Narguilé

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Un narguilé
Un narguilé

Narguilé, narghilé, narjila de Turc: Nargile (arabe: نرجيلة), arguileh (Liban), shisha, chicha (Tunisie), houka (dans le monde Indien), Ghelyan (en persan : قلیان, Qeliān) ou encore Chilam (en Afghanistan), sont des synonymes désignant une sorte de grande pipe à eau utilisée principalement au Moyen-Orient ou en Asie pour fumer le tabac.

Le Narguilé désigne également le tuyau pneumatique flexible alimentant le scaphandrier en air.

Sommaire

[modifier] Étymologie

Femme iranienne, en robe Qajare, en train de fumer le Ghelyan traditionnel.
Femme iranienne, en robe Qajare, en train de fumer le Ghelyan traditionnel.

Le terme « Narghile » utilisé au Liban et dans la plupart des pays européens, dérive du sanscrit narikera, qui est devenu nargil (« noix de coco ») en persan. En effet, les premiers récipients utilisés pour cette sorte de pipe à eau auraient été des noix de coco[1].

« Shisha » viendrait du mot persan shishe (« verre »). En Iran, cette sorte de pipe à eau est appelée Ghelyan, qui est apparemment dérivé de l'arabe aghla (« faire des bulles, bouillir »)[1].

[modifier] Description

Schéma descriptif
Schéma descriptif
Homme tenant une pipe à eau, entre 1905 et 1915.
Homme tenant une pipe à eau, entre 1905 et 1915.

Le narguilé se compose de plusieurs parties : la cheminée, le bol supérieur, le corps (ou réservoir), la pipe immergée et le tuyau. Le narguilé peut également posséder un plateau situé entre la cheminée et le bol supérieur .

Le bol (aussi appelé foyer) contient le tabac (qui est en partie humidifié) et le charbon, qui est posé par dessus. Le bol se pose au sommet de la cheminée. Le corps du narguilé est rempli d'eau à moitié de sa hauteur, et de l'eau de rose ou d'autres additifs destinés à donner du gout peuvent être ajoutés. La pipe immergée est ensuite placée dans le réservoir, et reliée à la cheminée et au tuyau. La fumée du tabac passe par l'eau et est filtrée dans celle-ci avant d'atteindre la bouche du fumeur, qui aspire dans le tuyau prévu à cet effet. L'eau est changée régulièrement pour en retirer les résidus de tabac[1].

Le tabac utilisé dans les narguilés est un mélange spécialement conçu à cet effet : le mélange utilisé a l'apparence d'une pâte humide, composé d'environ 30 % de tabac, qui est fermenté avec environ 70 % de mélasse, de miel et de la pulpe de différents fruits, qui sont destinés à donner une saveur et un arôme fruité au tabac fumé dans le narguilé[2]. On trouve des tabacs à tous les goûts: de la pomme à la cerise, de la menthe aux multifruits, et même le capuccino ou le cola[3]. Le tabac brûle dans le narguilé à la température d'environ 450 °C [4],[2].

Les réservoirs sont de formes diverses (en forme de noix de coco ou autres) et peuvent être ouvragés en métal, en cristal, en verre, en cuivre ou en poterie[1].. Certains sont réhaussés de dorures ou de parties argentées. Les parties métalliques du narguilé sont le plus souvent finement ciselées. Certains tuyaux sont également décorés. Enfin, le plateau du narguilé est lui aussi richement décoré (avec des perles, comme en Syrie) et ciselé. Les formes des narguilés sont très diverses et les décorations (qui vont de la plus "touristique" à la plus raffinée) reflètent les influences décoratives de la région où ils sont fabriqués. Le mécanisme du narguilé permet d'envisager une utilisation simultanée du même appareil par plusieurs fumeurs, comme cela se voit parfois en dehors des sociétés où son usage est traditionnel et où l'instrument peut être au cœur d'une pratique sociale commune.

[modifier] Histoire et usages du narguilé

[modifier] Origines

Les traces les plus anciennes de narguilé ont été trouvé au sud ou à l'est de l'Afrique. Des bols de narguilé ont ainsi été excavés en 1971 dans la grotte de Lalibela (Éthiopie). Leur datation semble indiquer une utilisation datant des années 1320 (avec une marge d'erreur de 80 ans)[5].

