Révoltes paysannes vietnamiennes

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Sommaire

[modifier] Introduction

Les révoltes paysannes sont entremêlées de mystique paysan teinté de nationalisme, comme celle conduite par Đề Thám qui a mené à la Révolution d'Août pour finir par mettre fin à la colonisation française du Viêt Nam avec l’établissement de la République démocratique du Viêt Nam menant la première guerre d'Indochine d’indépendance. Mais cette indépendance et une réforme agraire communiste ont conduit à une autre révolte paysanne de 1956 férocement réprimée par son Armée populaire vietnamienne cette fois.

Un des aspects remarquables de la situation au Viêt Nam est la mêlée guerrière des mythes du communisme et de la démocratie, dont les paysans sont les victimes, la guerre de religion larvée entre bouddhistes et catholiques, ainsi que la présence active des sectes magico-religieuses, écho de la fin de l'époque du colonialisme français. Pour essayer de saisir l'aspect intime de ces mouvements conditionnés par la lutte des puissances mondiales, passons en revue, sommairement, les tendances mystiques sous-jacentes qui en constituent un des ressorts les plus sous-estimés, mais qui semblent, en des circonstances historiques explosives, orienter fortement l'action des hommes.

[modifier] Les mystiques

Le culte des ancêtres est ce qui occupe intimement l'âme du paysan vietnamien. Les ancêtres sont toujours présents dans le logis, si pauvre que soit la maisonnée, ils y ont leur autel où, chaque jour, à la tombée de la nuit, on leur brûle des baguettes d'encens. Ils dorment près des leurs, dans le voisinage de la maison, ou pas bien loin, en terrain communal, dans le "champs des tombeaux". Pour les paysans plus aisés, les tombeaux des ancêtres trônent littéralent au mileu de la rizière pour pariciper aux travaux, peines et misères de leur descendance. Chaque année, au jour anniversaire de leur mort, on leur prépare un repas, car ici, ce n'est pas la naissance qu'on commémore, mais la disparition d'entre les vivants. Quant aux ancêtres lointains, on les accueille tous le dernier jour du dernier mois lunaire, la veille du Têt - le jour de l'an - leurs autels fleuris, on les fête durant quatre jours, puis on se sépare d'eux en leur offrant de la monnaie symbolique, papier or et argent, ainsi que des vêtements de papier somptueux. Le Génie du Foyer (Ông Taô, le "dieu lare" des Vietnamiens), à qui on a offert les sacrifices du départ, le vingt-troisième jour du douzième mois lunaire, lorsqu'il est parti informer l'Empereur de Jade (Maître du ciel et du Destin des hommes), de ce qui se passe dans la maison, revient en même temps que les ancêtres, et est reçu avec des dons hissés au haut d'une longue perche de bambou dressée devant la maison. Le chef de famille est le chef du culte; à sa mort, c'est le fils aîné qui s'en chargera. L'entourage mystique immédiat du paysan, son panthéon est le Génie du Foyer qui a son petit autel à côté de celui des ancêtres; le dieu du Sol et souvent celui du Puits. Le culte collectif au niveau du village est le culte du génie tutélaire qui a son temple, petit ou grand, dans chaque agglomération. En cas d'épidémie, tout le village s'assemble pour participer aux sacrifices et cérémonie d'exorcisme souvent conduit par un des paysans doués de pouvoirs magiques. Dans la nuit, la résonance profonde de la cloche lointaine ou du gong de la pagode rappelle aux pieux la présence du Bouddha. Pour le foyer du paysan, la pagode est loin, le "Palais du Ciel" - le nirvana bouddhiste - est loin aussi, quelque part dans la direction du coucher du soleil, mais l'imagination s'exalte quand le bonze explique ce qu'on devient après la mort.

