Léonard Leymarie

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Léonard Leymarie (4 janvier 1880 à Seilhac12 décembre 1914 à Port-Fontenoy) est un militaire français de la Première Guerre mondiale. Cultivateur dans le civil, il était soldat de 2e classe dans le 305e régiment d'infanterie, 19e compagnie. Il est connu pour avoir été fusillé pour l'exemple pendant la Première Guerre mondiale.

Sommaire

[modifier] Biographie

Léonard Leymarie est né le 4 janvier 1880 au hameau de Champeil, commune de Seilhac, chef-lieu de canton du département de la Corrèze. Son père, Léonard Leymarie, âgé de 40 ans, et sa mère Marie dite Françoise Gaud, âgée de 37 ans, étaient cultivateurs. Il épouse, le 22 juin 1911, Marie Françoise Mialoux, cuisinière, née le 9 décembre 1884 à Chamboulive, domiciliée au Coudert, village de Chamboulive, alors résidant à Libourne (Gironde).

Incorporé à compter du 10 novembre 1901 au 2e Bataillon de chasseurs à pied (B.C.P.), il arrive au corps le dit jour. Il est envoyé dans la disponibilité le 20 septembre 1902 étant devenu dispensé (il a un frère au service), en attendant son passage dans la réserve. Un certificat de bonne conduite (C.B.C.) lui est accordé. Il accomplit par la suite deux périodes d'exercice à Tulle, la première au 100e R.I. et la seconde au 300e R.I. Rappelé en tant que réserviste par le décret de mobilisation générale du 12 août 1914, il est versé au 305e régiment d'infanterie (Riom).

Invité par ses camarades de tranchée à aller se faire soigner pour une blessure à une main, il est traduit devant le Conseil de guerre spécial de la 63e division d'infanterie pour abandon de poste en présence de l'ennemi par « mutilation volontaire », sur les données très contestables d'un simple rapport médical, acte pour lequel il avait toujours protesté de son innocence, ayant été blessé à la main à son poste de guetteur [1].

A l'unanimité du jury, il est condamné à mort et aux dépens envers l'Etat le 12 décembre 1914. La minute du jugement n° 47 du Conseil de guerre permanent de la 63e division d'infanterie, séant à Saint-Baudry (Aisne), nous donne l'identité du président, le colonel Joseph Louis Marie Andlauer (1869-1956), commandant la 126e brigade d'infanterie, et des quatre juges (Roux, Ballay, Gignoux et Boucharie), tous nommés par le général Georges Louis Edmond Jullien (1858-1933) qui se trouve lui-même sous les ordres du général Etienne Godefroy Timoléon, comte de Villaret (1854-1931), commandant le 7e Corps d'armée. L'accusé est « inculpé d’abandon de poste devant l’ennemi. » Les circonstances de cet « abandon de poste » ne sont pas indiquées ; les déclarations de l'accusé, des témoins et de son défenseur - le maréchal des logis François Guillaume, du 14e Dragons (dans le civil, avocat inscrit au barreau de Clermont-Ferrand) - ne sont pas non plus rapportées. Enfin, on ne trouve pas mention de sa blessure à la main.

C'est en vain que l'abbé Rochas, aumônier de la division, est venu intercéder auprès du général Jullien la clémence pour le condamné. La sentence est exécutoire le jour même à 16h30 à Port-Fontenoy, sur les bords de l'Aisne gelée. Leymarie laissera une lettre dans laquelle il clame son innocence.[2]

Le même tribunal de guerre condamnera, le 12 décembre 1914, et fera exécuter, à trois kilomètres de là, par un autre peloton, Jean Grataloux (né le 9 décembre 1880 à Saint-Just-sur-Loire, Loire), soldat 2e classe au 288e R.I., accusé de mutilation volontaire.

Léonard Leymarie laisse deux enfants nés à Seilhac : André Louis (16 mars 1912) et Marie-Louise (5  octobre 1913), adoptés par la Nation (pupilles de la nation) par jugement du tribunal civil de Tulle daté du 23 octobre 1919. Pour survivre, Antoinette Mialoux quitte Seilhac trois mois après le drame. Elle s'installe à Tulle, impasse Saint-Martin, où elle exerce le métier de ménagère.

