Collection Nelson

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Créée à Paris dans les premières années du XXe siècle, la collection Nelson est l'ancêtre du livre de poche. Publiés en langue française avec la mention « Paris, Nelson Éditeurs, Londres, Édimbourg et New York », les ouvrages sont de petit format, cartonnés, toilés et recouverts d'une jaquette illustrée. La collection a édité plusieurs centaines de volumes, vendus à un prix modique, jusqu'à la fin des années 1930. Ces livres sont aujourd'hui recherchés par les amateurs.

Sommaire

[modifier] Historique

Édimbourg en 1868
Édimbourg en 1868

La quadruple indication de lieu – Paris, Londres, Édimbourg et New York – est indissociable de l'histoire des éditions Nelson.

[modifier] Les éditions Nelson

En 1798, un Écossais du nom de Thomas Nelson fonda à Édimbourg une librairie destinée à la vente de livres religieux d'occasion. La firme se tourna bientôt vers la réimpression d'ouvrages puritains, puis vers la publication d'inédits à mesure que son catalogue se diversifiait. Dans les années 1880, lorsque cette même société publia les premières œuvres d'un autre illustre Écossais, Arthur Conan Doyle, les textes religieux ne représentaient plus que 6 % de la production totale.

Poursuivant dans cette voie, la maison Nelson continua à se développer en Grande-Bretagne ; par exemple, l'écrivain écossais John Buchan travailla dans les services de la filiale de Londres avant la Première Guerre mondiale. Spécialisé dans la littérature populaire et éducative, Nelson devint un puissant groupe éditorial au cours du XXe siècle. Depuis l'année 2000, toujours en Grande-Bretagne, la société fait partie du groupe Nelson Thornes. La filiale canadienne, quant à elle, appartient à Thomson Corporation.

En 1854, la maison ouvrit à New York une succursale qui connut un essor encore plus rapide. Dès les années 1870, Nelson était l'un des plus grands éditeurs new-yorkais, spécialisé dans la publication de la Bible et de textes chrétiens. Aujourd'hui, le groupe américain Thomas Nelson, dont le siège social se trouve à Nashville, Tennessee, arrive au sixième rang des éditeurs dans le monde et au premier rang des éditeurs chrétiens.

[modifier] La collection Nelson

En avril 1910, la société Thomas Nelson ouvrit une succursale à Paris et signa un accord avec l'éditeur français Bernard Grasset, chargé de la distribution des livres. Le siège social se situait au 61, rue des Saints-Pères (adresse des éditions Grasset) pendant la première année.

Les premiers volumes étaient publiés intégralement en français mais portaient en anglais la mention « Nelson's Continental Library » assortie de la précision suivante : « For sale on the Continent only ». Ensuite apparut la mention « Nouvelle Collection Nelson ».

Après avoir quitté le siège des éditions Grasset, la collection Nelson déménagea à deux reprises. L'adresse parisienne en page de titre varie selon les époques : 25, rue Denfert-Rochereau (en 1931) ou 189, rue Saint-Jacques. Rares sont les ouvrages où figure une date. Enfin, certains volumes non datés indiquent une coédition avec la double mention « Nelson Éditeurs, 189, rue Saint-Jacques, Paris » et « Calmann-Lévy Éditeurs, 3, rue Auber, Paris ».

[modifier] Présentation

[modifier] Format et reliure

Les ouvrages sont tous de même format : environ 11, 5 cm sur 16, 3 cm.

Les premiers volumes, ceux des années 1910, sont de couleur bleue. La présentation la plus connue demeure toutefois celle des années 1920, avec une reliure cartonnée recouverte d'une percaline de couleur jaune-ivoire. L'ornement principal est un cadre en forme de médaillon, vert et mauve, accompagné d'une guirlande dans le style Art déco. Le nom de l'auteur et le titre figurent à l'intérieur de ce médaillon. Sur le dos du livre, en dessous de l'auteur et du titre, le même médaillon occupe la place centrale et contient la lettre majuscule N en cursive stylisée, signe distinctif de la collection.

Plus tard, au cours des années 1930, le médaillon disparaîtra au profit d'un semis de couleur verte sur le même fond jaune-ivoire pendant que l'auteur et le titre s'inscriront dans un cartouche rectangulaire.

