Artémidore d'Éphèse

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Artémidore d'Éphèse (dit de Daldis ou Daldien) est un écrivain grec et oniromancien du IIe siècle né à Éphèse. Il a voyagé dans tout le bassin méditerranéen. Son ouvrage en grec intitulé Onirocriticon condense tout le savoir antique sur la divination par le rêve et servira durant des siècles d’ouvrage de référence sur la question.Il fut lu et relu par Freud.

Sommaire

[modifier] Artémidore d'Éphèse et l'onirocritique

En plus de pratiquer l’onirocritique, Artémidore avait lu tous les anciens traités et fréquenté de nombreux devins, apprenant ainsi à connaître les songes qui se racontent ici et là. Loin d’être un charlatan, Artémidore est convaincu de faire œuvre utile et scientifique. Il s’explique sur son art avec d’autant plus de candeur que certaines parties de son ouvrage ne sont pas destinée au public, mais à son fils seulement, tel l’ensemble du livre IV. Dans cette section, il s’efforce d’aller plus au fond de la science des rêves afin de donner à son fils des outils d’interprétation qui en feront « un interprète des songes meilleur que tous ou du moins non inférieur à aucun autre[1] ».

De fait, la documentation d’Artémidore est impressionnante et ne comporte pas moins de trois mille rêves. Sa foi dans la valeur prédictive des rêves est du même ordre que celle du primitif envers un rituel de magie, dont on a montré que l’échec à produire l’effet anticipé n’a pas pour effet d’invalider la croyance, mais est attribué à un défaut dans l’exécution du rituel. Il en est ainsi en matière d’oniromancie. Le rêve est par définition toujours vrai. Le fait qu’un rêve ne se réalise pas comme prévu ne signifie pas que la science de l’onirocritique soit vaine, mais que l’interprète des songes n’a pas tenu compte de tous les éléments du rêve ou qu’il les a interprétés de façon incorrecte. Il faut en effet beaucoup de perspicacité pour être un bon devin et témoigner d’une habileté supérieure à déchiffrer les énigmes que s’ingénie à nous proposer la divinité par rêve interposé.

À titre d’exemple, Artémidore évoque le songe du capitaine de navire qui, égaré à la suite d’une tempête, s’était vu en rêve demander s’il arriverait jamais à Rome. La réponse avait été « ου », soit le mot grec signifiant « Non ». C’était là une réponse on ne peut plus claire, semble-t-il. Or, ce brave capitaine était pourtant bien arrivé à Rome, mais 470 jours plus tard. Le rêve était-il fautif ? Non, explique Artémidore, car, dans le système de notation mathématique employé en grec, la lettre omicron vaut 70 et le upsilon vaut 400, pour un total de 470 : le rêve avait donc bien prédit le vrai, car il n’y a « aucune différence entre dire le chiffre même et dire le nom de la lettre qui exprime le nombre[2] ».

[modifier] L'interprétation des rêves

La base de son interprétation repose sur un système très élaboré de classification des rêves. Les rêves se divisent en deux grandes classes : le rêve non divinatoire (ενυπνιον) et le songe divinatoire (ονειρος).

La première classe se divise à son tour en rêves somatiques, qui concernent seulement le corps, psychiques, concernant seulement l’âme et mixtes, concernant les deux. Mais cette classe n’intéresse guère l’onirocritique, vu qu’ils ne prédisent pas l’avenir.

Le songe divinatoire se divise en deux grandes catégories :

  • La première est constituée par les songes théorématiques, où la vision coïncide avec son accomplissement, comme de rêver qu’un ami lointain vient vous rendre visite et que celui-ci arrive justement le jour suivant. Ces rêves n’exigent pas une grande habileté de la part de leur interprète. Et le rêveur est vite fixé sur leur réalisation.
  • L’autre grande catégorie est constituée par les songes allégoriques : ce sont « les songes qui signifient certaines choses au moyen d’autres choses : dans ces songes, c’est l’âme qui, selon certaines lois naturelles, laisse entendre obscurément un événement[3] » ou « qui indiquent l’accomplissement signifié au moyen de symboles énigmatiques[4] ». On voit que, pour Artémidore, les songes relèvent bien d’une étude scientifique vu que les symboles au moyen desquels ils s’expriment relèvent de lois naturelles.

