Semi-norme

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En mathématiques, une semi-norme est une application d'un espace vectoriel dans l'ensemble des réels positifs. Elle dispose presque des propriétés lui conférant le statut de norme. Une propriété est manquante, la semi-norme d'un vecteur non nul n'est pas nécessairement non nulle.

En analyse fonctionnelle, cette situation est relativement courante. L'espace vectoriel est un espace de fonctions d'un ouvert d'un espace vectoriel topologique de dimension finie à valeur dans les réels ou complexes. La semi-norme correspond par exemple à l'intégrale de la valeur absolue ou du module de la fonction. Une fonction nulle sur l'ouvert sauf sur un ensemble négligeable est non nulle mais de semi-norme nulle.

La topologie induite par la semi-norme confère à l'espace le statut d'espace vectoriel topologique. Il possède néanmoins une faiblesse rendant malcommode son usage. l'espace n'est pas séparé. En vue de pallier cette difficulté, il est toujours possible de quotienter l'espace pour obtenir un nouvel ensemble équipé d'une structure d'espace vectoriel normé. En terme d'analyse fonctionnelle, ce quotient revient à travailler non plus sur des fonctions, mais sur des classes de fonctions, équivalentes donc identifiées si elles ne diffèrent que sur un ensemble négligeable.

Sommaire

[modifier] Définition et exemples

[modifier] Définition

Icône de détail Article détaillé : Norme (mathématiques).

Dans cet article, E désigne un espace vectoriel sur un corps K. En général K désigne le corps des réels ou des complexes, même si la théorie s'applique dans un contexte plus général. L'espace E est muni d'une semi-norme N. La lettre Ω désigne un ouvert de Knn est un entier strictement positif, Kn est muni de sa topologie naturelle et μ une mesure sur Ω. E' désigne le dual topologique de E et σ (E, E' ) la topologie faible de E.

Définition —  Une semi-norme sur E est une application N de E dans l'ensemble des nombres réels positifs vérifiant les axiomes dit d'homogénéité et de sous-additivité. Ils s'expriment de la manière suivante:

  • homogénéité :  \forall (\lambda, x)\in \mathbb K \times E, \ \mathcal N (\lambda \cdot x) = |\lambda| \mathcal N (x)  ;
  • sous-additivité :  \forall (x,y) \in E^2,\ \mathcal N (x + y) \leq \mathcal N (x) + \mathcal N (y) .

La propriété manquante est celle de la séparation, qui assure que la norme d'un vecteur est nulle seulement si le vecteur est nul. Cette propriété confère à la semi-norme le statut de norme.

  • séparation :  \forall x \in E,\ \mathcal N(x)=0 \Rightarrow x=0_E

[modifier] Exemples

Deux configurations introduisent naturellement une semi-norme en analyse fonctionnelle :

L'ensemble des fonctions intégrables en valeur absolue ou en module de Ω dans K pour la mesure μ est un espace vectoriel noté L1(Ω) et possédant la semi-norme N1 définie de la manière suivante :

\forall f \in L_1(\Omega)  \quad \mathcal N_1(f) = \int_{\Omega} |f|d\mu

La propriété de séparation est absente, toute fonction nulle sauf sur un ensemble négligeable possède une norme nulle.

Un deuxième exemple provient de la topologie faible. Soit e' un élément de E' c'est à dire une forme linéaire continue de E. L'application pe', définie de la manière suivante est une semi-norme :

\forall x \in E \quad p_{e'}(x) = |\langle e',x\rangle|

Cette semi-norme est nulle sur un hyperplan fermé, le noyau de e' .

[modifier] Propriétés

[modifier] Topologie

A l'image de la norme, une semi-norme définit une topologie. Un ensemble O est ouvert si, pour chaque point x de O, il existe une boule ouverte non vide de centre x incluse dans O. Cette topologie confère à E le statut d'espace vectoriel topologique, il est séparé si et seulement si la semi-norme vérifie la propriété de séparation, c'est-à-dire si la semi-norme est une norme.

En conséquence l'addition et la multiplication par un scalaire forment deux applications continues. A l'instar de la norme, les boules sont des convexes et les boules ouvertes de centre un point x forment une base de voisinages de x. Les démonstrations sont analogues à celles proposées dans l'article Norme (mathématiques).

[modifier] Noyau

Les vecteurs de semi-norme nulle jouent un rôle particulier, ce rôle justifie la définition suivante :

Définition —  L'ensemble des vecteurs de semi-norme nulle s'appelle le noyau de la semi-norme.

Le noyau possède une structure à la fois algébrique et topologique :

Proposition —  Le noyau d'une semi-norme est un sous-espace vectoriel fermé. Il correspond à l'adhérence du vecteur nul.

En effet, soit x, y deux vecteurs de semi-norme nulle et λ un scalaire, déterminons la norme de la combinaison linéaire associée :

\mathcal N (x + \lambda y) \le \mathcal N (x) + |\lambda|\mathcal N (y) = 0

Soit x un vecteur de l'adhérence de l'espace des vecteurs de semi-norme nulle, alors pour tout ε strictement supérieur à zéro, il existe un vecteur y de semi-norme nulle tel que la distance entre x et y soit inférieure à ε. La majoration de sous-additivité montre que la semi-norme de x est inférieure à ε. Cette propriété est vraie pour toute valeur de ε strictement supérieure à zéro, ce qui montre que x est de semi-norme nulle. L'espace est donc bien fermé.

[modifier] Cône des semi-normes

La somme de deux semi-normes est une semi-norme. Il en est de même pour la multiplication externe par un scalaire positif. On en déduit que les semi-normes forment un convexe.

proposition —  L'ensemble des semi-normes sur un espace E est un cône convexe d'extrémité la fonction nulle, de l'ensemble des applications de E dans R. Ce cône est stable pour l'addition.

