s'ensuivit le bannissement officiel de toute langue autre que le français dans l'administration et l'éducation dans le but d'uniformiser linguistiquement la France post-révolutionnaire à une époque où seuls dix pour cent de la population parlaient couramment le français[5], c'est-à-dire quelque trois millions sur un total de vingt-huit.

[modifier] les régions

Au XXe siècle, Les départements sont regroupés en régions, créant ainsi une structure intermédiaire entre les départements et le sommet de l'État. Ces régions devaient remplacer les anciennes provinces, mais elles n'en épousèrent pas forcément les contours.

Par exemple, il y avait sept (puis onze) enclaves occitanophones dans la France d'avant 1789, telles que les territoires du Languedoc et de Gascogne. Celles-ci furent redécoupées en sept régions sans suivre les identités culturelles et linguistiques. C'est ainsi que Provence-Alpes-Côte d'Azur naquit des morceaux de cinq provinces occitanes et que trois capitales disparurent au profit de Marseille alors que l'Auvergne vint à comprendre des entités à la fois occitanes et de langue d'oïl. De même, la ville de Nantes fut administrativement soustraite à la Bretagne, dont elle avait toujours été l'une des deux capitales traditionnelles avec Rennes; et la ville de Toulouse ne fut pas incluse dans la région Languedoc-Roussillon, quoiqu'elle fût la capitale historique du Languedoc.

[modifier] l'académie française

L’Académie française est fondée en 1635 sous le règne du roi Louis XIII par le cardinal de Richelieu, et c'est l’une des plus anciennes institutions française. Son rôle premier est de "veiller sur la langue française". L'Académie a travaillé dans le passé à fixer la langue, pour en faire un patrimoine commun à tous les Français et à tous ceux qui pratiquent la langue française. En effet, il est précisé dans l’article XXIV des statuts que « la principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possible à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences. »

Aujourd’hui, elle agit pour en maintenir les qualités et en suivre les évolutions nécessaires. Elle en définit le bon usage. Elle le fait en élaborant le Dictionnaire de l'Académie française qui fixe l’usage de la langue, mais aussi par ses recommandations et par sa participation aux différentes commissions de terminologie[6].

Icône de détail Article détaillé : Académie française.

[modifier] Usage imposé de la langue française

[modifier] Politique linguistique de l'Education Nationale au XIXe et XXe siècle

La volonté de substituer l'usage des patois par la langue nationale est très présente dans le corps enseignant français au XIXe siècle. Voici par exemple les recommandations officielles d'un sous-préfet du Finistère au corps enseignant en 1845: "Surtout rappelez-vous, messieurs, que vous n'êtes établis que pour tuer la langue bretonne. "Le préfet des Basses-Pyrénées au Pays basque français écrivit en 1846: "Nos écoles au Pays Basque ont particulièrement pour objet de substituer la langue française au basque..."[7]

Dans les années 1880, Jules Ferry mit en place une série de mesures pour affaiblir les langues régionales de France, comme le montre le rapport de Bernard Poignant[8] à Lionel Jospin en 1998. Divers humiliations étaient infligées par les instituteurs de la IIIe République, allant du châtiment corporels à l'exclusion, dans le but de rendre honteux l'usage du patois. Cette politique de châtiment corporels est appliquée sur l'ensemble du territoire français, mais aussi dans l'Empire colonial de la France du XIXe et XXe siècle. Dans de nombreuses écoles en France, à cette période, on retrouve fréquemment des panneaux affichant :"Défense de cracher par terre et de parler patois".

Parmis les punitions, on retrouve un usage fréquent des coups de règle sur les doigts, se mettre à genoux sur une règle, ou pendre un objet autour du cou des réfractaires. Cette dernière pratique portait le nom de "symbole", officiellement, et de "vache", chez les élèves, les délinquants devenant des "vachards". Toute une panoplie d'objets étaient utilisés, des sabots, des fers à cheval, de gros galets, des ardoises, des plaques de bois gravées d'un message, des pièces de monnaie affublées d'une croix...

