Pascal Paoli

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Filippo Antonio Pasquale de Paoli
Naissance : 6 avril 1725
(Morosaglia
Décès : 5 février 1807 81 ans)
Londres
Origine : Corse
Grade : Général
Conflits : Guerres de la Révolution
Commandement : Général de la Nation
Faits d'armes : Bataille de Borgu
Bataille de Ponte Novu
Famille : Fils de Hyacinthe Paoli et de Dionisia Valentini
Photo: William Beechey (1753-1839)

Pascal Paoli (en corse et en italien, Pasquale Paoli[1]) (Morosaglia, 6 avril 1725 - Londres, 5 février 1807) est un homme politique et général corse.

La Corse des Révolutions (1729-1754) et la Royaume de Corse constitutionnel (1755-1769) fondent une large partie de l'identité corse d'aujourd'hui. Pascal Paoli est le héros de cette épopée. Héros paradoxal, puisqu'il n'arrive en Corse qu'en 1755, qu'il perd l'ultime bataille face à l'armée royale française, qu'il n'a vécu en Corse que moins de trente ans, pour 15 ans à Naples et en Italie, et 40 ans en Angleterre. Mais sa personnalité et son action intéressent bien au-delà des seuls Corses ou des historiens. Avec un fort attachement à son île natale et à sa culture, Pascal Paoli est une leçon d'humanisme et de démocratie, dont les fondements peuvent se trouver dans son interculturalité, son attachement aux idées des Lumières ainsi qu'à ses relations d'amitiés ou épistolaires tissées à travers toute l'Europe.

Ainsi, Pascal Paoli fut à la fois chef d'État de la Corse indépendante, démocrate et patriote, homme des Lumières et général corse.

Sommaire

[modifier] Biographie

Pascal Paoli est le fils de Hyacinthe Paoli, nommé conjointement avec plusieurs notables corses chef de la nation avant et depuis le départ du roi Théodore de Neuhoff. Il naît dans le hameau dit « a Stretta » du village de Morosaglia, dans une Corse alors sous domination génoise. Dans ses jeunes années, il suit de bonnes études au couvent des Observantins du Rostino.

[modifier] Jeunesse et exil napolitain

En 1739, Hyacinthe Paoli, contraint par les Génois de quitter la Corse secouée par des troubles depuis 1729, choisit de se réfugier à Naples. Il emmène avec lui le plus jeune de ses fils, Pasquale, âgé de 14 ans.

C'est donc en Italie, et plus particulièrement à Naples, que Pasquale Paoli reçoit l'essentiel de sa formation. Il est élève à l'École militaire de Naples et devient cadet dans les troupes corses du Royaume des Deux-Siciles. Il débute par la suite une carrière dans le régiment royal de Farnèse et porte un regard attentif dans le même temps sur les évènements qui se déroulent en Corse et la révolte d'une partie de la paysannerie appuyée sur les notables contre le pouvoir génois.

Durant cette période, il suit l'enseignement d'Antonio Genovesi, titulaire de la première chaire européenne d'économie politique, qui, humaniste, place au premier plan de la légitimité du pouvoir l'intérêt du peuple et prône la séparation du spirituel et du temporel. En économie, Antonio Genovesi insiste sur le commerce international comme source de richesse et valorise en particulier le travail, conceptions qui seront plus tard appliquées par Pascal Paoli.

Le jeune Paoli est aussi un grand lecteur de Montesquieu, dont il se fait expédier « l'Esprit des lois » par son père, et des penseurs anglais de l'époque. Mais il fait également preuve de curiosité scientifique et suit les cours de l'Académie Royale d'Artillerie.

[modifier] Le généralat

Le Général Paoli. Gravure par Antoine de Marcenay de Ghuy
Le Général Paoli. Gravure par Antoine de Marcenay de Ghuy

En 1755, il est appelé par les principaux chefs corses révoltés contre Gênes[2] pour prendre la tête de l'insurrection pour l'indépendance de la Corse. Pasquale Paoli, malgré quelques oppositions internes comme celles d'Emanuele Matra, devient de fait le chef des révoltés corses : le 14 juillet 1755, il est proclamé « Général de la Nation »[3] lors d'une consulte tenue au Couvent Saint-Antoine de la Casabianca.

Durant les premiers mois du généralat, Matra est élu à son tour Général de la Nation. Avec un corps de partisans, il s'oppose et marche contre Paoli, mais la lutte se termine par la mort de ce général au siège du couvent de Bozio.

En même temps, Pasquale Paoli met en oeuvre un plan réflechi de modernisation de l'île en lui donnant une constitution (constitution corse)[4] fondée sur la séparation des pouvoirs, et accorde le droit de vote à tous les citoyens, dont les femmes (veuves ou célibataires).

La Corse devint alors le premier État démocratique dans l'Europe des lumières, et Paoli un « despote éclairé », ce qui suscita l'admiration de philosophes comme Rousseau et Voltaire.[5] Paoli défendit la liberté, bien qu'étant élu à vie. La possibilité d'être démis par la diète corse, dominée dans les faits par les chefs de clan, n'étant pas clairement établie. En outre, Paoli se réservait le droit d'inviter de nombreuses personnes non élues à venir siéger dans cette assemblée. Quand à l'université fondée à Corte, elle restait, par les matières étudiées et par ses nombreux professeurs ecclésiastiques, dominée par le catholicisme.

