Coup d'État du 2 décembre 1851

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Louis-Napoléon Bonaparte, Président des Français en 1851

Le coup d'État du 2 décembre 1851 est le coup d'État effectué par Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, qui arrive par ce moyen à dissoudre l'Assemblée nationale française sans en avoir le droit constitutionnel, à devenir seul maître de la France, et rétablit le suffrage universel, précédemment aboli par l'Assemblée. Ces décisions et la prolongation de son mandat à 10 ans sont plébiscités par référendum tout comme l'établissement du Second Empire à compter du 2 décembre 1852 devenant ainsi « Napoléon III, empereur des Français »

Sommaire

[modifier] Motifs

Depuis qu'il a été élu au suffrage universel avec 74% des voix et avec le soutien du Parti de l'Ordre « Président des Français » en 1848 contre Louis Eugène Cavaignac, Louis-Napoléon Bonaparte est en confrontation politique perpétuelle avec les députés de l'Assemblée nationale.

Ce « crétin que l'on mènera », selon l'expression d’Adolphe Thiers qui croyait avoir affaire à un imbécile manipulable quand il l'avait soutenu pour être candidat à la présidence de la république, s'avère finalement beaucoup plus intelligent et retors. Il parvint à imposer ses propres choix et ne pas être sous le contrôle de l'Assemblée, redevenue conservatrice après les journées de Juin 1848. Il s'éloigne du parti de l'Ordre, qui l'a élu, et forme le « ministère des Commis » avec le général Hautpoul à ses ordres, en 1849. Le 3 janvier 1851, il renvoie Changarnier, un opposant, ce qui provoque une crise ouverte avec son parti. Cette même année, il commence à financer des journaux anti-parlementaires, et forme un groupe de 150 députés acquis à sa cause, le « parti de l'Élysée ».

La constitution établissant la non-rééligibilité du président condamne Louis-Napoléon à quitter le pouvoir en décembre 1852. La première moitié de l'année 1851 est passée à proposer des réformes de la constitution afin qu'il soit rééligible, Bonaparte organise des tournées en province, des pétitions. Les deux tiers des conseils généraux rallient sa cause, mais les orléanistes de Thiers s'allient à la fraction ouverte de gauche « Montagne parlementaire » pour le contrer. Cette majorité vote la défiance du ministère des Commis en janvier 1851. L'Assemblée refuse en bloc la réforme constitutionnelle le 19 juillet 1851, et supprime même le suffrage universel. Les classes populaires ne se reconnaissent plus dans le régime.

[modifier] Préparatifs

Le coup d'État est minutieusement préparé à partir du 20 août 1851 à Saint-Cloud. Le complot regroupe Persigny, un fidèle de Louis-Napoléon, le duc de Morny, son demi-frère, et le général de Saint-Arnaud. Le 14 octobre, Louis-Napoléon redemande à l'Assemblée nationale de rétablir le suffrage universel, mais elle refuse, tout comme (le 13 novembre) sa nouvelle proposition de révision de la Constitution, devant lui permettre d'être rééligible en tant que « président de la République ». Organisé, il nomme le général de Saint-Arnaud au ministère de la Guerre (27 octobre), qui rappelle aux militaires leur devoir « d'obéissance passive », le 1er novembre 1851, par une circulaire qui demande de veiller au salut de la société. D'autres proches sont placés aux postes clés : le général Magnan est nommé commandant des troupes de Paris ; le préfet de la Haute-Garonne, Maupas, est promu préfet de police de Paris. Convaincu de la nécessité d'un coup d'État du fait des derniers refus de l'Assemblée, Louis Napoléon le fixe lui-même pour le 2 décembre, jour anniversaire du sacre de Napoléon en 1804 et de la victoire d'Austerlitz en 1805. L'opération est baptisée Rubicon, par allusion à Jules César.

[modifier] Coup d'État du 2 décembre 1851

Au matin du 2 décembre, les troupes de Saint-Arnaud occupent tous les points stratégiques, des Champs-Élysées aux Tuileries. Après avoir fait arrêter les principaux opposants, Louis-Napoléon édicte six décrets décisifs, fait afficher une « proclamation au peuple » à destination des Français, et une autre à destination de l'armée, qui déclare l’état de siège. Des six décrets, l'un dissout l'Assemblée nationale, un autre rétablit le suffrage universel, un autre déclare qu'une nouvelle Constitution est en préparation. Son Appel au peuple annonce son intention de restaurer « le système créé par le Premier Consul ».

