Pierre-Jean Garat

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Pierre-Jean Garat, né le 26 avril 1762 à Ustaritz[1], mort le 1er mars 1823 à Paris, est un musicien et chanteur baryton français [2]

[modifier] Biographie

Délaissant les études de droit à Bordeaux voulues par son père, il se consacre très jeune à la musique. Doué d'une voix exceptionnelle, d’une pureté inouïe, d’une musicalité innée, d’une oreille sans faille, d’une incroyable mémoire (il peut répéter un opéra quasi entier, entendu une seule fois), il chante avec une facilité déconcertante et un instinct infaillible[3]. Il se déclarait volontiers ignorant de la science musicale, bien qu’il ait appris un temps la vocalisation auprès de l’Italien Lamberti, qui habitait à Bayonne et l’harmonie auprès du directeur du grand Théâtre de Bordeaux, François Beck.[4]

En 1782, sans subside paternel, il est à Paris où, introduit dans les salons[5] et ayant rapidement acquis quelque notoriété en chantant avec deux cantatrices reconnues, mesdames Saint-Huberti et Todi, il fut présenté à la reine qui appréciait le beau chant. Il séduisit l’assistance et gagna le soutien du comte d’Artois. Certains rapportent que Salieri[6] qui l’avait accompagné au clavecin, avait déclaré qu’il était la « musique même ». Pour l’encourager, le comte d’Artois lui donna un emploi de secrétaire et la reine une pension de six mille livres. Garat fut appelé régulièrement à chanter devant la reine, et il conserva toujours de ces concerts un souvenir vivace[7]. Il composera, après la journée du 6 octobre 1789 pendant laquelle fut malmenée Marie-Antoinette, la romance « Vous qui portez un cœur sensible... » [8].

Lors de la tourmente révolutionnaire, il change d’air et on le retrouve à Rouen en compagnie du violoniste Pierre Rode du Concert spirituel, avec tous deux le projet de se réfugier en Angleterre. Les deux compères y séjourneront 8 mois et on compte 17 concerts à leur bénéfice[9]. C’est sans doute lors de ces tours de chant qu’il se fit inquiéter comme « royaliste ». La tradition veut que c’est pour avoir chanté la « romance de la reine » qu’il sera emprisonné à Rouen. Dans sa prison, fidèle à sa protectrice, il écrira une autre romance « Vous qui savez ce qu’on endure... »

Libéré mais sans argent et sans protecteurs, il partit bientôt pour l’étranger, visita entre autres l’Espagne, l’Angleterre et l’Allemagne, des pays où il se fit connaître et obtint le même succès. Il ne revint que sous le Directoire, aux alentours de 1795. Il sera nommé par Napoléon qui aimait l’écouter[10], professeur de chant au Conservatoire de Paris[11] où il forma ou améliora de nombreux chanteurs : MM. Ponchard, Nourrit et Levasseur, Mmes Branchu, Duret et Rigaud-Pallard...

Exemple type de l’Incroyable[12], avide de se donner en spectacle, il fut à cette époque la coqueluche de la jeunesse dorée qui copiait ses tenues vestimentaires extravagantes[13], mais il gardera toujours, même à un âge avancé, l’attitude de mirliflore, maniérée, efféminée[14] et hautaine. Il avait repris les concerts du Théâtre Feydeau et de la rue de Cléry. Il eut une vogue extraordinaire. Il chanta aux Tuileries devant l'empereur, et devant la reine Hortense qui l’entendit à plusieurs reprises. Il défendit les musiques de Gluck, de Boieldieu, de Pergolèse, de Haydn...

Peu versé dans l’harmonie, il se limita aux romances, avec de belles réussites comme « Bélisaire », « Le ménestrel », « Je t’aime tant », « Y sera-t-elle ? », « Le convoi du pauvre », « Le premier amour », « Firmin et son chien »... Certaines de ses chansons à sujets trop allusifs le firent soupçonner: « Bélisaire » (de Lemercier), « Henri IV à Gabrielle », « Bayard », etc.

