Pythéas

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Pythéas (en grec ancien Πυθέας) est un navigateur originaire de Massalia (l'antique Marseille).

Il effectue vers 340-325 avant J.-C. un voyage dans les mers du nord de l'Europe. Pythéas est le premier explorateur de l'Antiquité à avoir notamment décrit les phénomènes polaires ainsi que le mode de vie des tribus celtes de la Grande-Bretagne actuelle et des tribus germaniques des rives de la mer du Nord et peut-être de la mer Baltique.

Pendant très longtemps, il est considéré comme un affabulateur. C'est en particulier l'opinion du géographe grec Strabon, pour qui il est inconcevable qu'une mer puisse être entièrement gelée. Puis la véracité de son périple est reconnue. Il est considéré à présent comme l'un des premiers explorateurs scientifiques. Les astronomes ont donné son nom à un cratère lunaire.

Statue de Phythéas sur la façade du palais de la Bourse à Marseille
Statue de Phythéas sur la façade du palais de la Bourse à Marseille

Sommaire

[modifier] Le voyage de Pythéas

Parti avec un seul navire de Massalia, il franchit les colonnes d'Hercule (détroit de Gibraltar), remonte vers le nord en longeant les côtes de la Gaule, accoste en Grande-Bretagne, atteint les îles Shetland et, poussant plus au nord, atteint un pays nommé Thulé qu'il ne peut dépasser.

Il revient par la mer du Nord ; puis en descendant vers les côtes de la Germanie, il atteint des îles riches en ambre, peut-être l'archipel d'Heligoland ou l'île de Seeland ou encore les côtes de la mer Baltique. Il retourne enfin à Massalia, soit en empruntant le même trajet qu'à l'aller, soit en empruntant le Rhin et le Rhône.

Au point le plus septentrional de son périple, la durée de la nuit ne dépasse pas deux heures, ce qui fait situer Thulé en Islande, en Norvège ou aux îles Féroé[1]. Il discerne l'influence de la lune sur les marées. Il établit aussi à quatorze minutes près la latitude de Marseille à l'aide d'un gnomon.


[modifier] Les découvertes de Pythéas

Devant la richesse de ses découvertes, et surtout leur aspect extraordinaire, voire merveilleux pour ses contemporains, Pythéas écrit un récit : De l'Océan (Περί του Ωκεανού) [2].

Cet ouvrage disparaît avec l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie, mais plusieurs auteurs antiques nous en ont transmis quelques bribes, principalement le géographe Strabon qui est aussi son principal détracteur, allant jusqu'à l'accuser d'affabulation[3], mais aussi Pline l'Ancien, Ératosthène et Polybe.


Pythéas rapporte de son voyage de nombreuses découvertes :

  • Une exploration maritime dans l'atlantique nord, exceptionnelle à une époque où les colonnes d'Hercule (détroit de Gibraltar) marquent l'extrémité occidentale du monde « civilisé ». Il faut toutefois noter que les carthaginois connaissent à l'évidence à cette époque le détroit de Gibraltar et l'océan Atlantique. Cette exploration n'est exceptionnelle que pour la civilisation grecque.
  • Une description géographique et ethnologique détaillée des îles britanniques, y compris l'Irlande et ses coutumes nécrophages.
  • La « découverte » de peuples barbares (au sens grec ancien du terme), plus évolués que ne le laissent paraître encore de nos jours les livres d'histoire, décrivant leur habitat, leurs us et coutumes, leur alimentation, etc. (Celtes d'Armorique, Brittons d'Albion, Pictes, Goths).


  • La description du cercle polaire et des phénomènes qui en découlent.
  • La description du pack polaire, la banquise sur la surface de l'océan (on ne sait pas trop s'il l'a lui-même vu ou s'il n'a que rapporté les témoignages des marins nordiques). Strabon indique que Pythéas trouve Thulé à 6 jours de navigation de la Bretagne. Si son point de départ est les Îles Shetland, à l'époque, il faut moins de 6 jours de navigation pour rejoindre la Norvège. Il est donc vraisemblable de penser qu'il est allé en Islande (ou qu'il en évoque des descriptions).