L'émergence à plus grande échelle de l'utilisation du narguilé dans la société semble être simultanée à l'apparition des cafés publics et à l'arrivée du tabac dans le moyen-orient[5]. Les portugais ont introduit le tabac en Iran au début du XVIe siècle, et c'est au cours de la dynastie des Safavides que son usage s'est fortement développé en dans le pays, à tel point que la société persane toute entière l'utilisait à la fin du règne de Shah Abbas Ie[1].

La Ghelyan est encore très populaire en Iran, et on peut la voir dans de nombreuses maisons de thé (chai khaneh), restaurants et d'autres espaces publics.

Persan fumant un Ghelyan sur une gravure du Chevalier Chardin, 1723.
Persan fumant un Ghelyan sur une gravure du Chevalier Chardin, 1723.

Le nombre de fumeur de narguilés est estimé à 100 millions à travers le monde, principalement répartis en Afrique, en Asie et dans le Moyen-Orient. Depuis le début des années 1980, le narguilé est devenu plus populaire en Europe et aux Etats-Unis, où des émigrants, venant de pays où le narguilé est une pratique sociale, ont apporté cette pratique culturelle et sociale[2].

[modifier] Impact sur la santé

[modifier] Comparaison avec la cigarette

Une séance de narguilé expose généralement les fumeurs à une quantité de fumée plus grande que pour les fumeurs de cigarette : en effet, les fumeurs de cigarette consomment généralement leurs cigarettes en 5 à 7 minutes, et inhalent un volume de fumée compris entre 0,5 et 0,6 litres de fumée ; en comparaison, les fumeurs de narguilé fument pendant 20 à 80 minutes, et prennent 50 à 200 bouffées de fumée, d'un volume de 0,15 à 1 litre. Une séance d'un fumeur de narguilé peut donc l'exposer à un volume de fumée correspondant à celui émis par un nombre de cigarettes compris entre 40 et 100 [6].

Il est possible que la concentration plus réduite de nicotine dans la fumée issue des narguilés entraîne les fumeurs à inhaler plus de fumée, ce qui les expose à une quantité de produits chimiques cancerogènes et de gaz dangereux (tels le monoxyde de carbone) plus élevés que si la nicotine n'était pas absorbée par l'eau[6].

Les études sur la composition chimique du tabac des narguilés sont encore très peu nombreuses[7], et les processus chimiques intervenant dans la production de la fumée de cigarette et de la fumée des narguilés diffèrent grandement, à cause des températures de combustion et des caractéristiques physiques du tabac (humidité plus ou moins grande) [2].

Thomas Eissenberg, professeur de psychologie à l'Université de Virginia Commonwealth, écrit qu'une session durant approximativement 45 minutes délivre 36 fois plus de goudron, 15 fois plus de monoxyde de carbone, et 70% de nicotine en plus qu'une seule cigarette[8]. Le professeur Bertrand Dautzenberg (hôpital Pitié-Salpêtrière, Paris) souligne que « si 30 à 50 bouffées sont prises dans la même soirée par chicha, cela signifie que le consommateur prend autant de fumée qu'avec 40 cigarettes. Des mesures montrent que l'augmentation du monoxyde de carbone expiré à la fin d'une chicha est équivalente à celle observée lors de la consommation de 30 à 40 cigarettes. » [9].

Comparaison des substances chimiques trouvées dans les narguilés et les cigarettes
Substance chimique Production tirée d'un gramme de tabac à narguilé Production tirée d'un gramme de tabac à cigarette
Goudron (mg) 802 étendue : 1 - 27
moyenne : 11,2
Nicotine (mg) 2,96 étendue : 0,1 - 2
moyenne : 0,77
Monoxyde de carbone (mg) 143 étendue : 1 - 22
moyenne : 12,6
Phénanthrène (μg) 0,748 0,2 - 0,4
Fluranthracène (μg) 0,221 0,009 - 0,099
Chrysène (μg) 0,112 0,004 - 0,041
Source : Kamlesh Asotra, « Hooked on Hooka ? What you don't know can kill you », Research for a Healthier tomorrow, Tobacco related disease research program, University of California, juillet 2006 p. 8-15

[modifier] Autres impacts

La fumée du charbon utilisé pour faire brûler le tabac a également un impact sur la santé : les charbons produisent du monoxyde de carbone, des métaux et des substances cancérigènes, d'après une étude de l'OMS[6]. Cependant, le sociologue et anthropologue Kamal Chaouachi critique cette affirmation en arguant du fait qu'il n'y a eu qu'une seule étude sur ce sujet, et qu'il est donc impossible d'être aussi affirmatif[5].

