Zidovudine

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Zidovudine
Nomenclature IUPAC
1-[(2R,4S,5S)- 4-azido-5-(hydroxymethyl) oxolan-2-yl]- 5-methyl-pyrimidine-2,4-dione
Identifiants
Numéro CAS 30516-87-1
Code ATC J05AF01
PubChem 35370
Synonymes Azidothymidine, AZT
Données chimiques
Formule brute C10H13N5O4
Masse molaire 267.242 g/mol
Données pharmacocinétiques
Liaison protéique 30 à 38 %
Métabolisme Hépatique
Demi-vie d'élim. 0,5 à 3 h
Excrétion Urinaire
Considérations thérapeutiques
Voie d'administration Orale, IV
Unités du SI et en CNTP, sauf indication contraire

La zidovudine (azidothymidine, AZT ou ZDV) est un médicament antirétroviral, le premier utilisé pour le traitement de l'infection par le VIH. C'est un inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (NRTI). Cette molécule est commercialisé sous le nom de Retrovir mais aussi, en association avec d'autres molécules sous le nom de Combivir (mono-dose zidovudine et lamivudine) ou Trizivir (mono-dose zidovudine, lamivudine et abacavir).

Sommaire

[modifier] Historique

La Zidovudine a été la première substance approuvée dans le traitement du Sida. Jerome Horwitz du Barbara Ann Karmanos Cancer Institute et du Wayne State University School of Medicine synthétisèrent les premières molécules d'AZT en 1964, dans la cadre d'un projet fédéral américain du National Institutes of Health (NIH). L'AZT était au début prévue pour pouvoir traiter le cancer, mais n’a pas montré d’efficacité et présentait des effets secondaires inacceptablement importants. La substance demeura inexploitée jusqu’en février 1985, où Samuel Broder, Hiroaki Mitsuya, et Robert Yarchoan, trois chercheurs du National Cancer Institute (NCI), en collaboration avec Janet Rideout et plusieurs autres chercheurs de Burroughs Wellcome (actuellement GlaxoSmithKline), ont commencé à travailler dessus comme traitement du Sida. Après avoir montré que cette substance avait une efficacité sur l’activité de la rétrotranscriptase du VIH in vitro[1], l’équipe conduisit le premier essai clinique qui put montrer que l’AZT augmentait le nombre de CD4 chez les malades du Sida.

Un essai randomisé avec placebo de l’AZT fut mené par Burroughs-Wellcome, essai de 24 semaines à raison de 1500 mg/jour qui montra que l’AZT pouvait prolonger l’espérance de vie des patients atteints du Sida[2] permit à la firme de déposer un brevet sur l’AZT en 1985. La FDA approuva la substance pour être utilisée contre le VIH et le Sida le 20 mars 1987, puis comme traitement préventif en 1990. Le dosage initialement utilisé (2400 mg/jour en 6 doses) était déduit de l’étude in vitro de Mitsuya et al., qui indiquait que cette dose était nécessaire pour empêcher l’activité de rétrotranscription[réf. nécessaire]. Cependant, l'indisponibilité à ce moment-là d'autre traitement du SIDA a oposé une autre évaluation du rapport de risque/avantage, les effets de l'infection par le HIV restant supérieur aux risques de toxicité du médicament. Un des effets secondaires d'AZT inclut l'anémie, une plainte importante des patients lors de ces premiers essais.

Les traitements actuels utilisent des dosages plus faible (par ex. 300 mg) à raisons de deux ou trois fois par jour. Depuis 1996, l’AZT, comme d’autres antirétroviraux, est toujours utilisée dans la cadre de trithérapie[3],[4].

[modifier] Synthèse

C'est un analogue de la thymidine dans laquelle le groupement alcool en 3' du désoxyribose a été remplacé par un groupement azoture. Elle a été synthétisée en 1964 à partir de la thymidine par Jerome Horwitz du ’’Barbara Ann Karmanos Cancer Institute’’ [5]:

synthèse de l'AZT

[modifier] Mécanisme d'action

Comme d'autres inhibiteurs de la transcriptase inverse, l'AZT intervient en inhibant l'action de cette enzyme employé par le VIH pour réaliser un brin d'ADN à partir de son ARN. L'ADN bicaténaire virale est ensuite intégré dans l'ADN de la cellule cible, que l'appelle alors provirus[6].

