Tchécoslovaquie pendant la Seconde Guerre mondiale

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La Tchécoslovaquie pendant la Seconde Guerre mondiale couvre, pour l'essentiel, la période située entre le 15 mars 1939 au 8 mai 1945. Le 15 mars 1939, les troupes allemandes envahissent la Bohême et la Moravie. La jeune Tchécoslovaquie est alors éclatée pour une période de 6 ans. D'un côté, le « Protectorat de Bohême-Moravie » est quasiment annexé au Troisième Reich, et de l'autre, la Slovaquie est un pays indépendant, satellite de l'Allemagne nazie qui n'est pas occupé par les troupes allemandes.

Sommaire

[modifier] La Tchécoslovaquie avant guerre

la Tchécoslovaquie en 1928.
la Tchécoslovaquie en 1928.

La Tchécoslovaquie nait du dépeçage de l'Autriche-Hongrie enterriné par le traité de Saint-Germain-en-Laye à l'issue de la Première Guerre mondiale (Voir Histoire de la République tchèque). D'après les statistiques de 1921, 13 613 172 habitants vivent sur le territoire de la république répartis[1] en :

Du point de vue linguistique, seuls le tchèque et le slovaque sont reconnus comme langues officielles. Les autres minorités ne peuvent utiliser leurs langues dans les rapports avec les administrations que dans les districts où elles représentent plus de 20% de la population.

Les premières élections se déroulent le 18 avril 1920 et, jusqu'à l'annexion allemande de 1938-1939, les populations de la Tchécoslovaquie seront invitées à participer aux différents scrutins en respectant le calendrier prévu par la constitution. Les tensions nationalistes marquent fortement la vie politique.

Le 24 janvier 1924, la France et la Tchécoslovaquie signent un traité d'alliance.

L'opposition entre les Allemands et les Tchèques est latente tout au long des années 1920 et s'intensifie dans les années 1930. Les Allemands des Sudètes, d'abord irrédentistes[2], constituent un Parti allemand des Sudètes (Sudetendeutsche Partei - SdP) dirigé par Konrad Henlein qui réclame, avec l'appui de l'Allemagne nazie, le rattachement au Troisième Reich et amplifie graduellement ses exigences. La crise éclate suite à l'Anschluss de l'Autriche et du Reich en 1938. Il est alors évident que la prochaine exigence de Hitler sera la réunification avec les Sudètes.

En février 1938, Hitler laisse entendre dans une allocution publique que le problème des Sudètes ne serait résolu que par le rattachement au Reich des régions où les Allemands sont majoritaires. La tension monte en Tchécoslovaquie où le SdP rejette les différentes propositions du président Edvard Beneš. Le 16 septembre, le gouvernement interdit le SdP.

[modifier] Les accords de Munich

En 1938, aucune des grandes puissances alliées de la Tchécoslovaquie (France et Royaume-Uni) ne désire un conflit en Europe et une conférence se réunit à Munich pour résoudre les revendications territoriales du Reich au détriment de la Tchécoslovaquie. Les 29 et 30 septembre, les dirigeants de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Angleterre et de la France, Adolf Hitler, Benito Mussolini, Neville Chamberlain et Édouard Daladier, se réunissent à Munich. Le 30 septembre, les participants signent les accords de Munich, conforme aux revendications allemandes, qui prévoient le rattachement à l'Allemagne des régions habitées majoritairement par les Allemands et la rétrocession d'une partie de la Silésie à la Pologne (906 km² - 258 000 habitants).

Le président Beneš est contraint d'accepter ce plan, geste qui provoque de gigantesques manifestations à Prague et dans de nombreuses villes tchèques. Le 5 octobre, Beneš démissionne et ne tarde pas à quitter le pays. Le chef du gouvernement, le général Jan Syrový essaie alors d'établir une étroite collaboration avec l'Allemagne [3].

La Tchécoslovaquie perd surtout ses défenses militaires. L'équivalent de la ligne Maginot ayant été construit dont une grande partie aux marges sudètes du pays, elle se retrouve désormais aux mains du Reich. Sans cette ligne de défense, l'indépendance du pays est plus théorique que réelle ; elle dépend entièrement du bon vouloir nazi et des puissances occidentales qui ont garanti ses frontières lors des accords de Munich.

Devant les poussées séparatistes qui se manifestent en Slovaquie et en Russie subcarpatique, l'assemblée nationale approuve l'autonomie de ces deux régions le 19 novembre 1938. Le parti communiste plonge dans la clandestinité à la fin de 1938 et ses dirigeants partent en URSS.

