Ivan Illich

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Ivan Illich

Ivan Illich, né à Vienne en Autriche le 4 septembre 1926 et décédé le 2 décembre 2002 à Brême en Allemagne, est un penseur de l'écologie politique et une figure importante de la critique de la société industrielle.

Sommaire

[modifier] Biographie

Son père, Piero, vient d'une famille possédant des terres (vignes et oliviers) en Dalmatie, près de la ville de Split en Croatie. Sa mère, Ellen, descend d'une famille juive allemande convertie.

Fritz Regenstrief, son grand-père maternel a fait fortune dans la vente de bois en Bosnie-Herzégovine et construit une villa art nouveau aux alentours de Vienne (Autriche).

Pendant les années 1930, la xénophobie et l'antisémitisme montent en Yougoslavie. Le gouvernement poursuit Fritz Regenstrief à la Cour permanente internationale de justice de la Haye. En 1932, Ellen abandonne Split et part se refugier dans la villa de son père à Vienne avec ses trois enfants. Ils ne reverront plus Piero, qui meurt pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1942, elle quitte l'Autriche en vertu des lois antisémites, les nazis ont saisi la villa familiale.

Ivan Illich poursuit son éducation à Florence, où il joue un petit rôle dans la résistance italienne. Après la guerre, il étudie la théologie et la philosophie à l'Université grégorienne de Rome. Le Vatican le destine à la diplomatie, mais il choisit de se tourner vers la prêtrise. Il dira sa première messe dans les catacombes dans lesquelles les chrétiens romains fuyaient les persécutions.

Venant d'une famille aristocratique ayant d'anciens liens avec l'Église catholique romaine, il était destiné à devenir un prince de l'Église. Giovanni Montini, qui devint plus tard le pape Paul VI fut parmi ceux qui le poussèrent à rester à Rome.

Mais en 1951, il part aux États-Unis dans l'idée d'étudier les travaux d'alchimie d'Albertus Magnus à Princeton. Intrigué par les Porto Ricains et leur profonde foi catholique, il demande à Francis Spellman un poste dans une paroisse portoricaine de New York. Il devient ensuite, entre 1956 et 1960, vice-recteur de l'Université catholique de Porto Rico, où il met sur pied un centre de formation destiné à former les prêtres à la culture latino-américaine.

En 1956, il est nommé vice recteur de l'université catholique de Porto Rico. Deux choses le frappent à l'université : d'une part la surprenante similarité entre l'église et l'école, d'autre part l'étrange différence entre les buts avoués de l'éducation et ses résultats. Cette dernière prétend réduire les inégalités sociales, mais contribue à les accentuer en concentrant les privilèges dans les mains de ceux ayant les bagages suffisants. Cette réflexion aboutira en 1971 à Deschooling Society, traduit en français sous le titre Une société sans école.

Il quitte Porto Rico en 1960 suite à un différend avec la hiérarchie de l'Église, deux évêques qui participèrent à la vie politique en s'opposant à tout candidat qui voudrait légaliser les préservatifs. Pour Illich entre la bombe atomique et les préservatifs, l'Église se trompe de cible.

En 1961, il fonde le Centre pour la formation interculturelle à Cuernavaca qui deviendra le fameux CIDOC (Center for Intercultural Documentation). Ce centre fonctionnera de 1966 à 1976. Après sa fermeture, Illich reviendra vivre en Europe et il enseignera notamment l’histoire du haut Moyen Age à Brême, en Allemagne.

Il décéde en 2002 des suites d'une tumeur qu'il a volontairement choisi d'assumer jusqu'au bout et de ne pas opérer, et qu'il garda 20 ans.

[modifier] Théories

[modifier] Monopole radical

Inventeur du concept de monopole radical (lorsqu'un moyen technique est ou semble trop efficace, il crée un monopole et empêche l'accès aux moyens plus lents, comme les autoroutes vis-à-vis de la marche à pied par exemple). "Quand une industrie s'arroge le droit de satisfaire, seule, un besoin élémentaire, jusque là l'objet d'une réponse individuelle, elle produit un tel monopole. La consommation obligatoire d'un bien qui consomme beaucoup d'énergie (le transport motorisé) restreint les conditions de jouissance d'une valeur d'usage surabondante (la capacité innée de transit)."(Ivan Illich, Energie et équité, 1975)

[modifier] Contre productivité

La principale notion illichienne est le concept de la contre-productivité, qui décrit un phénomène embarrassant : lorsqu'elles atteignent un seuil critique (et sont en situation de monopole) les grandes institutions de nos sociétés modernes industrielles s'érigent parfois sans le savoir en obstacles à leur propre fonctionnement : la médecine nuit à la santé (tuant la maladie parfois au détriment de la santé du patient), le transport et la vitesse font perdre du temps, l'école abêtit, les communications deviennent si denses et si envahissantes que plus personne n'écoute ou ne se fait entendre, etc.

