Élagabal (empereur)

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Pour les articles homonymes, voir Élagabal.
Élagabal
Buste d'Élagabal, musée du Capitole.

Buste d'Élagabal, musée du Capitole.

Période
Sévères
Règne
juin 21811 mars 222 (~5 ans)
Nom complet
Varius Avitus Bassianus
Marcus Aurelius Antoninus
Naissance
c.203 - Émèse (Syrie)
Décès
11 mars 222 - Rome
Parents
Varius Marcellus & Soaemias Bassiana
Femme(s)
1) Julia Cornelia Paula (219 - 220)
2) Julia Aquilia Severa (220 - 221)
3) Annia Faustina (221)
4) Julia Aquilia Severa (221)
Liste des empereurs romains
Série Rome antique

Élagabal ou Héliogabale (Varius Avitus Bassianus) (205 - 222) fut empereur romain de 218 à 222 sous le nom de Marcus Aurelius Antoninus.

Né en 205 à Émèse (l'actuelle Homs) en Syrie, de Julia Soemias et de Varius Marcellus, il était par sa mère à la fois l'arrière petit-fils de Julius Bassianus d'Émèse, et le petit-neveu par alliance de l'empereur Septime Sévère, qui avait épousé sa grand-tante Julia Domna en secondes noces.

Cette alliance lui donnait un autre empereur comme oncle germain, Caracalla. Les femmes, celles qu'on appelait « les princesses syriennes », sont indissociables du destin d'Héliogabale.

Descendant des Bassianides, une grande famille d'Émèse, Varius Avitus Bassianus était à 13 ans grand-prêtre du dieu Élagabal.

Sommaire

[modifier] Le bétyle d'Émèse

Icône de détail Article détaillé : Élagabal (divinité).
Le bétyle d'Émèse dans son temple, représenté au revers d'une monnaie de l'usurpateur Uranius Antoninus (Émèse, 254)
Le bétyle d'Émèse dans son temple, représenté au revers d'une monnaie de l'usurpateur Uranius Antoninus (Émèse, 254)

La ville d'Émèse était de longue date un centre religieux consacré à un dieu appelé Élagabal. On retrouve dans ce nom la racine babylonienne El ou Al désignant le dieu suprême et gabal, la "montagne". Élagabal est donc le "Seigneur des hauteurs" et le qualificatif de "Sol Invictus" qui lui est attribué le désigne aussi comme un dieu solaire.

Le temple d'Émèse abritait non pas une statue anthropomorphique du dieu-soleil, mais un bétyle noir, une pierre noire conique tombée du ciel. Le bétyle d'Émèse était revêtu d'un manteau de soie, mais à la différence d'autres pierres sacrées, il ne porte pas d'image de la divinité incrustée dans la pierre.

Le grand prêtre a la responsabilité entière du culte : lors de la cérémonie quotidienne, vêtu d'une robe écarlate brodée d'or et portant sur la tête une couronne sertie de pierres précieuses, il évolue autour de l'autel, accompagné par les chants et la musique des assistants. Une fois par an, le bétyle noir est sorti du temple et promené dans la ville sur un char tiré par quatre chevaux.

[modifier] Accession au trône

Lorsque Caracalla fut assassiné le 8 avril 217, à la tête des armées dans la plaine voisine de l'Euphrate, toutes les femmes de la branche syrienne de la famille impériale, chassées de Rome, se replièrent dans leur fief d'Émèse. Il y avait là Julia Mæsa, grand-mère d'Élagabal, Julia Soaemias, sa mère et Julia Mamaea, sa tante et mère du futur empereur Alexandre Sévère.

Elles réussirent à convaincre l'armée de proclamer Varius, en raison de sa ressemblance physique avec Caracalla, empereur sous le nom usurpé de Marcus Aurelius Antoninus, déjà abusivement porté par son père supposé Caracalla.

L'empereur Macrin, resté à Antioche, fut pris de court. Piteux stratège, et ayant dressé l'armée contre lui, il fut défait et finalement assassiné en juin 218 : le jeune Varius se retrouvait le seul maître de tout l'Empire romain. Il avait quatorze ans.