[modifier] Jaquette et illustrations

Dans tous les cas, le volume est protégé par une jaquette de papier, avec une illustration pleine page en couleur indiquant le prix de vente, par exemple « 3 francs » en 1912-1913. Les rabats de la jaquette offrent une liste de « déjà parus » et annoncent les prochaines publications.

La plupart des ouvrages comportent plusieurs illustrations hors-texte en couleur. Ils sont imprimés sur un papier fin, proche du papier bible, ce qui leur permet d'atteindre parfois 550 pages sans être épais. L'impression est assurée par l'« imprimerie Nelson, Édimbourg, Écosse » et l'achevé mentionne : « Printed in Great Britain ».

[modifier] Rythme de parution

Il est précisé à la fin des ouvrages que les livres de la « Collection Nelson, chefs-d'œuvre de la littérature, format commode, impression en caractères très lisibles sur papier de luxe, illustrations hors texte, reliure aussi solide qu'élégante », paraissent au rythme de « deux volumes par mois ».

[modifier] Cote actuelle des ouvrages

Aujourd'hui recherchés par les collectionneurs pour la qualité des textes – mais aussi du papier, de l'impression et de la reliure –, ces livres sont accessibles à un prix d'autant plus raisonnable qu'ils ne sont pas rares. La plupart ne dépassent guère le prix d'un livre de poche neuf. Les tirages initiaux étaient en effet considérables, puisque les éditeurs s'adressaient d'emblée au grand public. De surcroît, le nombre de titres publiés – environ 450 – fait que de nombreux volumes circulent sur le marché, aussi bien dans les brocantes que sur Internet. Si beaucoup d'entre eux ont perdu leur jaquette d'origine, la reliure dite « aussi solide qu'élégante » a su donner la preuve de sa robustesse.

[modifier] Extrait du catalogue

En dehors de textes à caractère historique ou religieux, la collection a édité principalement des romans et des récits aussi bien littéraires que populaires, francophones ou traduits en français. Certains ouvrages sont des recueils de « morceaux choisis » d'un auteur ou des anthologies par genre littéraire. Enfin, la « littérature pour la jeunesse » y occupe une place significative, parallèlement aux grands classiques français ou étrangers.

[modifier] Histoire, mémoires, religion

Une partie de la collection est consacrée à des mémoires et à des textes historiques ou religieux : Mme Campan (Mémoires sur la vie de Marie-Antoinette, extraits), Philippe Paul de Ségur (Mémoires d'un aide de camp de Napoléon), Mme d'Abrantès (Mémoires, extraits, 2 vol.), Jules Michelet (La Convention, Du 18 Brumaire à Waterloo), François-Auguste Mignet (La Révolution française, 2 vol.), Francisque Sarcey (Le Siège de Paris), Gabriel Hanotaux (La France en 1614), Émile Ollivier (L'Expédition du Mexique), Pierre de Nolhac (Marie-Antoinette Dauphine, La Reine Marie-Antoinette), Émile Souvestre (Le Foyer breton), saint François de Sales (Introduction à la vie dévote), Ernest Renan (La Vie de Jésus).

[modifier] Textes classiques

Parmi les grands classiques de la littérature, les auteurs publiés se nomment Molière (Œuvres complètes, 6 vol., notices par Émile Faguet), La Bruyère (Caractères), Saint-Simon (La Cour de Louis XIV, morceaux choisis), Bernardin de Saint-Pierre (Paul et Virginie), Chateaubriand (Mémoires d'outre-tombe, morceaux choisis), Victor Hugo (Les Misérables, Les Châtiments, Les Contemplations, La Légende des siècles, Quatre-vingt-treize), Balzac (Eugénie Grandet, La Peau de chagrin, Le Curé de Tours, Le Colonel Chabert, Les Chouans), George Sand (Mauprat, La Petite Fadette, La Mare au diable), Jules Sandeau (Mademoiselle de La Seiglière), Stendhal (La Chartreuse de Parme, Le Rouge et le Noir, 2 vol.), Flaubert (Trois contes, L'Éducation sentimentale), Eugène Fromentin (Dominique), Alfred de Vigny (Cinq-Mars, Servitude et grandeur militaires), Edgar Poe (Histoires extraordinaires, Nouvelles Histoires extraordinaires), Mérimée (Chronique du règne de Charles IX, Colomba, Carmen).