Sous la pression nazie et sous la houlette de Mgr Tiso, l'indépendance de la Slovaquie est proclamée le 14 mars 1939 à Bratislava. Le 15 mars au matin, les armées du Reich, violant délibérément les accords passés six mois avant à Munich, envahissent et occupent le reste de la Bohême et de la Moravie et y établissent un protectorat. Le président Emil Hácha ne donne pas à l'armée l'ordre de résister.

L'Angleterre et la France commencent la mobilisation de leurs troupes même si aucune action concrète n'est prise alors. C'est l'invasion de la Pologne par Hitler, plus que celle de la Tchécoslovaquie, qui marque le début de la Seconde Guerre mondiale.

[modifier] Le Protectorat de Bohême-Moravie

Armes du Protectorat de Bohême-Moravie.
Armes du Protectorat de Bohême-Moravie.

[modifier] L'occupation allemande

Le statut du protectorat est régi par un arrêté d'Hitler du 16 mars 1939. Le Protectorat de Bohême-Moravie ne dispose d'aucune représentation propre à l'étranger et son armée sous le contrôle du gouvernement ne peut avoir qu’un rôle d'auxiliaire. Dans chaque province, l’autorité est exercée par un Oberlandrat. Un seul parti est autorisé, l’Alliance Nationale, que les Allemands font plébisciter à 99% des voix en mai 1939[4], ne justifiant pas l'existence d'un parlement. À la tête du Protectorat, le président et le gouvernement n'ont pas de réels pouvoirs. Le pouvoir est entre les mains d’un Reichsprotektor (Protecteur du Reich) et l'administration est tenue en main par le secrétaire d'État du Protectorat, Karl Hermann Frank. Les divers services de police allemands comme la Sicherheitsdienst ou la Gestapo opèrent sur l'ensemble du territoire du Protectorat et s'intéressent aux opposants politiques tchèques et aux nombreux réfugiés politiques allemands qui n'ont pas pu s'échapper avant le 15 mars 1939[5].

Les premiers mois qui suivent la mise en place du Protectorat, l'occupation allemande est relativement douce. Les Allemands s'efforcent de gagner les ouvriers dont le travail leur est nécessaire[4] et réservent la répression pour les intellectuels auxquels le déclenchement de la seconde guerre mondiale a pu donner quelque espoir.

Le 28 octobre 1939, à l'occasion de l'anniversaire de l'indépendance de la Tchécoslovaquie, de grandes manifestations ont lieu pour protester contre l'occupation et, au cours des affrontements avec la police, un étudiant, Jan Opletal, est blessé mortellement par un agent de police allemand. Les forces d'occupation allemandes prennent alors prétexte des manifestations d'étudiants déclenchées par l'annonce de la mort d'Opletal pour fermer les écoles supérieures. Neuf leaders du mouvement étudiant sont fusillés et de nombreux autres étudiants envoyés en camps de concentration en Allemagne [5]. L’Éducation nationale est confiée à un collaborateur convaincu, le colonel Moravec [4].

Alfons Mucha décède peu après un interrogatoire par la Gestapo en juillet 1939.

Trouvant Konstantin von Neurath trop clément, Adolf Hitler nomme Reinhard Heydrich suppléant (Statthalter) de celui-ci le 24 septembre 1941. Dans les faits, von Neurath n'a plus aucun pouvoir. Dès son arrivée à Prague, Heydrich durcit l'occupation allemande. Son premier geste est de faire condamner à mort le premier ministre Alois Elias, dont il n'avait eu de cesse de demander l'exécution[6]. Entre le 27 septembre et le 29 novembre, il fait fusiller plus de quatre cent Tchèques. La Gestapo est de plus en plus active et elle fera disparaître plus de quatre mille opposants ou résistants. De nombreux intellectuels sont exécutés : Vladislav Vančura en 1942 et Julius Fučík en 1943[4].

A côté de sa politique de terreur, Heydrich tente également de s'attirer la sympathie de la "partie saine" de la population, en augmentant les rations alimentaires et en luttant contre le marché noir.

Jaroslav Krejčí, chancelier du Protectorat, lors d'un discours à Tábor. Notez la décoration de la tribune avec successivement le drapeau du Reich, l'aigle nazi déployant ses ailes « protectrices » au dessus des écus portant, respectivement, le lion de Bohême et l'aigle morave et le drapeau du Protectorat de Bohême-Moravie.
Jaroslav Krejčí, chancelier du Protectorat, lors d'un discours à Tábor. Notez la décoration de la tribune avec successivement le drapeau du Reich, l'aigle nazi déployant ses ailes « protectrices » au dessus des écus portant, respectivement, le lion de Bohême et l'aigle morave et le drapeau du Protectorat de Bohême-Moravie.