Ces songes allégoriques se divisent en cinq espèces, selon la personne ou le groupe de personnes concernés par le songe. Ce peuvent être : le rêveur seul, quelqu’un d’autre, le rêveur et quelqu’un d’autre, le public en général, l’univers.

Chacune de ces espèces se subdivise à son tour en sous-espèces selon le rapport entre le songe et son accomplissement. Certains songes prédisent beaucoup de choses au moyen de beaucoup de choses, peu de choses au moyen de peu, beaucoup par le moyen de peu, peu par le moyen de beaucoup.

Enfin, ces sous-espèces se divisent à leur tour en quatre types : bons au dedans et au dehors, par exemple voir les dieux joyeux dans son rêve et en retirer un accomplissement heureux ; mauvais au dedans et au dehors, comme de rêver qu’on tombe dans un précipice ; bons au dedans mais mauvais au dehors, comme de rêver qu’on reçoit d’un mort un parfum ou une rose ; mauvais au dedans mais bons au dehors, comme de rêver, pour un esclave, qu’il sert dans l’armée, car seul un homme libre peut servir dans l’armée[5].

Ainsi nous avons deux classes dont les sous-divisions correspondant à cinq catégories dont la principale, celle des rêves allégoriques, comporte cinq espèces, elles-mêmes divisées en vingt sous-espèces et celles-ci en quatre-vingt types.

Mais ce n’est pas tout. L’interprétation doit également tenir compte du domaine auquel appartient le symbole. Conformément à ses devanciers, Artémidore distingue six données fondamentales susceptibles d’apparaître dans n’importe quel type de rêve : la nature, la loi, la coutume, le métier, les noms et le temps. Chacune de ces données peut être positive ou négative [6]. En principe, toutes les visions de rêve conformes à l’un de ces six domaines sont de bon augure, et inversement. Il faut mettre au crédit d’Artémidore le fait qu’il résiste à augmenter indûment le nombre de ces catégories et se moque des analystes qui identifient « tantôt dix-huit, tantôt cent, tantôt cent cinquante » de ces données fondamentales[7]. Pour lui, des caractéristiques comme la joie, la tristesse, la haine, la maladie, etc., ne sont pas des données fondamentales, mais relèvent toutes de la donnée « nature ».

[modifier] Influence sur les auteurs contemporains

Freud a contribué à réhabiliter Artémidore, même s'il s'en écarte radicalement quant à la valeur des songes : pour le psychanalyste, le rêve n'annonce pas l'avenir mais parle de notre passé.

Michel Foucault fait une exégèse de l’Onirocriticon dans le premier chapitre (Rêver ses plaisirs) du troisième volume de son Histoire de la sexualité (Le souci de soi). S'intéressant aux chapitres portant sur les rêves sexuels, Foucault va utiliser l'œuvre de Artémidore pour son travail de généalogie de la sexualité. Dans la première partie de ce chapitre, il affirme que « Artémidore ne dit pas s'il est bien ou non, moral ou immoral, de commettre tel acte, mais s'il est bon ou mauvais, avantageux ou redoutable de rêver qu'on le commet. Les principes qu'on peut dégager ne portent donc pas sur les actes eux-même, mais sur leur auteur, ou plutôt sur l'acteur sexuel en tant qu'il représente dans la scène onirique, l'auteur du songe et qu'il fait présager par là le bien ou le mal qui va lui arriver ».

[modifier] Notes

  1. Onirocriticon, livre IV p. 216
  2. Onirocriticon, livre IV, 22
  3. Onirocriticon, livre I, 2
  4. Onirocriticon, livre IV, 1
  5. Onirocriticon, livre I, 5
  6. Onirocriticon, livre I, 3 et livre IV, 2
  7. Onirocriticon, livre I, 4

[modifier] Bibliographie

[modifier] Voir aussi

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