Guillaume Apollinaire

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Guillaume Apollinaire
Naissance 26 août 1880
Décès 9 novembre 1918
Activité Poète
Nationalité France Française
Œuvres principales Alcools, Calligrammes

Guillaume Apollinaire, pseudonyme de Wilhelm Albert Włodzimierz Apollinary de Wąż-Kostrowicki né le 26 août 1880 à Rome, mort le 9 novembre 1918 à Paris, inhumé au cimetière du Père-Lachaise (division 86), est un des principaux poètes français (né d'une mère polonaise) du début du XXe siècle, auteur notamment du Pont Mirabeau. Il écrit également des nouvelles et des romans érotiques. Il pratique le calligramme (terme de son invention désignant ses poèmes écrits en forme de dessins et non de forme classiques en vers et strophes). Il est le chantre de toutes les avant-gardes artistiques, notamment le cubisme, poète et théoricien de l'Esprit nouveau, et précurseur du surréalisme dont il a forgé le nom.

Sommaire

Biographie

Sa mère, Angelica Kostrowicka, est issue de la noblesse polonaise, mais son père est, à ce jour encore, inconnu, peut-être un officier italien. Arrivé à Monaco en 1897, Guillaume est inscrit aux lycées de Cannes et de Nice. En 1899, il passe l'été dans la petite bourgade wallonne de Stavelot, un séjour quitté à « la cloche de bois » : ne pouvant payer la note de l'hôtel, Wilhelm et son demi-frère Albert doivent quitter la ville en secret et à l'aube. L'épisode wallon féconde durablement son imagination et sa création. Ainsi de cette époque date le souvenir des danses festives de cette contrée (« C'est la maclotte qui sautille ... »), dans Marie, celui des Hautes Fagnes, ainsi que l'emprunt au dialecte wallon.

En 1901 et 1902 il est précepteur dans une famille allemande. Il tombe amoureux de la gouvernante anglaise Annie Playden, qui ne cessera de l'éconduire. C'est la période « Rhénane » dont ses recueils portent la trace (La Lorelei, Schinderhannes). De retour à Paris en août 1902, il garde le contact avec Annie et se rend auprès d'elle à deux reprises. Mais en 1905, elle part pour l'Amérique. Le poète célébrera sa relation avec Annie et la douleur de la rupture dans de nombreux poèmes dont Annie et La Chanson du mal-aimé.

Entre 1902 et 1907, il travaille pour divers organismes boursiers et commence à publier contes et poèmes dans des revues. En 1907, il rencontre la peintre Marie Laurencin, avec laquelle il entretiendra une relation chaotique et orageuse. Il décide de vivre de sa plume. Il se lie d'amitié avec Picasso, Derain, Edmond-Marie Poullain , de Vlaminck et le douanier Rousseau, se fait un nom de poète, de journaliste[1], de conférencier et de critique d'art. En septembre 1911, accusé de complicité de vol parce qu'une de ses relations a dérobé des statuettes au Louvre, il est emprisonné durant une semaine à la prison de la Santé ; cette expérience le marquera [2]. En 1913, il publie Alcools, somme de son travail poétique depuis 1898.

Il tente de s'engager dans l'armée française en août 1914, mais le conseil de révision ajourne sa demande car il n'a pas la nationalité française. Sa seconde demande en décembre 1914 est acceptée ce qui déclenche sa procédure de naturalisation[3] Peu avant de s'engager, il tombe amoureux de Louise de Coligny-Châtillon, rencontrée à Nice en septembre 1914, qu'il surnomme « Lou ». Elle est divorcée et mène une vie très libre. Guillaume Apollinaire s'éprend d'elle et lui fait la cour. Elle finira par accepter ses avances mais ne lui dissimule pas son attachement pour un homme qu'elle surnomme "toutou". Rapidement Guillaume dût partir au front. Une correspondance est née de leur relation et est d'une poésie remarquable.

Sa lettre déclaration d'amour datée du 28 septembre 1914 commence en ces termes : "Vous ayant dit ce matin que je vous aimais, ma voisine d'hier soir, j'éprouve maintenant moins de gêne à vous l'écrire. Je l'avais déjà senti dès ce déjeuner dans le vieux Nice où vos grands et beaux yeux de biche m'avaient tant troublé que je m'en étais allé aussi tôt que possible afin d'éviter le vertige qu'ils me donnaient. (...)"

