Art préhistorique

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Si les premières manifestations discrètes de l'art préhistorique datent de la fin du Paléolithique moyen, celui-ci ne prend une réelle ampleur qu'au début du Paléolithique supérieur (-30 000 à -12 000 ans avant J.-C.). Il est alors très diversifié dans ses thématiques, ses techniques et ses supports. Il inclut des représentations figuratives animales, des représentations anthropomorphes souvent schématiques, ainsi que de nombreux signes.

Au Mésolithique (-12 000 à -8 000 avant J.-C.), les manifestations artistiques figuratives sont rares. De cette époque sont connus des galets peints ou gravés de figures géométriques.

Au Néolithique (-8 000 /à- 3 000 avant J.-C.), l'art rupestre se développe, incluant des éléments figuratifs et notamment des animaux domestiques. Il se développe également sur de nouveaux supports, par exemple lors du décor de poteries en céramique.

Sommaire

[modifier] L'émergence de l'art au Paléolithique

Selon certains auteurs [1], les préoccupations esthétiques auraient pu se manifester dès le Paléolithique inférieur et ce de plusieurs manières :

  • collecte d'objets naturels
    • un galet de jaspillite rouge a été retrouvé sur un site fréquenté par les Australopithèques il y a près de 3 millions d'années.
    • un biface, daté de 300 000 ans et retrouvé à Swanscombe en Angleterre, a été façonné dans une roche comportant un oursin fossile.
  • utilisation de colorants : l'utilisation d'hématite ou d'ocre est attestée dans différents endroits du globe à partir de 100 000 ans.
  • utilisation de pierres remarquables dans la production d'outils : jaspe en Corrèze, cristal de roche dans différents sites, obsidienne lors du Paléolithique moyen en Éthiopie…
  • fabrication d'objets dont la forme n'a pas d'explication fonctionnelle évidente:
    • des bolas, des boules de pierre façonnées et plus ou moins régulières, manifestement trop lourdes pour servir de projectiles, ont été retrouvées notamment à Sidi Aderrhamane au Maroc.
    • de même, certains auteurs considèrent la recherche de symétrie lors de la taille des bifaces acheuléens comme l'une des premières préoccupations d'ordre esthétique.

Toutefois, ce n'est qu'à la fin du Paléolithique moyen qu'apparaissent les premières incisions dépourvues de rôle fonctionnel, sur des os ou des pierres. En Afrique du Sud, le site de Blombos a livré des pierres gravées et colorées de motifs géométriques complexes, associées à des objets de parure en coquillage. Cette découverte, datée de plus de 70 000 ans av. J.-C., est l'une des plus anciennes formes d'expression artistique humaine. Elle traduit les capacités d'abstraction des Homo sapiens de l'époque.

Certains sites moustériens ont également livré des minéraux insolites ou des fossiles collectés par les Néandertaliens lors de leurs déplacements. C'est le cas notamment des grottes d'Arcy-sur-Cure.

[modifier] L'art du Paléolithique supérieur

Icône de détail Articles détaillés : Aurignacien, Gravettien, Solutréen et Magdalénien.

L'explosion des formes d'art est sans doute caractéristique du Paléolithique supérieur. Homo sapiens est probablement le principal acteur de cette révolution, même si des chercheurs pensent aujourd'hui que certaines œuvres peuvent être attribuées à l'homme de Néandertal.

Il y a environ 32 000 ans, l'art est très diversifié et abouti. Dans la Grotte Chauvet, l'une des plus anciennes grottes ornées connues, un grand nombre de techniques (gravure, peinture, tracés digitaux, empreintes, etc.) a été employé pour réaliser des figurations animales parfois très réalistes. À la même époque, des statuettes en ivoire sont également connues. Aucune évolution, depuis des formes simples vers des formes plus complexes, n'est véritablement perceptible. Même si l'art du Paléolithique supérieur couvre près de vingt mille ans, il est possible de dégager un certain nombre de caractéristiques générales sans entrer dans le détail de la chronologie.

[modifier] Supports de l'art

Extension européenne de l'art Paléolithique : ·Rouge: art pariétal ·vert: art mobilier ·ligne cyan: limite des principaux glaciers  ·Ligne bleue: côtes
Extension européenne de l'art Paléolithique :
·Rouge: art pariétal
·vert: art mobilier
·ligne cyan: limite des principaux glaciers
·Ligne bleue: côtes

L'art du Paléolithique supérieur se présente sous forme de peintures pariétales mais aussi de sculptures en argile, en pierre, en ivoire ou en os. Les œuvres en bois, en tissus ou dans d'autres matériaux périssables ont malheureusement disparu. On ne peut qu'imaginer ce qu'elles devaient être, et il est certain que notre connaissance reste très partielle.

Le métal n'est pas encore connu. Certains objets, très fins et fragiles, ne semblent pas exclusivement utilitaires, et peuvent avoir une fonction d'apparat. De nombreux témoins d'art apparaissent sur des éléments de la vie quotidienne qui ont sans doute eu un rôle non artistique, comme les propulseurs.

