Philippe de Commynes

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Philippe de Commynes.Portrait illustrant ses Mémoires publiés à Bruxelles en 1707.
Philippe de Commynes.Portrait illustrant ses Mémoires publiés à Bruxelles en 1707.

Philippe de Commynes (ou Philippe de Commines), né en 1445 ou 1447 ? et mort en 1511, est un homme politique, chroniqueur et mémorialiste français d'origine flamande.

Sommaire

[modifier] La jeunesse

Il est né en 1447 au château de Renescure à Renescure, vraisemblablement dans une famille d'origine yproise, les de Le Clyte, dont l'anoblissement date de la fin du XVe siècle. Plusieurs générations de la lignée des Commynes ont servi à divers niveaux de l'administration ducale.

La mort de son père en 1453 le laisse orphelin et sans ressources suite à une gestion maladroite des biens de famille. L'éducation du jeune Commynes est confié à son cousin Jean de Commynes qui le recueille dans son château de Comines. A l'automne 1464, Philippe le Bon l'attache, en qualité d'écuyer, à la personne de son fils, le comte de Charolais, futur Charles le Téméraire, d'une dizaine d'années son aîné.

Durant les années passées dans l'intimité du comte, devenu duc de Bourgogne à la mort de son père, il apprend à connaître et à supporter le tempérament violent de son maître. Mais les rapports sont de confiance, car il lui confie plusieurs missions diplomatiques, en Angleterre en particulier, où le jeune Commynes commence à tisser des réseaux. Ce sont les premiers échanges que l’on peut supposer riches et intenses : contacts humains et matériels (livres, tableaux…). C’est un des aspects les moins connus, mais certainement l’un des plus intéressants de Commynes, à savoir son goût pour le mécénat culturel.

[modifier] Au service de Louis XI

Dans la nuit du 7 au 8 août 1472, Philippe de Commynes quitte furtivement le camp du duc de Charles le Téméraire, pour rejoindre Louis XI, roi de France. Au-delà des simples mobiles économiques les plus évidents, des facteurs psychologiques, idéologiques et moraux ont joué dans ce départ. C'est le choix d'un homme, Louis XI, que fait le mémorialiste, et également d'un système de gouvernement. On connaît par Commynes lui-même les frustrations qu'il a éprouvées au service du Téméraire. Sans doute ne sait-on pas tout des violences dont il a pu être l'objet, mais le portrait qu'il nous trace du duc dans les Mémoires est suffisamment éloquent. Il y a rejet d'un côté, attraction de l'autre.

La célèbre rencontre de Péronne entre Louis XI et Charles le Téméraire que Commynes nous raconte longuement dans les Mémoires a été déterminante. On connaît les circonstances de l'événement du roi : son départ soudain à Péronne, l'« erreur » (le mot est de Commynes) commise par Louis XI qui, au moment même de sa rencontre avec le duc, envoie à Liège des agents chargés d'attiser la révolte des habitants, cependant qu'il néglige d'informer ces mêmes agents de l'initiative qu'il va prendre à Péronne. La perspective d'une fin tragique de Louis XI n'avait rien d'inconcevable. On sait par les lettres de Louis XI que Commynes l'a aidé à se sortir de ce mauvais pas.

Commynes restera au service de Louis XI jusqu'à la mort du roi en 1483. Il y joue un rôle important. Au compte des réussites, il y a les gains financiers et fonciers. Commynes a été un de ceux qui ont le plus profité de l'arbitraire royal, lorsque Louis XI a redistribué les terres confisquées à son avènement ou pendant son règne. Commynes récupère une partie des dépouilles des Nemours, mais ce seront surtout les considérables domaines pris aux La Trémoïlle qui feront la fortune du mémorialiste, en particulier la principauté de Talmont et de vastes domaines sur la côte du Bas-Poitou. Le roi règle également les conditions du mariage de Commynes avec Hélène de Chambes, et c'est le roi qui fournit la somme de 30 000 écus pour transférer aux nouveaux époux, en janvier 1473, l'entière possession du domaine d'Argenton en Poitou.

[modifier] Le diplomate

Portrait fantaisiste de Philippe de Commynes par Chasselat, gravé par Migneret
Portrait fantaisiste de Philippe de Commynes par Chasselat, gravé par Migneret

Si les considérations financières et économiques ont joué un rôle capital, peut-être trop, dans les choix de Commynes pendant et après la mort de Louis XI, il y a un domaine où ses compétences et son intelligence se sont pleinement manifestées: c'est la diplomatie.

