Trouble de la personnalité borderline

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Trouble de la personnalité borderline (personnalité émotionnellement instable)
CIM-10 : F60.30 type impulsif,
F60.31 type "borderline"
CIM-9 : 301.83

Le trouble de la personnalité borderline (ou trouble de la personnalité limite) est un trouble de la personnalité qui s'exprime par des humeurs changeantes, par des relations humaines délicates, par un manque de confiance en soi-même et aussi par des comportements auto-agressifs.

Sommaire

[modifier] Historique

Les « états-limites », les « états intermédiaires » ou encore les « pathologies limites » furent d'abord décrits par la psychiatrie, qui emploie cette catégorie dès 1884. Il s'agissait de décrire des troubles mentaux qui ne relèvent ni de la névrose ni de la psychose, mais se situent à la frontière.

En psychanalyse, Sigmund Freud propose dans Analyse avec fin et analyse sans fin (1937) l'idée que tout névrosé possède un moi en partie psychotique. D'autres auteurs développent l'idée de facteurs schizoïdes actifs dans de nombreuses pathologies.

En 1945, Otto Fenichel approuve cette notion en montrant la présence de troubles de nature psychotique dans d'autres troubles que la psychose elle-même.

Otto F. Kernberg proposera le terme d'« organisation limite ».

Harold Searles considère que, chez les patients borderline, le moi fonctionne sur un mode autistique.

Jean Bergeret, en 1970, suggère un rapprochement entre les pathologies limites et la mélancolie.

[modifier] Personnalité

« Il s'agit de gens, pour la plupart des femmes, qui ont grandi avec le sentiment de ne pas avoir reçu l'attention et l'appui qui leur reviennent. Ils en sont révoltés et ils cherchent des chemins pour compenser cela dans leurs relations. Ils ont des attentes élevées et, quand leurs besoins sont à nouveau abandonnés, ils y répondent avec de la colère et du désespoir. »
    — John Gunderson, docteur américain

On retrouve souvent dans l'anamnèse une carence affective, une maltraitance, des abus sexuels.

Les éléments suivants, installés à l'adolescence, et de façon prolongée, peuvent évoquer une personnalité borderline :

  • sentiments de vide, d'ennui
  • sentiment d'être abandonné
  • dévalorisation
  • abus de substances (alcool, stupéfiants)
  • automutilations, conduites à risque (par ex. conduire en état d'ébriété, prostitution), tentatives de suicide
  • intolérance à la frustration
  • fragilité narcissique : extrême vulnérabilité au jugement d'autrui
  • difficulté à identifier et à réguler ses émotions
  • trouble du comportement alimentaire
  • trouble de la sexualité

La personnalité borderline est parfois, mais pas toujours, associée à un trouble bipolaire. De brefs épisodes psychotiques (délires) sont possibles mais toujours de façon limitée dans le temps, parfois en rapport avec la consommation de substances toxiques. En aucun cas le trouble borderline n'est une schizophrénie.

L'évolution naturelle de ce trouble de la personnalité est l'apparition de symptômes à l'adolescence, et leur régression vers l'âge de 40 ans. Tout l'enjeu de la prise en charge est d'accompagner ces années de « jeune adulte » le mieux possible.

[modifier] Comportement social et couple

Les relations humaines du patient sont souvent très instables. Ceci est en rapport avec son image de lui-même troublée. Ainsi même des liens émotionnels intenses n'empêchent pas que la position vis-à-vis des membres de la famille, d'amis ou de partenaires soudainement tourne d'idéalisation (admiration et amour fort) en dépréciation.

Quand le patient croit être traité de façon injuste (que cela soit vrai ou non), il réagit souvent violemment et impulsivement et ne trouve, des jours et des semaines durant, pas d'issue à son univers d'idées de vengeance, de reproches vis-à-vis de lui-même et des autres ou même de haine de soi-même. Beaucoup de gestes des autres sont interprétés faussement ou qualifiés comme hostiles de par une sur-interprétation. Ils sont intensément analysés et examinés par rapport à leur contenu de « signaux ». La personne a des difficultés à interpréter justement le comportement des autres. Sa perception de l'autre est très changeante (« constance d'objet insuffisante »).