On croit à des réincarnations successives et purificatrices, et qui conduisent au nirvāna, illumination finale. Le bouddhisme et le culte des ancêtres s'épousent profondément. On est lié aux ancêtres, leurs actions d'autrefois se répercutent sur leurs descendants, de même que toute action bonne des vivants contribue à abréger la détention purgatoire des ancêtres dans les "geôles souterraines", leur permettant ainsi de se réincarner rapidement sur terre. En cultivant le bouddhisme, on agit dans ce sens et on entretient cet espoir. Quand le malheur frappe le paysan, on l'entend prendre à témoin le Ciel et la Terre, ou l'ensemble des quatre puissances qui, parmi tant d'autres, peuplent son univers mystique, et s'exclamer : «Ciel, Bouddha, Démons, Esprits».

Religion générale au Viêt Nam, le bouddhisme ne peut être conçu à l'image de la religion catholique en Europe : Les bonzes, corps sacerdotal hiérarchisé, sont sans emprise organique sur la population. Groupés en communautés, ils s'occupent du culte bouddhiste dans les pagodes, vivent des dons et de leur travail d'agriculture, aussi modestement que les villageois. On a recours à eux essentiellement en cas de décès, de funérailles, pour guider l'âme vers les "Palais sombres"; dans les maladies graves, leurs prières, adressées aux divinités bouddhistes, peuvent soit guérir, soit abréger les souffrances des agonisants; enfin, on peut les inviter à venir réciter les livres sacrés au foyer, appelant ainsi la paix sur la maison. Les villageois font de leur mieux pour reconnaître ces services, offrant gâteaux et fruits, et même quelque monnaie. On est bouddhiste sans aucune obligation rituelle; vieilli, on commence à songer à la mort, on "descend ses cheveux", les femmes en particulier; on se purifie en s'abstenant de tout produit animal le premier et le quinzième jour du mois lunaire, ainsi que les jours anniversaires de Bouddha et des divinités bouddhistes; on va des temps en temps jusqu'à la pagode, faire quelque offrande, et écouter parler de la doctrine de Bouddha; on observe de son mieux les cinq interdits : Ne pas détruire la vie des êtres vivants, ne pas voler, ne pas commettre d'adultère, ne pas manquer à sa parole, ne pas abuser d'alcool. De temps en temps, la pagode rassemble pour les fêtes de quelques villages environnants. C'est une occasion de rencontre et de joie. C'est là toute la pratique religieuse du bouddhisme, les relations entre pagode et villageois sont entièrement libres.

À cette vie spirituelle s'ajoutent les traditions confucianistes se conservant à travers toute une menue littérature de contes et légendes qui se transmettent oralement de génération en génération, et de pièces de théâtre tirées de l'histoire chinoise et jouées au temple du village par des troupes ambulantes, en l'honneur de génie tutélaire. La morale confucianiste (confucianisme) se résume en la pratique des cinq vertus cardinales: humanité, équité, observation des rites, sagesse, sincérité; en le respect des trois rapports humains fondamentaux : souverain-sujet, père-fils, mari-femme, ainsi que la réalisation des cinq "permanents": affection entre père et fils, justice entre prince et sujet, conduite spécifique entre mari et épouse, observance des rangs d'âge, fidélité entre amis et compagnons. La notion des rapports prince-sujet a disparu avec la colonisation, sauf chez quelques anciens lettrés nationalistes. Quant aux autres traditions, elles restent vivantes à la campagne, surtout chez les générations du premier demi-siècle. Mais en ville, la morale de la piastre se substitue de plus en plus à la sagesse aristocratique des anciens Chinois. La guerre que mène le paysan dans les rizières pourrait être vue comme la continuation d'une tradition de l'homme révolté avec cette constante malheureuse : il meurt dans l'illusion de combattre pour la fin de sa faim, pour la chute du joug séculaire aussi lourd que la terre, mais toujours son dur labour nourrit ses exploiteurs compatriotes ou étrangers, toujours il est spolié.Vers la fin du XIXe siècle, la paysannerie se soulève, guidée par les lettrés qui veulent rétablir le régime royal; or, dans un tel régime, le paysan est serf. Au début du XXe siècle, les nationalistes qui veulent établir un État monarchique, s'appuient sur l'agitation paysanne; les paysans croient plus ou moins que la réussite de leurs meneurs par l'éviction des étrangers sera la fin de la misère et du servage, le retour à l'âge d'or mythique.