[modifier] Art pariétal

Icône de détail Article détaillé : Art pariétal.

L'art pariétal comporte des œuvres peintes, gravées ou sculptées. Ces dernières sont souvent associées aux abris-sous-roches (Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l'Anglin). La grotte de Lascaux comporte plus de gravures que de peintures. Selon la dureté de la paroi, l'artiste utilisait ses mains seules (parois argileuses) ou des outils de pierre et de bois pour inciser la paroi. On arrive parfois à des chefs d'œuvres tels les bisons modelés du Tuc d'Audoubert.

Pour la peinture, différents colorants étaient utilisés :

Les analyses de pigment ont montré dans certains cas la réalisation de recettes complexes incluant des charges minérales non colorées.

Dans certains cas, l'artiste traçait un contour avec un pinceau ou directement grâce à un bout de charbon et remplissait ensuite selon divers procédés : pinceau, application à la main, soufflage dans un tube. Ce dernier processus mouchetait finement la paroi, permettant des effets subtils de dégradés.

Les artistes du Paléolithique ont su utiliser et jouer avec les formes naturelles des parois pour créer des figures. Ainsi, il arrive que seulement quelques contours de la figure soient représentées, le reste étant suggéré par la forme de la paroi.

[modifier] Art mobilier

L'art mobilier est l'art des objets, que ceux-ci soient utilitaires ou non. On trouve dans cette catégorie des rondes bosses, comme les Vénus, mais aussi des armes sculptées comme des propulseurs, et des objets de la vie quotidienne, comme des lampes en terre gravées de signes.

On remarque souvent une correspondance entre art mobilier et art pariétal : même iconographie, même style.

Les hommes du Paléolithique savaient déjà décorer leurs armes. Ils possédaient un art mobilier composé de pendeloques et de plaquettes décorées.

[modifier] Iconographie

Trois types de figurations sont réalisées : des signes, des animaux et des représentations humaines.

[modifier] Signes

Les signes sont de loin les éléments les plus fréquents, les plus divers et les plus difficiles à interpréter. On les trouve autant dans l'art pariétal que dans l'art mobilier. Généralement, ils accompagnent des animaux, mais il existe aussi des panneaux de signes, comme dans la grotte de Niaux.

Quels sont ces signes ? Des points, des flèches, des mains négatives et positives, avec un nombre de doigts variables, des tectiformes, des quadrillages colorés de différentes teintes, des sortes de feuilles, etc. La liste est quasiment impossible à établir, tant ils sont divers. La couleur semble toujours avoir une grande importance.

Selon André Leroi-Gourhan, nombres de ces signes doivent être interprétés comme des symboles sexuels. Par exemple, sur le panneau de signes de la grotte de Niaux, les signes fléchés seraient à associer à la femme et les points à l'homme. D'autres préhistoriens pensent qu'il s'agit d'une sorte de système numérique.

[modifier] Faune

Les animaux sont le deuxième sujet de prédilection des artistes préhistoriques, qui s'inspiraient visiblement de leur environnement quotidien. Le bestiaire varie selon les régions et selon les époques : toutefois, on trouve en majorité de grands herbivores (chevaux, bisons, aurochs), comme dans la grotte de Lascaux. D'autres espèces sont plus rarement représentées, parfois avec de fortes dominantes locales : lions et rhinocéros dans la grotte Chauvet, en Ardèche, biches dans les grottes de la région des Cantabres en Espagne ou mammouths à Rouffignac, en Dordogne. Il arrive aussi que soient représentés des animaux indéterminables (ou "fantastiques") : une figure de de la salle des taureaux de Lascaux est appelée licorne.

Des styles d'animaux plus ou moins uniformes sont parfois perceptibles à l'échelle d'une région. Pour les chevaux du sud-ouest de la France, par exemple, on note un ventre rond, large, alors que les jambes sont à peine ébauchées.

Les animaux sont souvent regroupés, installés dans une scénographie. Ainsi, on trouve à la grotte Chauvet la représentation d'un rhinocéros surmonté de plusieurs lignes dorsales, ce qui donne une impression de profondeur et d'un troupeau. Les groupes peuvent comporter des animaux d'une même espèce, mais regroupent souvent plusieurs types différents. Les superpositions et raclages sont aussi monnaie courante. Parfois, un individu est écarté, comme le cheval dans le passage, à Lascaux.

L'art mobilier aussi comporte nombre de représentations animales, notamment au bout de propulseurs. Le propulseur du faon à l'oiseau est l'un des plus délicats. Elément de prestige de par sa fragilité, il est le chef d'œuvre d'une importante série d'objets du même type. Des chevaux en ronde-bosse sont également fréquents.

[modifier] Représentations humaines

Vénus de Willendorf, vers 25 000 avant J.-C.
Vénus de Willendorf, vers 25 000 avant J.-C.

Les représentations humaines posent visiblement problème pour les artistes de cette époque, qui préfèrent peut-être subsituer au personnage humain un animal.

