Délocalisation

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La délocalisation économique est le transfert d'activités, de capitaux et d'emplois en des régions du pays ou du monde bénéficiant d'un avantage compétitif du fait :

  • soit de coûts plus bas (main d'œuvre peu coûteuse, meilleur accès aux ressources naturelles, fiscalité et réglementation plus attractives) ;
  • soit d'un pôle de compétence technologique, ou du moins de personnel compétent ;
  • soit d'un marché local assurant des débouchés plus vastes ou intéressants ;
  • soit d'infrastructures mieux adaptées ou d'un environnement plus attrayant ;

La délocalisation (et son opposée la relocalisation) la notion plus générale du choix de localisation des activités productives de biens et services, en fonction de l'attractivité des territoires, qui est du domaine de la géographie économique.

Sommaire

[modifier] Définition du concept

Délocaliser, c’est séparer les lieux (les pays) de fabrication ou de transformation des marchandises de leurs lieux (ou pays) de consommation ; c’est déplacer l’activité productive des entreprises vers des pays étrangers. La production se délocalise en se transportant en dehors de territoire national ; ce faisant, elle offre ses emplois aux résidants des pays d’accueil. C’est pourquoi, les délocalisations sont avancées pour expliquer, en partie, la montée du chômage dans la majorité des pays développés. Pour l’entrepreneur, la délocalisation répond à une contrainte de gestion : produire là où c’est le moins cher et vendre là où il y a du pouvoir d’achat.

Il faut toutefois faire la distinction entre deux types de délocalisation. La délocalisation au sens strict, celle qui consiste dans l'abandon d’une activité de production nationale, le transfert de cette activité vers une unité de production à l’étranger et l'importation de la production réalisée à l’étranger pour servir le marché national et le redéploiement spatial du centre de gravité économique des groupes, qui est largement lié à la dynamique des marchés et de l’organisation.

La délocalisation est une pratique ancienne, mais l'abaissement des coûts de transport, l'amélioration des techniques de communication ainsi que la mondialisation des marchés --en imposant la baisse des tarifs douaniers (GATT puis OMC) et la libre circulation des capitaux, tandis que la libre circulation des personnes est beaucoup plus limitée-- ont amené un regain de cette pratique. Celle-ci :

  • pousse les pays, régions et agglomérations à des politiques de redynamisation améliorant leur attractivité économique et incitant à la création de nouvelles activités pour remplacer le « vide » économique ;
  • incite à des formes de management très décentralisées, par exemple le système de l'entreprise étendue, permettant de coordonner sans engager de grands capitaux les meilleures sources de produits et de compétences dans les divers points de la planète et d'être par ailleurs présents sur les marchés économiques les plus porteurs ;
  • induit, à l'inverse, la tentation du protectionnisme, qui risque d'être contre-productif, en isolant des flux économiques mondiaux et en amenuisant le pouvoir d'achat du fait de l'absence de concurrence qui entraîne des prix internes élevés par manque d'efforts d'amélioration et création de rente de monopoles locaux, diminuant encore davantage la compétitivité.

Il se trouve cependant dans l'histoire de l'après Seconde Guerre mondiale des pays qui ont profité d'un protectionnisme opportuniste comme le Japon ou les dragons de l'Asie (Corée, Taiwan, Hong Kong, Singapour). Dans le cas du Japon, de la Corée et de Taiwan, cette stratégie a permis une hausse particulièrement rapide du niveau de vie de la population.

[modifier] Au plan économique

Au début des années 1990, des rapprochements statistiques ont été effectués entre les chiffres des emplois perdus depuis le début des années 70 dans l’industrie manufacturière des États-Unis et d’Europe, et les chiffres des emplois créés dans ces mêmes industries en Asie du Sud-Est. La convergence de ces deux statistiques (6,5 millions dans les deux cas) est troublante mais on sait que d’autres facteurs ont influencé la désindustrialisation des pays riches : la robotisation et la tertiarisation de l’économie par exemple.

