Latin moderne

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

L’expression Latin moderne, parfois appelé latin vivant, se rapporte à l’utilisation contemporaine du latin. La période du latin moderne succède à celle du Néo-latin.

L'utilisation moderne du latin est mise en avant par ses partisans pour deux motivations. L'une est pédagogique, elle facilite l'apprentissage du latin classique. L'autre motivation est de favoriser l'usage du latin comme langue véhiculaire, comme c'était le cas en Europe jusqu’au XVIIIe siècle.

Sommaire

Décadence de l'usage du latin

Si des milliers de livres étaient imprimés en néo-latin à la fin du XVIIIe siècle, cette usage était, au début du XXe siècle, confiné à des domaines techniques très spécifiques (comme la botanique), où il fonctionnait comme un code, utilisé pour un nombre très restreint d'expressions et plus comme une langue. Dans d'autres domaines (anatomie, droit), où le latin avait été très largement utilisé, il a survécu dans des phrases techniques et dans la terminologie. Au XIXe siècle, le néo-latin était également utilisé dans le but de dissimuler certains passages de livres de leur lecture par des enfants, des personnes de classes inférieures ou de femmes. De tels passages apparaissent dans des traductions anglaises de textes d'autres langues, dans des travaux sur le folklore, l'anthropologie, la psychologie, par exemple dans la traduction anglaise de Psychopathia Sexualis de Richard von Krafft-Ebing (1886).

En 1933, Régis Messac critiquait l'enseignement du latin dans son célèbre pamphlet À bas le latin !.

Émergence du Latin Moderne

L'émergence du latin moderne remonte à la fin du XIXe siècle, alors que différents périodiques publiés en latin prennent la défense du latin comme langue internationale. Entre 1889 et 1895, Karl Heinrich Ulrichs publia en Italie son Alaudæ[1], qui trouvera une suite dans Vox Urbis: de litteris et bonis artibus commentarius[2], publié deux fois par mois par l'architecte et ingénieur Aristide Leonori entre 1898 et 1913.

Peu après la seconde guerre mondiale, le mouvement du latin moderne reprit de la vigueur, dans le contexte de la construction européenne, parallèlement au renouveau qu'avait connu l'hébreu avec la création de l'État d'Israël. L'idée du « latin vivant » fut à nouveau lancée en 1952 par le normalien et ingénieur français Jean Capelle, ancien recteur de l’Université de Nancy qui publia dans le Bulletin de l’Éducation Nationale de 23 octobre 1952 un article intitulé Le latin ou Babel où il propose le retour au latin. Devant le succès de son article, le Jean Capelle réunit en septembre 1956 à Avignon le premier Congrès International pour le latin vivant où se rencontrèrent près de deux cents participants issus de vingt-deux nations. Les pouvoirs publics français, à une époque ou l'indispensable usage de l'anglais s'imposait de plus en plus dans le monde, n’encouragèrent pas cette initiative, qui pouvait paraître anachronique et qui semblait aller à contre-courant, et dont l’élan s’essoufla ainsi rapidement en France.

D'autres périodiques continuèrent d'être publiés en latin au cours du XXe siècle. En France, suite au congrès d'Avignon, l’éditeur avignonais Théodore Aubanel publia la revue de Vita Latina. En Allemagne, Vox Latina fut publié par Cælestis Eichenseer de l'université de Saarbrück depuis 1965. En Belgique, Melissa fut publié par Guy (Gaius) Licoppe à Bruxelles depuis 1984.

La promotion de l'usage moderne du latin est assurée par des des sociétés savantes. En Italie, l’Academia Latinitati Fovendae organisa à Rome, en 1966, un congrès international où prirent part près de cinq cents participants. En France, le Cercle latin de Paris promeut l'usage du latin. Aux États-Unis, Terence Tunberg, professeur de lettres classiques à l’Université du Kentucky à Lexington, a un grand rôle dans la promotion du latin.

La prononciation du latin moderne suit une reconstruction effectuée par des spécialistes comme Edgar H. Sturtevant (The Pronunciation of Greek and Latin, Chicago Ares Publishers Inc. 1940) et W. Sidney Allen (Vox Latina, A Guide to the Pronunciation of Classical Latin, Cambridge University Press 1965), dont les travaux sont inspirés de ceux qu'avait entrepris Érasme avec De recta Latini Græcique sermonis pronuntiatione dialogus et Alcuin avec De orthographia.

La poésie latine

Depuis la Renaissance, la tradition de la poésie latine ne s'est jamais éteinte chez les lettrés et les érudits européens, et jusqu'à nos jours il existe une suite ininterrompue de poètes latins. Il existe ainsi toujours toute une littérature latine contemporaine comprenant des poètes tels que Arrius Nurus, Geneviève Immè, Alanus Divutius, Anna Elissa Radke, Ianus Novak ou Thomas Pekkanen.

Comme on peut l'apprendre, par exemple en compulsant le manuel de Jozef IJzewijn, A companion to neo-latin studies, (1977), la France, d’Ausone à Santeul ou au Cardinal de Polignac, a été une des terres les plus fécondes en écrivains et poètes latins, de telle sorte qu’il y régnait dans le monde cultivé une véritable diglossie latin-français jusqu’à une époque relativement récente.

Bibliographie

  • Jozef IJzewijn, A companion to neo-latin studies, 1977
  • Guy Licoppe, Pourquoi le latin aujourd'hui ? : (Cur adhuc discenda sit lingua Latina), s.l., 1989
  • Guy Licoppe, Le latin et le politique : les avatars du latin à travers les âges, Bruxelles, 2003.
  • Françoise Waquet, Le latin ou l'empire d'un signe, XVIe-XXe siècle, Paris, Albin Michel, 1998
  • C. Desessard, Le latin sans peine, Assimil (ISBN 2-7005-0021-0)

Références

  1. Wielfried Stroh (éditeur), Alaudæ. Eine lateinische Zeitschrift 1889-1895 herausgegeben von Karl Heinrich Ulrichs. Nachdruck mit einer Einleitung von Wielfried Stroh, Hambourg, MännerschwarmSkript Verlag, 2004.
  2. Volfgangus Jenniges, Vox Urbis (1898-1913) quid sibi proposuerit, Melissa, 139 (2007) p. 8-11.

Liens externes

Revues et organismes cités dans le texte :

Autres langues