[modifier] Persécutions raciales

La loi tchécoslovaque, suivant en cela l'exemple austro-hongrois d'avant la Première Guerre mondiale, reconnait la citoyenneté (par définition tchécoslovaque) et la nationalité : tchèque, slovaque, allemande, juive, polonaise, hongroise, rom, etc. Au moment de l'invasion du pays par les nazis, l'administration dispose donc de listes précises qui aideront l'occupant dans son œuvre létale de discrimination raciale. Elles serviront également, après-guerre, pour mettre en œuvre l'expulsion des Allemands des Sudètes dans le cadre des décrets Beneš.

[modifier] Persécution des Juifs

Dés les premiers jours du protectorat, les Lois de Nuremberg sur le statut des Juifs sont mises en application par le Reichsprotektor Von Neurath[7]. les Juifs sont exclus de la société tchèque par toute une série de réglementation de l'occupation allemande. Ils doivent porter des insignes particuliers, leur liberté de circulation est limitée, leurs rations alimentaires sont réduites, ils n'ont pas le droit de participer à des manifestations culturelles ou sportives et les enfants ne peuvent pas aller à l'école[8].

Dans une seconde étape, les biens des juifs sont confisqués, et les juifs sont progressivement déportés dans le camp de concentration de Theresienstadt en Bohême. Il s'agit d'un camp présenté par les nazis comme une colonie juive modèle. Sur les 141 184 Juifs qui y transitent, la moitié vient du Protectorat, l'autre est principalement constituée de vieillards provenant d'Allemagne et d'Autriche dont beaucoup meurent sur place. L'essentiel des déportés tchèques sont ensuite redirigés vers le camp d'extermination d'Auschwitz[9].

Au total, selon un rapport allemand, à fin 1942, 69 677 juifs du Protectorat ont été déportés, et il n'en restait plus que 15 550. À la fin de la guerre, il n'en restait plus que 6 550 hors des camps. Pour la plupart, il s'agissait de membres de couples mixtes[10].

[modifier] Persécution des Tziganes

La Tchécoslovaquie avait adopté, dès 1927, une loi contre les Tziganes nomades et leur avait délivré une carte d'identité différente de celle des autres citoyens tchèques. Le 10 octobre 1941, Reinhard Heydrich décide l’évacuation des Tziganes de Bohême-Moravie. En fait, ils sont concentrés dans deux camps : Lety en Bohême et Hodonín en Moravie. Vers la fin de 1942, Heinrich Himmler décrète qu'en fonction de leurs classifications raciales, un certain nombre de Tziganes sont autorisés à vivre, d'autres devaient être stérilisés et d'autres déportés à Auschwitz, c'est-à-dire exterminés. Finalement entre 22 000 et 23 000 Tziganes d'Allemagne, d'Autriche, du Protectorat, de Pologne, de Belgique, des Pays-Bas et du nord de la France sont arrivés à Birkenau où une section spéciale leur est réservée[11].

[modifier] La Résistance extérieure tchèque

[modifier] Le gouvernement en exil de Londres

Edvard Beneš a démissionné de son poste de président de la première république tchèque le 5 octobre 1938, après les accords de Munich et l'annexion des Sudètes par les Allemands. Avec d'autres émigrés, il tente de faire admettre par les puissances occidentales l'idée d'un gouvernement en exil, mais d'une part, les émigrés ne sont pas tous d'accord entre eux, et d'autre part, la France et le Royaume-Uni qui ont signé les accords de Munich refusent l'idée de Beneš de rétablir la république tchécoslovaque[5]. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, un Conseil national tchécoslovaque, constitué en France, a plus de succès : un traité franco-tchécoslovaque signé le 2 octobre 1939 permet la reconstitution de l'armée tchécoslovaque sur le sol français sans que soit toutefois obtenue la pleine reconnaissance du gouvernement en exil. Ce Conseil national décrète alors la mobilisation des Tchèques et des Slovaques civils, membres de la Légion étrangère et anciens des Brigades internationales.

Des unités de la première division d'infanterie tchécoslovaque prennent part à la bataille de France, en mai-juin 1940. Des pilotes tchécoslovaques sont également engagés dans un certain nombre d'escadrons français. À l'est, le gouvernement polonais permet la formation d'une unité tchécoslovaque commandée par le général Ludvík Svoboda. Avec l'avancée des troupes allemandes, cette unité tchécoslovaque reflue vers les territoires occupés par l'Armée rouge. Ces soldats restent longtemps dans des camps soviétiques, mais après l'ouverture des hostilités entre l'Allemagne et l'URSS, ils sont reconstitués en unités et combattent à nouveau contre le Reich à partir de mars 1943.