[modifier] Norme et espace quotient

Soit H le sous-espace des vecteurs de norme nulle de E. L'article espace vectoriel normé montre qu'il est possible d'équiper E/H d'une semi-norme, avec la définition suivante :

\forall \bar x \in E/H \quad \mathcal N_{E/H} (\bar x) = \min_{x\in \bar x} \mathcal N_E (x)

Si un vecteur x de E n'est pas élément de H alors la norme de sa classe dans E/H est non nulle. En effet, comme H est fermé, x n'est pas dans l'adhérence de H et il existe une boule de centre x non vide ne rencontrant pas H. Soit r son rayon. Alors la norme de la classe de x est supérieure à r.

Proposition —  Le quotient d'un espace vectoriel muni d'une semi-norme par le noyau de sa semi-norme est séparé pour la norme induite par le quotient.

Comme il est infiniment plus pratique de travailler sur un espace séparé, cette technique de quotient est largement utilisée, par exemple en analyse fonctionnelle. Soit Lp(Ω,μ) l'espace des fonctions de Ω dans K dont le module à la puissance p est intégrale sur Ω pour la mesure μ. Ici p désigne un réel compris entre un et l'infini. Cet espace est presque dénommé l'espace Lp de Ω.

La norme est définie par l'égalité suivante :

 \forall f \in L^p(\Omega,\, \mu) \quad \|f\|_p = {\left[\int_{\Omega} |f|^p d\mu\right]}^{1/p}

Alors le noyau de la semi-norme est l'ensemble des fonctions nulles sur Ω sauf, peut être sur un ensemble négligeable. En pratique Lp(Ω,μ) est déjà quotienté par le noyau de la semi-norme, il est donc équipé d'une norme.

[modifier] Famille filtrante de semi-normes

Une famille  (p_i)_{i \in I} de semi-normes sur l'espace vectoriel E est dite filtrante si pour toute sous-famille finie  (p_i)_{i \in J}, J \subseteq I, J finie, il existe une semi-norme p de la famille majorant toutes les semi-normes de J.

Exemple 1: La famille de semi-normes définie précédemment n'est pas filtrante. Cependant on peut toujours définir une famille filtrante en effectuant une "complétion" comme montré ci-après.

Exemple 2 ("complétion" d'une famille quelconque): Soit une famille quelconque \mathcal P=(p_i)_{i \in I} de semi-normes sur E. On peut alors définir la famille \mathcal Q dont les éléments sont définis par \quad p_J=\sup_{j \in J}\quad p_j, J sous-famille finie de I.

On voit facilement alors que  \mathcal Q est une famille filtrante de semi-normes.

[modifier] Topologie définie par une famille de semi-normes - Espace localement convexe

Soit E un espace vectoriel réel ou complexe muni d'une famille filtrante  (p_i / i \in I) de semi-normes. Nous définissons la topologie associée en prenant comme base de voisinages de chaque point x les ensembles appelés "p-boules"
\quad \beta (x,i,R)={ y \in E / p_i(y-x)<R } définis pour tout  i \in I et tout R > 0
.

Autrement dit les voisinages de x sont les ensembles contenant au moins une "p-boule".
Vérifions que les 4 axiomes des voisinages sont bien vérifiés:

  • Tout voisinage de x contient x (évident ici).
  • Si  \quad V est un voisinage de x et W \supset V alors \quad W est voisinage de x (idem).
  • L'intersection de 2 voisinages de x est un voisinage de x (en effet si \quad  p_1(y-x)<R_1 et \quad p_2(y-x)<R_2 sont 2 "p-boules" incluses respectivement dans les 2 voisinages, comme la famille de semi-normes est filtrante, il existe une semi-norme \quad p^* de la famille majorant \quad p_1 et \quad p_2. Alors \quad p^*(y-x)<inf(R_1,R_2) définit un voisinage de x inclus dans les 2 voisinages initiaux).
  • Il existe un voisinage de x qui soit voisinage de chacun de ses points. En fait toute "p-boule" est voisinage de chacun de ses points puisque si y est un point de la "p-boule" \quad \beta (x,i,R), on peut trouver \quad \alpha > 0 tel que \quad p(y-x)+\alpha<R et alors \quad p(z-y)<\alpha entraîne \quad p(z-x)\le p(y-x)+p(z-y)<p(y-x)+\alpha<R. Ceci qui montre que la "p-boule" \quad \beta (y,i,\alpha) est incluse dans \quad \beta (x,i,R) qui est donc un voisinage de y.
Démontrons maintenant que la topologie que nous venons de définir est compatible avec la structure d'espace vectoriel, ce qui fait de E un espace vectoriel topologique . Un tel espace est dit espace localement convexe.
  • L'application (x,y) \mapsto x+y est continue.

En effet un voisinage de x+y contient la "p-boule" \quad \beta (x+y,i,R) dont l'antécédent contient le couple de "p-boules" \quad (\beta (x,i,R/2),\beta (y,i,R/2)),

  • L'application (\lambda,x) \mapsto \lambda x est continue.

En effet un voisinage de λx contient la "p-boule" \quad \beta (\lambda x,i,R) dont l'antécédent contient le couple (]-\sqrt R,\sqrt R[,\beta (x,i,\sqrt R)).

Plus généralement, si \quad (p_i)_{i\in I} est une famille quelconque de semi-normes, la famille complétée selon la procédure définie à l'exemple 2 ci-dessus est filtrante et définit donc un espace localement convexe dont la toplologie est dite définie par la famille \quad (p_i)_{i\in I} .

[modifier] Voir aussi

Jauge

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