  • Les représentations masculines brillent par leur rareté. On les trouve principalement dans les grottes, et en général l'homme est très stylisé, prenant des traits animaux. Deux types peuvent être dégagés :
    • les hommes en situation de faiblesse face à un animal : on en trouve un exemple dans le puits de la grotte de Lascaux, au Roc de Sers et sur une plaquette provenant du Mas d'Azil conservée au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye. L'homme est couché face un animal chargeant, ou combat contre lui ;
    • les "sorciers" : personnages mi-humains mi-animaux, parfois réduits à des masques comme dans la grotte d'Altamira en Espagne ou en pied, comme dans la Grotte des Trois-Frères.
  • Les représentations féminines sont plus courantes. La plupart du temps, la femme semble être un symbole de fécondité, comme le montrent les statuettes de « Vénus », dont les hanches et le ventre sont hypertrophiés et la tête et les membres réduits à l'état de moignons. La Vénus de Willendorf en est un des exemples les plus célèbres. Les vulves stylisées et les gravures de femmes présentes dans l'art pariétal renforcent cette hypothèse. Il faut toutefois mentionner l'exception de la Dame à la capuche, en ivoire de mammouth, dont la tête est représentée de manière détaillée, avec une chevelure marquée.

[modifier] Interprétations

Nombre d'interprétations ont été avancées pour expliquer l'art paléolithique. Voici les trois principales interprétations, par ordre d'apparition :

  • une fonction magico-religieuse a tout d'abord été évoquée, notamment par Henri Breuil. Cependant, il a été très tôt démontré que les espèces figurées étaient différentes des espèces chassées et l'hypothèse d'une magie de la chasse a été abandonnée. On a en outre retrouvé dans la grotte Chauvet des traces de pas d'enfants, ce qui a fait douter de cette hypothèse. Un lieu fréquenté par des enfants ne semble pas pouvoir être sacré ;
  • A. Leroi-Gourhan a proposé une théorie structuraliste : il s'agirait en fait d'une représentation symbolique de la société, où les animaux représenteraient des groupes humains ;
  • pour Jean Clottes, qui s'inspire d'observations ethnologiques d'Afrique du Sud, il s'agirait plutôt de la manifestation de rituels chamaniques, mais cette lecture s'appuie sur une vision très réductionniste du chamanisme.
  • d'autres chercheurs, comme Denis Vialou insistent sur les différences et les spécificités régionales et locales, en soulignant que chaque grotte correspond d'abord à un système qui lui est propre, et en réfutant une approche globalisante, considérée comme réductrice.

[modifier] L'art du Mésolithique

[modifier] L'art du Néolithique

Icône de détail Article détaillé : Art néolithique.

[modifier] Le Mégalithisme

Icône de détail Article détaillé : Mégalithisme.

Le mégalithisme constitue la plus ancienne forme d'architecture monumentale dans l'histoire de l'humanité, et, à ce titre il relève également de l'art préhistorique. Même si sa fonction première n'était pas directement « artistique », mais religieuse, le mégalithe est parfois le support privilégié de l'art de son époque. Par exemple, les orthostats des dolmens peuvent être ornés de gravures très complexes dont la symbolique nous échappe encore ; ils peuvent également avoir été sculptés et présenter une forme anthropomorphe, s'apparentant ainsi à de véritables statues préhistoriques, dont certaines sont caractérisées au point d'avoir des seins (divinité tutélaire féminine ?), des rangs de colliers, etc. De même, les statues-menhirs sont des mégalithes dont les gravures parfois fort évoluées et nombreuses sont les témoins de l'activité artistique des hommes de la préhistoire, l'art s'associant au sacré.

[modifier] Bibliographie

  • A. Leroi-Gourhan, Les religions de la préhistoire, PUF, 1976
  • A. Leroi-Gourhan, Préhistoire de l'art occidental, Citadelle/Mazenod, 1965
  • M. Lorblanchet, Les grottes ornées de la Préhistoire. Nouveaux regards, Errance, 1995
  • M. Lorblanchet, La naissance de l'Art. Genèse de l'art préhistorique, Errances, 1999
  • A. Roussot, L'art préhistorique, Sud-Ouest, 1994
  • D. Vialou, Au cœur de la préhistoire : chasseurs et artistes, Gallimard, coll. Decouvertes, 1996
  • D. Vialou, L'art des grottes, Scala, 1998
  • Chamanismes et arts préhistoriques. Vision critique (sous la dir. de M. Lorblanchet, J.-L. Le Quellec, P.G. Bahn, H.P. Francfort et B. et G. Delluc), éditions Errance, Paris, p. 193-218, ill.

[modifier] Notes et références

  1. Les Origines de l'art, Michel Lorblanchet, éditions Le Pommier

Anati, Emmanuel, Aux origines de l’art, Paris, 2003, 507 pages

[modifier] Voir aussi

[modifier] Lien interne

[modifier] Liens externes