Entier quadratique

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En mathématiques, un entier quadratique est un nombre réel ou complexe racine d'un polynôme du second degré à coefficients dans les nombres entiers et dont le coefficient du terme du plus haut degré est égal à 1. Un irrationnel quadratique est une notion un peu équivalente. Elle correspond encore à un nombre réel ou complexe racine d'un polynôme du second degré à coefficients rationnels, cette fois quelconques.

Ces nombres particuliers disposent de propriétés algébriques. Si u est un entier quadratique, l'ensemble des nombres de la forme α + β.u, où α et β désignent deux nombres entiers, est stable pour l'addition, la soustraction et la multiplication. Un tel ensemble est qualifié d'anneau. Si v est un irrationnel quadratique, l'ensemble des nombres de la forme α + β.v, où α et β désignent deux nombres rationnels, est stable pour les quatre opérations, on parle cette fois de corps.

Un nombre quadratique, entier ou irrationnel, est ainsi avant tout un élément d'un ensemble, structuré par deux opérations. Cette approche est au cœur de la théorie algébrique des nombres. Au lieu d'étudier un nombre particulier, comme le nombre d'or, l'analyse de la structure d'anneau associé, ici celui des entiers du corps Q(√5) est plus fructueuse. Cette démarche est ancienne, dès le VIe siècle les mathématiciens indiens avaient déjà découvert une multiplication sur un ensemble de cette nature, qui permet de résoudre certains cas particuliers de l'équation de Pell-Fermat. Gauss, un mathématicien du XIXe siècle, préfigure la démarche moderne et fixe le vocabulaire avec l'étude des entiers portant maintenant son nom. Il découvre que cet anneau est euclidien, permettant de développer une arithmétique analogue à celle des entiers relatifs, avec sa version du théorème fondamental de l'arithmétique et ses nombres premiers.

Ces structures sont parfois sujet à une difficulté, qualifiée d'obstruction. Elle concerne les éléments inversibles pour la multiplication, ils sont parfois en nombre infini. Une deuxième obstruction existe si l'anneau n'est pas euclidien. L'unicité de la décomposition en facteurs premiers ne s'applique plus et les techniques usuelles de l'arithmétique s'avèrent inopérantes. Une analyse plus profonde de la structure de l'anneau permet d'y remédier à l'aide du concept d'idéal.

Les anneaux d'entiers quadratiques forment en général la première classe d'exemples dans laquelle on tente de faire fonctionner des théories inaccessibles dans le cas général (voir par exemple le théorème de Kronecker-Weber en théorie des corps de classes). L'étude des entiers quadratiques admet une version plus algébrique : l'étude des formes quadratiques à coefficients entiers. Il n'y a pas d'analogue à cette interprétation dans les corps de nombres en général.

Sommaire

[modifier] Motivation

La première motivation historique est la résolution d'équations diophantiennes du deuxième degré. Ces équations sont à coefficients entiers et les solutions recherchées sont entières. Un exemple célèbre est x2 - 61.y2 = 1, traité[1] par Brahmagupta, un mathématicien indien, reprise par Fermat dans un défi présenté à la communauté européenne en 1657[2].

En vue de résoudre cette équation, il est judicieux d'étudier les nombres de la forme a + b√61, ici a et b désignent deux entiers relatifs. On remarque que si α et β sont de cette forme, alors leur somme et leur produit l'est aussi. De plus, si α et β sont deux solutions de l'équation, α.β l'est aussi. Résoudre l'équation revient en fait à déterminer un sous-ensemble particulier de l'anneau des entiers quadratiques de la forme a + b√61. Cet ensemble correspond à un sous-groupe du groupe des unités, c'est à dire des éléments possédant un inverse dans l'anneau.