On peut reprocher aux médias et aux politiques d’alimenter des polémiques sur des cas particuliers et de donner l’impression que les pays pauvres volent, par un dumping social déloyal, les emplois des pays riches. Des études montrent qu’en réalité, la nature et les causes des délocalisations ne sont pas si simples. En 1997, le National Bureau of Economic Research a publié une enquête consacrée aux grandes firmes américaines mettant en évidence que ces entreprises avaient bien réduit le nombre des emplois intérieurs, mais que les créations d’emplois qu’elles avaient en parallèle opérées à l’étranger avaient davantage profité à d’autres pays riches qu’aux pays pauvres.

Il est notable qu’au plan économique les délocalisations permettent :

  • D’abaisser les coûts de certaines consommations intermédiaires et donc d’accroître la compétitivité des entreprises résidentes.
  • D’abaisser le prix des biens de consommation, ce qui favorise le pouvoir d’achat des ménages. Au début du XIXe siècle, David Ricardo (Essai sur l'influence des bas prix du blé sur les profits du capital, 1815) faisait remarquer que la baisse des prix des céréales permise par leur production à l’étranger permettrai de réduire les coûts salariaux et donc de favoriser l’industrie.

[modifier] Au plan social

La délocalisation entraîne des créations d'emploi dans les pays d'implantation (exemple en France de l'usine Toyota à Valenciennes). Toutefois elle crée aussi des licenciements, et des pertes d'emplois indirects, difficiles à compenser dans les pays présentant des faiblesses compétitives. La menace de délocalisations peut aussi être un moyen de pression sur les conditions de travail (amplitude horaire quotidienne, travail de nuit, durée des congés payés, sécurité sociale, âge et taux de retraite) lorsque celles-ci posent un problème économique. Elles sont donc souvent mal vécues par les salariés des entreprises concernées.

[modifier] Population et secteurs concernés

Aux États-Unis, les travaux et de Jagdish Bhagwati[1] (et al) ont cherché à démontrer que les délocalisations avaient peu de chance de menacer l’emploi.

  • Les emplois de services représentent 70% de l’emploi total dans ce pays (et dans les économies des pays riches en général), et très peu d’entre eux sont susceptibles d’être délocalisés car ils supposent une proximité des producteurs et des consommateurs.
  • Les emplois qualifiés ne sont pas encore menacés par la concurrence des pays pauvres du fait du retard de ces pays gardant de faible taux de scolarisation dans les études supérieures.
  • Les délocalisations de certaines étapes du processus de production permettent de stimuler la compétitivité des entreprises résidentes, ce qui est source de croissance et d’emploi. Selon ses auteurs ce gain de compétitivité permettrait un gain de croissance d’environ 0,3% du PIB aux États-Unis.

En France un rapport du Conseil d’Analyse Economique daté de la même année (Jean-Hervé Lorenzi et Lionel Fontagne, Désindustrialisation et délocalisations) arrive à des conclusions semblables.

Dans Richesse du monde, pauvretés des nations (1997), Daniel Cohen estime que la population des pays riches mis en concurrence avec les travailleurs de pays pauvres est de l’ordre de 2 ou 3% seulement. Ce chiffre peut être rapproché d’une étude de l’INSEE : sur la période 1995-2001 « ce sont 13 500 emplois industriels qui auraient été « délocalisés » en moyenne chaque année, soit 0,35% du total de l’emploi industriel. Un peu plus de la moitié des emplois délocalisés l’auraient été à destination des pays développés, notamment des pays limitrophes de la France et des États-Unis. »[2]

Il faut toutefois remarquer que les secteurs d’activités concernés par les délocalisations sont de plus en plus nombreux comme l’atteste celle récente de certains services.

La délocalisation des services est liée à la disponibilité d’importantes infrastructures de communication, conséquence du développement des télécommunication et d’Internet à la fin des années 1990. Suite à l’informatisation de nombreux services, il a été possible de déplacer le lieu de production des services vers des pays à bas salaires sans que cela n’affecte le client.