Le 9 juillet 1940, après la défaite de la France, le Conseil national tchécoslovaque décide de former une structure gouvernementale provisoire avec Beneš comme président, Monseigneur Jan Šrámek comme chef de gouvernement[5] et Jan Masaryk aux Affaires étrangères. Ce gouvernement en exil est reconnu par le gouvernement britannique le 18 juillet 1940, par l'URSS dans le courant de l'été 1941 et par les États-Unis l'hiver suivant. Ce n'est qu'en 1942 que l'ensemble des alliés dénoncent les accords de Munich et reconnaissent ainsi la continuité entre la première république tchécoslovaque et la présidence de Beneš.

Avant même que les alliés rendent rétroactivement caduques les accords de Munich, Beneš bénéficiait d'une rare légitimité, puisque non seulement la résistance intérieure tchèque naissante, mais aussi Alois Eliáš, premier ministre en exercice à Prague, et, au moins jusqu'en 1940, le président Hácha reconnaissent son autorité [12]. Cette légitimité dont bénéficiait personnellement Beneš est transférée au gouvernement de Londres. Grâce au support logistique des Britanniques, une collaboration active entre le gouvernement de Londres et la résistance intérieure est maintenue durant les années de guerre. L'action la plus connue de la Résistance tchécoslovaque, l'attentat contre Reinhard Heydrich, connue sous le nom d'Opération Anthropoïde, est un fruit de cette collaboration.

En décembre 1943, le gouvernement en exil conclut un accord avec l'URSS. En maintenant des relations amicales, Beneš espère dissuader les Soviétiques de s'emparer du pouvoir après-guerre. Il offre aux communistes exilés d'entrer dans son gouvernement, allant assez loin dans les concessions : nationalisation de l'industrie lourde et création de comités populaires à la fin de la guerre. En mars 1945, il donne des ministères-clés aux communistes exilés à Moscou.

[modifier] La Tchécoslovaquie dans la coalition antihitlérienne

En septembre 1941, l'URSS accepte une convention militaire qui permet la formation d'unités tchécoslovaque sur le sol soviétique.

Au cours des années 1941-42, ce sont surtout les aviateurs basés en Grande-Betagne qui prennent part au combat. Les trois escadrilles de chasse tchécoslovaques sont créditées de la destruction de 200 appareils ennemis. À partir du 6 juin 1944, elles participent à la couverture de la bataille de Normandie et à l’Opération Market Garden. La 311e escadrille de bombardement tchécoslovaque effectue 149 raids sur l'Allemagne entre 1940 et 1942 et participe à la lutte contre le blocus maritime.

Le 11e bataillon d'infanterie tchécoslovaque qui avait combattu aux côtés des Polonais et avait réussi une exfiltration vers le Proche-Orient, affronte en 1941 les troupes françaises du régime de Vichy et participe ensuite à la bataille de Tobrouk. Le bataillon est ensuite intégrée à la brigade blindée autonome à laquelle on confie après le Débarquement le blocage de la garnison allemande de Dunkerque. De nombreux Tchécoslovaques se battent également dans des unités de la France libre, en Afrique du Nord. Beaucoup participent à la Résistance dans tous les pays d'Europe, en particulier en Yougoslavie et en URSS où ils forment des unités entièrement autonomes. Au milieu de 1944, les Allemands déplacent en Italie des membres de l'armée du Protectorat qu'ils jugent peu sûrs. Une partie considérable d'entre eux rejoint la Résistance italienne[réf. nécessaire].

À l'est, sur le front russe, le 1er escadron autonome tchécoslovaque livre bataille pour la première fois le 8 mars 1943 à Sokolovo[13], près de Kharkiv. Au printemps 1944, on commence à organiser le premier corps d'armée tchécoslovaque en URSS[14],[15].

[modifier] La résistance intérieure tchèque

Affiche de propagande anglaise commémorant la destruction du village de Lidice en Bohême.
Affiche de propagande anglaise commémorant la destruction du village de Lidice en Bohême.

