Sophie Scholl - les derniers jours

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Sophie Scholl - les derniers jours (en allemand Sophie Scholl - Die letzten Tage) est un film allemand sorti en 2005. Le cinéaste Marc Rothemund a réalisé ce film, avec Julia Jentsch dans le rôle de Sophie Scholl.

Cour intérieure de la LMU, l'université de Munich, au dessus de laquelle Sophie jette les tracts antinazis.
Cour intérieure de la LMU, l'université de Munich, au dessus de laquelle Sophie jette les tracts antinazis.

Sommaire

[modifier] Le film

[modifier] Résumé

Il retrace les 6 derniers jours de la vie de la jeune étudiante, du 17 au 23 février 1943, depuis le lancement de tracts dans le hall de l'université de Munich, son arrestation, son interrogatoire jusqu'à son exécution. Le réalisateur nous lance le défi de nous demander comment nous aurions réagi à la place de ces étudiants. Sophie Scholl, elle, maintient ses convictions jusqu’au bout, mais évite tant qu’elle peut d’entraîner ses compagnons avec elle vers un triste destin. Elle reste digne et posée face à ses accusateurs, ce qui la rend d’autant plus émouvante.

[modifier] Commentaires

[modifier] Un esprit vif de libre pensée

Si les procès-verbaux à partir desquels se basent le film ont été fidèlement retranscrits, l'exemplarité des réponses et des convictions de Sophie Scholl fait d'elle une véritable héroïne de la résistance du peuple allemand plongé dans l'oppression nazie et les mensonges de sa propagande. Condamnée à la peine capitale à l'âge de 21 ans, elle avance des propos d'une acuité extraordinaire concernant l'importance de la conscience face aux actes qui sont demandés aux Allemands dans la tournure de guerre totale que prend la guerre, alors que l'année 1943 fait apparaître le siège de Stalingrad [1]. L'analyse des Alliés du système de fonctionnement mis en place dans l'Allemagne nazie fit apparaître que les divers intervenants de la machine de l'holocauste agirent en exécutant des ordres avec une rigueur bureaucratique, mettant de côté toute considération morale ou prise de conscience devant leurs actes. La clairvoyance des points de vue de Sophie Scholl sur la ruine vers laquelle le régime va mener la nation sur la scène internationale est exceptionnelle alors que la population civile est sommée au silence sous la pression des organes de sécurité du régime oppressif nazi ; la seule posture tenue par les intellectuels critiques face à la montée du régime a été, jusqu à l'exemple de Sophie Scholl et de ses compagnons de la Rose Blanche, la fuite.

[modifier] Les protagonistes du drame

Les protagonistes de cette histoire sont fondamentaux pour mettre en valeur la prise de position radicale à laquelle est amenée Sophie Scholl au cours de l'évolution de l'enquête et de la mise en accusation.

Sophie et Hans ont une relation de fraternité très forte qui se surajoute à la motivation de leur engagement citoyen : leur but est d'alerter leurs compatriotes des chimères du régime. Dès l'arrestation, les deux suspects sont tenus à l'écart par le secret de l'instruction. Le point de vue se concentre donc sur la vision de Sophie, et souligne son état de solitude face à la mécanique bureaucratique dont elle est l'objet. La prisonnière communiste qui l'accueille dans les geôles du commissariat central est le personnage qui, par ses conversations avec Sophie, lui permet de révéler le sens tragique de sa condition humaine, par ses aspirations de vie amoureuse [2]. En parallèle, les scènes d'entretien avec l'enquêteur Robert Mohr sont le terrain d'une confrontation qui rejaillit sur le sens de l'Histoire qui fait débat dans l'historiographie allemande actuelle : Sophie Scholl et Robert Mohr confrontent des points de vue sur le droit, le sens national de l'engagement et la morale ; ces points de vue synthétisent tout le fossé qui s'est creusé entre, pour l'une, l'Allemagne démocratique d'Après-guerre éprise de pacifisme et d'épanouissement personnel, et pour l'autre, la situation de l'Allemagne des années vingt dont le présent du film est la conséquence [3], et réprouve tout défaitisme qui mènerait à envisager l'occupation de son pays par une tutelle étrangère. La concentration des pouvoirs effectuée depuis l'accession au pouvoir des nazis (lire Gleichschaltung, 1933) fournit le contexte préalable à cette divergence radicale entre deux compatriotes telle que le montre le film : cet enquêteur de la police fait son travail de manière professionnelle, sans que pointe le moindre rattachement partisan à l'idéologie fasciste (que l'on retrouve indubitablement dans l'attitude crispée du sous-fifre qui surveille les déplacements de Sophie, ainsi que dans celle du juge nazi). Leurs échanges, indépendants de l'influence du pouvoir en place, sont donc illustratifs de l'évolution de la pensée du peuple avant et après le conflit. Sophie est moderne parce qu'elle développe dans le film toute la ténure du rejet des compromissions qui ont fait sombrer l'Allemagne dans le fascisme.

