Bertrade de Montfort

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Bertrade de Montfort (1070[1]1117) fut successivement, par ses différents mariages, comtesse d'Anjou et reine de France. Elle était fille de Simon Ier, seigneur de Montfort, et d’Agnès d’Évreux.

Sommaire

[modifier] Comtesse d'Anjou

Sa mère meurt avant son père, lequel meurt en 1087. Elle est alors confiée à la garde de son oncle Guillaume, comte d'Évreux. D'une grande beauté, sa main est demandée par Foulque IV le Réchin (1042 † 1109) comte d’Anjou, qui ne l'obtient qu'à la suite d'un marchandage et après avoir répudié sa précédente épouse au motif d'une consanguinité. En effet, les nobles du Maine s'étaient révoltés contre leur suzerain, Robert Courteheuse, duc de Normandie. Robert demanda de l'aide au comte d'Anjou, qui exigea en retour la main de Bertrade. Guillaume d'Évreux, sollicité pour donner son accord au mariage, n'accepta qu'en échange d'une compensation, qui prit la forme des terres ayant appartenu à Raoul de Gacé.[2]. Le mariage eut lieu en 1089, et le comte d'Anjou réprima la révolte des Manceaux.

Bertrade donna naissance à[3] :

[modifier] Reine de France

Mais Bertrade ne se satisfait pas d'un mari trente ans plus âgé qu'elle, et rêve d'une situation plus prestigieuse. A cette époque, Philippe Ier (1052 † 1108), roi de France, lassé de Berthe de Hollande, sa première épouse, forma le projet de la répudier pour se remarier. Ayant obtenu des garanties de plusieurs évêques[4], il fit enfermer Berthe de Hollande dans un monastère de Montreuil-sur-Mer et envisagea d'épouse Emma, fille du comte Roger Ier de Sicile. C'est alors que Bertrade lui fit parvenir un message lui disant que son mariage avec Foulque était nul, puisque la précédente épouse était encore vivante, et qu'elle était disposée à épouser Philippe. Ce dernier, séduit par sa beauté, accepta et envoya un détachement d'officier dévoués pour l'amener à Paris.

Yves, évêque de Chartres, mit au courant du projet de mariage, protesta vigoureusement contre ce double adultère, engagea les évêques de France à ne pas assister aux noces et en réferra au pape Urbain II. Seuls trois évêques flatteurs, ceux de Senlis, de Troyes et de Meaux se prêtèrent à ce mariage, et l'archevêque de Reims y assista passivement. Philippe Ier ordonna à Hugues Ier du Puiset, vicomte de Chartres, de jeter l'évêque de Chartres en prison. Hugues, archevêque de Lyon, légat du Saint-Siège en Gaule, adresse un rapport, tandis que Robert le Frison, comte de Flandre et beau-père de Berthe de Hollande, et Foulque le Réchin, premier mari de Bertrade, prirent les armes.

Fort du soutien papal, Raynald, archevêque de Reims, menaça Hugues de Puiset qui relâcha l'évêque Yves, mais s'adressa mollement au roi pour l'inciter à renoncer à Bertrade. C'est alors que Berthe de Hollande mourut à Montreuil[5]. Philippe en profita pour annoncer que si Dieu l'avait ainsi libéré des liens du mariage, les évêques pouvaient le faire pour Bertrade et leur demanda d'annuler son premier mariage avec Foulque et de reconnaître le mariage royal. Le pape refusa, exigea d'abord la soumission et la pénitence du roi et son légat, l'archevêque Hugues de Lyon, réunit un concile à Autun qui prononça l’excommunication de Philippe et de Bertrade. Pour gagner du temps, Philippe en appela au pape, qui convoqua un concile à Plaisance en mars 1095. Prétextant des empêchement imprévus, le roi demanda un délai, et un nouveau concile fut réunit le 18 novembre 1095 à Clermont. Ce concile décida de la croisade, mais Urbain II, voyant que le roi ne s'y était pas présenté, confirma l'excommunication. Cette excommunication, mal accepté par le peuple, ajouté à l'Interdit que le pape jeta sur la France, finit par faire céder Philippe qui se sépara de Bertrade en 1096.