Un deuxième exemple est l'étude des propriétés arithmétiques associées au nombre d'or φ. Une fois encore, les nombres de la forme a + b.φ forment une structure stable pour l'addition et la multiplication, appelé anneau. Il est particulier dans le sens où il admet une division euclidienne. Cette division euclidienne offre une structure suffisamment proche de celle des entiers relatifs pour que le terme d' entier soit utilisé pour écrire un élément de l'ensemble. Les techniques de résolution sont absolument analogues à celle de l'arithmétique élémentaire.

Pour Z, il est utile d'enrichir la structure pour obtenir un ensemble munis d'une addition et d'une multiplication tel que tout élément non nul soit inversible. La technique utilisée, appelée corps des fractions permet de construire Q, le corps des nombres rationnels. Elle s'applique aussi aux anneaux d'entiers quadratiques. On obtient une structure dont les éléments sont appelés parfois rationnels quadratiques par analogie avec les entiers relatifs ou encore irrationnels quadratiques car les éléments sont souvent irrationnels. A travers le concept de tour d'extension quadratique, cette structure est l'un des fondements de la compréhension des figures constructibles à la règle et au compas.

[modifier] Exemples

[modifier] Anneaux euclidiens

Icône de détail Article détaillé : anneau euclidien.

Les entiers algébriques sur un corps quadratique forment des anneaux aux propriétés variables en fonction d'une valeur d correspondant à un entier sans facteur carré.

Si d est égal à -1, l'anneau est celui des entiers de Gauss. Il est formé des nombres complexes de la forme a + i.b avec a et b deux entiers relatifs et i l'unité imaginaire. Il correspond à une structure simple, il est euclidien et en conséquence principal et factoriel. Le groupe des unités est fini et cyclique. Cette configuration se produit pour quelques valeurs de d comme -2 et -3. Si d est égal à -3, l'anneau est celui des entiers d'Eisenstein. Sur chacun de ces anneaux, les outils de l'arithmétique élémentaire s'appliquent avec succès. Le lemme d'Euclide, l'identité de Bézout ou encore la décomposition en facteurs premiers se traduisent pratiquement sans modification. Ceux plus sophistiqués de l'arithmétique modulaire comme le passage au quotient, le petit théorème de Fermat ou la loi de réciprocité quadratique se généralisent aussi sans difficulté majeure.

[modifier] Groupe des unités

Icône de détail Article détaillé : Groupe des unités.

Si d est positif, une première difficulté apparait, elle est illustrée par l'anneau des entiers de Dirichlet qui correspond à l'arithmétique du nombre d'or 1/2(1 + √5). Cette arithmétique est étudiée en profondeur à l'aide des outils élémentaires dans l'article associé. Si l'anneau est parfois euclidien, le groupe des unités devient infini. Pour toutes ces valeurs, aucun des théorèmes ou propriétés cités précédemment n'est utilisable. Pour la résolution d'équations diophantiennes comme celle du grand théorème de Fermat pour n = 5, les contournements deviennent acrobatiques. Comprendre la structure du groupes des unités revient à résoudre l'équation de Pell-Fermat. Dirichlet appelle obstruction cette difficulté. Si d est négatif, cette difficulté n'apparaît jamais, le groupe des unités est fini et cyclique.

[modifier] Anneaux non factoriel

Icône de détail Article détaillé : Anneau factoriel.

Si la valeur absolue de d augmente, une deuxième obstruction voit le jour. Le cas où d est égal à -5, l'anneau des entiers est Z[i.√5] est le premier exemple. Il correspond au plus petit anneau contenant l'ensemble des entiers relatifs Z et i.√5. L'égalité suivante met en évidence cette obstruction :

2.3=(1+i.\sqrt 5)(1-i.\sqrt 5)\;

Aucun des quatre entiers de l'égalité précédente ne possède de diviseur autre de 1 et lui-même (au groupe des unités près). Ils correspondraient donc à des nombres premiers. L'égalité montre que 6 possède dans cet anneau deux décompositions en facteurs premiers. L'anneau n'est ni euclidien, ni principal ni factoriel. D'autres outils doivent être mis en jeu pour appréhender cette situation.