On peut distinguer quatre composantes de la Résistance tchèque :

  • Le Centre politique (Politické ústředí, PÚ) est constitué de collaborateurs de Beneš, sous la conduite de Prokop Drtina. Le PÚ est presque complètement anéanti par les arrestations de novembre 1939 et, par la suite, il est dirigé par des hommes politiques plus jeunes.
  • La Défense de la Nation (Obrana národa, ON) est surtout constituée d'officiers d'active ou de réserve.
  • Nous resterons fidèles (Petiční výbor Věrni zůstaneme, PVVZ, du nom de la pétition lancée en mai 1938 par les représentants de la culture tchèque) regroupe des sociaux-démocrates et des intellectuels de gauche en association avec des syndicats et des mouvements de jeunesse.
  • Le Parti communiste tchèque (KSČ) dont les dirigeants se sont réfugiés à Moscou après les accords de Munich en septembre 1938 et qui a plongé dans la clandestinité depuis cette époque reste relativement faible jusqu'en 1943.

La Résistance non-communiste s'unit dès le printemps 1940 pour former la Direction Centrale de la Résistance (Ústřední výbor odboje domácího, ÚVOD). L’ÚVOD passe progressivement d'un travail d'organisation à la diffusion de tracts et d'une presse clandestine et à la collecte de renseignements politiques ou militaires, envoyés à Londres, mais aussi à Moscou[16].

Après l'attaque de l'URSS par les troupes allemandes, en juin 1941, les groupes associés dans l'ÚVOD amorcent un rapprochement avec le KSČ, mais la répression efficace consécutive à l'attentat contre Heydrich marque une pause dans le processus d'unification.

La Résistance intérieure a du mal à se remettre de cette vague de répression et ce n'est que vers la fin de la guerre qu'elle se rétablira complètement[5]. À partir du 12 décembre 1943, l'alliance signée par Beneš, entre la Tchécoslovaquie et l'URSS facilite l'unification de la Résistance intérieure. Les communistes sont largement représentés dans le "Conseil des Trois" (R3) qui s'affirme à la fin de la guerre.

La Résistance communiste, dirigée de Moscou par Klement Gottwald, et Rudolf Slánský, est animée sur place par des militants comme Jan Sverma, Jaromír Dolanský, Antonin Novotný, Josef Smrkovský et Antonin Zapotocky. Beaucoup d’entre eux sont exécutés ou déportés[4].

[modifier] La Slovaquie de 1939 à 1945

[modifier] Création d'une Slovaquie indépendante

Après les accords de Munich, la Slovaquie acquiert son autonomie. Jozef Tiso, un prètre plus connu sous le nom de « Monseigneur Tiso » et dirigeant d'un parti nationaliste slovaque, le Parti Populaire Slovaque de Hlinka est le premier ministre du gouvernement slovaque autonome. En mars 1939, l'action des agents allemands et des séparatistes slovaques aboutit à une crise intérieure et une déclaration d'indépendance de la Slovaquie que le gouvernement tchéco-slovaque de Prague tente de résoudre par une intervention armée le 9 mars 1939. Jozef Tiso, président du gouvernement autonome slovaque, est renversé. Juste avant l'invasion de la Tchécoslovaquie, le 15 mars 1939 et l'incorporation de la Bohème et de la Moravie au Troisième Reich sous la forme d'un Protectorat, Hitler invite Tiso à Berlin et le presse de proclamer l'indépendance de la Slovaquie faute de quoi, la Slovaquie pourrait être partagée entre la Pologne et la Hongrie. Tiso convoque alors le parlement appelé la Diète du pays Slovaque qui vote l'indépendance le 14 mars. Tiso devient le premier dirigeant de la nouvelle république.

Au lendemain des accords de Munich, la Hongrie avait récupéré la Ruthénie subcarpatique. Ce transfert de territoire avait été officialisé, le 2 novembre 1938, par le « premier arbitrage de Vienne ». C'est précisément à partir de la Ruthénie subcarpatique que la Hongrie attaque la Slovaquie le 23 mars 1939 et récupère 1697 km² de territoire au sud du pays peuplés par 70 000 habitants, majoritairement hongrois. Les relations entre la Hongrie et la Slovaquie ne seront jamais vraiment normalisées.

la république slovaque en 1941
la république slovaque en 1941

La Slovaquie sera toujours très dépendante de l'Allemagne nazie. Un "traité de protection" signé à Munich le 23 mars 1939, subordonne formellement à l'Allemagne la politique slovaque dans les domaines économique, militaire et diplomatique. Ce traité conduira la Slovaquie à rejoindre les forces de l'axe et d'entrer en guerre contre la Pologne, l'URSS et même à déclarer la guerre à la Grande-Bretagne et aux États-Unis, mais en revanche, à l'exception d'une langue de terres située à la frontière allemande, la Slovaquie ne sera jamais occupée par les troupes allemandes.