Il y a un rapport entre la peur d'être abandonné et la difficulté de se sentir émotionnellement lié à une personne-clé quand celle-ci est absente (« constance d'objet insuffisante »). Cela aboutit à un sentiment d'être abandonné et de n'avoir aucune valeur. Dans ces contextes, il peut y avoir des menaces de suicide ou des tentatives de suicide.

[modifier] Critères diagnostiques du DSM-IV

Le trouble de la personnalité borderline est décrit comme

« un schéma envahissant d'instabilité dans les relations interpersonnelles, de l'image de soi et des affects, également marqué par l'impulsivité commençant chez le jeune adulte et présent dans un grand nombre de contextes. »
    — DSM-IV, axe 2

Selon le DSM-IV, il faut au moins 5 des 9 critères présent pendant un laps de temps significatif :

  1. Efforts effrénés pour éviter un abandon réel ou imaginé.
  2. Mode de relations interpersonnelles instables et intenses caractérisées par l'alternance entre les positions extrêmes d'idéalisation excessive et de dévalorisation.
  3. Perturbation de l'identité : instabilité marquée et persistante de l'image ou de la notion de soi.
  4. Impulsivité dans au moins deux domaines potentiellement dommageables pour le sujet (par ex., dépenses excessives, sexualité, toxicomanie, conduite automobile dangereuse, crises de boulimie)
  5. Répétition de comportements, de gestes ou de menaces suicidaires, ou d'automutilations.
  6. Instabilité affective due à une réactivité marquée de l'humeur (par ex., dysphorie épisodique intense, irritabilité ou anxiété durant habituellement quelques heures et rarement plus de quelques jours)
  7. Sentiments chroniques de vide.
  8. Colères intenses et inappropriées ou difficulté à contrôler sa colère (par ex., fréquentes manifestations de mauvaise humeur, colère constante ou bagarres répétées)
  9. Survenue transitoire dans des situations de stress d'une idéation persécutoire ou de symptômes dissociatifs sévères.

[modifier] Traitement

[modifier] Psychothérapie dialectique comportementale

Cette approche spécifique au traitement du trouble de l'état limite a été développé par Marsha Linehan à l'Université de Washington à Seattle dès les années 1980. La recherche établit que cette thérapie est plus efficace que les approches usuelles en ce qui concerne le comportement suicidaire et les hospitalisations. De plus, les patients abandonnent moins fréquemment la thérapie.

La philosophie de l'approche de Linehan est basée sur la dialectique de Marx et Hegel. Cette thérapie s'inscrit dans une approche globale de la personne d'un point de vue bio-psycho-social. Et de ce fait, elle est considérée comme une traitement cognitivo-comportemental. Cette perspective permet de travailler sur la pensée dichotomique typique de ce trouble de la personnalité, appelée clivage par les psychanalystes. Le thérapeute aide le patient à intégrer les deux polarités.

La psychothérapie dialectique comportementale contient quatre phases, qui suivent le pré-traitement. Le pré-traitement sert à obtenir des informations pour arriver à une décision mutuelle du thérapeute et du patient à travailler ensemble. Dans les années qui suivent, le patient arrive à intégrer le passé, le présent et le futur, les visions contradictoires de soi et d'autrui, en somme d'accepter la réalité telle qu'elle est.[1]

[modifier] Psychanalyse et états limites

En psychanalyse, la catégorie de trouble de la personnalité borderline est discutée, parfois refusée. Par exemple, Jean-Bertrand Pontalis remarque que certaines patientes hystériques de Freud auraient été, de nos jours, diagnostiquées comme état-limite. Néanmoins, il est admis que cette catégorie floue désigne la frontière entre névrose et psychose.

Ce schéma peut s'appliquer aux pathologies suivantes :

Grossièrement, il est possible de définir certains traits caractérisant ces deux pôles que sont la névrose et la psychose. Le patient état-limite se situera entre les deux.