[modifier] Caractérisation

[modifier] Extension quadratique

Icône de détail Article détaillé : Extension quadratique.

Si les corps quadratiques sont tous de la forme Q[√d], deux valeurs différentes pour d comme 3 et 12 fournissent la même structure. La situation est décrite par la proposition suivante :

  • Si K est un corps quadratique, alors il existe un et un unique entier sans facteur carré tel que K est égal à Q[√d].

La démonstration est donnée dans l'article détaillé.

Remarque : Il existe deux conventions différentes. Le symbole √d désigne parfois le réel image de la fonction continue racine carrée, elle ne peut être prolongée continument pour les valeurs négatives de d, même dans le corps des nombres complexes. En effet, il existe deux valeurs possibles. Le symbole √d désigne aussi la classe de X dans l'anneau des polynômes Q[X] quotienté par l'idéal engendré par X 2 - d. Si d n'admet pas de racine carrée dans Q, alors le quotient est un corps. Les deux constructions sont équivalentes et correspondent par isomorphisme. Les détails sont donnés dans l'article Extension algébrique. La première convention rend illicite l'usage de l'expression √d si d est strictement négatif, la deuxième convention l'autorise. Cet article utilise la deuxième convention, il n'est pas précisé que d est strictement positif.

[modifier] Anneaux d'entiers

Icône de détail Article détaillé : entier algébrique.

La structure largement utilisée en arithmétique est celle de la fermeture intégrale du corps Q[√d]. Elle correspond à l'ensemble des entiers algébriques du corps. Un élément du corps est dit entier si et seulement si son polynôme minimal est à coefficients entiers. Le polynôme minimal d'un élément a du corps est le polynôme de plus petit degré et unitaire ayant a pour racine. Un entier classique est appelé entier relatif dans la suite de l'article pour éviter toute ambigüité.

Une propriété fondamentale d'un tel ensemble est la suivante :

  • La fermeture intégrale d'un corps quadratique est un anneau.

Cette propriété est vraie pour toutes les extensions algébriques. Elle est plus simple à établir dans le cas des corps quadratiques.

La structure de la fermeture intégrale du corps Q[√d] est la suivante :

  • Si d est congru à 1 modulo 4, alors l'anneau des entiers est égal à Z[(1 + √d) / 2], sinon l'anneau est égal à Z[√d].

Dans toute la suite de l'article, d désigne un entier relatif sans facteur carré et u l'entier algébrique (1 + √d) / 2 si d est congru à 1 modulo 4 et √d dans le cas contraire, Q[u] désigne le plus petit corps contenant u et Q et Z[u] sa fermeture intégrale.

[modifier] Irrationnel quadratique

L'anneau des entiers quadratiques Z[u] est inclus dans R le corps des nombres réels et contient 1. Il est donc commutatif, unitaire c'est à dire qu'il contient 1 et intègre c'est à dire que le produit de deux facteurs non nuls est toujours non nul. Cette situation permet d'étudier le corps des fractions de Z[u], c'est à dire l'ensemble des éléments a/b si a et b sont deux éléments de Z[u] tel que b soit non nul. Cet ensemble est un corps dont les éléments sont les combinaisons linéaires de 1 et de u à coefficients dans Q, on retrouve l'ensemble Q[u]. Ce qui donne lieu à la définition suivante :

  • Soit α et β deux rationnels, le nombre réel α + β.u est dit irrationnel quadratique.

Cette définition est équivalente à la suivante :

  • Un nombre réel irrationnel et solution d'une équation du second degré à coefficients rationnels est dit irrationnel quadratique.

L'équivalence des deux définitions est une conséquence du paragraphe précédent.

  • Le polynôme minimal d'un irrationnel quadratique est le polynôme du second degré à coefficients rationnels et dont le coefficient du terme de plus haut degré est égal à 1.