Lors de séances sociales de narguilé, le passage du tuyau d'une bouche à l'autre peut également favoriser la transmission de maladies contagieuses, comme la tuberculose ou l'hépatite[6]. Néanmoins, l'usage d'un embout individuel en plastique (et à usage unique) permet de réduire ces risques.

[modifier] Annexes

[modifier] Notes et références

  1. abcde (en) Shahnaz Razpush, «Ghalyan», in Encyclopædia Iranica en ligne
  2. abcd (en) Kamlesh Asotra, « Hooked on Hooka ? What you don't know can kill you », Research for a Healthier tomorrow, Tobacco related disease research program, University of California, juillet 2006 p. 8-15
  3. Les différents arômes du tabac Assal
  4. à comparer avec une température de combustion d'environ 900 °C pour la cigarette (cité dans Asotra, « Hooked on Hooka ? What you don't know can kill you »)
  5. abc (en) Kamal Chaouachi, « A critique of the WHO’s TobReg “Advisory Note” entitled: “Waterpipe Tobacco Smoking: Health Effects, Research Needs and Recommended Actions by Regulators" », Journal of Negative Results in Biomedicine, 2006; 5:17
  6. abcd (en) TobReg - Advisory Note Waterpipe Tobacco Smoking : Health Effects, Research Needs and Recommended Actions by Regulators, WHO Study group on Tobacco product regulation, OMS, 2005.
  7. L'article d'Asotra compare les 40 ans de recherche sur la cigarette ayant permis d'identifier 4800 composés chimiques aux 5 études publiées en anglais sur la fumée de narguilé
  8. (en) W. Maziak, K. D. Ward, R. A. Afifi Soweid et T. Eissenberg, « Tobacco smoking using a waterpipe: a re-emerging strain in a global epidemic  », Tobacco Control n°13, 2004, p.327-333
  9. Martine Perez, « L'usage du narguilé se développe en France, alors que ses dangers sont largement méconnus » Le Figaro, 29 mai 2007

[modifier] Bibliographie

  • Kamal Chaouachi, Tout Savoir sur le narguilé. Société, Culture, Histoire et Santé, Maisonneuve et Larose, Paris, 2007, 256 p. (ISBN 2706819545)
  • Kamal Chaouachi, Le narguilé. Anthropologie, L'Harmattan, Paris, 1997, 262 p. (ISBN 2-7384-5170-5)
  • Bertrand Dautzenberg et Jean-Yves Nau, Tout ce que vous ne savez pas sur la chicha, Margaux Orange, Paris, 1 juin 2007, Broché, 160 p. (ISBN 978-2914206297)
  • (en) Kamal Chaouachi, « The Medical Consequences of Narghile (Hookah, Shisha) use in the World », dans Revue d'épidémiologie et de santé publique, no 3, juin 2007, 55 [texte intégral]
  • (it) Kamal Chaouachi, « Presentazione generale del narghilè e del uso suo », dans Tabaccologia, no 1, 2005, p. 27-33 [texte intégral]
  • (it) Kamal Chaouachi, « Narghilè : Aspetti chimici e farmacofisiologici », dans Tabaccologia, no 3, 2005, p. 39-47 [texte intégral]
  • (en) Kamal Chaouachi, « Patologie associate all' uso del narghilè », dans Tabaccologia, no 1, 2006, p. 27-34 [texte intégral]
  • (it) Kamal Chaouachi, « Narghilè : un problema di Sanità publica », dans Tabaccologia, no 4, 2006, p. 29-38 [texte intégral]
  • (en) Wendy Koch, « Hookah trend is puffing along », dans USA Today, 28/12/2005 [texte intégral]

[modifier] Pour aller plus loin

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes