Grippe de 1918

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Virus reconstitué de la grippe espagnole, celui qui est le plus proche par ses effets sur l'organisme du virus H5N1
Virus reconstitué de la grippe espagnole, celui qui est le plus proche par ses effets sur l'organisme du virus H5N1

La grippe de 1918, aussi nommée à tort « grippe espagnole », est due à une souche (H1N1) particulièrement virulente et contagieuse de grippe qui s'est répandue en pandémie de 1918 à 1919. Cette pandémie a fait de 20 à 40 millions de morts, 30 millions selon l'Institut Pasteur, voire 100 millions selon certaines réévaluations récentes[réf. nécessaire]. Elle serait la pandémie la plus mortelle de l'histoire dans un laps de temps aussi court, devant les 34 millions de morts (estimation) de la Peste noire.

Son surnom « grippe espagnole » vient du fait que seule l'Espagne — non impliquée dans la Première Guerre mondiale — a pu, en 1918, publier librement les informations relatives à cette épidémie. Les journaux français parlaient donc de la « grippe espagnole » qui faisait des ravages « en Espagne » sans mentionner les cas français qui étaient tenus secrets pour ne pas faire savoir à l'ennemi que l'armée était affaiblie.

Sommaire

[modifier] Historique

Icône de détail Article détaillé : Pandémie de la grippe de 1918.
En décembre 1918, à Seattle, les forces de l'ordre sont équipées de masques
En décembre 1918, à Seattle, les forces de l'ordre sont équipées de masques

Apparemment originaire de Chine (1918), le virus de 1918 serait passé, selon des hypothèses désormais controversées, du canard au porc puis à l'Homme, ou selon une hypothèse également controversée directement de l'oiseau à l'Homme. Elle a gagné rapidement les États-Unis, où le virus aurait muté pour devenir plus mortel (pour ~3% des malades, contre moins de 1/1000 pour les autres épidémies de grippe, cette nouvelle souche est 30 fois plus mortelle que les grippes communes). Elle devint alors une « pandémie » (maladie à diffusion mondiale), lorsqu'elle passe des États-Unis à l'Europe, puis dans le monde entier par les échanges entre les métropoles européennes et leurs colonies.

Elle fit environ 408 000 morts en France, mais la censure de guerre en limita l'écho, les journaux annonçant une nouvelle épidémie en Espagne, pays neutre et donc moins censuré, alors que l'épidémie faisait déjà ses ravages en France. Elle se déroula essentiellement durant l'hiver 1918-1919, avec 1 milliard de malades, et 20 à 40 millions de morts, selon de premières estimations très imprécises fautes de statistiques établies à l'époque. Au début du XXe siècle, le maxima de la fourchette reste imprécis, mais a été porté à 50 - 100 millions, après intégration des évaluations rétrospectives concernant les pays asiatiques, africains et d'Amérique du Sud.

En quelques mois seulement, la pandémie fit en tous cas plus de victimes que la Première Guerre mondiale qui se terminait cette même année 1918, et certains pays seront encore touchés en 1919.

La progression du virus fut foudroyante : des foyers d'infection furent localisés dans plusieurs pays et continents à la fois en moins de 3 mois, et de part et d'autre des États-Unis en sept jours à peine. Localement, deux, voire trois vagues se sont succédé, qui semblent liées au développement des transports par bateau et rail notamment, et plus particulièrement au transport de troupes.

Cette pandémie a fait prendre conscience de la nature internationale de la menace épidémies et maladies, et des impératifs de l'hygiène et d'un réseau de surveillance pour y faire face. Il y a ainsi dans l'une des clauses de la charte de la SDN, la volonté de créer un Comité d'Hygiène international, qui deviendra finalement l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

[modifier] Impact médical, anomalies statistiques

Icône de détail Pour approfondir les propriétés médicales, voir l'article : Grippe.
Dans tous les pays, les hôpitaux sont débordés et il faut construire des hôpitaux de campagne, ici dans le Massachusetts (29 mai 1919)
Dans tous les pays, les hôpitaux sont débordés et il faut construire des hôpitaux de campagne, ici dans le Massachusetts (29 mai 1919)

Les décès furent essentiellement de jeunes adultes, ce qui surprend : les jeunes adultes sont habituellement la génération la plus résistante aux grippes. Ceci a d'abord été expliqué par le fait que cette tranche d'âge (notamment pour des raisons professionnelles ou de guerre) se déplace le plus ou vit dans des endroits où elle côtoie de nombreuses personnes (ateliers, ...). La multiplicité des contacts accroît le risque d'être contaminé. Cette constatation a été faite par les historiens (notamment lors de l'épidémie de choléra à Liège en 1866). En fait c'est le système immunitaire de cette classe d'âge qui a trop vigoureusement réagi à ce nouveau virus, en déclenchant une "tempête de cytokines" qui endommageait tous les organes, au point de tuer nombre de malades.

On estime que 50 % de la population mondiale fut contaminée (soit à l'époque 1 milliard d'habitants), 25 à 50 millions de personnes en périrent, avec un consensus autour de 30 millions de morts.

Cette grippe se caractérise d'abord par une très forte contagiosité : une personne sur deux contaminée. Elle se caractérise ensuite par une incubation de 2 à 3 jours, suivie de 3 à 5 jours de symptômes : fièvres, affaiblissement des défenses immunitaires, qui finalement permettent l'apparition de complications normalement bénignes, mais ici mortelles dans 3% des cas, soit 20 fois plus que les grippes « normales ». Elle ne fait cependant qu'affaiblir les malades, qui meurent des complications qui en découlent. Sans antibiotiques (découverts 10 ans plus tard), ces complications ne purent pas être freinées.