[modifier] La honte

Les traumatismes subit à l'école découragent l'usage des langues régionales, créant un sentiment de honte chez les écoliers, que l'on retrouve dans toutes les régions qui possédaient leur propre langue. Dans les régions de langue occitane, ce sentiment de honte se cristallisa dans la notion de Vergonha, qui signifie honte en occitan et se prononce [beɾˈguɲɔ]. Ce mot fait spécifiquement référence à l'ensemble des répercussions des diverses politiques gouvernementales sur les français parlant patois. La Vergonha, non limité au pays de langue d'oc, consiste au rejet forcé et honteux de sa langue natale en conséquence d'une exclusion officielle, d'humiliation à l'école et de l'ostracisme médiatique organisés par les autorités françaises.

Le choix même du terme "patois" est vécue comme péjoratif. Il est un synonyme imparfait de "dialecte" ou "parler" et n'a d'équivalent strict dans aucune autre langue que le français. Jean Jaurès, homme politique occitan et occitanophile de Castres, déclara ainsi qu'"on appelle patois la langue d'un peuple vaincu"[9]. Selon le Chambers Dictionary[10], l'origine du terme est disputée mais pourrait être une "corruption de patrois, du latin vulgaire patriensis, autochtone". Le Gran Diccionari de la LLengua Catalana[11] affirme que le mot est "dérivé de la racine patt-, patte, qui exprime grossièreté et familiarité" et le définit comme un "parler dialectal, en particulier celui qui manque de culture littéraire et qu'on n'emploie que dans les conversations familières".

Jaume Corbera Pou[12],[13], linguiste catalan, déclare dans un article intitulé El patuès dels vells (Le patois des vieux):

Lorsqu'au mileu du XIXe siècle, l'école primaire est rendue obligatoire à travers l'État, on indique aussi clairement que seul le français y sera enseigné, et les maîtres d'école puniront sévèrement tout élève parlant patois. Le but du système éducatif français ne sera donc pas de donner sa dignité à l'humanité naturelle des enfants en développant leur culture et en leur apprenant à écrire leur langue, mais plutôt de les humilier et de les rabaisser moralement pour le simple fait d'être le produit de traditions et de la nature.
[...]
La France [...] a le misérable honneur d'être l'État d'Europe — et probablement du monde — qui a le mieux réussi dans sa quête diabolique de destruction de son propre patrimoine ethnique et linguistique et de surcroît, de destruction du tissu familial et humain: de nombreux parents et enfants, ou bien des grands-parents et leurs petits-enfants, ont des langues différentes, et ces derniers ont honte des premiers parce qu'ils parlent un méprisable patois, et aucun élément de la culture des aïeux n'a été transmis à la jeune génération, comme s'ils étaient nés sur une autre planète.

[modifier] Déclin de l'usage des patois

  • recherche de statistique sur l'évolution de la population parlant des patois, divers exemple, recherche d'ouvrages d'historiens/sociologue/linguistes sur le sujet.

[modifier] Changement à la fin du 20eme siècle, retour des langues régionales

[modifier] dans l'éducation nationale

cours de langue régionale dans les écoles et à l'université

[modifier] dans la culture populaire

Diversité, culture régionales vue comme une richesse, développement du tourisme, argument économique

diverses opérations visant à rétablir la présence des langues régionales dans la vie de tous les jours

  • à la télévision : FR3 région, Radio France Outremer : journaux et émissions en langue du pays
  • publications en langues du pays ?
  • nom de rues en langue régionale
  • Signalisation bilingue

[modifier] Problèmes constitutionnels

En 1992, après que certains se furent interrogés sur la ségrégation anticonstitutionnelle des langues minoritaires en France, l'Article II de la Constitution française de 1958 fut amendé de manière à ce que la langue de la République [fût] le français. Ceci fut réalisé à peine quelques mois avant que le Conseil de l'Europe ne mît en place la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires[14], que Jacques Chirac ignora[15] malgré le plaidoyer de Lionel Jospin devant le Conseil constitutionnel en vue d'inclure toutes les langues vernaculaires parlées sur le sol français. La France est par ailleurs le seul pays européen avec Andorre et la Turquie à n'avoir toujours pas signé la convention-cadre pour la protection des minorités nationales, qui effective depuis 1998 est désormais obligatoire à appliquer pour tout candidat à l'entrée dans l'Union.