[modifier] Les jacqueries nationalistes

Au sein de la dictature policière permanente caractéristique du régime colonial, leur opposition latente ne peut s'exprimer que dans ses sociétés secrètes dirigées par des chefs occultes. L'emprise du Parti Communiste Indochinois sur la paysannerie ne sera, quelques décennies plus tard, que la suite de cette tradition. Mais avant d'aborder cette période, arrêterons-nous sur la grande révolte cochinchinoise de 1916, à la suite de celle de Đề Thám, organisée par la société secrète du « Ciel et de la Terre», une des plus influentes parmi les très nombreuses sociétés secrètes qui groupaient essentiellement les paysans. Le but du mouvement était d'en finir avec la domination française, et de porter au trône Phan Xich-long, devin-magicien se disant fils de l'empereur Hamnghi, qui avait résisté à l'occupation française. Pour adhérer à cette société on prêtait serment contre l'occupant en buvant un peu de sang, un serment disaient les textes «aussi vaste et important que les monts et les mers»; on jurait de s'aider mutuellement, de ne jamais s'abandonner les uns les autres, même dans les périls les plus grands, de se corriger de ses défauts, de fuir l'avidité, de ne pas prendre la femme d'autrui, de n'entrer en rivalité avec aucune de ses prochains, de ne pas déguiser ses opinions, de ne pas faillir. Aux paysans fidèles était promis le destin du héros s'ils mouraient pour la cause, la vengeance du Ciel et de la Terre s'ils trahissaient; dans ce dernier cas, ils seraient noyés, brûlés, mordus par les serpents ou percés de flèches, etc. Le serment prêté, on priait le Ciel et la Terre et tous les Génies, à qui on rappelait la tragédie de l'occupation : «C'est un malheur pour nous de rencontrer les Européens qui ont conquis notre terre depuis bien des années; ils nous ont opprimés, nous et notre Roi. Les philosophes restent dans les rizières, mais les hommes sans qualité se font fonctionnaires.

Les mœurs deviennent déplorables, etc.». Dans les pagodes, où l'on se réunissait la nuit, les adhérents recevaient des amulettes d'invulnérabilité. Certaines après avoir été avalées, décuplaient la force et le courage, d'autres devaient d'abord être brûlées et on en absorbait de la cendre mêlée à de l'alcool: elles assuraient le succès et protégeaient les Esprits. En 1913, huit bombes éclatent à Saïgon et à Cholon. Phan Xich-long est arrêté. Pendant la guerre de 14-18, une partie de troupes françaises est envoyée en métropole, les paysans vont tirer profit de cette circonstance. La nuit du 15 février 1916, les partisans de Phan Xich Long attaquent la prison de Saïgon où il est détenu depuis trois ans. Contre les fusils et les mitrailleuses, ils n'ont que leurs coupe-coupe et leurs amulettes. Cependant à Bien Hoà ils arrivent à s'emparer de la prison et à libérer les détenus. Mais dans l'ensemble, le mouvement est vaincu et les paysans arrêtés sont envoyés en déportation ou devant les pelotons d'exécution. Les années 20 voient s'organiser dans la clandestinité de nouveaux groupes nationalistes plus ou moins inspirés de l'esprit occidental : le «Việt Nam Quốc Dân Đảng» (VNQDD), parti nationaliste du Viêt Nam proche du Guomindang chinois, le «Viêt Nam Thanh Niên Cach Mang Dông Chi Hôi», (association de la jeunesse révolutionnaire du Viêt Nam) auquel a adhéré le jeune Võ Nguyên Giáp. Ils tendent vers l'établissement d'une république indépendante et démocratique. Leur activité conspirative aboutit à l'explosion de 1930 férocement réprimée par l’armée coloniale française évoquée dans le film Indochine. La réforme agraire musclée communiste de 1955 a conduit en automne de 1956 à une révolte paysanne aussi férocement réprimée que celle de 1930, mais cette fois-ci par son propre armée du peuple. La politique de renouveau du Đổi mới accentue l'injustice sociale et l'écart entre les riches des villes et les pauvres de la campagne risquerait de conduire à une nouvelle révolte paysanne.

