Discussion Utilisateur:Michel Louis Lévy/Midrash

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Hypothèse selon laquelle

Sommaire

[modifier] Un original hébreu ?

Spinoza écrit : Tous les écrivains, aussi bien de l'Ancien Testament que du Nouveau, ayant été des hébreux, il est certain que la connaissance de la langue hébraïque est nécessaire avant tout, non seulement pour entendre les livres de l'Ancien Testament écrits dans cette langue, mais aussi ceux du Nouveau Testament : bien qu'ayant été répandus dans d'autres langues, ils sont cependant plein d'hébraïsmes. Traité Théologico-Politique)}}

Or la langue des plus anciens manuscrits connus du Nouveau Testament est un grec commercial - donc rudimentaire [qui est à la langue d’Eschyle ce que le « globish » (global english) est à la langue de Shakespeare] -, la fameuse Koinè, mâtinée par-dessus le marché de tournures sémitiques. La question s’est toujours posée de savoir si c’en était la langue originale. Claude Tresmontant, dans Le Christ hébreu, défend la thèse d’un original hébreu.

D’autres auteurs, comme Charles Guignebert dans son Jésus, sont partisans d’un original araméen. Dans La Clé traditionnelle des Évangiles, Paul Vulliaud, relate la dispute séculaire entre les tenants de l’hypothèse de l’original grec et ceux de l’original sémitique.

La parenté de nombreux passages des Évangiles avec les textes bibliques, qu’elles citent souvent, ou avec les textes talmudiques, celle des paraboles évangéliques avec divers midrashim est bien connue. Elle conduit généralement les chercheurs à comparer Jésus à Hillel et aux diverses écoles juives (Pharisiens), Sadducéens, Esséniens etc..


[modifier] La thèse de Bernard Dubourg

Bernard Dubourg pose que les textes de la Bible, tant juive que chrétienne, se seraient constitués en hébreu, selon les procédés du midrash. Pour lui, le Nouveau Testament résulte d’abord de la lecture savante (midrashique) de la Bible hébraïque, et ensuite seulement de traductions littérales en grec, calquées sur la traduction de la Septante.

L’ouvrage de Dubourg est surtout consacré à Jésus, ce qui justifie son titre, et à Paul de Tarse. Il analyse divers passages des Évangiles, dont le Prologue de l'évangile selon Jean, et des Actes des Apôtres. Les auteurs des matériaux conduisant au Nouveau Testament auraient entrepris une véritable « fouille » de la Bible hébraïque, selon les procédés du midrash, pour en rechercher les implications eschatologiques. Cette spéculation vise à « accomplir les Écritures ». A noter que ces Écritures, au temps du Second Temple de Jérusalem, différaient quelque peu de la future Bible massorétique.

Les règles du midrash font partie de la « Torah orale », censée accompagner la « Torah écrite », comme une sorte de « mode d’emploi ». Après Dubourg, Maurice Mergui a étendu l’investigation à l’ensemble du corpus néo-testamentaire, à la littérature apocryphe et gnostique. Selon lui, Jésus, la Sainte Famille, Jean-Baptiste, les apôtres et les autres personnages du Nouveau Testament auraient le même statut an-historique et intemporel qu’Abraham, Moïse, Salomon, Job ou Jonas, qui ne sont connus que par la Bible hébraïque. Quant aux personnages historiques (Cyrus, César, Hérode, Quirinius, Ponce Pilate…) et pays ou régions (Galilée, Samarie, Perse, Égypte, Cyrène…) cités par les textes, leurs noms doivent s'entendre comme personnages et lieux midrashiques, par le procédé de la double entente.

Mais le seul auteur qui se pose ouvertement en disciple de Dubourg est Maurice Mergui, fondateur des Éditions des Nouveaux Savoirs, spécialisée dans la traduction en français du Midrash. « Le chapitre 2 de Ruth Rabba, constate-t-il, débute par une clause étrange. On nous déclare que le livre des Chroniques, censé être l’histoire officielle d’Israël, doit être lu comme un midrash ». Dans Un Étranger sur le toît (2003), puis Comprendre les origines du christianisme (2005), il montre les multiples parentés entre celui-ci et les Évangiles, les textes des Pères de l’Église, voire apocryphes et gnostiques. A l’expression d’« hypothèse midrashique », il préfère celle d'"élaboration midrashique", qu'il applique à tel passage, non seulement du corpus évangélique, mais aussi des apocryphes, des Livres des Macchabées ou du Coran. S'agissant des origines du christianisme, l’ancien situationniste Raoul Vaneigem fut le premier à citer Dubourg dans La Résistance au Christianisme (1993). Plus récemment Roland Tournaire, dans Genèse de l’Occident chrétien (2001) et L’Intuition existentielle (2004), remet en cause l’historiographie habituelle du christianisme primitif.


La thèse de Dubourg implique un tel bouleversement du paradigme central de l’Occident chrétien qu’elle semble heurter le sens commun. C'est que l’hypothèse midrashique remplace les recherches sur l’historicité de la Bible et des Évangiles par des recherches sur l’histoire de la composition et de la réception des textes, puis de leur compréhension et de leur évolution dialectique, de l’hébreu à l’araméen, au grec et au latin. Appliquée au Pentateuque, elle fait de Moïse l'inventeur de son propre nom. Appliquée aux livres historiques reçus dans le Tanakh (Livres des Rois, Livres des Chroniques), ou non (Livres des Macchabées ...) aux écrits gnostiques, au Talmud et aux livres de Flavius Josèphe, elle conduit à de délicates mises en cause de leurs parts historique et romanesque.