Mais la jeune femme ne l'aimera jamais, ou du moins, pas comme il l'aurait voulu ; ils rompent en mars 1915 en se promettant de rester amis. Le 2 janvier 1915, il fait connaissance de Madeleine Pagès dans un train. Il part avec le 38e régiment d'artillerie de campagne pour le front de Champagne en avril 1915. Malgré les vicissitudes de la vie en guerre, il écrit dès qu'il le peut pour tenir et rester poète (Case d'Armons, et une abondante correspondance avec Lou, Madeleine et ses nombreux amis). Il se fiance à Madeleine en août 1915. Transféré sur sa demande au 96e régiment d'infanterie avec le grade de sous-lieutenant en novembre 1915, il est naturalisé français le 9 mars 1917. Il est blessé à la tête par un éclat d'obus le 17 mars 1916, alors qu'il lit le Mercure de France dans sa tranchée. Évacué sur Paris, il est trépané le 10 mai 1916. Après une longue convalescence, il se remet progressivement au travail, fait jouer sa pièce Les Mamelles de Tirésias (sous-titrée drame surréaliste) en juin 1917 et publie Calligrammes en 1918. Il épouse Jacqueline (la « jolie rousse » du poème) à qui l'on doit de nombreuses publications posthumes.

Affaibli par sa blessure, Guillaume Apollinaire meurt le 9 novembre 1918 de la grippe espagnole. Il est enterré au cimetière du Père-Lachaise à Paris alors que, dans les rues, les Parisiens célèbrent la fin de la guerre.

La tombe de Guillaume Apollinaire au cimetière du Père Lachaise, division 86, présente un monument menhir conçu par Picasso et financé par la vente aux enchères de deux œuvres de Matisse et Picasso le 21 juin 1924.[4] La tombe porte également une double épitaphe extraite du recueil Calligrammes : trois strophes discontinues de « Colline » [5] qui évoquent son projet poétique et sa mort, et un calligramme de tessons verts et blancs en forme de cœur qui se lit "mon cœur pareil à une flamme renversée".

Son nom est cité sur les plaques commémoratives du Panthéon de Paris dans la liste des écrivains morts sous les drapeaux pendant la guerre 1914-1918.

Regards sur l'Œuvre

Apollinaire peint en La Muse inspirant le poète d'Henri Rousseau, (1909)
Apollinaire peint en La Muse inspirant le poète d'Henri Rousseau, (1909)

Influencé par la poésie symboliste dans sa jeunesse, admiré de son vivant par les jeunes poètes qui formèrent plus tard le noyau du groupe surréaliste (Breton, Aragon, Soupault. Apollinaire est l'inventeur du terme « surréalisme »), il révéla très tôt une originalité qui l'affranchit de toute influence d'école et qui fit de lui un des précurseurs de la révolution littéraire de la première moitié du XXe siècle. Son art n’est basé sur aucune théorie mais sur un principe simple : l’acte de créer doit venir de l’imagination, de l’intuition car il doit se rapprocher le plus de la vie, de la nature. Cette dernière est pour lui « une source pure à laquelle on peut boire sans crainte de s’empoisonner » (Oeuvres en prose complètes, Gallimard, 1977, p.49). Mais l’artiste ne doit pas l’imiter, il doit la faire apparaître selon son propre point de vue, de cette façon, Apollinaire parle d’un nouveau lyrisme. L’art doit alors s’affranchir de la réflexion pour pouvoir être poétique. « Je suis partisan acharné d’exclure l’intervention de l’intelligence, c’est-à-dire de la philosophie et de la logique dans les manifestations de l’art. L’art doit avoir pour fondement la sincérité de l’émotion et la spontanéité de l’expression : l’une et l’autre sont en relation directe avec la vie qu’elles s’efforcent de magnifier esthétiquement » dit Apollinaire (entretien avec Perez-Jorba dans La Publicidad). L’œuvre artistique est fausse en ceci qu'elle n'imite pas la nature, mais elle est douée d'une réalité propre, qui fait sa vérité.

Apollinaire se caractérise par un jeu subtil entre modernité et tradition. Il ne s’agit pas pour lui de se tourner vers le passé ou vers le futur mais de suivre le mouvement du temps. « On ne peut transporter partout avec soi le cadavre de son père, on l’abandonne en compagnie des autres morts. Et l’on se souvient, on le regrette, on en parle avec admiration. Et si on devient père, il ne faut pas s’attendre à ce qu’un de nos enfants veuille se doubler pour la vie de notre cadavre. Mais nos pieds ne se détachent qu’en vain du sol qui contient les morts » (Méditations esthétiques, Partie I : Sur la peinture).