  • La preuve de la rotondité de la terre, ce que la majorité des astronomes de l'époque supputent. Aristote l'a démontré indirectement à la fin du IVe av. J.-C. par le calcul en observant l'ombre de la terre lors d'une éclipse de lune. Pythéas le confirme par un relevé des positions stellaires, entre autres le déplacement du nord stellaire, et par la mesure des durées diurnes et nocturnes.
  • Une mesure, très précise pour l'époque, de la circonférence de la Terre, estimée avec une erreur de moins de 10% de sa valeur exacte.
  • Le calcul de l'obliquité de la terre, l'inclinaison de son axe de rotation par rapport au plan de l'écliptique, même si pour les grecs l'héliocentrisme reste une notion évoquée mais non acquise
  • Ses mesures de latitude sont d'une précision étonnante pour l'époque, et démontrent chez Pythéas un esprit scientifique développé. Dix-sept siècles en avance sur son temps, il donne pour la latitude de Massalia 43°3' N (au lieu de 43°17').


  • La description du phénomène des marées, inconnu des méditerranéens, et leur synchronisme avec les phases de la lune, ainsi que l'influence des équinoxes sur leur amplitude. Si leur synchronisme peut lui avoir été décrit par les peuples rencontrés, il y ajoute sa connaissance astronomique pour en donner une description précise.


  • La notion de durée fixe des heures. À l'époque, la journée se divise en 2 périodes de 12 heures, le jour et la nuit, la durée des heures varie selon la saison. Ce système devenant aberrant au niveau du cercle polaire, Pythéas propose de concevoir une journée de 24 heures de durées égales et constantes, et faire varier la durée du jour et de la nuit, plutôt que celle des heures.


[modifier] Notes

  1. L'emplacement de Thulé reste de nos jours sujet à débats.
  2. L'astronome Geminos de Rhodes cite une « Description de l'Océan ». Marcianus, le scholiaste d'Apollonius de Rhodes, évoque, lui, un voyage autour de la Terre (περίοδος γῆς) ou périple (περίπλους). Cela dit, il n'est pas rare qu'un ouvrage de l'Antiquité soit diffusé et cité par les auteurs Anciens sous plusieurs titres différents, parce parfois une seule partie de l'œuvre est édité avec un titre propre.
  3. Strabon, Géographie, I, 4.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Ferdinand Lallemand - « Journal de bord de Pytheas, géographe marseillais du IVème siècle avant J.C., présenté et commenté par Fernand Lallemand» (1956), éditions de Paris;
  • Samivel - « L'or de l'Islande » (1963), éd. Arthaud, Paris
  • Jean Mabire, Thulé, le Soleil retrouvé des Hyperboréens, éd. Pardès, 1975 (ISBN 2867142873) ;
  • Arno Schmidt, Gadir, nouvelle publiée dans le recueil Léviathan, Christian Bourgois Éditeur, 1991 (ISBN 2267009838).
  • Jean-Marie Gassend, Yvon Georgelin, Hugues Fournés, Pythéas, astronome moderne, Marseille, revue culturelle, N° 189, décembre 1999, pages 60 à 66
  • Antoinette Hesnard, Manuel Moliner, Frédéric Conche, Marc Bouiron, Marseille : 10 ans d'archéologie, 2600 ans d'histoire Musées de Marseille/Edisud, 1999;
  • Hugues Journès, Yvon Georgelin et Jean-Marie Gassend, Pythéas, explorateur et astronome, éd. de la Nerthe, 2000 (ISBN 2913483100) ;
  • Thibaud Guyon, Jeanine Rey et Philippe Brochard, Pythéas l'explorateur : De Massalia au cercle polaire, éd. École des loisirs, 2001 (ISBN 2211062512) ;
  • Barry Cunliffe, Marie-Geneviève l' Her, Pythéas le Grec découvre l'Europe du Nord, éd. Autrement, 2003 (ISBN 2746703610) ;