Tout polynôme du second degré annulant un irrationnel quadratique a est proportionnel au polynôme minimal. Cette propriété donne lieu à deux définitions :

  • L'application σ, de Q[√d] dans lui-même, qui à a un irrationnel quadratique associe la seconde racine du polynôme minimal de a est appelé application conjuguée de Q[√d].

Son nom provient d'une analogie avec le terme conjugué dans le monde des nombres complexes. Le conjugué d'un irrationnel quadratique α + β.√d est en effet égal à α - β.√d. Cette application est étudiée dans l'article Extension quadratique. Elle correspond à l'unique automorphisme de corps différent de l'identité.

[modifier] Propriétés et outils

[modifier] Anneau noethérien

Icône de détail Article détaillé : Anneau noethérien.

La fermeture intégrale de Q[√d] peut être vu comme un quasi espace vectoriel. Il existe une multiplication externe naturel si l'ensemble des scalaires est Z. Cet ensemble n'est pas un corps, on parle alors de module sur un anneau. Il dispose naturellement d'une base (1, u). A la différence des espaces vectoriels, l'existence d'une base finie n'implique pas nécessairement le fait que tous les sous-modules admettent une famille génératrice finie. Si chaque sous-module admet une famille génératrice finie, on dit que le module est noethérien, tel est le cas ici pour Z[u]. Cette propriété est équivalente à dire que toute suite croissante de sous-modules est stationnaire à partir d'un certain rang. Elle se démontre par exemple à l'aide de la propriété suivante :

  • Le quotient de Z[u] par un sous-groupe contenant deux éléments linéairement libres ou par un idéal est un groupe d'ordre fini.

Ce qui démontre la propriété suivante :

  • Le Z module Z[u] est noethérien.

Si Z[u] est considéré comme un module sur l'anneau des scalaires Z[u], il est naturellement encore noethérien car une famille génératrice de Z[u] comme Z module est une famille génératrice si le module possède pour anneau des scalaires Z[u]. On parle alors d'anneau noethérien.

Il existe une propriété plus forte vérifiée par Z[u] :

  • Tout idéal M de Z[u] possède une base à deux éléments si M est considéré comme un sous-module du Z module Z[u].

Cette propriété peut être vu comme un cas particulier du théorème de structure d'un groupe abélien sans torsion de type fini ou encore comme un cas particulier d'un module sans torsion de type fini sur un anneau principal.

[modifier] Anneau de Dedekind

Icône de détail Article détaillé : Anneau de Dedekind.

La méthode utilisée pour pallier l'absence de factorialité consiste à étudier les idéaux premiers de l'anneau. Si la structure est suffisamment riche, alors tout idéal se décompose de manière unique en un produit d'idéaux premiers, ce qui remplace le théorème fondamental de l'arithmétique pour ce type de structure. On sait déjà que Z[u] est commutatif unitaire intègre et noethérien, ces propriétés sont néanmoins insuffisantes. L'exemple Z[i√3] le montre, l'idéal 4Z[i√3] possède deux décompositions en idéaux premiers :

4\mathbb Z[i\sqrt 3] = \Big(2\mathbb Z[i\sqrt 3]\Big)^2 = \left((1 + i\sqrt 3)\mathbb Z[i\sqrt 3]\right)\left((1 - i\sqrt 3)\mathbb Z[i\sqrt 3]\right)

Deux propriétés supplémentaires sont nécessaire pour obtenir le bon contexte. L'anneau doit être intégralement clôt, c'est à dire qu'il doit contenir l'ensemble des entiers algébriques de son corps des fractions, ce qui est le cas de Z[u] ainsi que la propriété suivante, elle aussi vérifiée :

Un anneau vérifiant toutes ces propriétés est dit de Dedekind. Toute fermeture intégrale d'une extension finie du corps des rationnels est un anneau de Dedekind. Les démonstrations sont néanmoins plus ardues.

[modifier] Norme

Icône de détail Article détaillé : Norme (arithmétique).