Jean Bergeret, cependant, considère l'état-limite comme une organisation à part entière, bien que moins structurée et plus floue que la névrose ou la psychose. L'étiologie du trouble borderline serait selon lui un traumatisme affectif précoce, agissant comme désorganisateur de la psyché, empêchant la maturation « normale » qui passe par la période de latence après le complexe d'Œdipe (rejoignant en cela les conceptions de Sandor Ferenczi).

Névrose Psychose Etat limite
Angoisse Angoisse de castration Angoisse de mort, angoisse de morcellement de perte d'objet
Défenses Refoulement, déplacement Clivage du moi, projection, déni dédoublement des imagos, forclusion
Relation d'objet Objet total, génitalité Objet partiel, relation fusionnelle anaclitique
Conflit Intrapsychique Ça / Réalité idéal du Moi / Réalité

Cette organisation psychique à la frontière, « entre deux eaux », suggère en fait que les théories de la névrose et de la psychose ne sauraient suffire. Ce sont de nouveaux champs d'études que les pathologies limites rendent indispensables : qu'il s'agisse de l'étude du narcissisme, de son implication dans la relation à l'autre, ou encore l'étude de la perception du temps, ou de la nature des traumatismes psychiques.

L'idée de frontière ne saurait donc éviter l'étude, l'écoute psychanalytique du singulier qu'apporte chaque patient.

[modifier] Écosystémique des états-limites

Dans la perspective d’une approche écosystémique avec ses paradoxes et double contrainte, l’identité est une unité paradoxale qui assure à la fois l’identique (idem) et le différent (ipse). Pour sortir des affres du paradoxe de l'unité des distincts, de l'identité des différents et des stratégies paradoxales doubles ou multiples, le Moi freudien est la résultante « conflictuelle » des « contraires », « oppositions » ou « contradictions » dans l'amalgame des niveaux distincts biologique du Ça et culturel du Surmoi et de l'idéal du Moi dans l'héritage des aïeux. Le Moi des états-limites serait un faux-Moi, comme il y a eu des faux-culs, un Moi de complaisance des personnalités « comme si », le Moi d'un auto-portrait en forme de masque ou d'une identité de couverture. Alors, les états-limites seraient des crises d'identité ou plutôt des fêlures du masque.

Dans ces termes, la dépression, l'intoxication et bien d'autres malaises de l'être seraient la conséquence patente d'une carence de l'identité ou, comme il est de mode de dire, une carence narcissique où le paradoxe reprend avec le narcissisme primaire, précédant l'investissement d'objet, qui coexiste avec le narcissisme parental, entre l'autosuffisance narcissique et la dépendance à l'égard du narcissisme parental. C'est la coexistence d'un auto-investissement libidinal de la part de l'enfant et d'un investissement des parents qui utilisent l'enfant comme support de leur propre narcissisme. Le paradoxe surgit de cette coexistence. Sur le schéma freudien de base, différentes hérésies privilégient ou mettent l'accent sur différents aspects de l'identification à l'un des parents ou de la différenciation d'un des parents, comme l'individuation-séparation, en disjoignant dans l'espace et le temps, par séquences et par étapes pour se dégager du paradoxe de la multiplicité, de la superposition et de la redondance qui est le déploiement d'une multitude de versions différentes d'un même schéma organisateur ou structure et du compromis. Ce moi, soi ou je est ce qui peut être nommé « identité existentielle », une définition de soi-même, des autres, humains et objets, et de leurs relations.

Plus qu'à des partenaires humains au deuxième niveau social de l'association des congénères, cette définition de soi-même est proposée à un partenaire existentiel polynymique au troisième niveau des idées et de l'idéal, vie, réalité, Nature, Dieu, destin, quel que soit le nom qu'on veuille lui donner. C'est un partenaire que nous acceptons ou rejetons et par qui nous nous sentons acceptés ou rejetés, soutenus ou trahis et cette définition confirmée ou déniée.