La pauvreté reste essentiellement un problème rural dans un pays où près de 80% de la population vit dans les zones rurales et où deux-tiers des ruraux restent largement dépendants de l’agriculture pour leur subsistance. L’éloignement géographique, le caractère saisonnier de l’agriculture, les crises sanitaires périodiques et les catastrophes naturelles aggravent la situation des pauvres des zones rurales. De plus, l’emploi rural non agricole formel ne s’est pas développé et le filet de sécurité autrefois assuré par le système collectif – un système qui entravait la productivité et la croissance du revenu – a disparu, aggravant la vulnérabilité des pauvres des zones rurales (Banque mondiale, 1998). En outre, les disparités de revenu entre les zones urbaines et les zones rurales se sont quelque peu creusées, de même que, au sein des communautés rurales, entre personnes ayant des différences d’âge, de genre, de biens et appartenant à des ethnies différentes. Le revenu par tête d’habitant dans la région la plus riche est 4,5 fois plus élevé que dans la région la plus pauvre (Enquête sur les niveaux de vie au Viêt Nam, 2000). Avant le Đổi Mới, un grand nombre de personnes vivaient certes dans la pauvreté, mais il y avait peu d’inégalités dans le développement économique et dans les services sociaux de base en raison de la politique suivie par le gouvernement: “partager la nourriture, partager les habits”. Après la privatisation et la libéralisation, les disparités ont été plus marquées entre riches et pauvres dans l’accès aux services sociaux de base en général et à l’éducation et à la santé, en particulier. Services sociaux de base: creusement des disparités. Le Đổi Mới a apporté un changement significatif dans la gestion des services sociaux de base: les patients doivent payer des frais d’usage. Si les riches peuvent s’acquitter de ces frais, les pauvres ne le peuvent pas. En encourageant des acteurs privés et étrangers à jouer un rôle dans la fourniture des services de base, le gouvernement a créé de nouvelles opportunités que les pauvres ne sont pas en mesure de saisir. Étant orienté vers le profit, le secteur privé fournit des services essentiellement dans les zones urbaines. En conséquence, les pauvres des zones rurales n’ont pas accès aux services.

[modifier] Les sectes politico-religieuses

Notre information historique n'aurait qu'un bien mince intérêt si nous perdions de vue le but assigné de montrer qu'une prise de conscience générale de nature plus profonde soit indispensable pour se dégager de la mystification dans laquelle s'embourbent les exploités du monde, tant industriels qu'agricoles. Au Viêt Nam, comme partout dans le monde, les exploités dans leur lutte ont été dupes de ceux en qui ils avaient cru voir leur avant-garde, leurs sauveurs suprêmes. Notre espoir est une prise de conscience de ces ouvriers et de ces paysans qui souffrent aussi bien dans le nord du pays que dans le sud, et de tous les exploités du monde auxquels leur sort est lié, la conscience que la libération à l'égard de l'esclavage des usines, des rizières et des guerres, ne se réalisera que par la lutte autonome, sans embrigadement au sein d'organisations politiques, syndicales ou militaires, dont la structure et l'idéologie conduisent des militants dévoués à se muer en nouveaux maîtres, organisateurs d'un univers industriel et concentrationnaire, de bureaucrates dirigeants qui défendent leur nouvelle situation d'exploiteurs au nom de la marche de l'Histoire marxiste (avec un grand H) et d'autres principes d'imposture tels que la justification des pires moyens qu'ils imposent aux ouvriers et aux paysans.

Si le gouvernement colonial français fit procéder dès le début de la Première Guerre Mondiale à l'arrestation en masse et au bannissement des « individus dangereux» pour le régime, c'est qu'il craignait une agitation subversive, averti qu'il était par les insurrections paysannes de 1916 fomentées par la Société secrète du «Ciel et de la Terre» (Thiên-Dia Hôi) et celles des années '30 du parti nationaliste VNQDD (Viêt Nam Quoc Dan Dang), de fraîche mémoire; le pouvoir espérait que, les meneurs "mis hors d'état de nuire", les masses ne seraient plus qu'un "serpent sans tête".

