Fernand Braudel

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Fernand Braudel, né le 24 août 1902 à Lumeville-en-Ornois (Meuse) et décédé le 27 novembre 1985 à Cluses (Haute-Savoie), est un historien français.

Fernand Braudel est l'un des plus populaires représentants de « l'École des Annales » qui étudie entre autres les civilisations et les mouvements de longue durée en opposition à l'histoire événementielle. Il est considéré comme l'un des plus grands historiens du XXe siècle[1].

Sommaire

[modifier] Biographie

[modifier] Enfance et influence

Fernand Braudel naît en 1902 dans un petit village de la Meuse, Lumeville-en-Ornois, à une quarantaine de kilomètres au sud de Bar-le-Duc. Son père, instituteur en région parisienne, y a ses attaches familiales. De cette partie de la campagne lorraine qu'il a tant aimée dans sa jeunesse et qu'il évoquera dans sa vieillesse, il gardera la notion de l'importance de la vie quotidienne du peuple. « Je reste un historien de souche paysanne », peut-il dire avec fierté.

Fernand Braudel est vite conscient du poids de l'Histoire dans cette région frontière : c'est un garçon de 12 ans très patriote qui voit la guerre passer si près de la région aimée.

« Au lieu d'avoir la France devant nous, autour de nous, nous, Lorrains, l'avons derrière nous. Nous sommes adossés à la France. » Le « nous, Lorrains » montre l'attachement à ses racines. Son rêve de jeunesse est de faire une carrière de professeur à Bar-le-Duc. « Si l'Université avait été gentille à mon endroit, j'aurais été nommé en 1923 au lycée de Bar-le-Duc, j'y aurais fait toute ma carrière ». Son diplôme d'études supérieures est consacré à Bar-le-Duc pendant les trois premières années de la Révolution.

[modifier] Formation

Il rejoint l’école à Paris en 1909, et aura un cursus scolaire et universitaire d’une brièveté surprenante. Reçu à l'Agrégation d’histoire en 1923, à 21 ans il est nommé professeur de 1924 à 1932 en Algérie : à Constantine (en Algérie) puis à Alger. De 1932 à 1935 il enseigne aux lycées Pasteur, Condorcet et Henri IV à Paris avant d’être intégré, de 1935 à 1936, dans la mission française d’enseignement au Brésil, à São Paulo. En 1937, il intègre l'École Pratique des Hautes Études en tant que directeur de la section philosophie de l’Histoire. Cette période de formation est située dans le sillage de Lucien Febvre, son futur directeur de thèse.

L'influence de Lucien Febvre, qu’il rencontra sur un bateau en Atlantique en rentrant d’Amérique latine en 1937, et des géographes qui l'ont formé dans les années 1920 font de Braudel un héritier direct de Paul Vidal de La Blache. Cette genèse explique le choix, alors profondément novateur, de prendre pour sujet de thèse un espace. La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'epoque de Philippe II, soutenue en 1947 et publiée en 1949, restera sans conteste la grande œuvre de Braudel et un monument de l'historiographie du XXe siècle. Mais la menace grandissante hitlérienne entraîne la mobilisation de Braudel dans l’armée en 1938. Fait prisonnier à la suite de la capitulation française, il est détenu en Allemagne de 1940 à 1945.

Libéré, il dirige de 1946 à 1968, au départ avec Lucien Febvre puis seul, la revue Les Annales, avant de laisser la place à Jacques Le Goff. Il fonde en 1949 le Centre de Recherche Historique qui deviendra en 1975 l’École des hautes études en sciences sociales. Il occupa une Chaire au Collège de France en 1949 (Chaire d’Histoire de la civilisation Moderne) où il enseigna jusqu’en 1972. Il présidera de 1956 à 1972 la VIe section de l’Ecole pratique des Hautes Etudes (créée en 1947 et succédant à Lucien Febvre), Il va rédiger une série d’articles méthodologiques qu’il réunira en 1969 dans le livre Ecrits sur l'Histoire. Il écrivit aussi L’Identité de la France et se lance à la fin des années 1950 dans une œuvre monumentale, Civilisation matérielle, Economie et Capitalisme du XV au XVIIIe siècle en 3 volumes et publiée en 1960.

