Semikha

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La semikha (hébreu: סמיכה, « imposition [des mains] »), plus exactement semikha lerabbanout (hébreu: סמיכה לרבנות, « ordination rabbinique »), également appelée semikhout (hébreu: סמיכות, « ordination »), désigne à l'origine le geste par lequel l'autorité était transmise au sein des enfants d'Israël, et signifie actuellement l'ordination d'un rabbin au sein du judaïsme, bien que tous les rabbins n'en soient pas détenteurs.

Le terme dérive d'un mot hébreu qui signifie « s'appuyer [sur] » au propre et au figuré. Selon la tradition juive, c'est par le même geste que les pécheurs utilisaient pour décharger leurs fautes sur leurs offrandes expiatoires, que l'autorité en matière de Halakha était conférée à un individu, depuis Moïse et les 70 Anciens, en une chaîne ininterrompue jusqu'à la destitution du Sanhédrin, alors dirigé par Hillel II, aux alentours du IVe siècle de notre ère. Elle aurait alors disparu, bien que plusieurs aient tenté de la réintroduire au cours des siècles.

La remise d'un « diplôme rabbinique » par une institution ou une haute école rabbinique est d'institution très récente, et pas toujours en vigueur dans le monde haredi, où de nombreux rabbins occupent des fonctions importantes sans posséder de semikha « en bonne et due forme. »

Sommaire

[modifier] La Semikha à l'époque de la Torah

Selon la Bible hébraïque, Moïse transmet son autorité à Josué, le fils de Noun, en lui imposant ses mains au devant du peuple et en présence du Cohen Gadol Eléazar[1]; il procède de même avec les 70 Anciens[2], lesquels ont à leur tour imposé leurs mains sur leurs successeurs, qui l'ont fait avec leurs propres successeurs, dans une chaîne ininterrompue jusqu'à la chute du Second Temple de Jérusalem, au premier siècle de notre ère[3]. Ce geste, déjà mentionné dans le rituel de l'offrande en holocauste pour transmettre à un animal le poids des fautes de celui qui l'offre, sert à transmettre l'esprit de sagesse[4].

[modifier] La Semikha dans la Mishna et le Talmud

Après la destruction du Second Temple et la dispersion d'une grande partie du peuple juif, la chaîne directe transmise qui remontait à Moïse se serait, selon certaines traditions, brisée, alors que d'autres[5] soutiennent qu'elle s'est continuée par la fonction de rabbin et la transmission de la Torah.

En effet, outre la Bible, qui dit du prophète Moïse qu'il ne s'est levé nul comme lui en Israël, la tradition midrashique fait de lui le « premier rabbin » des enfants d'Israël, et l'appelle Moshe Rabbenou (« Moïse notre Maître »); d'autres prophètes, dont Elie, reçoivent ce titre de Rabbi[6]. De la sorte, on peut considérer que, comme toute personne transmettant son autorité l'a lui-même reçue, le rituel consigné dans le Talmud est la continuation de la Semikha. C'est vraisemblablement à cette epoque qu'il est decrete que seul les possesseurs d'une semikha peuvent prendre des décisions religieuses et juridiques[7].

Selon certains, cette « imposition des mains » représente effectivement l'ordination[8], tandis que selon d'autres, il est certain que Moïse a imposé les mains à Josué, mais dans les générations suivantes, ce geste n'était pas requis pour l'ordination[3], et la plupart des rabbins auraient conféré le titre de « Rabbi » au moyen d'une formule écrite et d'une cérémonie orale. Cette pratique était particulièrement répandue en Babylonie, car la semikha ne peut être faite qu'en terre d'Israël. Les maitres recevaient toutefois le titre de « Rav » et non de « Rabbi. » Les Sages de Babylone reconnaissaient la suprématie des Sages juifs de Palestine.

La situation changea après la révolte de Bar Kokhba en 132-135 de notre ère. Celle-ci n'ayant été écrasée qu'après de lourdes pertes romaines, l'empereur Hadrien prit de nombreuses mesures pour affaiblir la Judée. Le Sanhédrin, étant la plus haute instance législative et religieuse du peuple juif, fut donc destituée. Selon le Talmud, Hadrien aurait interdit de procéder aux semikhot, puni de mort tous ceux qui la donneraient ou l'accepteraient, rasant en outre la ville où la cérémonie se serait tenue[9]. Toutefois, il semble plus vraisemblable de situer la disparition de la semikha en bonne et due forme en 425, lorsque Théodose II supprima à la fois le patriarcat et le Sanhédrin. À l'instar des traditions crypto-juives parmi les convertis de force à d'autres religions, il est en effet permis de supposer une survivance de la semikha jusque-là. Toutefois, ces semikhot « privées » n'ayant pas été faites selon le rite, quelques-uns soulignent que ce qui n'a pas été interrompu c'est la transmission de la Torah et de la tradition dans leur esprit et leur enseignement.

