Évangile selon Thomas

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Sommaire

[modifier] Découverte, origine, datation

L' Évangile selon Thomas a été découvert en 1945 à Nag Hammadi, en Haute Égypte, associé dans le même codex à d’autres textes rédigés en copte (Livre secret de Jean, Évangile de Philippe, Traité sur l’origine du monde, L’exégèse sur l’âme, L’Hypostase des archontes, Livre de Thomas l’athlète). Le manuscrit date du IVe siècle, mais des fragments, en grec, étaient déjà connus par les Papyrus d'Oxyrhynque dont le plus ancien est daté de l‘an 200 environ. Il pourrait être d'origine syriaque.

Duccio : Le doute de saint Thomas
Duccio : Le doute de saint Thomas

[modifier] Contenu

Le texte n’a pas de structure narrative. C’est un recueil de logia (transcription du pluriel du mot grec λογιον qui signifie "réponse d’oracle"), c’est-à-dire de paroles rapportées de Jésus, au nombre de cent quatorze, le plus souvent précédés de la mention « Jésus a dit ». Les trois quarts ont leur parallèle dans les textes canoniques, à la différence qu’aucun d’eux ne met Jésus en situation par des références de temps ou de lieu. Il n’est pas fait mention de sa mort ni de sa résurrection.

[modifier] Un écrit gnostique

Le texte commence par :

« Voici les paroles secrètes que Jésus le Vivant a dites et que Didyme Jude Thomas a écrites. Et il a dit : « Celui qui trouvera l’interprétation de ces paroles ne goûtera pas la mort. » Jésus a dit : « Que celui qui cherche ne cesse pas de chercher, jusqu’à ce qu’il trouve. Et quand il aura trouvé, il sera troublé ; quand il sera troublé, il sera émerveillé, et il règnera sur le Tout. » » (Le Papyrus d'Oxyrhynque 654 ainsi qu'une citation de Clément d'Alexandrie et l’Évangile des Hébreux donnent une autre version : « et ayant été troublé, il règnera ; et ayant régné il atteindra le repos. »).

D’emblée apparaît le caractère gnostique : connaissance prétendument secrète (ce qui contribue à son attrait aujourd‘hui), accessible seulement par une démarche initiatique. Au contraire, les Évangiles canoniques montrent Jésus ouvert à tous et prêchant la simplicité. La différence est flagrante si l'on compare le passage ci-dessus avec les textes néotestamentaires :

« Si quelqu’un garde ma parole, il ne verra jamais la mort » (Jn 851) ; « Et moi, je vous dis : Demandez et on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ; frappez et on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit et qui cherche trouve, et à qui frappe on ouvrira. » (Mt 78 ; voir aussi Lc 119-10).

Le logion 7 :

« Jésus a dit : « Heureux le lion que l’homme mangera, et le lion deviendra homme ; et maudit est l’homme que le lion mangera, et le lion deviendra homme. » »

Dans les deux cas, le lion deviendra homme. Selon Claudio Gianotto, « le lion, dans la tradition gnostique, est le symbole du démiurge ou des passions. » « Cette parole de Jésus veut simplement souligner l’impossibilité, dans un contexte gnostique, d’une totale absorption de l’élément spirituel par l’élément matériel et passionnel. »[1].

Le logion 80, comme le 56 qui emploie le mot cadavre à la place du mot corps, témoigne de la notion, classique dans le gnosticisme, de l’être spirituel tombé dans la matière et qui doit s’en délivrer :

« Celui qui a connu le monde a trouvé le corps, mais celui qui a trouvé le corps, le monde n’est pas digne de lui. »,

Le n°105 dénonce le mariage :

« Jésus a dit : Celui qui connait son père et sa mère, on l’appellera fils d’une prostituée »[2].

Un autre exemple, le dernier logion (114) :

« Simon Pierre leur dit : « Que Marie nous quitte, car les femmes ne sont pas dignes de la Vie.» » « Jésus dit : « Voici que moi je l’attirerai pour la rendre mâle, de façon à ce qu’elle aussi devienne un esprit vivant semblable à vous, mâles. Car toute femme qui se fera mâle entrera dans le Royaume des cieux.» »

Cette idée se retrouve ailleurs dans la littérature gnostique[3].

