Nicolas Antoine

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Nicolas Antoine né à Briey vers 1602, est un théologien protestant français qui adopta les croyances du judaïsme et proclama s'être converti au judaïsme, bien qu'il n'ait jamais été accepté par la communauté juive.

Vivant comme un crypto-Juif, il est mort supplicié sur le bûcher, le 20 avril 1632, à Genève.

Sommaire

[modifier] Conversion refusée par la communauté juive

Nicolas Antoine est né de parents catholiques en 1602 ou 1603 à Briey, une petite ville du Duché de Lorraine; Pendant cinq ans, il suit les cours du collège de Luxembourg, puis est envoyé à Pont-à-Mousson, Trèves et Cologne pour des études supérieures chez les Jésuites. Leur influence semble cependant avoir été inexistante, car au retour de Briey, Nicolas Antoine, alors âgé de vingt ans, n'est plus un fervent catholique.

Les doctrines du protestantisme l'attirent et il consent à être converti par Ferri, pasteur de l'église réformée de Metz, prêcheur réputé et de grande éloquence. Le jeune converti fréquente les académies de Sedan et de Genève pour étudier la religion réformée, mais là aussi, son enthousiasme diminue à mesure qu'il approfondit ses études. Il parvient assez rapidement à la conclusion, assez inattendue, que seul l'Ancien Testament contient la vérité, et se définit secrètement comme juif, bien qu'il ignore que le judaïsme s'appuie non seulement sur la Bible hébraïque, mais aussi sur sa tradition d'interprétation orale qui a pris corps dans le Talmud.

Le rabbinat de Metz refuse d'accueillir le jeune homme dans le judaïsme, en prétextant la peur de représailles de la part des autorités, et conseille à Antoine de se rendre aux Pays-Bas ou en Italie, où les Juifs jouissent d'une plus grande liberté.
Accompagné d'un pasteur chrétien, qu'il a connu à Sedan et qu'il essaie en chemin d'amener à ses croyances, il arrive à Venise, où il découvre que les conditions de vie des Juifs qu'on lui avait décrites ont été grandement exagérées. Les Juifs sont uniquement tolérés par la République de Venise, pour raisons commerciales; ils sont enfermés dans un ghetto lugubre et obligés de porter un disque jaune qui les expose aux railleries de la population. Les Juifs vénitiens ne peuvent qu'apporter leur encouragement. A Padoue, il retrouve une situation identique.

Selon les documents produits lors de son procès, les Juifs italiens lui auraient donné comme « conseil diabolique » de poursuivre sa vie de Juif pieux sous les habits de l'Église. Nicolas Antoine se rend alors à Genève où il accepte un poste de tuteur dans la famille du pasteur et professeur Diodati. Pendant quelque temps, il enseigne aussi la classe supérieure du collège, mais étant un apostat du catholicisme, il n'est pas considéré suffisamment orthodoxe pour qu'on lui confie la chaire de philosophie de l'Académie de Genève.

[modifier] Pasteur protestant, bien que juif

Nicolas Antoine, désirant se marier, cherche une autre affectation. Une nouvelle paroisse protestante vient juste d'être créée à Divonne, un petit village du pays de Gex, qui a appartenu à la France jusqu'en 1602, et qui maintenant est rattaché à la juridiction religieuse de Genève. Là, Antoine obtient le poste de pasteur.

Une fois installé, il cherche à apaiser sa conscience. Ne révélant ses convictions les plus profondes à personne, il observe secrètement un mode de vie entièrement juif, disant ses prières en hébreu et observant tous les rites mosaïques. Dans ses offices publics, il prononce le nom de Jésus aussi rarement que possible. Il n'aurait jamais lu la confession apostolique de manière audible et dans la communion, au lieu des mots: "Ceci est ma chair, ceci est mon sang", il prononce la phrase: "Votre sauveur se souvient de vous". Ses sermons dont les textes ont pour origine uniquement les Livres d'Isaïe et des autres prophètes, deviennent célèbres dans la région, bien qu'ils manquent étrangement de caractéristiques chrétiennes. Les paysans de Divonne sont parfaitement satisfaits de leur pasteur, qui est éloquent à l'extrême et plein de gentillesse à leur égard; ils ne sont pas choqués par la forme vague de ses sermons.

Cependant, le seigneur du château voisin est outragé, et estime qu'Antoine dépasse les bornes quand, un dimanche, il prêche sur le Psaume 2 (qui selon la théologie chrétienne orthodoxe, annonce la venue du fils de Dieu) en déclarant que Dieu n'a pas de fils et qu'il n'y a qu'un seul Dieu. Le châtelain proteste avec véhémence contre le pasteur hérétique et menace de le dénoncer au synode.

Nicolas Antoine tombe dans un profond désespoir; une attaque nerveuse lui fait perdre la raison. A plusieurs de ses collègues de Genève, qui viennent le voir, il chante le soixante-quatorzième psaume, puis s'arrête brusquement et s'exclame qu'il est juif et blasphème la chrétienté. On reconnaît sa folie et on le met au lit, mais il échappe à ses gardiens et vagabonde dans la campagne. Le lendemain on le retrouve à Genève dans un état misérable, s'agenouillant dans la rue et appelant à voie haute le Dieu d'Israël. Le 11 février 1632, on le place dans un asile de fous. Les traitements médicaux n'ont que peu d'effets. Ses collègues ecclésiastiques font tout leur possible pour qu'il change de religion et revienne au christianisme, mais il ne cesse de se proclamer juif et désire rester juif.

[modifier] Son emprisonnement et son exécution

Une accusation pour hérésie ne peut être évitée plus longtemps; le chef de la police de Genève arrête Antoine, et entame des poursuites. Pendant qu'il est en prison, le clergé tente sans cesse d'obtenir sa reconversion, essayant en vain de lui faire signer une déclaration de foi orthodoxe. Obligé de formuler sa croyance religieuse, Antoine rédige douze articles qui sont immédiatement soumis à un tribunal ecclésiastique. Ces articles élaborent les principes du judaïsme dans le style des treize articles de foi de Maïmonide auxquels il ajoute onze objections philosophiques contre le dogme de la Trinité. En même temps, il envoie aux juges trois requêtes dont deux ont été conservées. Malgré les efforts de Metrezat, un pasteur de Paris, et d'autres pasteurs, les juges sont intraitables.

Le procès débute le 11 avril; l'attitude d'Antoine, plein de dignité, engendre beaucoup de sympathie. Les menaces des juges n'ont pas plus d'effet que les persuasions de ses collègues. Il répète constamment: Je suis un Juif et je demande à Dieu l'honneur de mourir pour le judaïsme. La cour essaie de démontrer qu'il a essayé de répandre ses doctrines hérétiques à Genève, ce qu'il nie avec la plus grande énergie. Tous les efforts des juges reçoivent la même réponse: Avec l'aide de Dieu, je suis déterminé à mourir dans ma religion actuelle.

Quinze membres du clergé et des professeurs de théologie sont cités comme témoins. Plusieurs demandent une sentence légère, car dans leur opinion, Antoine n'a pas commis de péché en devenant un Juif, bien que en raison de son hypocrisie, il mérite d'être défroqué et banni, ou au pire l'excommunication. De plus, ils affirment que la décision ne doit pas être précipitée et qu'il serait souhaitable de connaître l'avis de différentes églises ou académies. Une majorité fanatique cependant insiste pour que les juges choisissent cette occasion de démontrer leur foi, car il serait très dangereux d'absoudre un des leur qui a professé le judaïsme tout en portant l'habit d'un prêtre chrétien. Pendant quelques jours, avant de prendre une décision, les juges attendent encore une abjuration d'Antoine.

La sentence est finalement prononcée le 20 avril 1632. Antoine est condamné à être enchaîné, amené au bûcher, étranglé et brûlé. En vain les membres du clergé implorent un sursis. Antoine est exécuté le jour même. Il va à la mort sereinement, implorant le pardon du Dieu d'Abraham.

[modifier] Références

Cet article comprend du texte provenant de la Jewish Encyclopedia de 1901–1906, une publication tombée dans le domaine public.

[modifier] Références de la Jewish Encyclopedia

  • (de): Sammter, Allg. Zeit. d. Jud. 1894, Nos. 4 and 5;
  • Rev. Ét. Juives, xxxvi. 163, xxxvii. 161-180.I.

[modifier] Autres références

  • Le bûcher de Nicolas Antoine (Causerie à l'Union Protestante Libérale, le 17 septembre 1990 à Genève)
  • (de): Wohlan, lasst uns sterben zu Ehre des grossen Gottes Israels! de A. Meier; Revue:Judaica ISSN 0022-572X ; 1992, vol. 48, no3, pp. 132-141
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