[modifier] Types de Semikhot

Le Talmud donne les trois classes de semikhot qui ont été définies (Sanhédrin 5a) :

[modifier] Yoreh Yoreh

Le bénéficiaire de cette semikha a prouvé des connaissances et un discernement suffisants pour être en mesure de prononcer des jugements halakhiques sur les questions de loi religieuse concernant la vie quotidienne telles que la cacheroute, la niddah, et les activités acceptables ou interdites les jours de Shabbat ou de Yom Tov.

[modifier] Yadin Yadin

Le bénéficiaire de cette semikha a prouvé des connaissances et un discernement suffisants pour être en mesure de prononcer des jugements sur les questions halakhiques de loi religieuse concernant les litiges sur l'argent et les biens.

[modifier] Yatir Bechorot Yatir

Le bénéficiaire de cette semikha a prouvé des connaissances et un discernement suffisants pour être en mesure de déterminer le statut rituel des premiers-nés des animaux sur lesquels on observe une tache. Ce degré requiert des connaissances vétérinaires étendues.

Les deux premières classes existent encore aujourd'hui mais non la dernière.

[modifier] Semikha post-talmudique

[modifier] Le déclin des semikhot classiques

Selon certains auteurs juifs qui se sont exprimés à ce sujet, parfois au cours du quatrième siècle de notre ère, au temps de Hillel II, la semikha originale, avec tous les pouvoirs qu'elle accordait alors, a cessé d'exister (mais nous avons signalé que certains auteurs contestent le fait).

Une minorité d'auteurs juifs maintiennent qu'une forme de la semikha originale a continué à se pratiquer en petit nombre jusqu'à une date aussi tardive que le onzième siècle de notre ère.

Certains auteurs juifs se réfèrent à « la chaîne ininterrompue de transmission » et maintiennent que la lignée des semikhot ne s'est jamais brisée. Ils tracent une chaîne de personnes avec leurs noms allant de Moshé jusqu'au vingt et unième siècle, soutenant que la semikha s'est poursuivie par une transmission ininterrompue d'impositions des mains et/ou avec reconnaissance proclamée oralement du titre de rabbin, et surtout la transmission perpétuelle de l'enseignement de la Torah, l'esprit inspiré de la Torah, et de la tradition.

Si la semikha classique n'a pas été conservée en secret, la méthode d'intronisation par bénédiction orale, la poignée de main et l'accolade accompagnées de la transmission de la Torah sont jugés comme ayant suffi pour combler la solution de continuité dans la chaîne historique jusqu'à ce que la semikha classique eût pu être reprise.

Les Gueonim, sages de Babylone dans le judaïsme du haut moyen-âge, ne possédait pas la semikha classique, mais étaient formellement reconnus comme « rabbins » et détenaient l'autorité pour prendre des décisions morales et religieuses. L'ordination rabbinique n'était pas été transmise par l'imposition des mains, mais au moyen d'une bénédiction orale, d'une poignée de main, et d'une nomination accompagnées d'une attestation écrite.

Quelque temps après que la peste noire eut frappé l'Europe, la communauté juive subit l'influence de la façon dont étaient délivrés les diplômes que conféraient les universités de l'Europe chrétienne. Dans les régions correspondant actuellement à la France et l'Allemagne, les juifs ashkénazes recommencèrent à utiliser le terme de semikha, en se référant cette fois à un « diplôme » attribué par un enseignant à ses élèves et qui leur donnait le droit d'être appelé Mori (mon maître) . Une telle pratique fut d'abord mal vue par les juifs séfarades, qui la regardaient comme « présomptueuse et arrogante », et y voyaient une imitation des mœurs des Gentils (en l'occurrence, le doctorat d'université), mais finalement cette pratique fut adoptée aussi bien par la communauté juive séfarade.

[modifier] Tentatives pour faire revivre la semikha classique

Dans son Mishneh Torah, Maimonide énonce la règle que « si tous les sages En Israël s'accordaient à l'unanimité pour nommer des juges et les ordonner, ces nouveaux ordonnés disposeraient de toute l'autorité des juges ordonnés autrefois » (Hilchoth Sanhédrin 4:11). Depuis cette époque son code de loi a été accepté comme normatif par la majorité des érudits juifs, bien que cette section soit considérée généralement comme théorique, en particulier parce qu'il conclut que « la chose a besoin d'être décidée ». Le Sanhédrin de Rabbi Jacob Berab a proposé de l'adopter comme une loi à appliquer dans la pratique, en changeant des détails mineurs. Toutefois, puisque ce Sanhédrin ne peut avoir d'existence légale que si le point de vue de Maimonide est valide, on tourne en rond.