[modifier] Auteur

Selon l’incipit du manuscrit, il s’agirait de Thomas, l'apôtre « Thomas, appelé Didyme » (Jn 1116), et ici Didyme Jude Thomas. Didyme n’est que l’équivalent grec de l’araméen Thomas, et signifie « le jumeau  ». Le Livre de Thomas l’athlète précise :

« Le Sauveur, frère de Thomas, lui a dit… Écoute ; je te révélerai ce à quoi tu penses dans ton cœur : Comment l’on dit que tu es véritablement mon jumeau et mon compagnon…; comment l’on t’appelle mon frère », ce qui, dans une perspective gnostique, en fait le « parfait initié »[1].

Le nom de Jude est associé à celui de Thomas dans plusieurs écrits orientaux, en particulier les Actes de Thomas, composés en syriaque à Édesse sans doute au début du IIIe siècle, où on peut lire (chapitre 39) :

« Jumeau du Christ, apôtre du Très-Haut, toi aussi associé à la parole secrète du Christ et qui a reçu de lui des paroles cachées… ».

En dehors de l' Évangile selon Thomas et des Actes de Thomas, d’autres apocryphes ont été placés sous l’autorité de Thomas : l’Histoire de l'enfance de Jésus et l’Apocalypse de Thomas sur la fin des temps.

[modifier] Valeur pour connaître l’enseignement de Jésus

Selon Jean Doresse, qui a fait la première publication des textes de Nag Hammadi, il s’agit d’« un apocryphe où ce qui correspond aux Évangiles a toutes chances d’avoir été tiré d’eux, et non de leur source première, tandis que ce que Thomas offre d’inédit, même si cela mérite la qualification de logia, risque d’avoir été l’objet non seulement d’approximations mais aussi de retouches. »[4]

Autrement dit, il est impossible de séparer ce qui relève d’une ancienne tradition chrétienne extra-canonique de la réinterprétation gnosticisante ultérieure, même s'il arrive que certains logia paraissent représenter un état plus ancien d'un passage parallèle des Évangiles ou, absents de ceux-ci, peuvent donner une impression d'authenticité : Par exemple celui (n°82), déjà connu d'Origène qui s'interrogeait à son sujet[5], où il est question du feu (est-ce le feu de Dt 93 ou de Lc 1249 ?) :

« Celui qui est près de moi est près du feu, et celui qui est loin de moi est loin du Royaume.»

[modifier] Références

  1. ab Claudio Gianotto, Écrits apocryphes chrétiens I, Évangile selon Thomas, Gallimard, 1997.
  2. Traduction de Claudio Gianotto, op. cit. ; « l’appellera-t-on fils d'une prostituée ? » selon la traduction de Jean Doresse, L’Évangile selon Thomas, 2e éd. 1988. Sur la dénonciation du mariage, cf. Évangile de Philippe, corpus de Nag Hammadi 122. La phrase ne comporte pas de pronom ou d'adverbe interrogatif. En copte, l'interrogation peut être indiquée par le ton de la voix, d'après le contexte, mais la caractéristique de ces logia est justement de ne pas avoir de contexte.
  3. Extraits de Théodote, 21,3 ; Héracléon, fragment 5/5, in Origène, In Iohannem, VI, 20 sq.
  4. Jean Doresse, L’Évangile selon Thomas, 2e éd. 1988.
  5. Homélie sur Jérémie, III, 3

[modifier] Bibliographie

  • Écrits apocryphes chrétiens, vol. I, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1997.
  • Jean Doresse, L’Évangile selon Thomas, Le Rocher, 2e éd. 1988.
  • Uwe-Karsten Plisch: Das Thomasevangelium. Originaltext mit Kommentar. Deutsche Bibelgesellschaft, Stuttgart 2007, ISBN 3438051281

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes