Cure psychanalytique

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La cure psychanalytique, communément nommée psychanalyse, est l'un des trois sens de ce mot, soit la pratique psychothérapeutique élaborée par Sigmund Freud et ses successeurs.

Le patient est appelé analysant et le thérapeute analyste. Le mot analysant, introduit par Lacan, souligne le rôle central et actif du patient.

Les indications de la psychanalyse ont été et sont l'objet de nombreux débats théoriques. Freud la concevait principalement pour les adultes névrosés, bien que, dès ses premières publications, il ait donné un cas d'enfant (Le petit Hans, il est vrai indirect, puisque c'est une conversation avec le père de Hans, sans intervention directe auprès de l'enfant). Les psychanalystes exploreront d'autres indications (psychoses ou enfants), ainsi cette indication évoluera au cours de l'histoire de la psychanalyse. Certains psychanalystes considèrent qu'au-delà d'une quarantaine d'années la psychanalyse n'est plus une indication première. Les psychanalystes jungiens ne considèrent pas cette limite comme pertinente.

Sommaire

[modifier] Le cadre

Divan freudien
Divan freudien

La situation analytique est structurée par des règles fondamentales ainsi que par un cadre particulier.

[modifier] Règles fondamentales

Le travail de la cure est défini par deux règles fondamentales. D'autres règles précisent le cadre de la cure, mais ces deux règles ont un statut particulier.

Association libre

La libre association signifie dire à haute voix tout ce qui vient à l'esprit pendant la séance, avec les mots tels qu'ils viennent. La psychanalyse est une cure par la parole (talking cure) ; seul le patient peut retrouver ou donner un sens - ou, d'un point de vue lacanien, les signifiants (mots eux-mêmes), qui structurent sa vie psychique. Cette règle est venue historiquement, alors que Freud avait abandonné l'hypnose, d'une patiente qui lui a demandé de l'écouter et de ne pas l'interrompre par des questions.

Cette association libre vise d'abord à reconstruire les schèmas inconscients et se fonde premièrement sur l'analyse de rêves. Dans ce cas, la libre association permet de retrouver les éléments agrégés par le puissant travail de condensation du rêve : beaucoup d'éléments s'enchevêtrent, se dissimulent les uns derrière les autres et il faudra les dégager, les reconnaître, un par un. La question de savoir si l'analysant retrouve la véritable origine du rêve ou bien s'il en reconstruit une, est une question de peu d'intérêt pour la cure : de toutes façons ce sont des associations qui appartiennent à l'analysant et c'est lui qui leur attribue un sens.

La première règle fondamentale se heurte avant tout à la résistance : le refoulement se maintient (silence de l'analysant qui n'a "rien à dire", dont "le cerveau est vide") et le psychanalyste va essayer d'aider l'analysant à le contourner pour qu'il puisse s'en libérer.

Règle d'abstinence

La règle d'abstinence comporte deux versants : dans la cure et hors de la cure.

Dans la cure cette règle interdit tout passage à l'acte visant à la décharge pulsionnelle : les désirs amoureux et/ou agressifs doivent être parlés et non agis. Cette règle s'applique de fait aussi bien à l'analysant qu'à l'analyste qui ne peut intervenir dans la réalité de la vie de l'analysant. En particulier, toute dérogation à cette règle par l'analyste signifie une rupture du contrat analytique.

Hors la cure cette règle demande de surseoir à la prise de décisions importantes (changements dans la vie conjugale, professionnelle, etc.) pendant la durée du traitement. La longueur des cures actuelles a entraîné une adaptation de cette règle, demandant à l'analysant d'élaborer dans la cure toute décision importante avant de l'agir dans la réalité extérieure. Cette règle se fonde sur les bouleversements pulsionnels consécutifs à la cure et qui pourraient entraîner l'analysant dans des agirs défensifs qu'il regretterait par la suite.

[modifier] Cadre matériel

En dehors de ces règles, le cadre matériel est défini :

  • Les séances ont lieu généralement deux à quatre fois par semaine, et une séance manquée est due. Ceci est posé en raison de la nécessité de comprendre les motifs inconscients qui, le plus souvent, se cachent derrière les "meilleures raisons du monde" de rater une séance (manifestation de la résistance, équivalente au silence en séance). Ce point pose question dans la psychanalyse des enfants.
  • Le paiement doit se faire en liquide pour des raisons symboliques et thérapeutiques : l'aspect concret de l'argent liquide lui permet d'être intimement relié à de nombreux motifs inconscients que la cure vise à rendre conscients afin qu'ils puissent y être élaborés. La séance étant payée, sur le champ, l'analysant est libre de venir ou de ne pas revenir à la séance suivante, un chèque par exemple supposerait des opérations après la séance.
  • Le patient s'allonge sur un divan (image largement reprise par le cinéma, souvent de façon comique) et ne voit pas son analyste. Ce dispositif, inauguré par Freud, permet un double effet : il évite une communication non verbale, non maîtrisée de l'analyste (contre-transfert), et d'autre part il valorise l'expression verbale, moyen privilégié d'une prise de conscience et d'une mise à distance des affects.

