Thériaque

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Sommaire

[modifier] Historique

  • La thériaque (appelée θηριον par les grecs) est un célèbre contrepoison décrit pour la première fois par Andromaque, médecin de Néron. S'inspirant du contrepoison de Mithridate, Andromaque décrit en vers élégiaques un mélange de plus de cinquante drogues, plantes et autres ingrédients dont le castoréum, l'opium, la vipère et la scille. Au IIe siècle, le médecin grec Galien inventa la thériade, qui fut au contraire, le premier antidote contre les poisons à base de jus de pavot.
  • Du fait de nombreuses fraudes durant sa fabrication, les apothicaires parisiens décidèrent au XVIIe siècle de la préparer en public devant des médecins et des représentant des autorités. C'est Moïse Charas qui le premier, en 1667, rendit sa formule publique. Il la préparait au cours de la semaine de la thériaque, vers le mois de février. Sa préparation nécessitait plus d'un an et demi (car elle devait fermenter) et faisait appel à plusieurs dizaines d'ingrédients végétaux, minéraux et animaux des plus variés, sans compter le vin et le miel : gentiane, poivre, myrrhe, acacia, rose, iris, rue, valériane, millepertuis, fenouil, anis ainsi que de la chair séchée de vipère et de castor.
  • La thériaque, qui passait pour une véritable panacée, devait la majeure partie de son action à l'extrait d'opium qu'elle renfermait (environ 25 mg pour 4 grammes). Elle ne fut supprimée du Codex qu'à la fin du XIXe siècle.

[modifier] Composition

  • La formule de la thériaque telle que la donne Galien fut exactement rapportée dans divers ouvrages, et notamment dans la pharmacopée de Johann Zwelfer (Pharmacopoeia augustana, 1653) et le Codex français de 1758. Il y entre alors des trochisques (rondelles desséchées) de scille, de vipère et d’hédicron. Depuis Zwelfer, la formule primitive avait été lentement modifiée, mais sur des points de détail seulement : certains composants ne se rencontrant plus dans le commerce de la droguerie, on leur avait substitué des produits équivalents. La modification la plus importante fut, dans la seconde moitié du XIXe siècle seulement, l’abandon de la chair de vipère desséchée.
  • La formule légale de la thériaque, à la fin du XIXe siècle, était la suivante selon le Codex (poids des composants donné en grammes) :
Opium de Smyrne : 120 ; gingembre : 60 ; iris de Florence : 60 ; valériane : 80 ; acore aromatique : 30 ; rapontic (rhubarbe) : 30 ; quintefeuille (potentille) : 30 ; racine d’aristoloche : 10 ; racine d’asarum : 10 ; racine de gentiane : 20 ; racine de meum : 20 ; bois d’aloès : 10 ; cannelle de Ceylan : 100 ; squammes de scille : 60 ; dictame de Crète(marjolaine) : 30 ; feuilles de laurier : 30 ; feuilles de scordium : 60 ; sommités de calament : 30 ; sommités de marrubes : 30 ; sommités de pouliot : 30 ; sommités de chamaedrys (germandré) : 20 ; sommités de cammaepitys : 20 ; sommités de millepertuis : 20 ; rose rouge : 60 ; safran : 40 ; fleurs de stoechas (lavande) : 30 ; écorce sèche de citron : 60 ; poivre long : 120 ; poivre noir : 60 ; fruits de persil : 30 ; fruits d’ammi : 20 ; fruits de fenouil : 20 ; fruits d’anis : 50 ; fruits de séseli : 20 ; fruits de daucus de Crète (carotte) : 10 ; fruits d’ers : 200 ; fruits de navet : 60 ; fruits de petit cardamome : 80 ; agaric blanc (champigon de Paris) : 60 ; suc de réglisse : 120 ; cachou : 40 ; gomme arabique : 20 ; myrrhe : 40 ; oliban : 30 ; sagapénum (Gomme séraphique) : 20 ; galbanum (extrait de férule) : 10 ; opopanax : 10 ; benjoin : 20 ; castoréum : 10 ; mie de pain : 60 ; terre sigillée : 20 ; sulfate de fer sec : 20 ; bitume de Judée : 10.
On pilait toutes ces substances convenablement desséchées, on les passait au tamis de soie de manière à obtenir une poudre très fine et à laisser le moins possible de résidus : c’était la poudre thériacale. On prenait alors 1000 grammes de cette poudre, 50 grammes de térébenthine de Chine, 3500 grammes de miel blanc et 250 grammes de vin de Grenache.
On liquéfiait dans une bassine la térébenthine, et on y ajoutait assez de poudre thériacale « pour la diviser exactement ». D’autre part on faisait fondre le miel et, tandis qu’il était assez chaud, on l’incorporait peu à peu au premier mélange ; on y ajoutait alors par petites quantités le reste de la poudre et du vin, ce qui devait donner finalement une pâte un peu molle.
Après quelques mois, on triturait de nouveau la masse dans un mortier pour la rendre parfaitement homogène.

[modifier] Mode d’administration et doses

La thériaque était un électuaire, c’est-à-dire une pâte de consistance un peu plus solide que le miel, assez molle quand elle était récente, assez ferme lorsqu’elle avait vieilli (souvent de plusieurs années). Sa couleur était noirâtre en raison du suc de réglisse qu’elle contenait. Pour les affections internes, on l’administrait ordinairement à raison de 4 grammes chez l’adulte, et de 50 centigrammes à 2 grammes chez les enfants, selon l’âge. On la faisait prendre soit nature, soit en potion en la délayant dans de l’eau. Pour les affections externes, elle pouvait s’employer en pommade, ou en teinture après l’avoir délayée dans de l’ eau-de-vie (dans la proportion d’une partie de thériaque pour 6 d’eau-de-vie).

[modifier] Sources

  • La composition et le mode d’administration de la thériaque sont extraits de :

-Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales sous la direction d’A. Dechambre et L. Lereboullet, Paris, Masson , et Asselin et Houzeau, 1887, tome XVII, p. 172-175.

  • On trouvera la composition de la thériaque telle qu'elle était habituellement préparée au XVIIIe siècle dans

-Nicolas Lémery, Pharmacopée universelle..., Nyon, J.-T. Hérissant,1764 (1re édition, Paris, 1697), Tome II, p. 685-688.

N. B. Ces ouvrages sont consultables en ligne sur le site Gallica de la Bibliothèque nationale de France.


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