Le groupe azoture augmente la nature lipophile de l'AZT, lui permettant de traverser les membranes cellulaires facilement par diffusion et de traverser de ce fait également la barrière barrière hémato-encéphalique. Les enzymes cellulaires (kinases) convertissent l'AZT en la forme active du 5'-triphosphate. Les études ont prouvé que l'arrêt des brins d'ADN ainsi formées est le facteur spécifique dans l'effet inhibiteur[7],[8]. L’enzyme virale transcriptase inverse fabrique de l’ADN viral à partir de l’ARN du VIH en détournant des nucléotides normalement destinés à la cellule, cette synthèse de l’ADN viral lançant, en temps normal, alors la réplication du VIH dans la cellule. L'AZT comme les autres analogues nucléosidiques antirétroviraux deviennent après phosphorylation des analogues nucléotidiques. La transcriptase les confond avec les nucléotides cellulaires et les utilise pour fabriquer l’ADN viral. Comme ces analogues n'ont plus de groupement hydroxyle en 3', ils bloquent la poursuite de la réplication et l’ADN viral n’est plus fabriqué[9]. La multiplication du VIH est stoppée.

[modifier] Métabolisme

L'AZT est essentiellement éliminé par le métabolisme hépatique. Le principal métabolite est le glycuroconjugué (3-azido-3-deoxy-5-O-b -D-glucopyranuronosylthymidine ou GZDV), qui présente une excrétion urinaire trois fois supérieure à l'AZT non conjugué. Un autre métabolite, dont le taux d'excretion est cinq fois moindre que celui de l'AZT, est l'AMT, ou 3'-amino-3'-deoxythymidine [10].

[modifier] Effets secondaires

Les principaux effets secondaires de l'AZT sont, entre autre : nausée, mal de tête, déplacements des graisses et la décoloration des ongles. D'autres effets secondaires plus graves sont l'anémie. Ces effets secondaires non désirés pourraient être provoqués par la sensibilité de la polymérase γ-ADN dans les mitochondries cellulaires. Il a été aussi démontré que l'AZT augmente l'oxydation cellulaire dans certaines cellules.

[modifier] Propriétés oxydantes de l'AZT

Diverses études ont démontré des propriétés oxydantes de la zidovudine sur les mitochondries[11],[12], par l'augmentation de peroxyde d'hydrogène dans les macrophages[13], l'AZT pouvant être à l'origine de la formation de peroxynitrites[14]. L'ADN mitochondrial est oxydé par l'AZT, oxydation qui peut être prévenue par des antioxydant (vitamine C et E)[11]. Ces propriétés oxydantes de l'AZT ont été démontrées in vitro par Handlon et al.[15].

En effet, outre son action sur la transcriptase inverse, la forme 5'-triphosphate a également la capacité d'inhiber l'ADN polymérase humaine, qui est employée par les cellules normales lors de la division cellulaire[16],[7],[17]. Cependant, l'AZT a de 100 à 300 fois plus d'affinité pour la transcriptase inverse du VIH, par rapport à l'ADN polymérase humaine, expliquant son activité antivirale sélective[7]. Un type spécifique d'ADN polymérase cellulaire qui réplique l'ADN dans des mitochondries est relativement plus sensible à l'inibition par l'AZT, ceci explique une certaine toxicité envers certains muscles.[18],[19],[20],[21],[22]

[modifier] Interactions médicamenteuses

Il a été démontré que l'AZT fonctionne efficacement en synergie avec d'autres agents anti-HIV ; cependant, l'Acyclovir et la Ribavirine diminuent l'effet antiviral de l'AZT. Les médicaments qui empêchent la glucuronidation hépatique, tel que l'indométhacine, l'acide acétylsalicylique (Aspirin) et le triméthoprim, diminuent le taux d'élimination et augmentent sa toxicité[23].