C’est ainsi que le calligramme substitue la linéarité à la simultanéité et constitue une création poétique visuelle qui unit la singularité du geste d'écriture à la reproductibilité de la page imprimée. Apollinaire prône un renouvellement formel constant (vers libre, monostiche, création lexicale, syncrétisme mythologique). Enfin, la poésie et l’art en général sont un moyen pour l’artiste de communiquer son expérience aux autres. C’est ainsi qu’en cherchant à exprimer ce qui lui est particulier, il réussit à accéder à l’universel. Enfin, Apollinaire rêve de former un mouvement poétique global, sans écoles, celui du début de XXe siècle, période de renouveau pour les arts et l'écriture, avec l'émergence du cubisme dans les années 1910, du futurisme italien en 1909 et du dadaïsme en 1916. Apollinaire entretient des liens d'amitié avec nombre d'artistes et les soutient dans leur parcours artistique (voir la conférence "la phalange nouvelle").

Bibliographie

Poésie

Tombe de Guillaume Apollinaire au cimetière du Père Lachaise à Paris
Tombe de Guillaume Apollinaire au cimetière du Père Lachaise à Paris
  • Le Bestiaire ou cortège d'Orphée, illustré de gravures par Raoul Dufy, Deplanche, 1911.
  • Alcools, recueil de poèmes composés entre 1898 et 1913, Mercure de France, 1913.
  • Vitam impendere amori, illustré par André Rouveyre, Mercure de France, 1917.
  • Calligrammes, poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, Mercure de France, 1918.
  • Il y a..., recueil posthume, Messein, 1925.
  • Ombre de mon amour, poèmes adressés à Louise de Coligny-Châtillon, Cailler, 1947.
  • Poèmes secrets à Madeleine, édition pirate, 1949.
  • Le Guetteur mélancolique, poèmes inédits, Gallimard, 1952.
  • Poèmes à Lou, Cailler, 1955.
  • Soldes, poèmes inédits, Fata Morgana, 1985
  • Et moi aussi je suis peintre, album d'idéogrammes lyriques coloriés, resté à l'état d'épreuve. Les idéogrammes seront insérés dans le recueil Calligrammes, Le temps qu'il fait, 2006.

Romans, contes

  • Mirely ou le Petit Trou pas cher, roman érotique écrit sous pseudonyme pour un libraire de la rue Saint-Roch à Paris, 1900.
  • "Que faire ?", roman-feuilleton du "Matin", signé Esnard, auquel G.A. sert de nègre.
  • Les Onze Mille Verges ou les amours d'un hospodar, publié sous couverture muette, 1907.
  • L'Enchanteur pourrissant, illustré de gravures d'André Derain, Kahnweiler, 1909.
  • L'Hérésiarque et Cie, contes, Stock, 1910.
  • Les Exploits d'un jeune Don Juan, roman érotique, publié sous couverture muette, 1911.
  • La Rome des Borgia, qui en fait de la main de Dalize, Bibliothèque des Curieux, 1914.
  • La Fin de Babylone - L'Histoire romanesque 1/3, Bibliothèque des Curieux,1914.
  • Les Trois Don Juan - L'Histoire romanesque 2/3, Bibliothèque de Curieux, 1915.
  • Le Poète assassiné, contes, L'Édition, Bibliothèque de Curieux, 1916.
  • La Femme assise,inachevé, édition posthume, Gallimard, 1920.
  • Les Épingles, contes, 1928.

Ouvrages critiques et chroniques

  • La Phalange nouvelle, conférence, 1909.
  • L'Œuvre du Marquis de Sade, pages choisies, introduction, essai bibliographique et notes, Paris, Bibliothèque des Curieux, 1909, première anthologie publiée en France sur le marquis de Sade.
  • l'Oeuvre poétique de Charles Baudelaire,introduction et notes à l'édition des Maîtres de l'amour,Collection des Classiques Galants, 1924 Paris
  • Les Poèmes de l'année, conférence, 1909.
  • Les Poètes d'aujourd'hui, conférence, 1909.
  • Le Théâtre italien, encyclopédie littéraire illustrée, 1910
  • Pages d'histoire, chronique des grands siècles de France, chronique historique, 1912
  • La Peinture moderne, 1913.
  • Méditations esthétiques. Les Peintres cubistes, 1913.
  • L'Antitradition futuriste, manifeste synthèse, 1913.
  • Le Flâneur des deux rives, chroniques, Éditions de la Sirène, 1918.
  • Les Diables amoureux, recueil des travaux pour les Maîtres de l'Amour et le Coffret du bibliophile, Gallimard, 1964.