[modifier] Analyse

La cure psychanalytique s'avère complexe puisqu'elle réunit des objectifs divers, que son cours peut varier, qu'elle passe par plusieurs étapes et repose sur diverses méthodes. Il faut passer en revue ces différents aspects.

[modifier] Objectifs

L'objectif premier sera de retrouver les associations inconscientes de l'analysant. Le refoulement doit être levé, le passé sera reconstruit et mis en relation avec le présent. De ce point de vue peu importe la nature des troubles, dès lors que des mécanismes de refoulement gênants sont en jeu, d'où les débats et les hésitations sur le champ d'application de la cure psychanalytique.

La cure peut déboucher sur plusieurs modifications, dont la plus souhaitable selon Freud est l'amélioration de la capacité de sublimation. L'objectif de l'analyse n'est pas forcément la suppression de symptômes, ce qui distingue l'analyse, par exemple, de la psychiatrie. Voir plus bas fin de l'analyse.

Cette question de l'objectif de la psychanalyse prête à débat. Débat à l'extérieur de l'analyse, contestation de son efficacité : voir critiques de la psychanalyse. Mais critiques également au sein de la psychanalyse, quant au véritable but :

  • Freud s'appuie largement sur le modèle de la "régression". Pour lui, la levée du refoulement fait cesser la régression. Ainsi, l'analyse rend l'individu capable d'accéder à une sexualité psychique plus élaborée. L'analysant deviendra capable de choix amoureux et de choix professionnels débouchant sur une satisfaction réelle, dans le long terme, là où le symptôme ne propose qu'une satisfaction immédiate et détournée. Freud dit que l'analyse est terminée quand le patient est repris par la vie, c'est-à-dire qu'il peut avoir une sexualité épanouie et travailler.
  • L'ego-psychology reprend ce modèle pour en faire un idéal adaptatif. Le Moi doit être renforcé, devenir capable de composer avec la situation dans laquelle il se trouve, aussi bien dans le réel que dans la réalité psychique.
  • Pour Jacques Lacan, la cure doit déboucher sur une parole pleine, celle qui reconnait la place que le sujet a occupé dans le désir parental, (s'il a été ou non un enfant désiré, et avec quels mots ce désir s'est manifesté). Cette parole doit franchir le leurre d'une relation de moi à autre moi, et permettre une relation du sujet à l'Autre.

[modifier] Interprétation des rêves

Icône de détail Article détaillé : Interprétation des rêves.

Si une telle interprétation constitue une voie royale menant vers l'inconscient, il faut l'entendre ici comme investigation clinique. La cure se fonde donc en partie sur l'analyse des rêves, le patient associant librement. L'analyste propose des interprétations, dont la nature et la fréquence varient selon l'école, puisque ces interprétations s'opposent au laisser aller d'un transfert qui se doit de s'établir afin que la cure progresse.

[modifier] Elaboration, perlaboration

L'élaboration est un travail psychique spontané : les excitations que reçoit l'appareil psychique ne sont pas seulement subies, mais élaborées et donc associées à des représentations. L'élaboration figure un travail imaginaire et symbolique. Elle désigne finalement une tendance spontanée, tendance à la construction psychique.

Si Rome, abritant des monuments récents (figurant la conscience) et des monuments de l'antiquité (figurant l'inconscient dans sa dimension infantile), l'élaboration se compare à la construction de monuments, qu'ils soient infantiles ou non.

Dans la cure, la perlaboration en est une extension ; il s'agit cette fois d'une élaboration allant à l'encontre du symptôme - on pourrait simplement dire un surcroît d'élaboration. Le trouble psychique est dû à un manque d'élaboration et la cure doit apporter une surface adaptée à un regain de travail psychique, travail associatif, travail de reconstruction : le patient établit des liens, il se remémore, donne du sens aux événements de sa vie.

[modifier] Transfert et Contre-transfert

[modifier] Transfert

Le transfert est la réédition de relations infantiles, éprouvées cette fois envers l'analyste. L'analysant prête à l'analyste des caractéristiques qu'il n'a pas, qui sont celles de personnes de son entourage infantile.