La mortalité importante était due à une surinfection bronchique bactérienne, mais aussi à une pneumonie due au virus. L'atteinte préférentielle d'adultes jeunes pourrait peut-être s'expliquer par une relative immunisation des personnes plus âgées ayant été contaminées auparavant par un virus proche.

[modifier] Le virus de 1918

Les caractéristiques génétiques du virus ont pu être établies grâce à la conservation de tissus prélevés au cours d'autopsies récentes sur des cadavres inuits et norvégiens conservés dans le pergélisol (sol gelé des pays nordiques). Ce virus est une grippe H1N1.

[modifier] Conséquences de la grippe espagnole

A Seattle, le poinconneur a ordre de ne pas laisser monter les passagers non munis de masques. Durant près d'un an, les transports et l'économie de tous les pays seront affectés par les mesures d'hygiène
A Seattle, le poinconneur a ordre de ne pas laisser monter les passagers non munis de masques. Durant près d'un an, les transports et l'économie de tous les pays seront affectés par les mesures d'hygiène

[Résumé à faire à partir de ce site sous licence libre. cf IIIeme partie "C / Les conséquences", en anglais.]

  • Bilan humain
  • Sociologiques
  • Scientifiques
  • Aujourd’hui
Egon Schiele, Die Familie. Le peintre exécute ce tableau quelque jours avant de décéder et peu de temps après que la grippe eut emporté son épouse Edith, alors enceinte de six mois — l'enfant représenté au premier plan n'a en fait pas eu le temps de naître.
Egon Schiele, Die Familie. Le peintre exécute ce tableau quelque jours avant de décéder et peu de temps après que la grippe eut emporté son épouse Edith, alors enceinte de six mois — l'enfant représenté au premier plan n'a en fait pas eu le temps de naître.

[modifier] Victimes célèbres

[modifier] Conclusion

Sur le plan technique, ses caractéristiques pathogènes propres ne sont pas étudiables du fait de l’absence de souche virale, aucun prélèvement n’ayant pu être conservé dans un état suffisamment bon.

C’est donc seulement en étudiant la famille des grippes, dans leur ensemble, que l’on peut en comprendre ses mécanismes qui se résument à ceci :

  • une contagiosité très forte, induisant un comportement épidémique ou pandémique,
  • une variabilité forte, entraînant une virulence variable ainsi que l'inefficacité de l'immunisation d'une année sur l'autre,
  • la virulence de cette souche particulièrement grande (grave affaiblissement), ainsi que
  • le fait que, finalement, ce virus ne fait qu’affaiblir les défenses immunitaires, et n’est pas en lui-même source de décès (ce sont les complications qui accompagnent la grippe qui sont mortelles en fonction du degré d’affaiblissement de l’organisme).

L'absence d'antibiotique (qui n'aurait pas stoppé la maladie virale mais seulement les complications bactériologiques) fut également déterminante.

Enfin, en ce qui concerne les conséquences, l’élément essentiel est la prise de conscience de la menace biologique à l'échelle mondiale, qu’une épidémie débutant en Chine pouvait finalement menacer la population des É.-U., de l'Europe, et de l’ensemble des états du monde. Il s’en suivit la création -par la SDN- d’un organisme de Santé et de surveillance médicale mondiale, qui devint plus tard l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Il est aussi à noter, vu le cycle de réapparition des épidémies de grippe mortelle s’espaçant, au maximum constaté, de 39 ans, la dernière datant de 1968, l’OMS prévoit « statistiquement » l’apparition d’une pandémie de grippe mortelle d’ici 2010 à 2015. Voilà pourquoi, depuis quelques années, un certain nombre d’études sont soudainement consacrées au virus de la grippe espagnole, certaines visant à en récupérer des souches intactes, tangiblement étudiables, pour permettre l'édification de défenses adéquates. La grippe aviaire (H5N1) cristallise ainsi non seulement des risques médicaux tangibles mais aussi des peurs bien plus abstraites.

La pandémie de 1918-1919 a été, avec 30 millions de morts selon le consensus généralement admis [1], la première grande pandémie de l’ère moderne. Elle est l'une des plus grandes pandémies humaines, comparable en nombre de victimes à celles de la peste et du sida. Ce dernier continue cependant à tuer au-delà des 24 millions de victimes déjà comptabilisées.

[modifier] Fictions

  • Britain and the 1918-19 Influenza Pandemic: A Dark Epilogue, par Niall Johnson. Routledge, London and New York 2006. ISBN 0-415-365600

Cette Bande dessinée raconte le retour au pays, après la grande guerre, de poilus de la Réunion qui sans le savoir sont atteints de la grippe.

[modifier] Référence

  1. 21 millions selon l'Institut Pasteur, 50 millions selon l'OMS. Le consensus actuel se situe plutôt au environ de 30 millions. Voir ici.
  2. (fr) Critique du livre, Le glaive de Dieu

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes

http://www.ibiblio.org/hyperwar/AMH/XX/WWI/Navy/rep/SecNav-1919/Misc/BuMed.html#table9
http://history.amedd.army.mil/SpecialFtrs/1918flu/ARSG1919/ARSG1919InfectDisStatDis.htm