Ce coup d'État ne va pas sans agitation. Les parlementaires se réfugient dans la mairie du Xe arrondissement et 220 députés votent la déchéance de Louis-Napoléon, notamment des orléanistes libéraux comme Rémusat ou Salmon et des républicains modérés comme Pascal Duprat. Ils sont aussitôt arrêtés. Malgré l'habile contrôle par l'armée de ce fief républicain qu'est la capitale, une insurrection parisienne débute avec à sa tête plusieurs parlementaires républicains, comme Victor Schoelcher ou Victor Hugo. Plus de 70 barricades sont dressées et des insurgés sont abattus. Le 3 décembre, le député Jean-Baptiste Baudin est tué alors qu'il tient la barricade du faubourg Saint-Antoine. Dans l'après-midi du 4 décembre 1851, la fusillade des Boulevards fait 200 victimes. Au soir, la révolte populaire est matée, Paris est sous contrôle, les Parisiens retournent à leur vie quotidienne. Les dernières barricades, dont faisait partie Hugo, ne tombèrent que le 5 décembre.

[modifier] L'agitation nationale

La nouvelle du coup d'État se diffuse encore à travers la France et déclenche dans d'autres lieux quelques insurrections. Le 5 décembre plusieurs mouvements populaires sont signalés dans plusieurs grandes villes, mais particulièrement dans le Sud-Est (Aups, Les Mées, Apt, Digne, Manosque, etc...). Le département des Basses-Alpes en vient même à être administré par un « Comité départemental de résistance », le 7 décembre 1851, mais l'armée, fidèle au Président s'organise pour rétablir la volonté de l'exécutif. 32 départements sont mis en état de siège dès le 8 décembre, les zones de « résistance » républicaine au coup d'État sont maîtrisées en quelques jours, les opposants sont arrêtés ou doivent s'enfuir, tel Victor Hugo qui part de lui-même à Bruxelles. 26 000 personnes sont arrêtées, 15 000 sont condamnés dont 9 530 déportées en Algérie, 239 au bagne de Cayenne. 80 députés sont bannis.

[modifier] L'apaisement

La victoire assurée, l'ordre rétabli, les bonapartistes s'installent. Les généraux Vaillant et Harispe sont faits maréchaux de France le 11 décembre. Une constitution est en cours d'élaboration. Un référendum est également prévu afin de demander aux Français de ratifier le nouvel ordre. Le coup d'État est présenté comme une opération de sécurité face au péril rouge[réf. nécessaire].

Le 20-21 décembre c'est finalement par plébiscite que les Français acceptent les réformes du « prince-président », le coup d'État est ratifié par l'immense majorité des 7 481 000 de « oui » face à 647 000 « non ». Seuls les bulletins Oui étaient imprimés, les Non devaient être écrits à la main ; de plus, on donnait le bulletin au président du bureau de vote qui le glissait lui-même dans l’urne[1]. Louis-Napoléon se voit confier les pouvoirs nécessaires pour établir une nouvelle constitution.

[modifier] Conséquences

La Constitution française fut donc modifiée. Celle-ci confiait le pouvoir exécutif à un Président élu pour dix ans, titulaire de l'initiative législative, réduisant ainsi très fortement la marge d'action du corps législatif dans la tradition des régimes autoritaires concentrant les pouvoirs entre les mains de l'exécutif.

Le 21 décembre 1851, le corps électoral se prononce favorablement sur la révision par 7 439 216 «oui» contre 640 737 «non »(résultats provisoires du 31-12-1851) ou 7 481 231 " oui" contre 647 292 "non", pour les résultats définitifs publiés par le décret du 14 janvier 1852 (pour environ 10 millions d'inscrits et 8 165 630 votants dont 37 107 nuls)

La Seconde République va, en moins d'un an, muer vers le Second Empire, établi, encore une fois après référendum, par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852. La « dignité impériale » est rétablie au profit du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, élu par le peuple français, qui devenait officiellement « Napoléon III, Empereur des Français » à compter du 2 décembre 1852, date anniversaire symbolique du coup d'État, du sacre de Napoléon Ier et de la victoire d'Austerlitz.

[modifier] Bibliographie

  • Maurice Agulhon, 1848 ou l'apprentissage de la République (1848-1852), Paris, Le Seuil, "Points", rééd., 1992 [1973], pp. 183-217.
  • Henri Guillemin, Le coup du 2 décembre, Paris, Gallimard, 1951.
  • Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, dans Les luttes de classes en France, Paris, Gallimard, 1994, ISBN 978-2-07-042231-9.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles de Wikipédia

[modifier] Références

  1. Frédéric Négrel, « Décembre 1851 à Artignosc », Verdon no 1, estieu 1999, p 84

[modifier] Liens externes


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