L'algèbre linéaire s'est révélé utile pour établir les propositions précédentes. Elle offre des outils comme le déterminant, la trace, le polynôme minimal d'un endomorphisme ou encore le polynôme caractéristique. Ils permettent de mieux comprendre les propriétés communes à toutes les fermetures intégrales d'un corps quadratique. Soit v un élément de Z[u] et φv l'application linéaire qui à un élément x de Z[u] associe v.x.

La sous-algèbre des endomorphismes φv si v parcourt Z[u] est un anneau isomorphe à Z[u]. Ceci montre que le polynôme minimal de v au sens des endomorphismes est le même que celui au sens de l'arithmétique. Si v n'est pas un entier relatif, son polynôme minimal est de même degré que son polynômes caractéristique, si v est un entier relatif, son polynôme caractéristique Pv[X] est égal à (X - v)2. Dans les deux cas, les calculs précédents donnent une expression de Pv[X] si a et b sont les coefficients de v dans la base (1, u) :

P_v[X] = X^2 -(2a+b).X + a^2 + a.b - b^2\frac{d-1}4 \quad\text{si}\; d\equiv 1 \;(4)\quad \text{et sinon}\quad P_v[X]= X^2 - 2a.X + a^2 - d.b^2

En dimension 2, le polynôme caractéristique est égal à l'expression suivante si Tr désigne la trace et Det le déterminant :

P[X] = X^2 - \text{Tr} (\varphi_v).X + \text{Det} (\varphi_v)\;

Ce qui donne une expression du déterminant et de la trace d'un élément de l'anneau. Le déterminant donne lieu à la définition suivante :

  • Le déterminant de l'application φv est appelé norme relative de v dans Q[u].

Dans la suite de l'article, la norme relative d'un nombre v est notée NQ[u]/Q (v). Les résultats précédents montrent que :

  • La norme relative et la trace d'un entier algébrique de Q[u] sont des entiers relatifs. Si d est strictement négatif, la norme relative d'un entier algébrique non nul est strictement positive et la norme relative du produit de deux nombres est le produit des normes relatives des deux nombres.

Une autre manière de définir la norme relative s'applique à un idéal.

  • La norme relative d'un idéal M de Z[u] est égale à l'ordre de l'anneau quotient Z[u] / M.
\mathcal N_{\mathbb Q[u]/\mathbb Q}(\mathfrak M)=\left|\frac{\mathbb Q[u]}{\mathfrak M}\right|

Les deux définitions sont liées par la propriété suivante :

  • La valeur absolue de la norme relative d'un nombre v de Z[u] est égale à celle de l'idéal vZ[u] :
\forall v \in \mathbb Q[u]\quad \left|\mathcal N_{\mathbb Q[u]/ \mathbb Q}(v)\right|=\mathcal N_{\mathbb Q[u]/ \mathbb Q}(v\mathbb Q[u])

Le fait de généraliser la définition de la norme aux idéaux est indispensable. Dans le cas général, l'anneau n'est pas factoriel, les idéaux premiers sont riches de propriétés, mais les nombres premiers c'est à dire ceux qui ne sont divisibles que par eux-même et 1 (au groupe des unités près) n'offrent plus de décomposition unique.

[modifier] Discriminant

Icône de détail Article détaillé : forme trace.

Un autre outil de même nature est utilisé pour l'étude des corps quadratiques. Soit M un idéal de Z[u], l'application qui à x et y, deux éléments de M, associe la trace de φx.y est bilinéaire à valeur dans Z.

  • L'application qui à x et y la trace de φx.y est appelée forme trace.

M possède un déterminant égal à +/- 1, les déterminants de toute matrice représentant la forme trace sont égaux, ce qui donne lieu à la définition suivante :

  • Le discriminant d'un idéal M est égal au déterminant de la forme trace de M.