En 1962, il fonde la Fondation Maison des sciences de l'homme à Paris grâce au financement de la fondation Rockefeller. Sa réputation est mondiale : il est le correspondant de nombreuses académies étrangères, notamment celles de Budapest, Munich, Madrid, Belgrade et reçoit la nomination de Docteur honoris causa de plusieurs Universités, notamment Oxford, Bruxelles, Madrid, Varsovie, Cambridge, Yale, Genève, Padoue, Leyde, Montréal, Cologne, Chicago. Ces écrits seront traduits dans le monde entier : La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II sera, au fil de ses rééditions, publié en anglais, espagnol, allemand, portugais, polonais, turc, italien ; mais aussi en serbo-croate, en chinois, en hongrois, en coréen, en russe, en bulgare… Il est élu à l’Académie française, le 14 juin 1984, au fauteuil d’André Chamson. Il décède le 27 novembre 1985 après avoir restructuré la recherche française et participé à l’élaboration d’une nouvelle méthode historique, dont La Méditerranée fut un bon exemple.

[modifier] Œuvre

[modifier] La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l'époque de Philippe II

Mobilisé en 1938, il est capturé et fait prisonnier de guerre en Allemagne entre 1940 et 1945. Il dispense des cours d'histoire à ses camarades détenus et il commence la rédaction de sa thèse principale. Les fiches et les notes qu'il a accumulées par milliers dans les années 1930 sont mises en sécurité par son épouse Paule Braudel et c'est donc en se fiant à sa seule mémoire qu'il met par écrit tout son savoir sur la Méditerranée à l'époque de Philippe II.

Sa thèse, soutenue en 1947 et publiée en 1949, porte sur le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II ; elle lui donne le titre de docteur ès lettres. Elle a un retentissement considérable parmi les historiens, jusque chez les non-spécialistes.

L'apport fondamental de son œuvre réside dans :

  • l'inversion volontaire de l'objet étudié (la Méditerranée au détriment de Philippe II) par rapport aux canons de l'histoire politique dominante alors ;
  • la mise en œuvre d'une nouvelle approche de la temporalité historique.

Il divise ce temps en trois parties :

  • l'histoire presque immobile, dont les fluctuations sont quasi-imperceptibles, qui a trait aux rapports de l'homme et du milieu (influence de Vidal de la Blache) ;
  • l'histoire lentement agitée, une histoire sociale, ayant trait aux groupes humains ;
  • l'histoire événementielle, celle de l'agitation de surface.

La thèse est rééditée à de nombreuses reprises, y compris en livre de poche.

[modifier] Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle

L'année 1979 marque le deuxième pic dans la carrière éditoriale de Fernand Braudel. Dans cet ouvrage, Braudel défend notamment l'idée que le capitalisme n'est pas une idéologie mais un système économique élaboré progressivement par le jeu de stratégies de pouvoirs.

[modifier] Grammaire des civilisations

Dans cette oeuvre parue en 1987, Braudel décrit de manière précise les mentalités, les identités et les particularités spécifiques de chaque civilisation dans le monde (civilisation arabo-islamique, chinoise, mongole, indienne, africaine, européenne...). Cet ouvrage semble avoir inspiré Samuel Huntington pour son oeuvre phare : Le Choc des civilisations.

[modifier] La revue des Annales

Prenant la suite du co-fondateur de la revue, Lucien Febvre, il dirige de 1946 à 1968 la revue des Annales qui publie alors les articles de Roland Barthes, Emmanuel Le Roy Ladurie ou Georges Duby.

[modifier] Décorations, prix

Docteur honoris causa de nombreuses universités :