Ce débat divise la classe politique française. Le problème se posant sur la reconnaissance légale des langues régionales et leur usage en temps que langues officielles dans les textes administratifs, et l'obligation de traduire entièrement tout texte de ce type, notamment les lois, décrets et jugement de tribunaux. Ces problématiques reviennent fréquemment dans le débat publique, en France métropolitaine, mais aussi dans les collectivités d'Outre-Mer.

Sur le site de l'Union pour un mouvement populaire[16], Nicolas Sarkozy nie toute discrimination et annonce lors d'un discours pré-électoral à Besançon le 13 mars 2007 que:

Si je suis élu, je ne serai pas favorable à la Charte européenne des langues régionales. Je ne veux pas que demain un juge européen ayant une expérience historique du problème des minorités différente de la nôtre, décide qu’une langue régionale doit être considérée comme langue de la République au même titre que le français.
Car au-delà de la lettre des textes il y a la dynamique des interprétations et des jurisprudences qui peut aller très loin. J’ai la conviction qu’en France, terre de liberté, aucune minorité n’est opprimée et qu’il n’est donc pas nécessaire de donner à des juges européens le droit de se prononcer sur un sujet qui est consubstantiel à notre identité nationale et n’a absolument rien à voir avec la construction de l’Europe.

Sa rivale socialiste Ségolène Royal, au contraire, se déclare prête à appliquer la Charte dans un discours[17] prononcé en mars 2007 en Iparralde au nom de la variété culturelle en France:

Les identités régionales constituent une formidable valeur d'avenir et je crois que c'est en faisant le lien entre ces valeurs fondamentales qui font l'identité de toujours entre la France et la nation française dans sa diversité, dans son authenticité, dans ses traditions authentiques [...] que l'Etat fonctionne bien.

[modifier] Annexes

[modifier] Notes et références

  1. Texte sur assemblee-nationale.fr
  2. Cité dans Georges Labouysse: Histoire de France: L'Imposture. Mensonges et manipulations de l'Histoire officielle p. 234. IEO Edicions
  3. France: politique linguistique sur le français
  4. Rapport Grégoire an II (ABC de la langue française)
  5. L'Abbé Grégoire en guerre contre les "Patois"
  6. Ce texte est en partie tiré de académie française sur la Wikipedia en français, sous GFDL liste des auteurs
  7. Georges Labouysse: Histoire de France: L'Imposture. Mensonges et manipulations de l'Histoire officielle pp. 90-92. IEO Edicions
  8. Rapport Poignant
  9. Do you speak french ?
  10. patois pat'wä, n spoken regional dialect; (loosely) jargon: — pl patois (-wäz). [Fr; origin disputed, some suggesting corruption of patrois, from LL patriensis a local inhabitant]
  11. Gran Diccionari de la LLengua Catalana
  12. Llengua Nacional, revue linguistique catalane, printemps 2002
  13. FPL:Forum des Peuples en Lutte - Le patois des vieux - el patuès dels vells
  14. Council of Europe - ETS no. 148 - European Charter for Regional or Minority Languages
  15. Imprimer :: Langues régionales : Jospin saisit Chirac - l'Humanite
  16. Charte européenne des langues régionales - Nicolas Sarkozy - propositions élection présidentielle 2007
  17. Charte des langues régionales : C'est OUI - Avec Ségolène ROYAL dans le Finistère

[modifier] Liens et documents externes

Autres langues