[modifier] Réhabilitation

Leymarie aurait été réhabilité en 1923. Sa fiche, visible sur le site Mémoire des hommes, mentionne bien une réhabilitation sans donner la moindre date mais les spécialistes de la question n'en ont jamais trouvé trace. A Seilhac, la mention « Mort pour la France » ne sera ajoutée qu'en 1925 à son acte de décès transcrit le 29 avril 1915 sur le registre d’état civil (acte n° 12). Cette mention existait pourtant sur l’acte de décès du 305e R.I. (n° 99), établi à Ambleny (Aisne) le 19 décembre 1914 et contresigné par deux témoins, un caporal et le médecin aide-major du dit régiment. Cette ambiguïté se traduit d'ailleurs dans les documents constituant le dossier des enfants pupillaires puisque le père est dit « tué à Fontenoy » sans autre précision.

Le nom de Leymarie demeure absent du monument aux morts de Seilhac érigé en 1924. Son corps repose au cimetière militaire d'Ambleny. Il faudra attendre l’année 1994 pour que le maire de Port-Fontenoy inaugure, en novembre, à proximité de l'église de Fontenoy, une stèle en l’honneur du fusillé corrézien et d’un autre malheureux, Lucien Bersot, né le 7 juin 1881 à Authoison (Haute-Saône) et fusillé parce qu'il avait refusé de porter le pantalon couvert de sang d'un soldat mort sur le champ de bataille.

Depuis quelques années, Michel Agnoux, secrétaire-adjoint de la section A.R.A.C. (Association républicaine des anciens combattants) de Saint-Jal, délégué à la Mémoire du Comité départemental, se bat pour que la Nation répare l’outrage consécutif à la condamnation pour l’exemple du soldat Leymarie et à l’outrage à sa mémoire qui s’en est suivi. Il demande l’inscription du nom du fusillé sur le monument seilhacois.

Récemment, l’affaire Leymarie a amené le sénateur de la Corrèze Georges Mouly (R.D.S.E.) à attirer l'attention de M. Hamlaoui Mekachera, alors ministre délégué aux anciens combattants, sur les « fusillés pour l'exemple. » Il lui a demandé l'état de la réglementation actuelle quant à l'inscription du nom des fusillés pour l'exemple réhabilités sur les monuments aux morts des communes, où ils ne figurent pas [3]. Dans sa réponse, le ministre a rappelé que les noms des militaires fusillés pour l'exemple puis réhabilités peuvent être inscrits sur les monuments aux morts communaux, s'ils se sont vu attribuer la mention « mort pour la France ». Cette décision d'inscription incombe aux communes, sous la tutelle du préfet. Il n'existe toutefois aucune obligation d'inscription pour les communes.

L'article L. 488 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre distingue cinq catégories de morts pour la France :

  • 1°) les militaires qui ont été tués à l'ennemi,
  • 2°) ceux qui sont morts de blessures de guerre,
  • 3°) les décédés de maladie contractée en service commandé en temps de guerre,
  • 4°) les victimes d'accident survenu en service,
  • 5°) ceux qui sont morts à l'occasion du service en temps de guerre [4].

[modifier] Pour approfondir

[modifier] Bibliographie

  • Paroles de Poilus : Lettres et carnets du front, 1914-1918 - Auteurs : Jean-Pierre Guéno, Yves Laplume, Collectif.
  • Fusillés pour l'exemple - 1914-1915 de André Bach, Tallandier, 2003.

[modifier] Notes et références

  1. Les Fusillés de la grande guerre, de Nicolas Offenstadt, 1999, p.127, 153, 223.
  2. Lettre publiée notamment dans Paroles de Poilus, 1998, p. 87-88.
  3. Question écrite n° 25440 publiée dans le J.O. du Sénat du 30 novembre 2006, p. 2983.
  4. Réponse du Ministère délégué aux anciens combattants publiée dans le J.O. du Sénat le 1er mars 2007, p. 454.