Massif du Kemberg

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Kemberg
Roche de la Pierre Percée
La Pierre Percée (alt. 724 m) vue de sa base
Altitude 761 m
Latitude
Longitude
48° 15′ 15″ Nord
         6° 55′ 44″ Est
/ 48.25417, 6.92889
  [1]
Pays France France
Région française Lorraine
Subdivision
Massif Vosges
Première ascension
Voie d'ascension
la plus facile
Type
Montagne - géographie physique |  v · d · m 

Le massif du Kemberg est une modeste montagne des Vosges, bordant à l'ouest la vallée de la Meurthe dans sa partie comprise entre Saulcy et Saint-Dié.

Sommaire

[modifier] Description

Le massif est un bloc gréseux, fortement raviné, au cœur du bassin permien de Saint-Dié. Son profil oriental, descendant vers la passe d'Anozel, rappelle le relief typique de cuesta lorrain. La pointe occidentale en forme de casque guerrier antique, surmonté d'une pointe de roches, a pris le nom de saint Martin.

Ce massif gréseux, constellé de roches en conglomérats sur ces sommets, est partagé entre les communes de Taintrux, Saulcy et Saint-Dié-des-Vosges. Le sommet le plus élevé est composé des roches d'Anozel à 761 mètres d'altitude : il appartient à la ligne de faîte orientale légèrement curviligne en forme de S inversé, qui décline insensiblement vers le nord tout en restant souvent au dessus de 700 mètres d'altitude. Il est équipé de sentiers balisés par la société des promenades ou Club Vosgien. Un sentier récent nommé "tour du Kemberg" l'encercle.

Néanmoins, pour comprendre ce massif, il est nécessaire de lui adjoindre les deux monticules jumeaux détachés à l'occident, aujourd'hui forêt de Chaumont et Pierre de Laitre, dont les bouts sommitaux culminent vers 620 mètres d'altitude. Entre les hauteurs de la ligne de faîte principale et ses deux monticules s'évase une vallée remarquable, dénommée aujourd'hui Grandrupt. Son ruisseau homonyme rejoint le Taintroué entre le vieux hameau de Chaumont et les Moîtresses.

[modifier] Un toponyme celte

Le toponyme désigne simplement la vallée, par l'évolution du celte cumbria. La ligne de faîte du bloc principal est aussi la hauteur clef de la haute vallée de la Meurthe avant qu'elle ne se cambre brusquement vers l'occident, rejetée par les éboulements de l'Ormont, affirmait encore la tradition orale. Elle est isolée par des combes profondes et surtout par la grande vallée de la Meurthe. A son versant nord, le pouvoir militaire, aspect du politique quand la justice est perdue, s'est installé très tôt au lieu-dit du Petit-Saint-Dié.

[modifier] Un lieu de pouvoir guerrier sous Saint-Martin

Un tel lieu de pouvoir, perpétué à travers les siècles, a laissé des traces innombrables dans la tradition et les légendes montagnardes. À l'ombre de ce massif, saint Dié succédant à d'autres païens sous l'invocation Tiuz a fondé un lieu de rassemblement chrétien des hommes de la montagne en amont.

[modifier] Le sanctuaire souterrain des nains

Le Kemberg est le sanctuaire des nains des vallées et des profondeurs faillées de tout le ban montagnard. En celte et en ancien français, le verbe proche du toponyme signifie agripper, saisir, piquer, voler[2]. Les populations celtes gardent l'idée que la rivière et d'autres entités mystérieuses saisissent, entrainent les terres et les roches, déblayent lentement et sélectivement les vallées. Les nains, sortes d'esprits des morts, vivent sous la terre. Ils piquent, volent, dérobent sans pitié les choses de valeurs. Leurs présences bien souvent invisibles aux non-inspirés expliquaient ainsi les richesses minières selon le critère des anciennes populations.

La roche d'Anozel (711 m) vue de sa base
La roche d'Anozel (711 m) vue de sa base

C'est pourquoi les mineurs germaniques, ayant repris l'activité des mines d'Anozel au seizième siècle, lui ont ajouté par zèle une terminaison berg, réhabilitant s'il en était besoin, ce petit sanctuaire minier et montagnard. Les nains de la légende sont toujours actifs, même si la réalité géologique est interprétée scientifiquement . Ils causent ainsi les mini-tremblements de terre incessants et majoritairement insignifiants enregistrés par nos sismomètres alors que les géants, toujours généreux, et si souvent terreux, sales, brumeux, opaques restent cantonnés sur les faces et surtout les hauteurs des belles montagnes et ne troublent que les météores des poètes depuis belle lurette. Les nains sont des pilleurs et accapareurs, des voleurs sans vergogne de richesses.

