Ahmed Ben Salah

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Ahmed Ben Salah prononçant un discours
Ahmed Ben Salah prononçant un discours

Ahmed Ben Salah (أحمد بن صالح), né le 13 janvier 1926 à Moknine, est un homme politique et syndicaliste tunisien.

Après des études primaires à Moknine, il poursuit des études secondaires au prestigieux collège Sadiki de Tunis. Il se lance, une fois ses études terminées, dans l'action syndicale, où il se révèle rapidement comme un animateur de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), puis dans l'action politique où il lance la Tunisie sur la voie du socialisme.

[modifier] Action syndicale

L'UGTT, après avoir été membre de la Fédération syndicale mondiale en 1949-1950, choisit d'adhérer en 1951 à la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) car celle-ci constitue une instance permettant aux nationalistes tunisiens de présenter leurs revendications à l'opinion internationale sans se faire taxer de communistes. Ben Salah est désigné pour représenter l'UGTT auprès de la CISL, dont il devient vice-président, à Bruxelles et pour tenter d'agir sur l'opinion publique américaine, par le biais de l'AFL-CIO (membre de la CISL), car elle paraît en mesure d'influencer favorablement le gouvernement français.

L'audience internationale ainsi acquise par Ben Salah lui permet d'être élu secrétaire général de l'UGTT peu avant le discours de Carthage (31 juillet 1954) dans lequel Pierre Mendès France reconnaît à la Tunisie le droit à l'autonomie interne. Il succède à Hached qui est assassiné le 5 décembre 1952. Ben Salah n'hésite pas au cours de l'année 1956 à accuser le gouvernement de Tahar Ben Ammar, auquel le Néo-Destour participe, de servir les « intérêts de la grande bourgeoisie ». Au nom de l'impératif unitaire, Habib Bourguiba, qui est élu président de l'Assemblée nationale constituante le 8 avril, répond que les revendications égalitaires ne doivent pas se transformer en pression des démunis sur les possédants. La forte personnalité de Ben Salah faisant craindre au Néo-Destour que l'UGTT n'échappe à son contrôle ou même qu'elle ne suscite la création d'un parti travailliste, un courant néo-destourien se forme rapidement au sein de l'UGTT pour obtenir l'éviction de Ben Salah. Au congrès du mois de septembre 1956, ce courant animé par Habib Achour pénètre la commission administrative et, sous son influence, certaines unions régionales refusent de s'affilier à l'UGTT et se groupent en une union rivale. Le Néo-Destour, s'appuyant sur les syndicats patronaux et paysans, contraint Ben Salah à se démettre en décembre 1956. Il est alors remplacé par Ahmed Tlili.

[modifier] Action politique

Écarté de l'UGTT, Ben Salah est nommé secrétaire d'État à la santé publique et aux affaires sociales. Constatant en 1960 la chute des investissements et la fuite des capitaux et percevant le déclin de l'enthousiasme populaire né avec l'indépendance, Bourguiba, après avoir changé trois fois de ministre de l'économie en quatre ans, déclare opter pour la planification puis pour le socialisme. Il charge alors Ben Salah du ministère de la planification et des finances en 1961. Entré par cooptation au bureau politique du Néo-Destour, ce dernier reprend l'essentiel de son rapport économique du VIe congrès de l'UGTT (1956) et prépare un plan, les Perspectives décennales (1962-1971), puis un plan triennal ayant pour but de mettre en place les nouvelles structures. Les Perspectives décennales, dont le préambule affirme que la Tunisie opte résolument pour le socialisme, visent à « décoloniser l'économie nationale » par l'intégration du secteur colonial et la « tunisification » des enclaves demeurées étrangères. Entendant assurer un auto-développement du pays, le plan assigne l'aide extérieure en dessous de 50% des investissements nets. La politique de Ben Salah entraîne un développement de son administration qui absorbe le secrétariat d'État aux finances dès 1961, celui de l'éducation nationale en 1967 et empiète considérablement sur les compétences de celui de l'agriculture. C'est dans ce dernier domaine que Ben Salah apporte les plus grands changements, en particulier par la décision prise en 1962 de créer des coopératives de production, rassemblant autour des terres des colons un certain nombre de paysans choisis comme coopérateurs. Toutefois, la mécanisation intensive de l'ensemble ainsi constitué aggrave le problème de l'emploi rural des paysans pauvres ou sans terres et la gestion bureaucratique des coopératives fait naître un certain mécontentement chez les coopérateurs eux-mêmes (retards dans le paiement des salaires).

[modifier] Déchéance

Le mécontentement grandit — affaire de M'saken en décembre 1964 — et s'étend à d'autres couches de la population à mesure que le projet se développe. En 1968, ce dernier intègre l'ensemble du secteur commercial et, à partir de janvier 1969 (marqué par l'affaire d'Ouerdanine), doit s'appliquer à l'ensemble de l'agriculture tunisienne. Les commerçants et les gros et moyens agriculteurs ainsi menacés unissent leurs forces contre Ben Salah qui ne peut s'assurer l'appui des paysans pauvres. Sa chute est rapide : démis de ses fonctions ministérielles en septembre 1969, il est exclu du Néo-Destour et déchu de son mandat de député. Accusé d'avoir abusé de la confiance du président et d'avoir pris avantage dans les deux dernières années du mauvais état de santé de ce dernier, il est traduit devant la Haute Cour et condamné le 25 mai 1970 à 10 ans de travaux forcés.

Il parvient à s'évader de sa prison de Tunis le 4 février 1973 et passe en territoire algérien où il obtient le statut de réfugié politique. Toutefois, son activité politique se poursuit en exil : il fonde et dirige l'actuel Parti de l'unité populaire. En mai 1988, un an après l'éviction du président Bourguiba, le président Zine el-Abidine Ben Ali le gracie. Il peut alors revenir en Tunisie après quinze ans d'exil. Cependant, face à diverses intimidations[réf. nécessaire], il est forcé de quitter à nouveau le pays en septembre 1990. En septembre 2000, il rentre définitivement en Tunisie.


Précédé de :
Mohamed Kraïem
Secrétaire général de l'UGTT
1954-1956
Suivi de :
Ahmed Tlili
Précédé de :
Hédi Khefacha
Ministre des finances de la Tunisie
1961-1969
Suivi de :
Abderrazak Rassaa
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