L'analyste est investi, comme objet pulsionnel. L'analysant lui prête une valeur, il l'idéalise, le sacre. L'analyste se voit ainsi promu au statut de figure parentale. Pour l'analyste, il s'agira justement de ne pas adhérer à cette image.

Le transfert n'est pas que positif (transfert d'amour ou d'admiration) : quand l'analyste refuse d'adhérer à cette image et de se comporter de la manière qu'attend l'analysant, celui-ci retourne son sentiment positif en sentiment négatif, en un transfert négatif, voire haineux, en volonté de détruire l'analyste. Certaines critiques de la psychanalyse confondent les analyses qui sont portées par les psychanalystes au sein de la cure envers le transfert négatif aussi bien qu'envers le positif, avec le refus d'une critique théorique de la psychanalyse, sa possible réfutation. Confusion entre la théorie psychanalytique et sa critique rationnelle et la conduite pratique de la cure qui demande souvent beaucoup d'efforts pour dénouer les pièges du refoulement et du transfert.

Freud distingue le transfert positif modéré, celui qui convient, des transferts positifs excessifs et des transferts hostiles. Mais ces deux-là sont inévitables, la cure ne peut se dérouler sans eux. Le transfert, comme répétition, s'oppose, en masquant le passé, à la remémoration.

[modifier] Contre-transfert

Le contre-transfert désigne l'éprouvé transférentiel de l'analyste envers l'analysant. Pour être utilisable dans la cure, le contre-transfert doit être une conséquence du transfert. (On peut aussi définir comme contre-transférentiels les seuls mouvements psychiques issus du transfert.)

A partir du contre-transfert, l'analyste comprend ce qui se joue dans le transfert, ce qui lui permet de l'interpréter, cette interprétation du transfert se posant comme point essentiel de la cure analytique.

Pour Lacan, l'analyse du contre-transfert est essentielle : les résistances personnelles du psychanalyste bloquent le travail de l'analysant. Elles l'empêchent d'entendre la parole incosnciente de l'analysant, son désir qui cherche à se faire reconnaître.C'est la raison pour laquelle l'analyste doit avoir été analysé, en se pliant à l'expérience analytique, en tant qu'analysant.

Par contre Lacan abandonne ce terme de contre-transfert pour celui de "désir du psychanalyste". S'il l'abandonne ce n'est quand même pas sans le prendre en compte, puisque c'est à partir d'un texte de Lucie Tower qui a pour titre "contretransfert" qu'il élabore ce terme de l'algèbre lacanienne nommé comme tel : désir du psychanalyste. Dans ce texte, elle décrit comment c'est à partir du repérage de ces propres positions oedipiennes qu'elle avait remises en jeu dans l'analyse de son analysant, en se mettant en rivalité avec sa femme et en tentant de protèger son analysant des entreprises de sa femme pour entraver l'analyse, qu'elle a pu modifier quelque chose de ce qui se passait dans cette analyse. Elle lui avait en effet permis de se comporter comme un homme, de s'incrire de ce côté-là de la fonction phallique, de "la plier à son désir". Une fois ce repérage effectué, c'est là que Lacan parle du désir du psychanalyste, un désir maintenu en quelque sorte hors jeu par rapport à l'analysant, mais pourtant mis en jeu au coeur même de son analyse, en tant que "désir de l'Autre". ( références à noter)

[modifier] Fin de l'analyse

La question de la fin de l'analyse est complexe. On considère généralement un noyau du refoulé, et l'analyse n'ira pas jusqu'à lever tout refoulement. Dans Analyse avec fin et analyse sans fin, Freud pose cette question en notant plusieurs points :

  • L'analyse se termine quand il n'y a pas de risque de rechute - lorsque le refoulement a été suffisamment levé pour garantir que la névrose ne reprenne pas ses droits. Mais, note-t-il, ceci vaut pour des conditions normales, une situation traumatique pouvant tout de même compromettre la santé mentale.
  • Sándor Ferenczi s'étant plaint que l'analyse du transfert n'ait pas été jusqu'à son terme, le transfert négatif n'ayant pas été traité, Freud répond (sans mentionner qu'il s'agit de lui et de Ferenczi), que ce conflit n'était pas alors en vigueur. L'analyse ne peut traiter que les conflits au présent, conséquences de l'élaboration d'un traumatisme passé. Elle ne peut anticiper sur de futurs conflits qui ne s'étaient pas alors présentés. Si l'analyste les évoque, l'analysant ne l'entendra pas. Si l'analyste voulait provoquer ce conflit, ce qui poserait un large problème déontologique, alors le conflit ne serait pas traitable, puisque pas élaboré - et le moi dépenserait toute son énergie à travailler ce nouveau conflit plutôt qu'à l'analyse. Freud recommande donc de s'en tenir à la seconde règle fondamentale, quitte à ne pas analyser ce qui ne peut l'être.
  • L'analyse vise-t-elle la santé mentale, l'analysé accédant, par l'analyse, à ce que les autres ont élaboré sans aide, ou l'analyse vise-t-elle à former un analysé aux capacités d'introspection supérieures à la normale ? Là encore il s'agirait d'une question insoluble.
  • Toute névrose possède également un noyau psychotique, supposé inanalysable. L'analyse se limitera donc à celle de la névrose, question depuis largement débattue : par exemple Jacques Lacan ou encore Wilfred Bion, souhaitant traiter la psychose. Mais surtout cette question est posée par un nouvel analysant typique, souffrant de trouble de la personnalité borderline et non plus de névrose classique.