Les jeunes marxistes emportèrent dans les bagnes leur rêve de «transformation de la guerre impérialiste en guerre civile», mais les mots prononcés à Zimmerwald et venus de l'Europe lointaine, leur illustration dans les événements russes de 1917, n'en continuèrent pas moins à résonner mystiquement dans les esprits. «une chanson du Parti Communiste Indochinois (ancêtre du Parti communiste vietnamien) élaborée vers 1935 et appelant à la guerre civile, couvait dans les cœurs : "Nous saisirons l'occasion de la guerre entre impérialismes et quand la Russie des Soviets sera attaquée, nous ferons la guerre civile (Thua luc dê-quôc tranh-chiên, voi luc dang Sô-viêt lam nôi-chiên mau)». C'est sur la propagande en faveur de la même idée dans une feuille trotskiste illégale ronéotée, "l'Avant-garde (Tiên Dao)", que le procureur près le tribunal de Saigon avait appuyé son réquisitoire lors du procès de la Ligue des communistes internationalistes en septembre 1936. Les arrestations préventives n'empêchèrent pas les paysans de l'ouest cochinchinois de s'insurger en décembre 1940 et un soulèvement éclata à Bac Son au Tonkin en la même année. La répression fit des milliers de tués et les cours martiales envoyèrent les capturés à la mort et aux bagnes. Les prisons étaient tellement pleines qu'un certain nombre de détenus furent enfermés dans des péniches amarrées près de Saigon où ils périrent comme des mouches.

Le «matérialisme dialectique» de Karl Marx joint à la théorie de la «révolution bourgeoise démocratique» de Lénine n'était pas la seule doctrine messianique à s'être propagée dans les campagnes. Le « paradis russe» n'était pas seul à s'emparer de l'imagination et à miroiter dans le rêve des ouvriers et des paysans du Viêt Nam depuis les années 30. Des sectes religieuses d'inspiration prophétique promettaient non seulement le salut dans l'autre monde, mais un salut proche, dans ce monde même, aux paysans mangés par les sangsues, englués dans la boue profonde des rizières et qui, au-delà de leurs haies de bambous, ne voyaient que l'immensité d'un ciel sans espoir. Nous nous étendrons quelque peu sur deux de ces sectes, toujours vivantes actuellement, parce qu'elles appartiennent à la chronique politique des années '40 et qu'elles sont peu connues parmi nous.

Les sectes Cao Đài (Đại Đạo Tam Kỳ Phổ Độ) et Hòa Hão. Leur existence et leur développement dans une fraction importante de la paysannerie du Viêt Nam du Sud permettent de saisir le mysticisme parallèle des adeptes paysans de Karl Marx. Que l'emblème de l'espoir fut Cong-san (communisme stalinien), Cao Đài(Haut-Palais = Être suprême) ou Hòa Hão (Bouddhisme rénové du village de Hòa Hão de la province de An Giang) le rêve était le même pour tous: le salut par une rénovation universelle du monde, salut dont les moyens seraient pour les staliniens la subversion sociale afin de sortir des chaînes du servage, se libérer des propriétaires fonciers et voir la fin des "cho san" (mot vietnamien pour "chiens de chasse"), police des notables représentants du pouvoir français. Pour les sectes religieuses, la pratique d'une éthique de "vie, amour, vérité" conforme aux volontés divines et plus individuelle que sociale.