[modifier] Tentative de Rabbi Jacob Berab en 1538

En 1538 Rabbi Jacob Berab de Safed, en Israël, essaya de rétablir la Semikha dans sa forme traditionnelle. Son intention était d'unifier les communautés juives dispersées en rétablissant le Sanhédrin. À son invitation, 25 rabbins de la terre d'Israël se réunirent et ordonnèrent Jacob Berab comme leur «grand rabbin ». Berab alors conféra la semikha par imposition des mains à quatre rabbins, dont Joseph Caro, qui allait devenir l'auteur du Shulchan Aruch, généralement considéré comme le code de loi juive le plus important à partir des années 1600. Joseph Caro, à son tour, ordonna Rabbi Moshe Alshich, qui à son tour ordonna Rabbi Hayim Vital.

L'erreur de Berab était de ne pas avoir obtenu au préalable l'approbation des grands rabbins de Jérusalem, ce qui amena à une objection contre la possibilité d'avoir un Sanhédrin à ce moment-là. L'objection ne visait pas la semikha, mais la réinstitution d'un Sanhédrin. Levi ibn Habib, grand rabbin de Jérusalem, écrivit que lorsque le nouveau Sanhédrin s'était attribué à lui-même l'autorité d'un Sanhédrin, il aurait dû fixer immédiatement le calendrier. Mais, en repoussant l'affaire à plus tard, il s'était lui-même invalidé. Le rabbin David ibn abi Zimra (Ridvaz) en Égypte fut consulté, mais après la mort de Berab en 1542 la nouvelle forme de semikha disparut peu à peu.

[modifier] Tentative par le rabbin Yisroel de Shklov, 1830

Dans les années 1830, Rav Yisroel de Shklov, un des principaux disciples du Gaon de Vilna qui s'était installé à Jérusalem, fit une nouvelle tentative pour ressusciter la semicha. Rav Yisroel s'intéressait à l'organisation d'un Sanhédrin, mais il accepta la décision de Levi ibn Habib et de David Ibn Abi Zimra selon laquelle nous ne pouvons pas créer semicha par nous-mêmes.

À ce moment l'Empire turc s'effondrait, et perdait guerre après guerre contre la Russie, la Prusse, l'Autriche et d'autres puissances. Pour tenter de se moderniser, l'Empire turc s'ouvrit à un nombre de plus en plus grand de « conseillers » occidentaux. Pour la première fois la Péninsule arabique et le Yémen leur étaient accessibles. Les scientifiques et les sociologues étaient convaincus qu'au Yémen se trouvaient des communautés qui avaient été coupés et isolées du monde occidental pendant des siècles. À l'époque, les principales revues scientifiques européennes envisageaient sérieusement que les survivants des « Dix Tribus » se trouveraient en fait au Yémen.

Influencé par ce courant de pensée scientifique Rav Yisroel de Shklov souhaita mettre en pratique une proposition du Radvaz de recevoir la semicha de l'une des « Dix Tribus », en particulier Ruben et Gad. Rav Yisroel vit où il pensait que se trouvaient probablement les Bnei Reuven, et il envoya un émissaire, Pinchas Rav Baruch, pour les localiser (Sefer Halikutim à l'édition Shabsei Frankel de Rambam, Hilchos Sanhédrin 4:11). Malheureusement, Rav Baruch ne réussit pas à trouver le shevet de Reuven et soit il fut tué soit il mourut alors qu'il prodiguait des soins médicaux à des villageois yéménites pauvres.

Un point intéressant de la loi juive se pose dans cette question soulevée par Rav Yisroel : comment la tribu de Ruben avait-elle pu maintenir vivante la semicha, puisqu'elle était en dehors de la Terre d'Israël et que la semicha ne peut être donnée que dans la Terre d'Israël. Il répondait que, puisque les Bnei Reuven avait été séparés du reste de Klal Yisroel avant que cette décision fût acceptée, il n'y avait pas de raison de supposer qu'ils acceptaient une telle décision, et il y avait chance qu'ils eussent encore conservé vivante l'institution de la semicha.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Notes

  1. Livre des Nombres 27:15-23
  2. Livre des Nombres 11:16-25
  3. ab Moïse Maïmonide, Mishneh Torah, Sanhédrin 4:1-2
  4. Deutéronome 34:9
  5. Pirke Avot 1:1
  6. T.B. Berakhot 3a
  7. T.B. Sanhédrin 5b
  8. T.B. Sanhédrin 13b
  9. T.B. Sanhédrin 14a

[modifier] Source

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu d’une traduction de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Semicha ».
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