Prêtre oriental plus qu'empereur, Héliogabale entreprit la route de Rome par une procession qui transportait la pierre noire sur un char d'or conduit des chevaux blancs qu'il conduisit à reculons jusqu'au Palatin qu'il atteignit durant l'été 219.

[modifier] Empereur faible plutôt que sanguinaire

Si l'on examine soigneusement les récits rapportés par les historiens antiques, on en arrivera à la conclusion qu'Élagabal fut, en réalité, plus dispendieux que cruel et plus extravagant que vraiment méchant, ses biographes, partiaux, ayant en effet fortement exagéré ses vices. Ces écrivains antiques, en racontant la vie d'Élagabal, se montrèrent en l'occurrence plus moralistes qu'historiens. Par des descriptions violemment contrastées, ils opposèrent un empereur qu'ils voulaient totalement pervers à son cousin et successeur, Alexandre Sévère, qu'ils présentaient (avec tout autant d'exagération) comme le parangon de toutes les vertus.

Dans la réalité des faits, Élagabal, fastueuse marionnette, laissa les rênes du gouvernement à sa grand-mère, Julia Moesa, et à sa mère, Julia Soaemias. Ce furent cette emprise féminine, la superstition de l'empereur, ses caprices enfantins, ses dépenses inconsidérées, ses mariages homosexuels, et non son tempérament cruel ou sanguinaire, qui horripilèrent les « vieux Romains » et précipitèrent sa chute.

Dieu lui-même, les excès de cet adolescent étaient sacrés, mais n'avaient rien qui surprennent les Romains de son époque. D'autres empereurs avaient montré l'exemple, et l'état des mœurs dans la Rome du IIIe siècle siècle était à l'unisson.

Les religions nouvelles d'Isis, de Sérapis, ou de Cybèle, de Mithra ou des Chrétiens, avaient leurs adorateurs à Rome, sans menacer pour autant le vieux panthéon romain. Mais Héliogabale voulut imposer son dieu comme unique, au-delà de son assimilation à Jupiter, et fit porter dans son temple tous les objets magiques des autres dieux : le feu de Vesta, le Palladium, les boucliers sacrés, l'image de Cybèle, voire « les religions des Juifs, des samaritains et les rites chrétiens » selon l’Histoire Auguste. Les Romains furent vraiment scandalisés lorsqu'il enleva la grande Vestale Aquila Severa pour l'épouser, désir de syncrétisme symbolique, « pour que naissent des enfants divins » dira-t-il au Sénat.

Prodigue et démagogue, il offrait des fêtes au cirque, des combats d'animaux, des objets précieux jetés au peuple. Sa table recevait, au milieu des histrions et des gitons, des convives à qui il offrait des raffinements de table dignes de Cléopâtre, parfois agrémentés de surprises redoutables, quand les convives se réveillaient de l'orgie.

[modifier] Chute d'Élagabal

Cependant, après trois années de règne, Élagabal bénéficiait toujours du soutien de l'armée. Il le perdit par maladresse.

En juillet 221, la grand-mère d'Élagabal, Julia Moesa, pressentant que les vices de son petit-fils finiraient par le perdre, lui et sa famille, le convainquit d'adopter son cousin, Alexius Bassanius sous le nom de Sévère Alexandre et de l'associer au pouvoir au titre de "César". Ce jeune homme était la parfaite antithèse d'Élagabal : sévère, Alexandre l'était plutôt deux fois qu'une ! Avisé, vertueux, patient et sage, il parvint à se rendre populaire auprès de la seule force qui comptât réellement dans l'Empire : l'armée.

Aussi, quand les soldats apprirent qu'Élagabal cherchait à se débarrasser de son cousin et associé, ils commencèrent à murmurer contre lui. C'était sans doute une rumeur non-fondée car, à ce moment, il semble bien qu'Élagabal avait accepté de bon cœur le partage du pouvoir que lui avait proposé sa grand-mère et qui prévoyait qu'il se consacrerait uniquement à ses activités religieuses tandis que son cousin assumerait les contraintes politiques et militaires du pouvoir. Cependant, ayant confondu la foule en se montrant au balcon du Palais en compagnie du jeune prince, il voulut faire arrêter les meneurs : la foule furieuse envahit alors le palais, et l'empereur y fut massacré dans les latrines. Son corps fut traîné à travers les rues de Rome, puis la populace tenta de jeter le cadavre aux égouts, mais, comme les conduits étaient trop étroits, l'impérial cadavre fut finalement jeté dans le Tibre (11 mars 222).