Les vieux conteurs vosgiens mentionnaient leur avarice et leur appétit sexuel proverbiales. À force de vivre éternellement environnés de richesses, en particulier minérales, les nains connaissent les secrets de la matière. Autrefois se croyant abusés, trompés et volés par les titans, peuples ancêtres des forgerons, ils contribuent à rendre invisibles aux profanes les richesses de la terre, sous forme de minerais et à donner du clinquant par ruse à ce qui n'a aucune valeur.

Les nains, êtres chtoniens, exercent pour le monde minéral et animal une fonction analogue à celle des champignons et organismes décomposeurs du cycle biologique. Les anciens attendaient trois jours avant de mettre sous terre un corps, le cadavre avait besoin de cette durée minimale pour libérer son âme chaude, lumineuse et blanchâtre. Le tueur traditionnel d'un animal devenait son parrain symbolique, il prenait soin de ne pas répandre son sang sur la terre, respectait le rituel en disant l'aimer, c'est à dire en ne le faisant pas souffrir. L'ensemble de âmes humaines pleinement libérées, éprises de rayonnement composaient le monde des elfes, êtres modèle de bonté qui n'importunaient jamais personne.

Cette petite fraction de l'esprit des morts, homme ou animal, qui s'obstinait à rester sur le corps, ou à ne pas se séparer de la terre du lieu après incinération ou mise en terre, rejoignait le monde chtonien, constitué d'êtres qui exigent en menaçant, inquiètent ou angoissent souvent les humains, surtout les esprits faibles. Les nains envient avec une méchanceté cassante les hommes enthousiastes et entreprenants, regardent d'un oeil lubrique les jeunes femmes, accaparent les biens terrestres avec une incommensurable avidité, se réjouissent de l'ignorance, de la bêtise, du malheur et de l'inévitable chute humaine, détruisent par dépit et sans discernement ce qu'ils ne peuvent avoir pour leur unique réconfort égoïste.

Le monde religieux a pacifié les nains et les a cantonné aux phénomènes sous-terrains des mines, en les dénommant simplement lutins. L'abbé Adrien Fresse, historien de Saulcy, puisant dans cette tradition encore vivace à la Belle époque, décrit au singulier le lutin la mine d'Anozel :

« Toute les mines ont leur génie, être merveilleux qui veille sur les trésors de la terre et s'obstine parfois à ne pas en permettre l'accès, soit en ébranlant les galeries, soit en lâchant les inondations. Les mineurs ne le voient que rarement, il est petit de taille, porte un képi rouge et un pantalon de même couleur, et toujours il tient un marteau à la main. Ordinairement, on l'entend travailler et marteler seul au fond des galeries ; mais tous les jours, il fait sa ronde et visite minutieusement marteau en main, tous les puits, toutes les galeries, tous les travaux. Rien n'échappe à sa vigilance. S'il frappe de son marteau, les poutres et pièces de charpente, il avertit par là les mineurs de bâtir, consolider, d'étançonner car le danger est proche et un éboulement imminent. Lorsqu'en revanche on entend frapper sur la roche, cela veut dire : Mineurs, allez de l'avant ! Courage, Bonheur ! »

Toutefois, si on reprend la première description publiée par le jeune séminariste et philomate Adrien Fresse, la description complète esquisse la vieille tradition, à la fois grivoise et maléfique[3]. Le lutin de La Croix-aux-Mines s'appelle le petit minou, il est encore décrit en cœur tendre, mais viril et sans faiblesse : « Il est sans pitié quand la fille d'un mineur, qu'il a vue au lavoir des mines, et qui lui a plu par sa douce beauté, refuse de répondre à son amour ».

[modifier] La mine de cuivre d'Anozel

Dégagement d'une galerie à l'ancienne mine de cuivre de Saint-Jean d'Anozel
Dégagement d'une galerie à l'ancienne mine de cuivre de Saint-Jean d'Anozel

L'activité des mines est très ancienne, probablement antérieure aux premières traces écrites du Xe siècle et aux archives de la fin du Moyen Âge.

[modifier] Annexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Site Géoportail de l'IGN
  2. Les Latins a contrario voient dans le terme vallée une fuite, un dévallement, un décollement, un fluement rapide après le passage du col.
  3. « Les mines de la Croix-aux-Mines », Bulletin de la Société Philomatique Vosgienne, 25e année, 1899-1890, pp 331-351.