Au premier niveau biologique des activités vitales non-conscientes nécessaires et insuffisantes, cette identité est un dispositif de défense en immunologie de reconnaissance de formes semblables-dissemblables. Au deuxième niveau social est l’état civil de la carte d’identité, au plus simple. Au plus complexe est la personnalité avec ou sans trouble. Il s’agit de la théorie des contextes avec une hiérarchie de niveaux de type logique ou de dépendance où au premier niveau biologie est la vie corporelle du sujet. Au deuxième niveau social est l’association des collègues, de ceux qui partagent le même héritage (legs) et la même loi (lex, legis). Au troisième niveau culturel sont les idées et les croyances qui orientent et délimitent les valeurs et significations conférées aux êtres sociaux.

[modifier] Le concept de limite

Icône de détail Article détaillé : Concept de limite (psychanalyse).

[modifier] L'affect

Icône de détail Article détaillé : Affect (psychanalyse).

[modifier] Voir aussi

[modifier] Articles connexes

[modifier] Statistiques

  • Le trouble de la personnalité limite touche 4% à 6% de la population. [2]
  • 75% des patients ayant reçus le diagnostique de trouble de la personnalité limite sont des femmes.
  • 30% à 40% des patients ayant reçus un diagnostique de trouble de la personnalité limite feront une ou plusieurs tentatives de suicide au cours de leurs vies.
  • 10% des patients ayant reçus un diagnostique de trouble de la personnalité limite décèderont des suite d'une tentative de suicide.

[modifier] Liens externes

[modifier] Notes et références

  1. Catherine Bégin et Danielle Lefebvre, La psychothérapie dialectique comportementale des personnalités limites, Santé mentale au Québec, 1996, XXII, 1, 43-68.]
  2. Introduction au trouble de la personnalité limite, diagnostic, origine et traitements par Dr John G. Gunderson

[modifier] Bibliographie

édition. ISBN 978-2-9528210-0-1

  • Helene Deutsch, Les personnalités as if
  • Otto Fenichel, La théorie psychanalytique des névroses, PUF, 1945.
  • André Green, La folie privée, Gallimard, 1990.
  • Germaine Guex, Le syndrome d'abandon PUF, 1973.
  • Otto F. Kernberg, La personnalité narcissique et les troubles limites de la personnalité, Privat, 1975.
  • Marsha M. Linehan, Traitement cognitivo-comportemental du trouble de personnalité état limite, Médecine & Hygiène, 1993. ISBN 2-88049-128-2
  • Marsha M. Linehan, Le Manuel d'entraînement aux compétences, Médecine & Hygiène, 1993. ISBN 2-88049-128-2
  • Joyce McDougall, Théâtre du Je, Folio-Gallimard, 1982. ISBN 2070314294
  • Henri Rey, Universaux de psychanalyse dans le traitement des états psychotiques et borderline (Facteurs spatio-temporels et linguistiques), Ed. Hublot, préf. Alain Braconnier, trad. d'Elisabeth Baranger, 2000. ISBN 2912186129
  • Harold Searles, Mon expérience avec les états-limites, Gallimard.
  • John Steiner, Retraits psychiques. Organisations pathologiques chez les patients psychotiques, névrosés et borderline, PUF, 1996. ISBN 2130477585
  • François Duparc, Christian Vasseur, Jean Cournut, Guy Cabrol, coll. Les conduites à risque: Au regard de la psychanalyse, In Press, 2006. ISBN 2848350962
  • Alain Tortosa (cet auteur est très controversé et a été mis en cause à plusieurs reprises dans la manipulation grave de patients borderline)
    • Le trouble de la personnalité borderline, AAPEL, 2007.
    • Dans l'émotion d'une borderline (Guide à l'usage des praticiens, des patients et des familles), Archisoft, 2006.
  • Le trouble de la personnalité borderline, revue de livres par Suzane Renaud, MD, Montréal.
  • Borderline? Manipulée par un faux psy, Psychothérapie Vigilance
  • Dominique Page, Borderline : retrouver son équilibre, édition Odile Jacob, 2006

[modifier] Filmographie