Son cousin, Sévère Alexandre, devint empereur, et la pierre noire retourna à Emèse.

[modifier] Politique religieuse

Par son souci de promouvoir un culte unique — en l'occurrence le culte solaire — à un moment où il était nécessaire de restaurer l'unité de l'empire, la politique religieuse d'Élagabal peut se rapprocher du « césaropapisme » qui sera celui des empereurs païens, puis chrétiens, du Bas-Empire. D'ailleurs, cinquante ans après, l'empereur Aurélien visera à peu près au même objectif en instituant Sol Invictus comme divinité de l'Empire.

L'empereur Élagabal laissa les Chrétiens en paix. Il est en effet fort vraisemblable qu'Élagabal avait entendu parler de la religion chrétienne : ceux-ci étaient nombreux en Syrie et Anicet, pape de 155 à 166, était, comme lui, originaire d'Émèse.

Nous noterons aussi qu'après l'assassinat d'Élagabal, la populace, qui venait de dépecer son empereur, se livra à une violente révolte anti-chrétienne où le pape Calixte Ier perdit la vie : écharpé par la foule, on lui attacha une pierre au cou et on le jeta d'une haute fenêtre dans un puits profond.

Ce massacre tendrait à prouver que les Chrétiens de Rome étaient, pour le moins, considérés comme des amis et des alliés de l'empereur-grand-prêtre Élagabal.

[modifier] Noms successifs

  • 205, naît Varius Avitus Bassianus
  • 218, accède à l'Empire : Imperator Caesar Divi Antonini Magni Filius Divi Severi Pii Nepos Marcus Aurelius Antoninus Pius Felix Augustus
  • 220, ajout du surnom 'grand-prêtre du dieu Soleil invincible Elagabal' : Imperator Caesar Divi Antonini Magni Filius Divi Severi Pii Nepos Marcus Aurelius Antoninus Pius Felix Augustus Sacerdos Amplissimus Dei Invicti Solis Elagabali
  • 222, titulature à sa mort : Imperator Caesar Divi Antonini Magni Filius Divi Severi Pii Nepos Marcus Aurelius Antoninus Pius Felix Augustus, Sacerdos Amplissimus Dei Invicti Solis Elagabali, Pontifex Maximus, Tribuniciae Potestatis V, Consul IV, Pater Patriae

[modifier] Représentations d'Élagabal dans des œuvres modernes

La vie d'Élagabal a notamment inspiré les artistes du mouvement décadent de la fin du XIXe siècle. L'idée que l'on a pu se faire de sa personnalité a pu servir de support aux oeuvres suivantes :

[modifier] Littérature

[modifier] Peinture

[modifier] Cinéma

[modifier] Musique

[modifier] Bibliographie

[modifier] Sources antiques

[modifier] Ouvrages contemporains

  • Robert Turcan, Héliogabale ou le Sacre du Soleil, Paris (Albin Michel) 1985, et rééd. Excellent ouvrage, le plus complet sur cet Empereur comme sur le culte de Sol Invictus Elagabal.
  • Paul Veyne, L'Empire gréco-romain, Seuil, 2005.
  • Marolles Michel, Vie d'Hadrien ; Vie d'Héliogabale, (Gallimard) XVIIè siècle, Biographie de l'empereur romain par l'abbé Michel de Marolles offusqué, qui se répand en excuses dans le préambule. Intéressante et détaillée.
  • Jean Lombard, L'Agonie, (Séguier) 2002, rééd 1888, biographie romancée, écrite en "style artiste" mais bien documentée.
  • Antonin Artaud, Héliogabale ou l'Anarchiste couronné, (L'imaginaire Gallimard), biographie écorchée où les grand principes de l'humain décadent se mèlent à la religion... pour l'unité. Très très beau texte d'Artaud, particulièrement mal documenté d'un strict point de vue historique.
  Les empereurs romains  
Macrin (217 - 218) Élagabal (219 - 222) (Sévères) Sévère Alexandre (222 - 235)