Dans un corps quadratique, le discriminant prend les valeurs suivantes :

  • Le discriminant de Z[u] est égal à d si d est congru à 1 modulo 4 et 4.d sinon :
\text{discr}(\mathbb Q[u]) = \begin{cases} d, & \text{si }d\equiv 1 \pmod 4\\ 4d, & \text{sinon} \end{cases}
  • Le discriminant d'un idéal M est égal à au carré de la norme de M que multiplie le discriminant de Z[u] :
\text{discr}({\mathfrak M}) = \mathcal N_{\mathbb Q[u]/\mathbb Q}(\mathfrak M)^2.\text{discr}(\mathbb Q[u])\;

Ces définitions et propositions sont générales à tout anneau de Dedekind.

[modifier] Idéal fractionnaire

Icône de détail Article détaillé : Idéal fractionnaire.

Les paragraphes précédents montre que les idéaux possèdent de nombreuses propriétés, ils se multiplient :

  • Soit M et N deux idéaux, le produit des deux idéaux est l'idéal engendré par les produits d'éléments de M et de N.

La multiplication est associative, commutative et l'idéal Z[u] est l'élément neutre. Pour former un groupe, il suffit d'adjoindre des inverses. Pour obtenir cette propriété, la notion d'idéal est étendue :

  • Une partie F de Q[u] est dit idéal fractionnaire de Z[u] si F est un sous-module de Q[u] (en tant que Z module) et s'il existe un entier relatif z tel que z.F est inclus dans Z[u].

L'ensemble des idéaux fractionnaires forme un groupe abélien. Les idéaux premiers ont un rôle importants, tout idéal fractionnaire se décompose de manière unique en un produit de puissances positives ou négatives d'idéaux premiers. Ce résultat remplace le théorème fondamental de l'arithmétique manquant.

L'unicité de la décomposition permet par exemple de montrer que :

  • Soit N et M deux idéaux de Z[u], la norme relative du produit des idéaux est égal au produit de la norme des idéaux :
\mathcal N_{\mathbb Q[u]/\mathbb Q}(\mathfrak N\cdot\mathfrak M) = \mathcal N_{\mathbb Q[u]/\mathbb Q}(\mathfrak N)\cdot \mathcal N_{\mathbb Q[u]/\mathbb Q}(\mathfrak M)

Ces propriétés, à l'exception de la dernière qui se trouve dans l'article Norme (arithmétique), sont démontrées dans l'article détaillé.

[modifier] Théorèmes fondamentaux

Les propriétés et outils du paragraphe précédent permettent de cerner les deux obstructions précédemment citées.

[modifier] Théorème des unités

Icône de détail Article détaillé : Théorème des unités de Dirichlet.

La première obstruction provient du groupe des unités, c'est à dire le groupe des éléments inversibles de l'anneau. Si d est strictement positif, le groupe est infini. Cette configuration est générique à tous les anneaux d'entiers algébriques. Dans le cas des corps quadratiques, à la fois l'expression et la démonstration sont plus simples :

Un groupe monogène d'ordre infini est isomorphe à celui des entiers relatifs Z, le groupe des unités est isomorphe à Z/2.Z, le groupe des unités est isomorphe à Z/2Z x Z. Si le groupe isomorphe choisi est additif, le groupe des unités est évidemment multiplicatif.

Cette configuration est largement étudiée par les mathématiciens du monde entier depuis l'antiquité. Elle prend généralement la forme de la résolution de l'équation diophantienne, où n désigne un entier strictement plus grand que un et sans facteur carré autre que un :

x^2 - n \cdot y^2 = \pm 1

Elle porte maintenant le nom d'équation de Pell-Fermat. Une démonstration relativement simple est donnée dans l'article Méthode chakravala. La démonstration historique[3] utilise la notion de fraction continue. Les démonstrations proposées ici se fondent sur les propriétés géométriques des nombres et correspond à la réduction dans le cas quadratique de la démonstration générale.

[modifier] Groupe des classes

Icône de détail Article détaillé : groupe des classes.