Sur le plan économique, Paoli introduit en Corse la pomme de terre dès 1756, fonde L'Île-Rousse (1758) dans le but de concurrencer les présides génois d’Algajola et de Calvi, et fait battre monnaie à l’effigie de la nation corse à Murato (1762).

Une « imprimerie nationale » est créée à Campoloro où sont publiés les « Ragguagli dell’Isola di Corsica », sorte de journal officiel. Il crée une marine de guerre et fait de Corte la capitale de la Nation corse où siège le gouvernement. Il bat une monnaie saine, et interdit la vendetta.

[modifier] Négociations entre Gênes et la France, la guerre de Corse

La France, pour des raisons stratégiques, désirant s’implanter en Méditerranée trouva l’opportunité politique de s’emparer de la Corse lorsque la République de Gênes, chassée de Corse et criblée de dettes, vint chercher de l’aide auprès du roi de France. Aux termes du traité de Versailles, signé le 15 mai 1768, la France prêta deux millions de livres à Gênes qui donna en garantie la Corse qu’elle ne possédait plus.

Ayant eu connaissance du traité de Versailles, Pasquale Paoli réunit une consulta le 22 mai à Corte où il fit ce commentaire : « Jamais peuple n'a essuyé un outrage plus sanglant... On ne sait pas trop qui l'on doit détester le plus de celui qui nous vend ou de celui qui nous achète... Confondons les dans notre haine puisqu'ils nous traitent avec un égal mépris »

Bien décidés à défendre leur indépendance, les Corses remportent plusieurs victoires face aux troupes françaises. La plus célèbre étant celle de Borgu, le 5 octobre 1768, où les armées de France doivent battre en retraite devant les régiments corses. Mais, fortes de quelque 20 000 soldats, les troupes de Louis XV remportent une victoire décisive le 9 mai 1769 à Ponte Novu.

Les troupes corses mises en déroute, Pasquale Paoli, contraint à l’exil, quitte la Corse. Il est reçu par le Grand Duc de Toscane, par l'Empereur d'Autriche, le StadHouder des Pays Bas et accueilli par le roi d’Angleterre le 13 juin 1769. La Corse perd du même coup son indépendance et voit les citoyens de sa démocratie passer au rang de sujets de Louis XV.

La victoire militaire des français et l’exil de Pasquale Paoli ne signifiait pas pour autant que la Corse soit conquise. Les nombreuses insurrections qui éclatent dans l’île sont réprimées.

[modifier] Premier exil et retour en Corse

Pierre tombale de Pasquale Paoli dans la chapelle érigée au sein de sa maison natale. L'inscription est en italien, langue officielle de la Corse indépendante et la plus diffusée en Corse jusqu'en 1859.
Pierre tombale de Pasquale Paoli dans la chapelle érigée au sein de sa maison natale. L'inscription est en italien, langue officielle de la Corse indépendante et la plus diffusée en Corse jusqu'en 1859.

Paoli s'exile, il quitte la Corse avec 500 ou 600 de ses partisans, il s'embarque à destination de la Grande-Bretagne et est acclamé sur son passage par ses admirateurs, d'Italie en Grande-Bretagne en passant par l'Autriche ou encore les Pays-Bas. Son combat est en effet devenu célèbre à travers l'Europe grâce au récit de voyage du Britannique James Boswell, Account of Corsica.

Enfin, après un exil de vingt ans et loin d'être opposé à la France, il se rallie à la Révolution française, libératrice du peuple et créatrice de la démocratie. Il est accueilli en particulier par Lafayette. Paoli est rappelé en 1790, dans sa patrie, et son voyage de Paris en Corse fut une véritable marche triomphale. Il est reçu le 22 avril 1790 par l'Assemblée nationale puis, le 26, par le club des Jacobins, alors présidé par Robespierre, qui l'admet à l'unanimité en son sein[6]. Louis XVI le nomme alors lieutenant-général et commandant de l'île. Il débarque le 14 juillet 1790 à Macinaggio pour son retour en Corse, où il est accueilli triomphalement par la population.

Cependant, les relations entre Paoli et la Convention se ternissent, notamment suite à l'échec de l'expédition de Sardaigne.

Ne sachant où s'arrêterait la Révolution française, Paoli se rapproche de la Grande-Bretagne pour chasser les Français de Corse et fonder un royaume anglo-corse[7].

Paoli ne prend ses distances qu'avec la Terreur, qui met sa tête à prix. Le 2 avril 1793, la Convention décrète son arrestation et le déclare « traître à la République française ». En réponse, patriotes corses et députés se réunissent en Consulte générale à Corte le 10 juin 1794 pour l'élever au rang de Babbu di a Patria (« Père de la Patrie »), et les députés jurèrent fidélité au roi d'Angleterre et à la constitution que ce prince avait offerte, et qui établissait un Parlement et un vice-roi.

