Ponce Pilate

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Ecce Homo (Voici l'homme !), tableau d'Antonio Ciseri montrant Ponce Pilate présentant Jésus de Nazareth aux habitants de Jérusalem
Ecce Homo (Voici l'homme !), tableau d'Antonio Ciseri montrant Ponce Pilate présentant Jésus de Nazareth aux habitants de Jérusalem

Ponce Pilate (en latin Pontius Pilatus « Pilatus - titulaire d'un javelot d'honneur (du latin pilum) »), né vers 10 av. J.-C. à Lyon (Lugdunum)[réf. nécessaire], était préfet (procurateur selon Flavius Josèphe) de la province romaine de Judée au Ier siècle (de 26 à 36), c'est-à-dire, selon le Nouveau Testament, au moment de la crucifixion de Jésus. Il fut renvoyé à Rome et mourut vers 39 apr. J.-C. en exil à Vienne (Gaule) ou à Lucerne (Suisse). Une inscription trouvée à Césarée en 1961[1] ainsi que les textes de Flavius Josèphe (Guerre des Juifs, livre II, IX.2-4) attestent de son existence.

Sommaire

[modifier] Pilate dans les évangiles

D'après les évangiles, Jésus est conduit devant Pilate par les responsables religieux juifs pour qu'il le juge et le condamne.

En effet, la nuit précédente, Jésus avait été arrêté à Gethsémani, par la cohorte romaine. On le traîne alors devant l'ancien grand-prêtre Anne, chef du clan sacerdotal, puis devant son gendre, le grand-prêtre Caïphe qui a convoqué de toute urgence le Grand Conseil ou Sanhédrin. On lui fait alors un procès autour d'une accusation de blasphème. Mais, le pays étant occupé par les Romains, il faut obtenir un autre jugement, cette fois devant le tribunal du préfet romain, Ponce Pilate, pour parvenir à une condamnation à mort.

On présente donc Jésus à Pilate comme un Galiléen, rebelle dangereux, dont les prétentions à la royauté menacent le pouvoir de l'empereur Tibère.

L'ayant interrogé, Ponce Pilate ne voit aucun motif de condamnation. Croyant sans doute avoir trouvé le moyen d'épargner Jésus, il propose à la foule de libérer un prisonnier à l'occasion de la Pâque, comme le voulait la coutume. Mais, contrairemement à ce qu'il attendait, la foule crie «Libérez Barabbas», du nom d'un autre prévenu dont Pilate instruisait le procès au même moment, présenté par les Évangiles comme un émeutier et un meurtrier. Ainsi l'Évangile selon Matthieu dit (27:24[2]) :

Et Pilate, voyant qu'il ne gagnait rien, mais que plutôt il s'élevait un tumulte, prit de l’eau et se lava les mains devant la foule, disant : « Je suis innocent du sang de ce juste ; vous, vous y aviserez. ».

Les textes de Flavius Josèphe rapportent que Ponce Pilate avait déjà réprimé de manière sanglante deux révoltes juives (voir ci-dessous). Il pouvait donc vouloir éviter un nouveau « tumulte ». Sa réflexion amère « Qu'est-ce que la vérité ? » en fait pour certains auteurs, dont Ernest Renan, l'un des personnages les plus humains présentés dans les Évangiles, en raison de son doute sincère, alors que c’est plutôt la foi ou l’indifférence qui est décrite chez d’autres protagonistes.

[modifier] Pilate dans Flavius Josèphe

Guerre des Juifs, livre II

2[87]. [169] Pilate, que Tibère envoya comme procurateur en Judée, introduisit nuitamment à Jérusalem, couvertes d'un voile, les effigies de César, qu'on nomme enseignes[88]. Le jour venu, ce spectacle excita parmi les Juifs un grand tumulte : les habitants présents furent frappés de stupeur, voyant là une violation de leurs lois, qui ne permettent d'élever aucune image dans leur ville ; l'indignation des gens de la ville se communiqua au peuple de la campagne, qui accourut de toutes parts. Les Juifs s'ameutèrent autour de Pilate, a Césarée, pour le supplier de retirer les enseignes de Jérusalem et de maintenir les lois de leurs ancêtres. Comme Pilate refusait, ils se couchèrent autour de sa maison et y restèrent prosternés, sans mouvement, pendant cinq jours entiers et cinq nuits.

3. [172] Le jour qui suivit, Pilate s'assit sur son tribunal dans le grand stade et convoqua le peuple sous prétexte de lui répondre : là, il donna aux soldats en armes le signal convenu de cerner les Juifs. Quand ils virent la troupe massée autour d’eux sur trois rangs, les Juifs restèrent muets devant ce spectacle imprévu. Pilate, après avoir déclaré qu'il les ferait égorger s’ils ne recevaient pas les images de César, fit signe aux soldats de tirer leurs épées. Mais les Juifs, comme d'un commun accord, se jetèrent à terre en rangs serrés et tendirent le cou, se déclarant près à mourir plutôt que de violer la loi. Frappé d'étonnement devant un zèle religieux aussi ardent, Pilate donna l'ordre de retirer aussitôt les enseignes de Jérusalem.