[modifier] Réception et prolongements

L’Invention de Jésus a été le plus souvent classé dans la catégorie ésotérisme, et à ce titre ignoré des études académiques, tant profanes que religieuses. Les spécialistes des études bibliques lui ont surtout reproché son ton agressif et le cas excessif qu'il fait de la rétroversion du grec à l'hébreu. Si cette méthode peut en effet mettre en valeur les procédés littéraires et exégétiques utilisés, elle ne saurait "prouver" l'existence d'un original en hébreu au Nouveau Testament, encore moins celle de la non-existence historique de Jésus. Peut-on d'ailleurs prouver l'inexistence de qui que ce soit ?

Quelques auteurs utilisent cependant les travaux de Dubourg : les historiens Raoul Vaneigem [1] et Roland Tournaire[2], l'essayiste Stéphane Zagdanski [3]. Le principal continuateur de Dubourg est Maurice Mergui [4] qui explore l"élaboration midrashique" du corpus évangélique, mais aussi des textes apocryphes et gnostiques.

La thèse de Dubourg a aussi eu pour effet indirect de relancer la lecture midrashique du Nouveau Testament.

[modifier] Lecture midrashique du Nouveau Testament

  • Armand Abécassis En vérité, je vous le dis. Une lecture juive des Évangiles. Éditions n°1, 1999.
  • Armand Abécassis Judas et Jésus : une liaison dangereuse Éditions n° 1, 2001.
  • Michel Remaud, Évangile et tradition rabbinique Bruxelles, Lessius, “Le livre et le rouleau”, 2003
  • Dominique de la Maisonneuve, Paraboles rabbiniques, Supplément au Cahiers Évangile n°50, 64 pages, Service Biblique Évangile et Vie/Éd. du Cerf 1984. Cette anthologie de 55 textes trace un chemin au milieu des paraboles rabbiniques.
  • Pierre Grelot, Les Targoums. Textes choisis, Supplément au Cahiers Évangile n°54, 108 pages, SBEV/Éd. du Cerf 1985. Aux premiers siècles de notre ère, les Targoums étaient très connus. L'auteur présente 57 exemples de ces traductions-adaptations araméennes du texte hébreu, faites pour l'enseignement et la synagogue.
  • Pierre Lenhardt et Matthieu Collin, La Torah orale des Pharisiens. Textes de la Tradition d'Israël, Supplément au Cahiers Évangile n°73, 116 pages, SBEV/Éd. du Cerf 1990. Les auteurs ouvrent, en 83 exemples, ces recueils rabbiniques aux noms prestigieux que sont la Mishna et les deux Talmuds.
  • Michel Remaud et Éliane Ketterer, Le Midrash, Supplément au Cahiers Évangile n°82, 100 pages, SBEV/Éd. du Cerf 1992. Introduction simple, en 64 textes, à la complexité et la profondeur de l'exégèse rabbinique pour laquelle l'Écriture a un sens pour toutes les situations et toutes les époques.

[modifier] Bibliographie

  • Paul Vulliaud : La Kabbale juive, Paris, Nourry, 1923 ; La Clé traditionnelle des Évangiles, 1936.
  • Maurice Halbwachs : La topographie légendaire des Evangiles
  • Claude Tresmontant Le Christ hébreu François Xavier de Guibert 1983.
  • Bernard Dubourg : L'Invention de Jésus, Gallimard, tome I, L'Hébreu du Nouveau Testament, 1987 ; tome II, La Fabrication du Nouveau Testament, 1989.
    • Voici une précision que Dubourg apporte au sujet de C. Tresmontant dans le premier tome de L'Invention de Jésus : « Mes propres recherches datent de 1980-1982. Les démonstrations de C. Tresmontant ne doivent rien aux miennes, et vice-versa ; par des voies différentes, à tout le moins indépendantes, nous en sommes arrivés à la même conclusion concernant la langue originelle des Évangiles. »
  • Raoul Vaneigem : La Résistance au Christianisme, Fayard, 1993.
  • Roland Tournaire : Génèse de l'Occident chrétien, L'Harmattan, 2002 ; L'Intuition existentielle, Parménide, Isaïe et le midrach protochrétien, 2004.
  • Maurice Mergui : Un étranger sur le toit, les sources midrashiques des Évangiles (2003), Comprendre les Origines du Christianisme (2005) Editions des Nouveaux Savoirs
  • Stéphane Zagdanski : L'Impureté de Dieu, la lettre et le péché dans la pensée juive, Le Félin, 1991 ; De l'Antisémitisme, Julliard, 1994. Seconde édition, Climats, Flammarion, 2006 La peur du vide, Préface .

[modifier] Liens externes

[modifier] Voir aussi


[modifier] Notes et références

  1. La Résistance au Christianisme Les hérésies des origines au XVIIIe siècle (1993)
  2. Génèse de l'Occident chrétien, L'Harmattan, 2002 ; L'Intuition existentielle, Parménide, Isaïe et le midrach protochrétien, L'Harmattan 2004.
  3. L'Impureté de Dieu, la lettre et le péché dans la pensée juive, Le Félin, 1991 ; De l'Antisémitisme, Julliard, 1994. Seconde édition, Climats, Flammarion, 2006 La peur du vide, Préface
  4. Fondateur des Éditions des Nouveaux Savoirs, spécialisées dans la traduction en français du Midrash, animateur du site "Le Champ du Midrash, auteur de Un Étranger sur le toît (2003), puis Comprendre les origines du christianisme (2005)

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