[modifier] Le Royaume anglo-corse et le second exil

Buste de Pasquale Paolià l'abbaye de Westminster.
Buste de Pasquale Paoli
à l'abbaye de Westminster.

Écarté par les Britanniques du titre de vice-roi, Paoli, mécontent de la conduite que tiennent les Anglais, se retire à Monticello[8].

Il quitte la Corse avec regret mais résigné et retourne à Londres pour un exil définitif, où il meurt le 5 février 1807 à l'age de 81 ans.

Il laisse, par son testament, une somme importante pour fonder à Corte une université, et à Morosaglia une École primaire supérieure.

Le mythe de Pasquale Paoli, « babbu di a Patria » (« père de la Patrie ») est encore très vivant et présent dans l'île. Ses cendres reposent aujourd'hui dans son village natal de Morosaglia. Son cénotaphe se trouve à l'abbaye de Westminster à Londres.

[modifier] Honneurs

L'université de Corse qu'il avait fondée sous le généralat en 1765, fermée par l'Armée de Louis XV en 1769 et rouverte en 1981, porte son nom.

Aujourd'hui, pas moins de cinq communes américaines portent le nom de Paoli dans la Pennsylvanie, l'Indiana, le Wisconsin, l' Oklahoma et le Colorado.[9]

Enfin en 2003, un des ferrys les plus importants de la SNCM a été baptisé du nom de Pascal Paoli.

[modifier] Notes et références

  1. Ou Pasquale de' Paoli
  2. La guerre que la République de Gênes continuait à faire à la Corse était à son plus fort, et les représentants de la nation convoqués à Orezza, allaient délibérer sur les chefs qu'ils devaient nommer pour guider le pays dans cette lutte importante. Paoli se rendit à l'Assemblée comme député de Morosaglia ; la renommée de son père, sa bonne mine, peut-être aussi son uniforme, attirèrent sur lui tous les regards.
  3. On savait qu'il avait reçu une brillante éducation, et quant à son patriotisme on n'en pouvait douter ; il fut donc, d'une voix unanime, nommé général en chef de la nation. Il voulait décliner cet honneur, on insista et il fut forcé d'accepter.
  4. La constitution de la Corse est écrite, autour du Général, par des juristes insulaires. Un projet de constitution, dû à Rousseau, ne fut finalement pas retenu, parce que paraissant trop loin des réalités locales.
  5. On connaît la phrase de Rousseau dans Du contrat social : « Il est encore en Europe un pays capable de législation ; c'est l'Île de Corse […] J'ai quelque pressentiment qu'un jour, cette petite île étonnera l'Europe. »
  6. Gérard Walter, Maximilien de Robespierre, Gallimard, 1989, p. 142-143.
  7. Il craignait pour sa patrie les secousses qui pouvaient en résulter, et crut qu'il valait mieux pour elle être soumise à un gouvernement qui avait déjà subi de semblables épreuves; il s'adressa donc à l'Angleterre dont le gouvernement, saisissant avec empressement une semblable occasion d'augmenter ses possessions, envoya aussitôt dans la Méditerranée une flotte sous le commandement de l'amiral Hood, avec ordre de s'emparer de la Corse. Les Français qui se trouvaient dans l'île étaient en trop petit nombre pour résister longtemps. Les villes maritimes eurent beaucoup à souffrir. Calvi surtout se fit remarquer par son dévouement à la France et fut entièrement ruinée; mais Paoli parvint à faire consentir la population à passer sous le gouvernement des Anglais.
  8. Mais ses ennemis crurent qu'il n'était pas prudent de laisser bouder ainsi un homme dont l'influence était encore assez grande pour faire perdre aux Anglais tout ce qu'il leur avait donné; et le vice-roi, sir Guillaume Elliot, demanda à son gouvernement de l'appeler en Angleterre.
  9. Au cours de la guerre d'indépendance des États-Unis, les insurgents de George Washington, lors d'une bataille contre les troupes anglaises, scandaient le nom de Paoli ( "Remember Paoli" ) au regard du courage des troupes corses en 1769 lors de la bataille de Ponte Novu.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Daniel Arnaud, La Corse et l'idée républicaine, L'Harmattan, 2006 * M. Bartoli, Pasquale Paoli, Corse des Lumières, DCL Editions, 1999 (dernière édition)
  • Antoine-Marie Graziani, Pascal Paoli, Père de la patrie corse, Tallandier, Paris, 2002
  • Michel Vergé-Franceschi, Paoli, un Corse des Lumières, Fayard, Paris, 2005
  • Georges Oberti, Pasquale de Paoli, Editions Pasquale de Paoli, 1990
  • Paul-Michel Villa, L'autre vie de Pascal Paoli, Alain Piazzola, Ajaccio, 1999
  • Jean-Baptiste Marchini, Pasquale Paoli, correspondance (1755-1769), la Corse : Etat, nation, histoire, Serre, 1985

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

[modifier] Source partielle

« Pascal Paoli », dans Charles Mullié, Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, 1852 [détail édition](Wikisource)