Le mouvement Cao Đài surgit d'une vision au cours de laquelle apparut l’«esprit de Dieu». En 1925, une nouvelle vision cette fois d'un ancien conseiller colonial, Lê Văn Trung, poussa ce dernier à instituer le nouveau culte, naturellement suspect au gouvernement colonial. Une basilique fut édifiée à Tây Ninh, à une centaine de kilomètres au Nord ouest de Saïgon, sans aucun architecte mais selon les indications techniques révélées de Cao Đài, l'être suprême, symbolisé dans ce temple par un œil rayonnant dans un triangle. Cet être suprême fut considéré comme ayant été annoncé par Bouddha, Confucius, Lao Zi, Jésus, Mahomet, ainsi que par tous les saints et génies de l'humanité, Victor Hugo compris, et les textes canoniques de la secte furent écrits au cours de séances spirites. Rien de nouveau dans cette religion, il s'agit du même idéal d'amour universel que dans le bouddhisme ou dans le christianisme, mais elle devint un pôle d'attraction spirituelle en dehors du catholicisme, religion coloniale officielle d'où l'inquiétude du gouvernement français qui envoya le pape Cao Đài, Phạm Công Tắc, au bagne de Son La au Tonkin, puis, au début de la guerre l'exila à Madagascar. Comme nous le verrons plus tard, ce mouvement purement religieux, qui avait recruté ses adeptes dans les couches aisées et qui s'était organisé en église hiérarchique à l'image de l'église catholique devint une force politique qui se lança dans la mêlée militaire après la Seconde Guerre mondiale, avec et contre les Français et le Việt Minh dans des revirements surprenants. tantôt avec l'un contre l'autre et tantôt avec l'autre contre l'un, selon ses propres intérêts matériels.

La secte Phật Giáo Hòa Hão a son origine dans une tradition prophétique ancienne. Son fondateur Huỳnh Phú Sổ («le bonze fou", Dao khung en vietnamien) était né dans l'ouest cochinchinois, au village de Hòa Hão vers 1919. Maladif et illuminé, il s'était rendu dans le Sept Monts (Bay-nui) auprès d'un ermite, pour se livrer à la méditation et s'initier aux sciences ésotériques. Guéri, il revint au village vers 1939 et y prêcha un bouddhisme libéré de la pompe cultuelle c'est-à-dire un idéal de pureté ascétique répondant à la pauvreté du menu peuple, ce qui fit son audience de larges couches de paysans pauvres. À travers le langage sibyllin propre aux illuminés, Huỳnh Phú Sổ avait semblé prédire la guerre franco-japonaise par l'intermédiaire du Siam. Son influence s'était développée. Chose intéressante, la persécution dont il fut l'objet de la part du gouvernement colonial, l'auréola davantage et son pouvoir ne cessa de croître souterrainement dans les paillotes. C'est le phénomène du martyr sanctifié. Les fidèles faisaient de ses lieux de déportation ([My Tho et Bac Liêu en particulier) des lieux de pèlerinage tandis que le psychiatre Tâm chargé par la police française de le soigner pour "folie" lors de son internement à l'hôpital de Cho Quan, section des prisonniers, devenait son disciple fervent. Rappelons qu'après la défaite française en Europe, les Japonais occupèrent l'Indochine et, en accord avec Vichy, conservèrent l'appareil administratif et répressif français, avec un nouveau gouverneur colonial désormais à leur service. La politique des Japonais tendit à éliminer la tendance stalinienne et à rechercher un compromis de collaboration avec les tendances nationalistes et les sectes. En 1942, le «bonze fou» exilé au Laos fut libéré par eux et lorsque, le 9 mars 1945, les Japonais eurent mis fin au gouvernement colonial français, ils armèrent les adeptes de ces deux sectes, espérant les utiliser comme auxiliaires militaires en cas de débarquement américain.

La recolonisation de l'Indochine a commené par la Cochinchine dès 1945 et les autorités françaises ont cherché des alliances avec ces deux sectes pour combattre contre le Viet Minh dans le Sud et avec les milices catholiques dans le nord par la suite.