[modifier] Romans du XIXe siècle

Les grands textes de fiction du XIXe siècle sont nombreux : Théophile Gautier (Le Capitaine Fracasse, 2 vol., Le Roman de la momie), Edmond About (Les Mariages de Paris), Alphonse Daudet (Lettres de mon moulin, Contes du lundi), Dostoïevski (Une fâcheuse histoire), Tolstoï (Anna Karénine, 2 vol.), Tourgueniev (Fumée, Une nichée de gentilshommes), Anatole France (Jocaste, Le Chat maigre), Victor Cherbuliez (L'Aventure de Ladislas Bolski), Claude Tillier (Mon oncle Benjamin), Ferdinand Fabre (Monsieur Jean), Alexandre Dumas fils (La Dame aux camélias), Eugène Le Roy (Jacquou le Croquant), Edmond de Goncourt (Les Frères Zemganno), Octave Feuillet (Le Roman d'un jeune homme pauvre), Jules Lemaître (Les Rois), Ludovic Halévy (Criquette), Henry Gréville (Sonia), Émile Gebhart (Autour d'une tiare), Louis Hémon (La Belle que voilà...), Émile Zola (Le Rêve), Mark Twain (Contes choisis), Péladan (Les Amants de Pise)...

[modifier] Début du XXe siècle

Des écrivains plus récents sont représentés : Maurice Barrès (Colette Baudoche, Les Déracinés), J.-H. Rosny aîné (La Guerre du feu), Blasco Ibanez (Arènes sanglantes, La Horde), Maurice Maeterlinck (Morceaux choisis), Pierre Loti (Le Roman d'un enfant, Jérusalem, Vers Ispahan), Henri de Régnier (Les Vacances d'un jeune homme sage), René Bazin (La Barrière), Henry Bordeaux (Les Roquevillard, La Croisée des chemins), René Boylesve (L'Enfant à la balustrade), Paul Bourget (Le Disciple), Rudyard Kipling (Simples Contes des collines, Nouveaux Contes des collines), Norman Angell (La Grande Illusion), Grazia Deledda (Elias Portolu), Georges Duhamel (Confession de minuit), Léon Frapié (L'Écolière), Émile Guillaumin (La Vie d'un simple), Jean-Louis Vaudoyer (L'Amour masqué)...

[modifier] Romans d'aventures

La collection comprend des auteurs de littérature policière ou d'espionnage, tel John Buchan (Les 39 Marches, La Centrale d'énergie, Le Prêtre Jean).

Enfin, le catalogue accorde une grande importance à la littérature pour la jeunesse et au roman historique : Alexandre Dumas avec plus de soixante livres[1], Daniel Defoe (Robinson Crusoé), Charles Dickens (Aventures de M. Pickwick, 3 vol.), Bulwer-Lytton (Les Derniers Jours de Pompéi), R. L. Stevenson (L'Île au trésor), Sienkiewicz (Quo vadis ?, version expurgée), la baronne Orczy (Le Mouron rouge), Walter Scott (Ivanhoe, Quentin Durward), Jack London (Croc-Blanc), James Oliver Curwood (Nomades du Nord), Gyp (Le Mariage de Chiffon, Petit Bob), André Lichtenberger (Gorri le Forban, La Petite Sœur de Trott)...

[modifier] Les lecteurs de la Nelson

Durant plus d'un quart de siècle, cette collection qui s'adressait au grand public mais aussi, plus particulièrement, aux adolescents a été très populaire, et nombreux sont les écrivains qui ont découvert la littérature et les romans d'aventures grâce à elle. Parmi les auteurs qui lui rendent hommage, on citera notamment Albert Camus dans Le Premier Homme : « Jacques aurait pu distinguer les yeux fermés un livre de la collection Nelson. » [2]

[modifier] Sources

  • Pour l'historique, cet article s'inspire en partie de l'article (en) Thomas Nelson (publisher).
  • Voir aussi : (en) John A. H. Dempster, Thomas Nelson and Sons in the Late Nineteenth Century, Publishing History n° 13, 1983, pp. 41-87, et Publishing History n° 14, 1983, pp. 5-63.

[modifier] Notes et références

  1. Cf. Site sur l'édition de Dumas dans la Nelson, illustré par des couvertures Nelson
  2. Cf. Documents sur la collection Nelson, site qui expose l'histoire de la collection et en reproduit les couvertures caractéristiques.