[modifier] La Slovaquie de Monseigneur Tiso

85% des 2 650 000 habitants de la nouvelle république sont slovaques, les 15% restant étant constitué de Hongrois, de Juifs, d'Allemands et de Roms. 50 % de la population vivent de l'agriculture. La capitale, Bratislava comple plus de 120 000 habitants.

D'après la constitution de 1939, le président (Jozef Tiso) est à la tête de l'état, le parlement appelé Diète de la République slovaque est théoriquement élue pour cinq ans, mais aucune élection n'aura jamais lieu. Un Conseil d'État tient lieu de chambre haute. L'exécutif consiste en un gouvernement de huit ministres.

La République slovaque de Monseigneur Tiso est un État totalitaire et corporatiste selon les termes de Michel Laran[4]. Les communistes le qualifient de « clérical-fasciste ». De fait, le nationalisme slovaque de cette époque est très fortement teinté de catholicisme. Ses deux grandes figures, Hlinka, mort en 1938, et Tiso sont des prêtres catholiques. Seul le Parti populaire slovaque de Hlinka est autorisé, à l'exception de petits partis représentant les minorités allemande et hongroise. Le gouvernement décrète un certain nombre de lois antisémites, excluant les juifs de la vie publique dans un premier temps et les déportant en Allemgne dans un deuxième temps. Mis à part la persécution des Juifs, le régime n'est crédité que d'une seule exécution.

L'existence de cette première république slovaque a eu des effets positifs sur l'économie, la science, l'enseignement et la culture slovaque. Une académie des sciences slovaque est fondée en 1942. De nombreuses universités et lycées sont créés. La littérature et la culture slovaque sont florissantes.

Le Parti populaire slovaque de Hlinka est divisé en deux tendances : celle de Monseigneur Tiso est surtout constitués de conservateurs qui ont pour idéal un état autoritaire et religieux, l’autre est beaucoup plus ouvertement fasciste et inspirée par les nazis allemands. Ils ont pour idéal un état slovaque basé sur le sang et le sol. Ils ont plus anti-sémites que l'entourage de Monseigneur Tiso et chasseraient volontiers tous les Tchèques du pays. Leur principale organisation est la « Garde de Hlinka » (Hlinkova garda). Leurs représentants au gouvernement sont le premier ministre Vojtech Tuka et le ministre de l'intérieur Alexander Mach. C'est essentiellement par antibolchevisme que ces deux tendances ont pu faire alliance.

Dans un pays relativement prospère à cette époque où le reste de l'Europe et à feu et à sang, la population soutient plutôt la tendance Tiso. Les Allemands ont commencé par soutenir Tuka, mais finalement, ils se satisfont de Tiso, représentatif de son peuple et qui garantit aux Allemands le calme à leur frontière.

[modifier] La persécution des juifs de Slovaquie

Peu après l'indépendance, la République Slovaque met en œuvre un certain nombre de mesure à l'encontre des quelque 88 951 juifs recensés le 15 décembre 1940 sur son territoire. Les premières mesures antijuives datent du 18 avril 1939, un mois après l'indépendance et consistent en l'expropriation des 12 300 juifs qui possèdent une entreprise et en la révocation des fonctionnaires. La Garde de Hlinka commence à agresser les Juifs et un « Code Juif » (Loi 105 du 9 septembre 1941) est promulgué. Très similaire aux Lois de Nuremberg en vigueur dans le troisième Reich, le code oblige les juifs à porter un brassard jaune, interdit les mariages mixtes et exclue les Juifs de certaines professions. Dans ce code, la définition du Juif se rapproche des conceptions raciales des nazis. Le Vatican proteste alors en faisant remarquer que la législation est contraire aux principes de l'Église.

Les camps de travail forcé font leur apparition à l'automne 1941, alors que la plupart des Juifs ont perdu leur emploi. Une organisation centrale juive, la Judenzentrale ou Ústredna Židov (ÚŽ) réunit tous les Juifs.

En octobre 1941, 15 000 juifs sont explulsés de Bratislava. En fait, les 5 000 d'entre eux, détenteurs d'un permis de travail, sont autorisés à rester. Les autres prennent le chemin des camps de travail forcé.

Dés juin 1940, le gouvernement Slovaque avait promis d'envoyer 120 000 travailleurs en Allemagne, mais en octobre 1941, ils ne sont que 80 000, et en novembre 1941, la situation du travail s'étant améliorée en Slovaquie, le gouvernement Slovaque propose de remplacer les travailleurs slovaques manquants par des Juifs. Après la Conférence de Wannsee, en janvier 1942, les nazis allemands du Reichssicherheitshauptamt proposent aux autorités slovaques de déporter tous les Juifs slovaques sur le territoire du Reich moyennent une redevance de 500 marks par tête, correspondant aux frais de "logement, nourriture, habillement et reconversion". La totalité de la somme correspond envoron à 80% de ce que le gouvernement slovaque a réussi à soutirer aux Juifs par les diverses mesures d'expropriation.