La deuxième obstruction est la conséquence des idéaux premiers mais non principaux. Pour comprendre leur structure, remarquons dans un premier temps que les idéaux fractionnaires principaux Princ (Q[u]) forment un sous-groupe du groupe F(Q[u]) des idéaux fractionnaires. Comme le groupe des idéaux fractionnaires est abélien, le sous-groupe est normal et il est possible de quotienter F(Q[u]) par Princ (Q[u]) :

  • Le quotient du groupe des idéaux fractionnaires par le groupe des idéaux fractionnaires principaux est appelé groupe des classes d'idéaux du corps Q[u].

Le théorème clé associé est le suivant :

  • L'ordre du groupe des classes de Q[u] est fini.

La technique pour s'en rendre compte est géométrique. On considère un disque de rayon suffisamment large pour contenir un point d'un idéal. Ce rayon est proportionnel à la racine de la norme de l'idéal. Une manipulation permet de trouver un idéal d'une classe donnée dans un disque de rayon ou l'expression de la norme se simplifie.

Le théorème de Stark-Heegner précise pour quels entiers d l'anneau est principal si d est négatif :

  • L'anneau des entiers du corps quadratique Q[√d] pour les valeurs de d réduites et négatives si et seulement si d est une des valeurs suivantes : −1, −2, −3, −7, −11, −19, −43, −67 ou −163.[4]

[modifier] Applications

[modifier] Classification des nombres premiers

Icône de détail Article détaillé : Décomposition des idéaux premiers.

La structure des entiers sur les corps quadratiques amène à étudier non pas les diviseurs d'un nombre premier p, mais les facteurs premiers de l'idéal pZ[u]. Cette analyse est utile pour la résolutions d'équations diophantiennes.

[modifier] Nombre premier inerte

La première situation est celle où pZ[u] est un idéal premier :

  • On dit que p est inerte dans Z[u] si l'idéal principal engendré par p est premier.
  • Le nombre premier p est inerte si et seulement si d n'est pas un résidu quadratique modulo p.
  • Le corps premier Z[u]/pZ[u] est isomorphe à Fp2.

[modifier] Nombre premier décomposé

La deuxième situation est celle où pZ[u] n'est pas premier et contient dans sa décomposition deux idéaux premiers :

  • On dit que p est décomposé si son idéal principal contient deux idéaux premiers distincts.

Soit σ l'endomorphisme de Z[u] qui à 1 associe 1 et à √d associe -√d. Cette application est un morphisme d'anneau. L'application σ est dite conjugué. Dans le cas où d est négatif, elle se confond avec la fonction conjugué des nombres complexes.

  • Les deux idéaux sont conjugués l'un de l'autre et ce sont les seuls idéaux de norme p.

L'anneau quotient Z[u] / pZ[u] est isomorphe au produit FpxFp.

[modifier] Nombre premier ramifié

Il se peut que pZ[u] ne soit contenu que dans un unique idéal premier :

  • On dit que p est ramifié s'il existe un unique idéal premier M contenant p et que pZ[u] n'est pas premier.

Si ce cas se produit, alors

  • Si le nombre premier p est ramifié, l'idéal pZ[u] est égal au carré de l'unique idéal premier contenant p.
  • Le nombre premier p est ramifié, si et seulement s'il divise le discriminant de l'anneau Z[u].

L'anneau quotient Z[u] / pZ[u] est de cardinal p2 et contient au moins un élément nilpotent, non nul.

[modifier] Equation diophantienne

La raison initiale du développement des corps quadratiques est l'étude d'équations diophantiennes d'ordre deux. Illustrons par deux exemples comment la théorie précédente permet de venir à bout de questions de cette nature.

[modifier] x2 + 2.y2 = p

Le cas d égal à -1 ou à -3 est traité dans l'article théorème des deux carrés de Fermat. Ici, d est égal à -2 :

p = x^2 + 2y^2 \Leftrightarrow p\equiv 1\mbox{ ou }p\equiv 3\pmod{8}

En effet, calcul analogue à celui présenté pour les entiers de Gauss montre que l'anneau est euclidien donc principal. S'il existe un idéal contenant p éléments, comme il est principal et que sa norme est égale à p, le tour est joué. Cette méthode s'applique à tous les anneaux d'entiers euclidiens.