La sortie de cette œuvre de cinéma après La Chute s'insère donc dans le débat dépassionné actuel concernant le récit national: un regard cru sur les individus face au pouvoir et leurs rémissions lorsque la tyrannie survient, laissant unique l'exemple d'une jeune étudiante tenir le flambeau, tenir par sa ferveur et son éducation aux principes, et payer de sa vie le prix de ses convictions. L'heure n'est plus à la dénonciation des bourreaux sadiques montrés du doigt dans les films des années soixante comme l'incarnation du Mal, mais à l'examen des postures de chacun devant le caratère inique du régime autocratique.

[modifier] La dimension tragique et psychologique

Le drame est tissé par l'"effet réalité" obtenu par la vision subjective qui est offerte au spectateur : du début au dénouement, il suit les pas de Sophie Scholl et l'évolution de sa pensée pendant ce brusque enfermement.

C'est donc une réflexion sur le courage individuel face à l'aliénation. Le monde extérieur vu par Sophie avant sa disparition est une parabole de la Grande Allemagne en ces heures noires : une vaste prison administrative.

Cette focalisation sur le personnage féminin a apparemment accompagné dans le scénario des effets dramatisant le rôle : à la lecture de l'article sur son frère Hans Scholl, il semble que ce soit lui qui ait prononcé la phrase à l'adresse du tribunal « Dans quelque temps, c'est vous qui serez à notre place » au moment de la prononciation de la condamnation. Dans le film, cette réplique clairvoyante est dévolue au personnage de Sophie.

On peut donc s'interroger sur la représentation que ce film donne, ce qui ne retire cependant rien au pragmatisme et à la lucidité de son analyse sur les chances qu'a le pays, engagé dans le conflit face aux puissances alliées.

[modifier] L'appareil judiciaire sous le nazisme

Le procès dans le film, Sophie à la barre


De manière plus générale, le film montre également la machine judiciaire d'un pays occidental tel que le totalitarisme l'a dévoyé, puisque les résistants font l'objet d'un procès pour haute trahison par leurs agissements qui relèvent du principe de la liberté d'expression que les fascistes ont étouffée : avocats de la défense et partie civile sont aux ordres devant la figure inquisitoriale d'un juge, Roland Freisler,[4] qui applique la doctrine du régime dans une brutalité visant à faire un exemple pour le reste de la population. Les institutions ont été phagocytées par le parti, et le procès public n'a comme assistance que des uniformes gagnés à la cause. Les trois condamnés de la Rose Blanche ont été exécutés immédiatement, sans respect du délai de 99 jours prévu par la loi fondamentale. Plongé dans une guerre idéologique contre un ennemi extérieur, le régime avait peur de l'effondrement du front intérieur par un soulèvement populaire tel que les troubles que connut le pays l'année 1918.

Pour les faits de 1943, voir l'article détaillé : le procès de la Rose Blanche.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Références

  1. Cette bataille est la première défaite de la Wehrmacht, qui met fin au mythe de son invincibilité sur tous les fronts jusque lors.
  2. réminiscences d'un séjour sur les côtes de la mer du Nord avec son fiancé.
  3. Robert Mohr a vécu la défaite de la grande guerre, l'humiliation perçue du Diktat de Versailles : il est ainsi imprégné de l'esprit de revanche.
  4. Roland Freisler : juge du Volksgerichtshof, le soit-disant tribunal du peuple, comme le film l'indique dans le générique final.

[modifier] Liens internes

[modifier] Lien externe

(de) site officiel du film