[modifier] Controverses

L'AZT a été l'objet de quelques controverses, du fait de la manière dont le brevet a été déposé[24] et d'autre part suite à la défiance que Peter Duesberg développe dans sa critique de l'hypothèse rétrovirale du Sida.

[modifier] Le brevet

En 1991, Une association américaine (Public Citizen) a intenté un procès réclamant l'invalidation du brevet de l'AZT/Zidovudine. La cour d'appel des Etats Unis trancha en 1992 en faveur de Burroughs-Wellcome, le propriétaire du brevet[25],[26]. En 2002, un autre procès fut intenté à propos de ce brevet par la AIDS Healthcare Foundation.

Cependant, le brevet a expiré en 2005, ce qui permet à d'autres compagnies pharmaceutiques de fabriquer des génériques de l'AZT. La FDA américaine a ainsi approuvé quatre formes génériques de l'AZT.

[modifier] La position de Peter Duesberg

Icône de détail Article détaillé : Hypothèse de Duesberg.

Le Dr. Peter Duesberg prétend que l'AZT ou d'autres substances immunosuppressives (inhalation de nitrites (poppers), cocaine, amphétamines, etc., plutôt que le VIH, sont responsables du Sida dans les pays occidentaux[27]. La plupart des scientifiques indiquent que l'hypothèse de Duesberg est contredite par l'imposante quantité de données cliniques et épidémiologiques indéniables[28], en particulier la très forte diminution des cas de Sida, et de la mortalité en découlant, associés à l'utilisation de la trithérapie dans les années 1995-1997 (chute de 70% en deux ans)[29].