4[89]. [175] Un peu plus tard il souleva une nouvelle émeute en épuisant, pour la construction d’un aqueduc, le trésor sacré qu'on appelle Korbónas[90] ; l'eau fut emmenée d'une distance de 400 stades[91]. À cette nouvelle, le peuple s'indigna : il se répandit en vociférant autour du tribunal de Pilate, qui se trouvait alors à Jérusalem. Celui-ci, prévoyant la sédition, avait pris soin de mêler à la multitude une troupe de soldats armés, mais vêtus d'habits civils, et, tout en leur défendant de faire usage du glaive, leur ordonna de frapper les manifestants avec des gourdins. Du haut de son tribunal il donna un signe convenu. Les Juifs périrent en grand nombre, les uns sous les coups, d'autres en s'écrasant mutuellement dans la fuite. La multitude, stupéfiée par ce massacre, retomba dans le silence.

[modifier] Pilate et mythologie

Peu de connaissances sont parvenues sur Pilate, mais les récits abondent. Les Évangiles donnant peu de détails sur Pilate, des légendes sont nées autour de ce personnage clé des épisodes dramatiques de la Passion.

Eusèbe de Césarée (in Historia Ecclesiae), cite des récits apocryphes évoquant les malheurs de Pilate sous le règne de Caligula (an 37 - 41). Exilé en Gaule, il se serait finalement suicidé dans le Rhône à Vienne. Un monument de la ville (la tombe de Pilate) évoque ce récit. D'autres attribuent aussi le nom du massif du Pilat, qui commence à Vienne, à cette origine.

D'autres récits viennent de sources plus douteuses. Selon le Mors Pilati (« Mort de Pilate ») son corps fut d'abord jeté dans le Tibre. Les eaux réagirent si vivement aux esprits malins, que son cadavre fut conduit à Vienne et jeté dans le Rhône. Ici aussi les eaux réagirent et son corps dut être noyé dans le Léman à Lausanne. Selon cette tradition, le corps décomposé fut en dernier lieu enterré au pied du Pilatus qui domine Lucerne et le lac des Quatre Cantons.

La légende veut que chaque Vendredi Saint, le corps émerge des eaux du lac et se lave les mains.

L'Église Copte commémore Ponce Pilate comme saint. Selon cette tradition, il se convertit en secret au christianisme, sous l'influence de sa femme Claudia. Il sont tous les deux fêtés les 25 juin.
L'Église Orthodoxe, honore seulement Claudia de la sainteté, en jugeant Pilate indigne puisqu'il se contenta de ne rien avoir à faire avec Jésus.

[modifier] Actes de Pilate

Selon des traditions divergentes, il se serait ensuite converti et serait mort martyr, ou aurait été puni par Tibère et exécuté. Un document nommé actes de Pilate fut considéré dès les origines comme apocryphe.

[modifier] Postérité

Le personnage de Ponce Pilate a inspiré beaucoup d'œuvres. On peut citer L'Évangile selon Pilate d'Éric-Emmanuel Schmitt, Le Procurateur de Judée d'Anatole France ou Ponce Pilate de Roger Caillois, uchronie dans laquelle l’auteur imagine que Pilate gracie Jésus et transforme ainsi l’histoire du monde.

De même, le personnage de Ponce Pilate est l'une des figures centrales du roman Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov, où c'est un personnage triste, profondément humain, accablé par sa charge et laissant crucifier Jésus à contre-cœur qui est décrit.

Au cinéma, Ponce Pilate a fait l'objet de nombreuses incarnations dans des films sur la passion de Jésus : Jean Gabin dans Golgotha, Rod Steiger dans Jésus de Nazareth de Franco Zefirelli, ou Michael Palin dans Monty Python : La Vie de Brian. En 1962, Gian Paolo Callegari réalisa Ponzio Pilato évoquant la vie de Pilate avec Jean Marais dans le role du préfet de Judée.

Dans le livre le Frère de sang d'Éric Giacometti, Pilate est présenté comme un franc-maçon qui a comploté avec les Juifs pour crucifier le Christ, initiant alors le complot judéo-maçonnique.

[modifier] Notes

  1. Article de Guy Couturier (professeur émérite de la faculté de théologie de l'Université de Montréal) sur cette découverte archéologique
  2. La citation du Nouveau Testament est issue de la traduction de John Nelson Darby

[modifier] Bibliographie