[modifier] x2 + 5.y2 = p

Si d est égal à 5, la situation est plus délicate car l'anneau Z[i√5] n'est pas euclidien, elle se résume de la manière suivante :

p = x^2 + 5y^2 \Leftrightarrow p\equiv 1\mbox{ or }p\equiv 9\pmod{20},
2p = x^2 + 5y^2 \Leftrightarrow p\equiv 3\mbox{ or }p\equiv 7\pmod{20}.

Si initialement la méthode est la même que pour le cas euclidien, il devient nécessaire d'établir la nature des idéaux de norme p. S'il est principal, une solution existe, sinon la valeur p n'est pas atteinte par la fonction. Le groupe des classes permet de s'en rendre compte. Cette méthode est générale, cependant pour des valeurs importantes de d les calculs s'avèrent fastidieux.

[modifier] Equation de Pell-Fermat

Icône de détail Article détaillé : Équation de Pell-Fermat.

L'équation de Pell-Fermat est analogue à la précédente. Si n est un entier relatif sans facteur carré et e un entier relatif différent de zéro, elle s'écrit x2 - n.y2 = e. Elle est étudiée par Diophante d'Alexandrie puis plus profondément par l'école indienne avec des mathématiciens comme Brahmagupta ou Bhāskara II.

La méthode chakravala permet de trouver une solution avec un algorithme relativement économique. Brahmagupta étudie dès le VIe siècle le cas où n est égal à 61 et trouve une unité fondamentale dont la valeur numérique montre l'aspect non triviale de la question : 1 766 319 049 + 266 153 980.√61. Cette méthode permet de démontrer les résultats du théorème des unités de Dirichlet avec un bagage théorique plus faible.

Une approche plus tardive, datant du XVIIe siècle et initiée par William Brouncker utilise les fractions continues. A l'aide de formes quadratiques, Joseph-Louis Lagrange finit par démontrer pour la première fois les théorèmes structurants en 1767. La méthode n'est néanmoins pas suffisamment puissante pour résoudre le cas général, c'est à dire celui où e est un entier quelconque. Elle permet de montrer que tout entier quadratique possède une fraction continue périodique, à partir d'un certain rang.

Si e est égal à +/-1 et si n n'est pas congru à 1 modulo 4, la structure de l'ensemble des solutions est donnée par le théorème de Dirichlet. Sinon, la structure du groupe multiplicatif de Z[√d]* est donné par :

  • Si d est congru à 5 modulo 8, le groupe quotient Z[u]* / Z[√d]* est d'ordre 1 ou 3, sinon le groupe des unités de Z[√d] est celui de Z[u]. Dans tous les cas, le groupe multiplicatif Z[√d]* est isomorphe à (Z/2Z x Z, +).

Les exemples pour n égal à 19, 61, 83, 103 et 313 sont traités dans l'article méthode chakravala.

[modifier] Classification des formes quadratiques

[modifier] Notes et références

[modifier] Notes

  1. J. Stillwell Mathematics and its History Springer Science 2ième éd 2004 p 72-74 (ISBN 0387953361)
  2. Fermat termine son défi par : « J'attends la solution de ces questions ; si elle n'est fournie ni par l'Angleterre, ni par la Gaule Belgique ou Celtique, elle le sera par la Narbonnaise » L. Hua J. Rousseau Fermat a-t-il démontré son grand théorème? l'hypothèse "Pascal" L'Harmattan 2002 p 113 (ISBN 2747528367)
  3. Elle est l'oeuvre de Joseph-Louis Lagrange et est disponible : Solution d'un problème d'arithmétique 1767
  4. La démonstration est technique, on la trouve par exemple sur le site The Gauss class number problem for imaginary quadratic fields par G. Goldfeld

[modifier] Liens externes

[modifier] Références