Les déportations vers l'Allemagne commencent en mars 1942. Au sein de l'ÚŽ, le service de l'émigration, dirigé par Gisi Fleischmann aide les juifs à s'enfuir. 7 000 parviennent à se réfugier en Hongrie. Plusieurs milliers tentent d'échapper à la déportation en se convertissant au christianisme. Mgr Tiso accordera 2 000 graces présidentielles (définie dans le cadre de la loi) en particulier aux juifs baptisés.

A partir de juin 1942, le gouvernement slovaque se montre moins coopératif pour déporter les Juifs vers l'Allemagne. À cette date, 52 000 juifs ont déjà été déportés, mais il en reste encore entre 30 000 et 35 000. Plusieurs raisons expliquent ce revirement slovaque :

  • la redevance fixée par les Allemands est élevé,
  • un certain nombre de juifs sont indispensables à la marche du pays,
  • les interventions du Vatican sont de nature à faire fléchir un état dont le président est un prêtre catholique.

Dés le début des déportations, des notes du Vatican au premier ministre Tuka expliquent que les Juifs ne sont pas envoyés dans l'ex-Pologne pour y travailler, mais pour y être exterminés. En pratique, les déportations sont stoppées jusqu'en octobre 1944.

Le 29 août 1944, il se produit un soulèvement anti-nazi à partir de la ville de Banská Bystrica. En octobre 1944, à l'approche de l'Armée rouge, le soulèvement devient national et force l'Allemagne nazie à occuper la Slovaquie. Les Allemands déportent 13 500 juifs de plus. Au total, 70 000 juifs auront été déportés par les autorités allemandes ou slovaques. Environ 65 000 ne reviendront jamais[17].

L'historien slovaque Ivan Kamenec rappelle dans un article paru en mars 2007 dans un grand quotidien slovaque que

"la première République de Slovaquie est le seul Etat non occupé par l'Allemagne à avoir déporté par ses propres moyens ses citoyens juifs dans des camps. Les premiers convois de jeunes hommes et femmes sont partis sous le couvert de 'travail'. Dès avril 1942, on enfermait des familles entières - vieillards et enfants inclus - dans des wagons à bestiaux. De mars à octobre 1942, 57 convois transportant plus de 57 000 personnes ont été organisés et deux tiers de la population juive a été déportée. Seule une petite centaine de personnes a survécu aux camps de concentration. C'est l'élite politique de l'époque qui porte la responsabilité politique et morale de ce crime. Ce n'était pas seulement une tragédie pour les victimes ; les conséquences touchent la société entière, qui est encore aujourd'hui traumatisée."[18]

[modifier] La fin de la Slovaquie de Tiso

À fin 1944, les troupes allemandes refluent peu à peu sous la poussée de l'Armée rouge, mais aussi de troupes roumaines et tchécoslovaques qui arrivent par l'est. Les territoires libérés redeviennent par la force des choses tchécoslovaques.

La première république slovaque cesse d'exister le 4 avril 1945 lorsque l'Armée rouge entre dans Bratislava et occupe l'ensemble de la Slovaquie.

[modifier] La Libération

Le 5 avril, Beneš, arrivé de Londres en transitant par Moscou, constitue à Košice un gouvernement de coalition présidé par Zdeněk Fierlinger, avec Klement Gottwald comme premier vice-président. Le programme de Košice prévoit une république démocratique, où Tchèques et Slovaques seront égaux[4]

A partir du moment où l'Armée rouge réussit sa percée dans les Carpates, en octobre 1944, le R3 développe des unités de guérilla pour préparer la libération du territoire. Les diverses actions de guérilla sont intensifiées après la formation d'un gouvernement provisoire tchèque à Košice, le 6 avril 1945, juste après la libération de Bratislava. À mesure que l'Armée rouge avance, des « Comités nationaux » prennent en main l'administration. Plus de 4 850 comités sont ainsi formés avec l'aval de l' Armée Rouge. Le 5 mai un soulèvement éclate à Prague et un Conseil national tchèque (Česká národní rada ou ČNR), nouvellement formé, prend la tête de l'insurrection. Plus de 1 600 barricades sont montées dans la ville et quelque 30 000 hommes et femmes tchèques se battent pendant trois jours contre 37 000 soldats de la Wehrmacht soutenus par des chars et de l'artillerie. Le 8 mai, les troupes allemandes capitulent et l'Armée rouge entre dans Prague le 9.