[modifier] Analyse didactique

La formation d'un analyste pose problème. Pour Freud, il n'est nul besoin d'une formation médicale - mais plusieurs analystes se verront accusés de pratique illégale de la médecine, par exemple aux États-Unis (l'analyse profane). Surtout, cette question est celle de l'analyse didactique, formant l'analyste à écouter le désir de l'autre : le futur psychanalyste doit dans un premier temps suivre sa propre psychanalyse. Mais cette cure est plus poussée qu'une psychanalyse "ordinaire", elle est surtout accompagnée d'une étude théorique approfondie des concepts de la psychanalyse.

Freud participe d'abord à la fondation de l'International Psychoanalytical Association (IPA), qui devra juger des pratiques afin de garantir une analyse sérieuse. Son premier Président, Carl Gustav Jung pose la nécessité d'une analyse didactique pour le futur psychanalyste. Par la suite, de nombreuses écoles proposeront une formation à l'analyse et seront reconnues ou non par l'IPA.

Jacques Lacan, aux prises avec l'IPA qu'il critique, proposera par exemple la procédure de la passe. Il l'abandonnera par la suite, la considérant comme un échec.

Pour l'Organisation Psychanalytique de Langue Française, il y a "analyse quatrième" : d'abord l'analysant suit une analyse - deux personnes sont donc mises en jeu. Puis le nouvel analyste prend son premier patient, troisième personne impliquée. Enfin, le practicien débutant se fait superviser par un autre analyste et c'est là le quatrième protagoniste, d'où le nom d'analyse quatrième.

[modifier] Evolutions

La psychanalyse évolua d'abord du temps de Freud. Elle reconnut dans un premier temps le transfert comme s'opposant à la progression de la cure. De plus, celle-ci semblait restreinte aux névroses. Puis, le transfert sera reconnu comme fondant une névrose de transfert analysable et utile. Le contre-transfert, de même, apparaît d'abord un obstacle et se manifeste de plus en plus comme un outil dont dispose l'analyste.

Les évolutions de l'analyse dépendent notamment d'analystes autres que Freud.

[modifier] Analyse active et analyse mutuelle

Ferenczi, Otto Rank, Wilhelm Stekel proposent la technique de la psychanalyse active. La neutralité bienveillante y est délaissée en faveur d'une activité dans l'objectif de raccourcir la cure. Rank et Steckel suggèrent de fixer un temps limite de la cure. Ferenczi, quant à lui, ne recule pas devant les injonctions et les interdictions que le psychanalyste devrait donner à l'analysant.

Sandor Ferenczi est précurseur de la psychanalyse d'enfant en ce qu'il provoque la régression ; il ira jusqu'à expérimenter une analyse mutuelle, mais y renoncera. L'analyse mutuelle consiste en l'inversion de rôles entre thérapeute et patient : le thérapeute peut se rendre chez l'analysant, ou encore s'allonger sur le divan. On retrouve une illustration de cette inversion des rôles dans le sketche de Jean-Marie Bigard intitulé "mon psy va mieux" !!

[modifier] Analyse d'enfants

Anna Freud et Melanie Klein fondent la psychanalyse des enfants. Il y a débat : faut-t-il modifier simplement ses méthodes ou les objectifs de l'analyse en la rendant éducative ?

[modifier] Scansion et passe

Jacques Lacan propose la scansion des séances, ainsi que la passe.

[modifier] Psychanalyse des psychoses et nouvel analysant

De nombreux analystes tentent de fonder une analyse de la psychose. De nos jours, de nombreuses nouvelles maladies sont prises en charge, ce qui pose la figure d'un nouvel analysant, souffrant par exemple de troubles psychosomatiques.

[modifier] Autres psychothérapies

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes

[modifier] Références



Psychanalyse

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  • Roger Perron: "Une psychanalyse, pourquoi ? ", Interedition, 2006, ISBN 2100493809


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