Références :

  • Œuvres en prose complètes. Tomes II et III, Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 1991 et 1993.
  • Petites merveilles du quotidien, textes retrouvés, Fata Morgana, 1979.
  • Petites flaneries d'art, textes retrouvés, Fata Morgana, 1980.

Théâtre, cinéma

Correspondance

  • Lettres à sa marraine 1915–1918, 1948.
  • Tendre comme le souvenir, lettres à Madeleine Pagès, 1952.
  • Lettres à Lou, édition de Michel Décaudin, Gallimard, 1969.
  • Lettres à Madeleine. Tendre comme le souvenir, édition revue et augmentée par Laurence Campa, Gallimard, 2005.

Journal

  • Journal intime (1898-1918), édition de Michel Décaudin, fac-similé d'un cahier inédit d'Apollinaire, 1991.

Liens externes

commons:Accueil

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Citations

« À la fin tu es las de ce monde ancien » (Alcools - Zone, premier vers)
« Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure » (Alcools - Le pont Mirabeau, Leitmotiv)
« Je suis ivre d'avoir bu tout l'univers [...]
Écoutez mes chants d'universelle ivrognerie » (Alcools - Vendémiaire)
« Moi qui sais des lais pour les reines
Les complaintes de mes années
Des hymnes d'esclave aux murènes
La romance du mal aimé
Et des chansons pour les sirènes » (Alcools - La Chanson du Mal-Aimé, dernière strophe)
« Les fleurs qui s'écrient hors de bouches
Et tout ce que je ne sais pas dire
Tout ce que je ne connaîtrai jamais
Tout cela tout cela changé en vin pur
Dont Paris avait soif
Me fut alors présenté » (Alcools - Vendémiaire)
« Ah ! Dieu que la guerre est jolie ! » (Calligrammes - L'Adieu du Cavalier)
« Vous voilà de nouveau près de moi
Souvenirs de mes compagnons morts à la guerre (…)
Ombre multiple que le soleil vous garde
Vous qui m'aimez assez pour ne jamais me quitter
Et qui dansez au soleil sans faire de poussière
Ombre encre du soleil
Écriture de ma lumière
Caisson de regrets
Un dieu qui s'humilie » (Calligrammes - Ombre)

Notes et références

  1. Il collabore notamment à la revue avant-gardiste SIC créée par Pierre Albert-Birot et à laquelle participera entre autres Louis Aragon, Tristan Tzara ou encore Philippe Soupault
  2. « Le poète en prison » : l’épisode est rappelé par Pascal Pia dans son livre consacré au poète : il avait pris à son service comme factotum le nommé Géry Piéret, ancien collègue belge rencontré dans une rédaction et dont l’esprit fantasque et mythomane l’amusait. Ce cleptomane de musée, mais non trafiquant, dérobait de temps à autre des statuettes au Louvre. Ces disparitions ne furent pas d’abord rendues publiques. Le poète ne fut accusé de complicité (il n'avait pas dénoncé son ami) que lorsque ces larcins remontèrent à la surface lors du vol de la Joconde auquel ils n'étaient d'ailleurs pas liés: Piéret avait profité de la brûlante actualité pour vanter ses aventures du Louvre auprès de Paris-Journal qui avait payé ses révélations et promis la discrétion. Mais les bavardages autour de l'affaire du tableau eurent le dernier mot
  3. "Apollinaire demande sa naturalisation", p12, Historia, février 2008.
  4. Matisse - Picasso
  5. (...) Je me suis enfin détaché
    De toutes choses naturelles
    Je peux enfin mourir mais non pécher
    Et ce qu’on n’a jamais touché
    Je l’ai touché je l’ai palpé
    Et j’ai scruté tout ce que nul
    Ne peut en rien imaginer
    Et j’ai soupesé maintes fois
    Même la vie impondérable
    Je peux mourir en souriant (...)
    Habituez vous comme moi
    A ces prodiges que j’annonce
    A la bonté qui va régner
    A la souffrance que j’endure
    Et vous connaîtrez l’avenir (...)
  6. Publié dans l'« Anthologie du cinéma invisible » de Christian Janicot, éd. Jean-Michel Place/Arte, Paris 1995.