Young Perez

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Young Perez, de son vrai nom Victor Younki, né le 15 janvier 1911 à Tunis et décédé le 22 janvier 1945 à Gliwice, est un boxeur tunisien. Il détient le titre du plus jeune champion du monde français (catégorie poids mouche).

La Dépêche tunisienne du 16 janvier 1936 écrit que « Young Perez était de nationalité tunisienne au point que la FFB [Fédération française de boxe] a décidé à un certain moment qu'il ne pouvait disputer ni championnat de France, ni championnat d'Europe ».

Sommaire

[modifier] Champion adulé

Né dans le quartier juif de la Hafsia, Younki intègre à 14 ans avec son frère aîné le Maccabi de Tunis, club omnisports formateur de nombreux champions. Il gagne vite ses galons de boxeur d'exception et perçoit ses premiers cachets. Il vient à Paris, travaille comme vendeur de chaussures et s'entraîne à l'Alhambra où Léon Bellières, manager en vue, le remarque et l'engage. À 17 ans, il signe son premier contrat et livre son premier match de professionnel, le 4 février 1928, contre un jeune Italien qu'il bat aux points. Deux ans plus tard, il perd le premier championnat de France de sa catégorie qu'il dispute contre le Marseillais Kid Oliva. L'année suivante, il prend sa revanche en battant Valentin Angelman aux points.

Le 24 octobre 1931, il est sacré champion du monde des poids mouches en gagnant par KO au deuxième round contre l'Américain Frankie Genaro au Palais des Sports de Paris, devant 16 000 spectateurs. Sur le Chanzy, bateau qui le ramène à Tunis, une banderole proclame : « Gloire à notre champion du monde Young Perez ». 10 000 personnes l'attendent au port et plus de 100 000 l'acclament tout le long de l'avenue Jules-Ferry.

Coqueluche du Tout-Paris, il a une liaison remarquée avec Mireille Balin, jeune mannequin vedette qui deviendra une actrice célèbre avec son rôle titre dans Pépé le Moko. Reçu par le bey de Tunis, Perez est décoré du Nichan Iftikhar, la plus haute décoration de Tunisie alors sous protectorat français. Célébré et toujours entouré de jolies filles, le retour à la compétition s'avère difficile. Comme beaucoup de champions de l'époque, il dispute quelques combats sans enjeu, quoique très lucratifs pour lui et son entourage. Le 12 septembre 1932, lors de l'un de ces combats, il est défait par l'anglais Mickey McGuire à Tyneside (Angleterre). Le 31 octobre, à Manchester, il abandonne son titre à un autre anglais Jackie Brown qui jette l'éponge.

[modifier] Dernier combat à Auschwitz

Passé chez les poids coq, après quelques victoires qui le relancent, il perd sa couronne mondiale au profit du Panaméen Al Brown, par arrêt de l'arbitre, en février 1934. Il poursuit sa carrière jusqu'en août 1943, se lançant parallèlement dans les affaires mais sans guère de réussite.

Juif, il est interné à Drancy puis déporté à Auschwitz le 9 octobre 1943. Au camp de Monowitz, dans l'usine de la Buna (unités de fabrication du caoutchouc synthétique d'IG-Farben), il côtoie Primo Levi et Alfred Nakache (champion français de natation). Le commandant du camp organise, devant les déportés, un combat entre un boxeur poids lourd allemand et Young Perez sur la grande place de la Buna. Malgré la différence de poids et de condition physique, Perez l'emporte.

En 1945, il est l'un des 51 survivants des 1000 déportés du « convoi 60 » qui l'avait amené à Auschwitz. Le 22 janvier, voulant franchir une clôture pour donner du pain à des déportés affamés, il est tué d'une rafale de mitraillette au camp de Gleiwitz, lors d'une des marches de la mort qui suivirent l'évacuation du camp d'Auschwitz. Toutefois, une autre version des faits est rapportée par d'autres journaux tels que Tunis socialiste du 17 janvier 1947 qui écrit :

« Le petit Tunisois fut arrêté deux fois. La première, il fut interné au camp de Drancy, d'où il réussit à s'évader vers fin 1943, c'est alors qu'il fit visite à Bellières pour prendre son avis. Son manager lui conseille de gagner le midi de la France, ce qu'il fit. Mais là, après quelques temps, il fut gagné par le spleen de la grande capitale qu'il adorait et revint à Paris où il fut arrêté et envoyé au camp d'Auschwitz. C'était en 1944. Là-bas en Allemagne, dans ce camp au nom qui fait passer des frissons quand on en parle, Young Perez, qui était un enfant très doux, réussit à trouver une fonction aux usines. Avec l'arrivée de l'armée russe, il part sur le chemin de la liberté. Il neige. Le froid intense ankylose ses membres. Le petit Youngki se couche sur la neige, à bout de force. Son compagnon d'infortune, Bibi Burah, boxeur comme lui se penche pour l'aider encore à poursuivre sa route : « Vas, pars tout seul. C'est fini, je n'en peux plus. Je ne reverrai plus le beau et chaud soleil de Tunisie. Adieu ! » La neige tombe, tombe toujours et bientôt recouvre d'un linceul immaculé le corps de notre brave petit gars qui porta haut et fier les pavillons français et tunisiens sur tous les rings de boxe du monde. »

[modifier] Palmarès

  • Champion du monde « poids mouche » (1931-1932)
  • 133 combats
  • 92 victoires dont 28 par KO
  • 26 défaites
  • 15 abandons

[modifier] Hommages

Le nom de Young Perez est indiqué sur le monument aux morts en déportation du cimetière du Borgel à Tunis. Par ailleurs, le stade du club de football de l'Espérance sportive de Tunis a porté quelques années son nom avant d'être reconstruit en 1967 et de devenir l'actuel stade olympique d'El Menzah.

Le metteur en scène Steve Suissa réalise un film sur la vie de Perez dont le tournage est prévu pour l'été 2008 à Paris et Tunis.

[modifier] Bibliographie

  • André Nahum, Quatre boules de cuir ou l'étrange destin de Young Perez. Champion du monde de boxe. Tunis 1911 - Auschwitz 1945, éd. Bibliophane, Tunis, 1911
  • Gilles Rapaport, Champion, éd. Circonflexe, Paris, 2005