[modifier] Les équivoques

Ils apparaissaient d'abord sous l'aspect d'unités militaires auxiliaires du Corps expéditionnaire français en Extrême-Orient (CEFEO): vêtements noirs, officiers à moustaches et à képis français, pavillons tricolores et pavillons lie de vin flottants sans pudeur et avec ostentation sur des territoires dont on disait que des officiers français ne fussent pas revenus. Tantôt obséquieux, tantôt hautain, tantôt d'une rondeur familière, tantôt impénétrable, tantôt combattant avec vous, parfois contre vous, le plus souvent seul, tel apparaissait le Hòa Hão de prime abord. Mais l'aspect économique de ce groupement social s'imposait bientôt à l'observateur, qui découvrait que c'était là le mobile de tous les actes de la secte. Can Ttho, la perle de l'Ouest, capitale de riches plaines à riz, déjà encerclée par les territoires Hòa Hão qui s'étalaient sur les deux rives du "Bassac", qui est un affluent du Mékong au niveau de Pnom Penh, tenant les issues des canaux du riz, était «gardée» par le général Tran Van Soï, lui-même, qui de Cai Von, son PC, surveillait la ville enviée, et surtout contrôlait toutes ses liaisons avec Saigon, la Capitale de l'État. De la même façon, à l'Est, de l'autre côté du Mékong, la secte avait tenté de se saisir d'une autre partie de l'axe Bac Lieu-Can Tho qui mène à Cholon, avec le petit chef Hòa Hão Ba Cut et ses un ou deux bataillons. C'est dans cette entreprise de main-mise sur les axes vitaux de l'Ouest que la secte se heurta aux troupes françaises aidées de bataillons. et de gardes vietnamiens, ainsi que de nombreuses unités supplétives qui maintenaient et étendaient l'autorité de l'État contre les "rebelles" du Viet Minh sans doute, mais aussi contre ces «grandes compagnies» Hòa Hão qui, de façon permanente, avec une ténacité paysanne, tentaient de s'emparer de tous les débouchés du «Grenier de l'Indochine». La révolte des paysans misérables a été enveloppée de mysticisme d’une secte bouddhique pour déboucher sur une organisation maffieuse. Avec l’idée d’indépendance, la secte Hòa Hão est en concurrence directe avec le mouvement Viêt Minh et elle s’est faite l’alliée de l’armée coloniale française qui la protégeait, l’aidait et fermait les yeux sur ses activités maffieuses.

[modifier] Résumé sur la secte Hòa Hão

La secte bouddhiste Hòa Hão (Phật Giáo Hòa Hão) est apparue dans le delta du Mékong en 1939. Elle a été fondée par le jeune Huỳnh Phú Sổ (1920-1947), après qu’il eut étudié les sciences occultes avec les plus éminents spécialistes de la région frontalière avec le Cambodge des « Sept Montagnes» (Bay Nui) de Châu Đóc. Guéri miraculeusement d’une maladie chronique, Huỳnh Phú Sổ a commencé à pêcher un bouddhisme réformé auprès du petit peuple, en s’appuyant sur la foi personnelle plutôt que sur des rites. Sa philosophie préconise la simplicité du culte et nie le besoin d’un intermédiaire entre les êtres humains et l’Être suprême. En 1940, les Français ont essayé de réduire au silence Huỳnh Phú Sổ, qu’ils appelaient le “ bonze fou”. Faute de pouvoir l’arrêter, ils l’ont envoyé dans un asile d’aliéné où il s’est empressé de convertir à ses idées le psychiatre vietnamien, le docteur Tam, chargé de son cas. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, la dynamique secte Hoa Hao a formé sa propre milice grâce à des armes fournies par les Japonais. En 1947, le Viet Minh a fini par assassiner Huỳnh Phú Sổ près de Lông Xuyên, s’aliénant ainsi tous les membres de ce qui était devenu une véritable force politique et militaire dans le delta du Mékong, particulièrement autour de Châu Đóc. L’aventure militaire des Hòa Hão a pris fin en 1956 avec la décapitation publique de Ba Cut, un des chefs Hòa Hão de la guérilla, capturé par le gouvernement de Ngô Đình Diệm. Une bonne partie de l’armée Hòa Hão a alors rejoint le Việt Cộng. Le bouddhisme Hòa Hão compterait actuellement 1,5 millions d’adeptes au Viêt Nam et en dehors avec les Viêt Kiêu (Vietnamiens d’outre-mer) d’Amérique, d’Australie et d’Europe.

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