[modifier] Références

  1. [1] 3'-Azido-3'-deoxythymidine (BW A509U): An Antiviral Agent That Inhibits the Infectivity and Cytopathic Effect of Human T-Lymphotropic Virus Type III/Lymphadenopathy-Associated Virus in vitro; Hiroaki Mitsuya, Kent J. Weinhold, Phillip A. Furman, Marty H. St. Clair, Sandra Nusinoff Lehrman, Robert C. Gallo, Dani Bolognesi, David W. Barry, and Samuel Broder; PNAS 1985;82;7096-7100
  2. [2] The efficacy of azidothymidine (AZT) in the treatment of patients with AIDS and AIDS-related complex. A double-blind, placebo-controlled trial ; Fischl MA, Richman DD, Grieco MH, Gottlieb MS, Volberding PA, Laskin OL, Leedom JM, Groopman JE, Mildvan D, Schooley RT ; N Engl J Med. 1987 Jul 23;317(4):185-91.
  3. De Clercq E, « HIV resistance to reverse transcriptase inhibitors. », dans Biochem Pharmacol, 47, p. 155-69
  4. Yarchoan R, Mitsuya H, Broder S, « AIDS therapies. », dans Sci Am, 259, p. 110-9
  5. Horwitz, J. P.; Chua, J.; Noel, M.; J. Org. Chem. 1964, 29, 2076.
  6. Mitsuya H, Yarchoan R, Broder S, « Molecular targets for AIDS therapy. », dans Science, 249, p. 1533-44
  7. abc Mitsuya H, Weinhold K, Furman P, St Clair M, Lehrman S, Gallo R, Bolognesi D, Barry D, Broder S, « 3'-Azido-3'-deoxythymidine (BW A509U): an antiviral agent that inhibits the infectivity and cytopathic effect of human T-lymphotropic virus type III/lymphadenopathy-associated virus in vitro. », dans Proc Natl Acad Sci U S A, 82, p. 7096-100 [texte intégral]
  8. Yarchoan R, Klecker R, Weinhold K, Markham P, Lyerly H, Durack D, Gelmann E, Lehrman S, Blum R, Barry D, « Administration of 3'-azido-3'-deoxythymidine, an inhibitor of HTLV-III/LAV replication, to patients with AIDS or AIDS-related complex. », dans Lancet, 1, p. 575-80
  9. Cette vidéo montre une modélisation 3D illustrant le mode d'action de l'AZT
  10. RXLIST Pharmacocinétique de l'AZT
  11. ab AZT Treatment Induces Molecular and Ultrastructural Oxidative Damage to Muscle Mitochondria José García de la Asunción, Maria L. del Olmo, Juan Sastre, Arantxa Millán, Antonio Pellín, Federico V. Pallardó and José Viña; J. Clin. Invest. Volume 102, Number 1, July 1998, 4–9
  12. Azidothymidine causes functional and structural destruction of mitochondria, glutathione deficiency and HIV-1 promoter sensitization ; Tokio Yamaguchi, Iyoko Katoh and Shun-ichi Kurata; Eur. J. Biochem. 269, 2782-2788 (2002)
  13. Azidothymidine promotes free radical generation by activated macrophages and hydrogen peroxide-iron-mediated oxidation in a cell-free system.
  14. Role of reactive oxygen species and poly-ADP-ribose polymerase in the development of AZT-induced cardiomyopathy in rat.
  15. Thiol reduction of 3'-azidothymidine to 3'-aminothymidine: kinetics and biomedical implications.
  16. Furman P, Fyfe J, St Clair M, Weinhold K, Rideout J, Freeman G, Lehrman S, Bolognesi D, Broder S, Mitsuya H, « Phosphorylation of 3'-azido-3'-deoxythymidine and selective interaction of the 5'-triphosphate with human immunodeficiency virus reverse transcriptase. », dans Proc Natl Acad Sci U S A, 83, p. 8333-7
  17. Plessinger M, Miller R, « Effects of zidovudine (AZT) and dideoxyinosine (ddI) on human trophoblast cells. », dans Reprod Toxicol, 13, p. 537-46
  18. Collins M, Sondel N, Cesar D, Hellerstein M, « Effect of nucleoside reverse transcriptase inhibitors on mitochondrial DNA synthesis in rats and humans. », dans J Acquir Immune Defic Syndr, 37, p. 1132-9
  19. Parker W, White E, Shaddix S, Ross L, Buckheit R, Germany J, Secrist J, Vince R, Shannon W, « Mechanism of inhibition of human immunodeficiency virus type 1 reverse transcriptase and human DNA polymerases alpha, beta, and gamma by the 5'-triphosphates of carbovir, 3'-azido-3'-deoxythymidine, 2',3'-dideoxyguanosine and 3'-deoxythymidine. A novel RNA template for the evaluation of antiretroviral drugs. », dans J Biol Chem, 266, p. 1754-62
  20. Rang H.P., Dale M.M., Ritter J.M., « Pharmacology », dans '
  21. Balzarini J, Naesens L, Aquaro S, Knispel T, Perno C, De Clercq E, Meier C, « Intracellular metabolism of CycloSaligenyl 3'-azido-2', 3'-dideoxythymidine monophosphate, a prodrug of 3'-azido-2', 3'-dideoxythymidine (zidovudine). », dans Mol Pharmacol, 56, p. 1354-61 [texte intégral]
  22. Yarchoan R, Mitsuya H, Myers C, Broder S, « Clinical pharmacology of 3'-azido-2',3'-dideoxythymidine (zidovudine) and related dideoxynucleosides. », dans N Engl J Med, 321, p. 726-38
  23. Zidovudine sur medecinenet.com
  24. The Best Democracy Money Can Buy par Greg Palast (2002)
  25. People with Aids Health Group v. Burroughs Wellcome Co., 1992 U.S. Dist. LEXIS 578
  26. US Court of Appeals fot the Federal Circuit, « Burroughs Wellcome Co. v. Barr Laboratories, 40 F.3d 1223 (Fed. Cir. 1994) », University of Houston -- Health Law and Policy Institute. Consulté le 28 février 2007
  27. Duesberg P, Koehnlein C, Rasnick D, « The chemical bases of the various AIDS epidemics: recreational drugs, anti-viral chemotherapy and malnutrition. », dans J Biosci., 28, p. 383-412 [texte intégral]
  28. The Evidence That HIV Causes AIDS. Consulté le 29 mars 2006
  29. San Francisco AIDS Incidence, Mortality and prevalence by year, 1980-2001