Penseur de l'écologie politique, il lutta contre le système automobile et tous les moyens de transports trop rapides qu'il jugeait aliénants et illusoires. Il avait par exemple calculé qu'en prenant en compte le temps moyen passé à travailler pour acquérir une automobile et faire face aux frais qui y sont liés et non seulement le temps passé à conduire celle-ci, la vitesse du bolide était de 6 km/h. En effet, un Américain consacrait en moyenne, durant les années 1970, 1600 heures par an pour sa voiture et ne parcourait que 10000 kilomètres durant l'année [1]. Illich était aussi contre nos systèmes de santé et l'école obligatoire, qu'il considérait comme outils non-conviviaux.

[modifier] La convivialité

Il travailla à créer des pistes vers d'autres possibilités, qui s'expriment selon lui par un retour à des outils conviviaux, qu'il oppose aux machines. L'outil accepte plusieurs utilisations, parfois détournées du sens original, et donc l'expression libre de celui qui l'utilise. Avec une machine l'homme devient serviteur, son rôle se limitant désormais à faire fonctionner une machine construite dans un but précis.

On peut avoir une idée de la convivialité chez Illich avec la relation autonomie et hétéronomie reliée aux valeurs d'usage et d'échange marxiennes et à l'idée d'union-au-monde d'Erich Fromm.

On peut le considérer, avec son ami Jacques Ellul, comme l'un des principaux inspirateurs des concepts d'« après-développement » (diffusé notamment par des auteurs qui ont travaillé avec Illich, tels Majid Rahnema ou Gustavo Esteva), de « simplicité volontaire » et plus récemment de « décroissance soutenable ».

[modifier] Origine du monde moderne

Dans le livre River north of the future : the testament of Ivan Illich as told to David Caryley, Illich relate dans des entretiens oraux une vision particulière de l'histoire. Pour lui, les institutions d'aujourd'hui qui se veulent universelles et établissent un monopole radical sont héritées du catholicisme.

À propos notamment de l'école : « Chaque peuple eut ses danses de la pluie et ses rites d'initiations, mais jamais un rituel qui clamait sa validité universelle, une procédure se présentant elle-même comme destination inévitable pour tout le monde, dans tous les pays. » L'école est devenue selon Illich une religion universelle, et en tant que telle, témoigne de son héritage de la première institution qui déclarait ses services et ses ministères comme l'unique voie vers le salut : l'Église catholique romaine. (Introduction).

Pour Illich, selon l'adage corruptio optimi quae est pessima (« la corruption du meilleur devient le pire »), le monde moderne n'est ni l'accomplissement du christianisme ni sa négation, mais plutôt sa perversion. Les nouvelles libertés que Jésus nous a apportées ont rendu possibles de nouveaux excès. En libérant l'homme des anciennes traditions et des coutumes ethniques (liberté manifestée selon Illich dans la parabole du samaritain, qui transgresse les clivages) pour aider et donc choisir son prochain, l'homme perd également les garde-fous que ceux-ci pouvaient représenter.

[modifier] Œuvre

  • Libérer l’avenir, Seuil, Paris, 1971.
  • Une société sans école, Seuil, 1971 (titre original: Deschooling Society)
  • La Convivialité, Seuil, 1973 (titre original: Tools for conviviality)[2]
  • Énergie et équité, 1ère édition en français, Le Monde puis Le Seuil, 1973, 2ème édition en anglais, 1974, 3ème éditition en allemand, 1974, traduction par Luce Giard, Seuil, 1975. texte intégral en français
  • Némésis médicale, Seuil, 1975
  • Le Chômage créateur, Seuil, 1977.
  • Le Travail fantôme, Seuil, 1981.
  • Le Genre vernaculaire, Seuil, 1983.
  • H2O ou Les Eaux de l’oubli, Lieu commun, 1988.
  • ABC, l’alphabétisation de l’esprit populaire, avec Barry Sanders, La Découverte, Paris, 1990.
  • Du lisible au visible, la naissance du texte, Cerf, Paris, 1991.
  • Dans le miroir du passé. Conférences et discours 1978-1990, Descartes & Cie, Paris, 1994.
  • Œuvres complètes Tome 1, (Libérer l'avenir - Une société sans école - La Convivialité - Némésis médicale - Énergie et équité), Fayard, 2004.
  • Œuvres complètes Tome 2, (Le Chômage créateur - Le Travail fantôme - Le Genre vernaculaire - H2O, les eaux de l'oubli - Du lisible au visible - Dans le miroir du passé), Fayard, 2005.
  • La Perte des sens, Fayard, Paris, 2004.

[modifier] Prolongement urbain : « Illichville »

Dans le prolongement de l'oeuvre d'Ivan Illich, des artistes américains ont mis en place un projet de ville alternatif, du nom d'« Illichville »[3]. À la différence des précédentes utopies urbaines, ce projet est récent puisqu’il date de la fin du XXe siècle et qu'il se conçoit résolument en opposition avec la « ville-automobile » américaine dont le modèle tentaculaire est Los Angeles. Il s’agit en outre d’un projet urbain à forte connotation écologiste. Il est basé sur la marche à pied, le vélo et les transports en commun. Il s'agit d'une ville qui propose de fait un modèle de décroissance basé sur le refus de la société de consommation et de l’automobile et promouvant la convivialité défendue par Illich.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • David Cayley, Entretiens avec Ivan Illich, Bellarmin, Saint-Laurent, Québec, 1996.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références