[modifier] L'expulsion des Allemands des Sudètes

Icône de détail Article détaillé : Décrets Beneš .

Les accords de Munich avaient été la conséquence des activités subversives des Allemands des Sudètes. Pendant les dernières années de la guerre, Beneš sétait attaché à résoudre le problème de la minorité allemande et il avait reçu le consentement des alliés pour une solution basée sur un transfert des populations allemandes hors des Sudètes.

L'ensemble de lois connues sous le nom de Décrets Beneš sont promulguées entre le 19 mai et le 25 octobre 1945. L'expulsion des nationaux allemands des Sudètes vers l'Allemagne, s'étalera sur trois ans, de 1945 à 1947.

Au total, ce sont environ 2,6 millions d'Allemands qui déplacés vers l'Allemagne et l'Autriche. Sur les 3,1 millions d'Allemands vivant sur le territoire tchécoslovaque avant-guerre, on estime que :

  • 2,256 millions sont expulsés « dans les règles » établies par la conférence de Potsdam
  • 400 000 ont été explusés de manière « sauvage »
  • entre 100 et 300 000 ont fui vers l'Allemagne l'avancée de l'Armée rouge.
  • entre 300 et 500 000 sont décédés sous les drapeaux de la Wehrmacht.

[modifier] Notes et références

  1. Pavel Bělina, Petr Čornej, Jiří Pokorný, Histoire des Pays tchèques, Seuil, Paris, 1995, p.368
  2. Ils réclament un rattachement à l'Autriche.
  3. Histoire des Pays tchèques, p.395
  4. abcdefg M. Laran, article Tchécoslovaquie in Encyclopedia Universalis, 2000.
  5. abcde Petr Čornej, Jiří Pokorný, L'Histoire des pays tchèques jusqu'à l'an 2004, Práh, 2003.
  6. Mario R. Dederichs, Heydrich, Tallandier, Paris, 2007, p.172
  7. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, collection Folio, 2006, Tome I, p. 224
  8. Histoire des pays tchèques, p.405
  9. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, collection Folio, 2006, Tome II, p. 791
  10. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, collection Folio, 2006 Tome II, p. 849-50.
  11. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, collection Folio, 2006 Tome III, p. 1848
  12. Werner Rings, Life with the Ennemy, 1979, traduction en anglais Weidenfeld and Nicolson, 1982, p.135-136
  13. Une station du Métro de Prague sera baptisée Sokolovská en référence à ce premier haut fait d'armes qui voit les Tchécoslovaques et les Russes combattre côte-a-côte.
  14. Pavel Bělina, Petr Čornej, Jiří Pokorný, Histoire des Pays tchèques, Editions du Seuil 1995, p.403-404
  15. Pour l'ensemble du paragraphe source : La Tchécoslovaquie dans la coalition anti-hitlérienne.
  16. Histoire des pays tchèques, p.401
  17. Raul Hilberg, La destruction des Juifs d'Europe, Gallimard, collection Folio, 2006 Tome II, p. 1331-1377, pour l'ensemble de la section La persécution des juifs de Slovaquie
  18. http://www.eurotopics.net/fr/search/results/archiv_article/ARTICLE15673 Ivan Kamenec évoque la participation slovaque à la déportation des Juifs, SME, 27 mars 2007

[modifier] Sources de l'article

[modifier] Bibliographie

  • P.Bonnour, Histoire de la Tchécoslovaquie, coll. Que-sais-je ? , P.U.F, 1968
  • P.George, Le problème allemand en Tchécoslovaquie (1919-1946), Paris, 1947
  • J.Mikus, La Slovaquie dans le drame de l'Europe. Histoire politique de 1918 à 1950, Paris, 1955
  • F.Fejtö, Histoire des démocraties populaires (2 vol.), Le Seuil, 1969
  • J.Rupnik, Histoire du parti communiste tchécoslovaque des origines à la prise du pouvoir, 1918-1948, thèse, Paris-I Sorbonne, 1981
  • Pavel Bělina, Petr Čornej, Jiří Pokorný, Histoire des Pays tchèques, Editions du Seuil 1995
  • Petr Čornej, Jiří Pokorný, Histoire des Pays tchèques jusqu'en l'an 2004 en Abrégé, Prague, 2003
  • Werner Rings, Life with the ennemy, Weidenfeld and Nicholson, 1979 (traduction de l'allemand)

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens externes