L’Inde est la première bénéficiaire de cette tendance car elle dispose d’une importante main-d’œuvre qualifiée et anglophone. Des services d’assistance technique sont par exemples fournis aux clients américains sans que ceux-ci ne connaissent la nationalité de leur interlocuteur. Le développement de l’industrie informatique en Inde, dans la ville de Bangalore par exemple, a été accéléré par l’implantation des grandes entreprises américaines. En France, des sociétés telles que Axa ou la Société générale ont délocalisé leur comptabilité en Inde, British Airways et Swissair leur activité de réservation…

[modifier] Délocalisations et pic pétrolier

Les délocalisations qui ont pour but de produire dans un pays au coûts de productions plus faibles (tel que la Chine) des produits afin de les exporter dans une autre zone ou existe le principal marché pour ce produit (tel que l'Europe) sont tributaires, pour être économiquement viables, de coûts de transports très faibles liés à un pétrole très bon marché. Mais avec l'augmentation du prix du pétrole lié a la raréfaction de cette ressources (voir pic pétrolier), les coûts de transports précédemment marginaux deviennent significatifs et la rentabilité d'une telle démarche se réduit. Certains économistes considèrent que cela conduira à une relocalisation de certaines industries (celles concernant des produits pondéreux tels que l'outillage) qui ont par le passé quitté ces territoires.

[modifier] Délocalisation par pays

[modifier] France

[modifier] Quelques faits dans les secteurs industriels et de services français

Dans le secteur industriel, les délocalisations croissent passant de 12000 emplois détruits depuis 1995 en moyenne annuelle à 15000 depuis 2000[3].

Par ailleurs, les délocalisations observées dans les métiers de service, semblent poursuivre des objectifs liés bien plus à des aspects de restructuration et d'optimisation des ressources des entreprises, d'accès à de nouveaux marchés, ou à des ressources humaines indisponibles sur le territoire national, qu'à des considérations de réduction du coût du travail. Les travaux de la Commission des Finances du Sénat ont pu estimer le potentiel de délocalisation de ces métiers de service à 202 000 emplois entre 2006 et 2010[4].

Selon Élie Cohen, économiste français, il ne faut pas confondre les délocalisations avec la désindustrialisation[5].

[modifier] Une délocalisation conséquence de l'internationalisation

La délocalisation est un choix incontestable des entreprises françaises[6]. Dans l'U.E. à 25, c'est la Pologne qui reçoit le plus de filiales françaises (153 813 salariés).

Cette délocalisation se traduit le plus souvent une politique d'implantation de longue date sur les marchés étrangers, tant au niveau des ressources que des débouchés, permettant de renforcer ces entreprises françaises dans le cadre mondial. Les investissements étrangers en France sont de leur côté créateurs d'emploi et renforcent le tissu économique et technologique du pays.[réf. nécessaire]

[modifier] Annexes

[modifier] Bibliographie

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. (en)Jagdish Bhagwati, Arvind Panagariya et T.N. Srinivasan, The Muddles over Outsourcing, Journal of Economic Perspectives 18:4, automne 2004, pp. 93-114 - version sur le site e-JEL (payant), version en accès libre
  2. L’Économie française, Comptes et dossiers 2005-2006, Rapport sur les comptes de la Nation de 2004, INSEE (voir présentation.
  3. [pdf] INSEE L'économie française, Edition 2007 p. 124 et s.
  4. Rapport d'étude sur le potentiel de délocalisation des métiers de services, disponible sur le site de la Commission des Finances du Sénat, réalisé par le cabinet KATALYSE
  5. « La délocalisation stricto sensu consiste à fermer une usine en France, à la reconstituer dans un pays émergent, et à réimporter en France la production faite dans le pays émergent. Ainsi définie, la délocalisation industrielle est un phénomène marginal, n'expliquant, selon les études, que de 3 à 10 % de l'emploi industriel disparu. Toutefois, on peut considérer que le phénomène de délocalisation est plus large, et qu'il devrait comprendre non seulement les usines fermées, mais également les changements d'approvisionnement pour des entreprises restées en France et qui trouvent des fournisseurs hors de France, alors qu'ils les avaient auparavant en France. C'est le cas typique des composants automobiles. Et, dans une conception encore plus vaste, on pourrait ajouter les opérations dites de relocalisation qui consistent, pour une entreprise qui exportait à partir de la France à constituer une unité hors de France et exporter à partir de cette unité. Comme on le voit, si la question des délocalisations est très sensible, son importance numérique est relativement faible. En tout cas, la délocalisation stricto sensu n'explique qu'une part très faible des destructions d'emploi industriel »[réf. souhaitée]
  6. [pdf] Lettre CEPII n° 264, Février 2006.