Mais Philippe ne s'avoua pas vaincu et tenta ensuite de brouiller les deux partisans du pape, Yves de Chartres et Hugues de Lyon. Il en profita pour reprendre Bertrade, mais le pape réconcilia Yves et Hugues. Il excommunia à nouveau Philippe, mais mourut peu après, le 29 juillet 1099. Le nouveau pape, Pascal II, bien qu'occupé par la lutte contre le Saint-Empire, maintint l'excommunication et convoqua un concile à Valence, puis à Poitiers, en novembre 1100. Ce second concile manqua d'être dispersé par Guillaume IX de Poitiers, mais confirme l'excommunication du couple royal. Malgré l'opposition de Bertrade, qui aurait voulu qu'un de ses fils monte sur le trône, le prince Louis, fils de Philippe et de Berthe de Hollande, est sacré et associé à la Couronne[6]. La situation devint intenable pour Philippe et Bertrade : chaque fois qu'ils se rendaient dans une ville du royaume, les offices étaient suspendus, les églises se fermaient, et le couple royal considéré comme des pestiférés. Rien n'évolua jusqu'en 1104, quand le roi et la reine acceptèrent de se présenter à un nouveau concile, convoqué à Beaugency. Philippe chercha encore à gagner du temps en acceptant de se soumettre et de faire pénitence en échange des dispenses permettant le mariage avec Bertrade. L'un des participants du concile, Robert d'Arbrissel, prononça alors un discours qui, contre toute attente, bouleversa Bertrade. Elle demanda à s'entretenir avec lui, et décida ensuite de renoncer à son mariage et à ses privilèges.

De sa seconde union avec Philippe, Bertrade avait donné naissance à[7] :

[modifier] Moniale à Fontevrault

Rentrée à Paris, elle signifia à Philippe qu'elle se soumettait à l'église, quitta la cour et se rendit en Anjou, dans un village de huttes autour d'une source nommée la fontaine d'Evrault. Ce village, fondé par Robert d'Arbrissel pour accueillir des pénitents, gagna sa popularité avec l'aide de son fils et d'une fille de son premier mari, Ermengarde d'Anjou, et devint par la suite l'Abbaye de Fontevraud. La sentence d'excommunication fut levée le 1er décembre 1104. Elle s’éteint vers 1117[8] après avoir fondé le prieuré de Haute-Bruyère, sur des terres que son frère Amaury III lui avait cédé à Saint-Rémy-l'Honoré[9].

Précédé par Bertrade de Montfort Suivi par
Ermengarde de Bourbon
(femme de Foulque IV) 
comtesse d'Anjou
(femme de Foulque IV)
1089-1092
Erembourg du Maine
(femme de Foulque V) 
Berthe de Hollande
(femme de Philippe Ier) 
reine de France
(femme de Philippe Ier)
1092-1104
Adèle de Savoie
(femme de Louis VI) 

[modifier] Sources

[modifier] Notes et références

  1. La date de naissance est incertaine. La plupart des historiens donnent la date de 1070, tandis que le site de la Fondation for Medieval Genealogy donne la date de 1059 ([1]). En général, la fondation est bien documentée, mais dans le cas présent, il ne justifie cette date de 1059. Le problème est que Bertrade, à sa naissance, est la fille d'un obscur seigneur de l'Île-de-France et qu'aucun chroniqueur n'a éprouvé le besoin de mentionner cette naissance (pas plus que celle de ses frères, d'ailleurs). La chronologie peut aider à y voir plus clair. En effet, elle est encore jeune fille quand elle épouse son premier mari, ce qui se conçoit pour une naissance en 1070 (elle aurait 19 ans) mais pas pour une naissance en 1059 (elle aurait 30 ans).
  2. Raoul de Gacé était un oncle de Guillaume d'Évreux. A la mort du fils de Raoul, Guillaume le Conquérant avait réuni ses terres au domaine ducal, au mépris des droits de Guillaume d'Évreux.
  3. Foulque IV d'Anjou, sur le site de la Foundation for Medieval Genealogy
    Ivan Gobry parle aussi d'une fille, Berthe, mariée à Conan, duc de Bretagne, mais Conan III de Bretagne, le seul qui peut correspondre chronologiquement, est déjà petit-fils de Foulque le Réchin (sa mère Ermengarde d'Anjou est fille de Foulque et d'Hildegarde de Baugency). On n'est donc pas assuré de son existence.
  4. Ursion, évêque de Senlis, Philippe, archevêque de Rouen, Philippe, évêque de Troyes et Gautier, évêque de Meaux.
  5. on parla, sans preuve, de poison.
  6. Il est vrai aussi que Bertrade détestait son beau-fils et que l'on a parlé de tentatives d'empoisonnement. C'est pour le protéger que Philippe l'envoya étudier à l'abbaye de Saint-Denis, où il se lia d'amitié avec Suger, puis le fit comte de Vexin
  7. Philippe Ier, sur le site de la Foundation for Medieval Genealogy
  8. Certains prétendent qu'à la mort de Philippe Ier, elle tenta de faire monter son fils Philippe sur le trône. Bien que Philippe se révolta effectivement dans ce but contre son frère Louis VI, il ne semble pas que la mère y prit part.
  9. Les seigneurs de Montfort se feront ensuite enterrer à Haute-Bruyère.