Commynes a passé une quarantaine d'années au service de trois rois, Louis XI, Charles VIII et Louis XII, plus si l'on tient compte de l'expérience bourguignonne. Une quarantaine d'années au cours desquelles le transfuge, le diplomate a vu s'élargir continûment son aire d'activité.

Hormis les grandes missions officielles de Commynes à Florence en 1478 et à Venise en 1494-1495, c'est dans le large champ de la diplomatie souterraine que Commynes agit efficacement. L'Italie est son domaine de prédilection.

Dans un ensemble d'une centaine de lettres aujourd'hui répertoriées (soit un ensemble épistolaire dont on connaît peu d'équivalents en langue française pour une période aussi reculée que le XVe siècle), une bonne vingtaine de destinataires de lettres sont les correspondants habituels de Commynes, parmi lesquels on compte en priorité les membres de l'état-major de la banque Médicis, Laurent de Médicis, le clan Sassetti, Francesco Gaddi...

[modifier] La disgrâce

Le seigneur d'Argenton mène grand train, même dans les dix dernières années de sa vie, à un moment où on le dit éloigné des centres de pouvoir. Et ce avec d'autant plus de passion que la situation du transfuge reste précaire. C'est le sens des lettres royaux de Charles VIII qui retirent à Commynes l'ensemble des biens que son ancien maître lui avait généreusement donnés.

Dans l'impossibilité d'assurer ses arrières, Commynes s'est en effet engagé dans des voies imprévues et incertaines. Pendant la Régence d'Anne de Beaujeu, il joue un rôle actif dans la coalition formée autour du duc d'Orléans, le futur Louis XII, pour enlever le jeune Charles VIII à l'automne 1484. Après un court séjour à Montsoreau, il se réfugie auprès du duc Jean de Bourbon, à Moulins, d'où il tente de coaliser les princes, envoyant des missives à des destinataires dont les noms sont codés.

Commynes est arrêté au mois de février 1487, enfermé au château de Loches, dans une cage de fer, où il demeurera cinq mois, avant d'être transféré à Paris, d'où il voyait de sa fenêtre les bateaux remontant la Seine. Son procès se termine en mars 1489, par une confiscation du quart de ses biens et par une sentence de rélégation pour dix ans. Les tracasseries judiciaires ne cesseront jusqu'à sa mort en 1511.

[modifier] Publications

Ses Mémoires ont été rédigés en deux temps: les livres I à VI entre 1489 et 1491, les livres VII et VIII (consacrés à l'expédition italienne) entre 1497 et 1498, étant entendu que les Mémoires n'ont pas été écrits d'une seule tenue : on relève des traces de retouches, dans la dernière partie surtout. Les premières éditions des Mémoires datent de 1524 (livres I-VI) et de 1528 (livres VII-VIII).

Commynes est le seul auteur médiéval dont la réception a été continue du Moyen Âge au XXe siècle. Même François Villon n'a pas connu pareille fortune. On ne compte ainsi pas moins de 120 éditions entre 1540 et 1643.

Les Mémoires de Commynes ont été traduits dans de nombreuses langues, dont la dernière est le russe (1981). L'édition des Mémoires publiée à Genève en 2007 est la première édition véritablement critique des Mémoires de Philippe de Commynes. Elle constitue la pièce maîtresse de l'édition en cours à Genève du corpus commynien, avec les lettres déjà publiées, et les « Pièces originales » à paraître.

  • Philippe de Commynes, Mémoires, édition critique par Joël Blanchard, Genève, Droz, 2007, 2 vol (Textes littéraires français, 585)
  • Philippe de Commynes, Mémoires, éd. Joël Blanchard, Livre de Poche (Lettres Gothiques), 2001
  • Philippe de Commynes, Lettres, éd. Joël Blanchard, Genève, Droz, 2001 (Textes littéraires français, 534)
  • Philippe de Commynes, Mémoires, traduction de l'ancien français par Joël Blanchard, Pocket (Agora), 2004

[modifier] Bibliographie

  • Joël Blanchard, Philippe de Commynes, Paris, Fayard, 2006
  • Joël Blanchard, Commynes et les Italiens. Lettres inédites du mémorialiste, Paris, Klincksieck, 1993
  • Joël Blanchard, Commynes l'Européen. L'invention du politique, Genève, Droz, 1996

[modifier] Sources partielles

« Philippe de Commynes », dans Marie-Nicolas Bouillet et Alexis Chassang (dir.), Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, 1878 [détail des éditions] (Wikisource)

[modifier] Liens externes