Il avait épousé en dernières noces[15] sa maîtresse Mlle Duchamp, une jeune contralto qui avait été son élève et qui sera sa veuve. Il est enterré au cimetière de l’Est, 14e division, près de Méhul et Grétry.

« Nul ne saisit mieux toutes les intentions du compositeur et ne les rend avec plus d’expression... ». Appréciant la qualité de son chant, Castil-Blaze lui attribue l’honneur d’avoir fait connaître Mozart à la France. Il eut un art si parfait et une renommée si étendue qu’il peut être considéré comme un des plus grands chanteurs lyriques français. On le surnommait le « Protée musical » ou encore l’« Orphée moderne ».

[modifier] notes

  1. d'après la base généalogique de la Banque de France, la date de naissance a été corrigée et celle qui lui est attribuée traditionnellement (24-04-1764) serait celle de son jeune frère Fabry, né, lui, à Bordeaux. Le lieu est bien Ustaritz, et c'était d'ailleurs la notation de Castil-Blaze, cité par le Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire (de 1874) ; d’Edmond Cardoze : Musique et musiciens en Aquitaine (1992) ; de Jullian, dans sa Galerie historique des contemporaines, p.74 (1823) ; de Jean-Marie Thiébaud et Gérard Tissot-Robbe : « Elizabeth Le Michaud d’Arçon, maîtresse de Napoléon », p.134 (2002), etc.
  2. Des témoins assurent qu’il pouvait chanter en voix de basse-taille toute en ayant une tessiture de haute-contre, probablement en voix de fausset; sa flexibilité devait donc être surprenante, à l’instar de son collègue Martin.
  3. c'est pourtant toutes ces qualités que lui attribuent ses contemporains.
  4. Le chant de son époque était basé sur une mélodie simple que l'interprète devait embellir selon son goût et ses possibilités. C'est dans cet art que Garat fut éblouissant et inégalable.
  5. Pendant tout son séjour parisien, il sera aidé de son oncle Joseph, politiquement en place.
  6. pour d’autres, c’est Antonio Sacchini.
  7. il a été dit qu’il donnait des cours de chant à la reine. Madame Campan, dans ses mémoires, n’est pas de cet avis et rapporte la prudence constante de la souveraine en proie aux médisances, et son grand regret : « Je devais entendre chanter Garat, et ne jamais chanter de duo avec lui. »
  8. Beaucoup d’artistes qui avaient connu ces cénacles de culture raffinée deviendront nostalgiques et se joindront aux rangs des réactionnaires, appelés « Muscadins », tout comme ses collègues et amis, François Elleviou et Jean-Blaise Martin.
  9. Herbert Schneider (né en 1946), Gesellschaft für Musikforschung, Société française de musicologie, p.276, 2002.
  10. C’est à la même soirée que fut représentée à l'Opéra La Création de Haydn, où Garat tenait le rôle de l’ange Gabriel, et qu’eut lieu l’attentat de la rue Saint-Nicaise.
  11. Le Conservatoire de Paris fut renommé Conservatoire impérial de musique puis plus tard Conservatoire royal de musique.
  12. Garat affecta longtemps de ne pas prononcer les « r » quand il parlait, et il est possible qu’il contribua à cette mode, sinon qu’il la créa (le mot « garatisme » fit d'ailleurs son apparition).
  13. on peut dire sans guère se tromper qu’il fut la première « idole des jeunes ».
  14. Guy Breton, dans ses Histoires d’amour de l’Histoire de France, n’hésite pas à lui donner l’attribut de pédéraste.
  15. Toujours selon la généalogie citée plus haut, il aurait eu 2 enfants d'un premier mariage avec Odile de Bellegarde: Louis (1801) et Marie (1802).

[modifier] Bibliographie de référence

  • Pierre Louis Pascal de Jullian, Galerie historique des contemporaines(1819 & 1823)
  • Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire (1874).
  • Henri Welschinger, Le théâtre de la Révolution, 1789-1799, (1880)
  • Antoine-Vincent Arnault, Biographie nouvelle des contemporains, 1787-1820, (1827)