[modifier] Bibliographie

  • Les trois premières années de la Révolution à Bar-le-Duc (D.E.S., 1922), publié en feuilleton dans Le Réveil de la Meuse, 1922-1923.
  • Les Espagnols et l’Afrique du Nord de 1492 à 1577, thèse secondaire publiée dans la Revue africaine, 1928, p. 184-233 et 351-462.
  • Les Espagnols en Algérie 1492-1792, chapitre IX de Histoire et historiens de l’Algérie, Paris, 1931, p. 231-265.
  • La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'epoque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1949. Deuxième édition, 1966.
  • Navires et marchandises à l’entrée du port de Livourne (1547-1611), en collaboration avec Ruggiero Romano, Armand Colin, 1951, 127 p.
  • La longue durée, Annales, 1958, p. 725-753.
  • Histoire et sociologie, dans le Traité de sociologie, publié sous la direction de Georges Gurvitch, Paris, PUF, 1958.
  • Le déclin de Venise au XVIIe siècle, en collaboration avec Pierre Jeannin, Jean Meuvret et Ruggiero Romano, dans (it) Aspetti e cause della decadenza economica veneziana nel secolo XVII. Atti del convegno : 27 giugno-2 luglio 1957, Venise-Rome, 1961, p. 23-86.
  • (en) European Expansion and Capitalism : 1450-1650, dans Chapters in Western Civilization, New York, 1961, p. 245-288.
  • Le monde actuel, en collaboration avec Suzanne Baille et Robert Philippe, Paris, Belin, 1963. Réédité en 1987 sous le titre Grammaire des civilisations.
  • (it) Carlo V, dans I protagonisti della Storia universale, Milan, 1965, p. 113-140.
  • Civilisation matérielle et capitalisme (XVe-XVIIIe siècle), tome 1, Paris, Armand Colin, 1967.
  • Ecrits sur l’histoire, Paris, Flammarion, collection Science, 1969, 315 p. (ISBN 2080810235)
  • (it) Conclusion du tome II de la Storia d’Italia, Milan, Einaudi, 1974. Publié en français en 1989 sous le titre Le modèle italien.
  • (dir.) La Storia e le altre scienze sociale, Bari, Laterza, 1974, 386 p.
  • (dir. avec Ernest Labrousse) de l’Histoire économique et sociale de la France, Paris, PUF, 1977.
  • (dir.) La Méditerranée. L’espace et les hommes, Paris, Arts et métiers graphiques, 1977.
  • (dir.) La Méditerranée. Les hommes et l’héritage, Paris, Arts et métiers graphiques, 1978.
  • Civilisation matérielle, économie et capitalisme (XVe-XVIIIe siècles), Paris, Armand Colin, 3 volumes, 1979.
  • L’Europe, Paris, Arts et métiers graphiques, 1982.
  • Oltremare. Codice casanatense, Franco Maria Ricci, 1984.
  • Venise, photographies de Folco Quilici, Paris, Arthaud, 1984.
  • (dir.) Le monde de Jacques Cartier, Paris, Berger-Levrault, 1984, 317 p.
  • La dynamique du capitalisme, Paris, Arthaud, 1985 (ISBN 2080811924)
  • L’identité de la France, Paris, Arthaud, 3 volumes, 1986.
  • Discours de réception à l’Académie française, Paris, Arthaud, 1986.
  • Une leçon d’histoire, colloque de Châteauvallon, 1985, Paris, Arthaud, 1986.
  • Grammaire des civilisations, Paris, Arthaud, 1987.
  • Le modèle italien, Paris, Arthaud, 1989.
  • Ecrits sur l’histoire, tome II, Paris, Arthaud, 1990 (ISBN 2080813048)
  • Les écrits de Fernand Braudel. I : Autour de la Méditerranée, Paris, De Fallois, 1996.
  • Les écrits de Fernand Braudel. II : Les ambitions de l’histoire, Paris, De Fallois, 1997.
  • Les mémoires de la Méditerranée, Paris, De Fallois, 1998.
  • Les écrits de Fernand Braudel. III : L’histoire au quotidien, Paris, De Fallois, 2001.

[modifier] Monographies sur Fernand Braudel

  • Alain Brunhes, Fernand Braudel, Josette Lyon, Paris, 2001
  • Pierre Daix, Braudel, Flammarion, Paris, 1996
  • Giuliana Gemelli, Fernand Braudel, Odile Jacob, Paris, 1996
  • François-Xavier Verschave, La maison-monde. Libres leçons de Braudel, Paris, Charles-Léopold Mayer, 2005

[modifier] Notes

  1. Fernand Braudel, Grammaire des civilisations, Flammarion, 2008, Quatrième de couverture

[modifier] Liens externes


Précédé par
André Chamson
Fauteuil 15 de l’Académie française
1984-1985
Suivi par
Jacques Laurent