Quinolone

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Les quinolones et fluoroquinolones[1],[2] forment une large classe d'antibactériens de synthèse qui comprennent les dérivés de l'acide nalidixique découvert en 1962 et utilisé chez l'homme dès l'année suivante. Cette famille d'antibactériens a fait l'objet de recherches très importantes aboutissant au dépôt de plus de 10000 brevets. L'ajout de l'atome de fluor dans les années 1970 a permis d'augmenter fortement la pénétration des molécules quinolones dans les cellules (jusqu'à 200 fois plus) : ce fut la naissance des fluoroquinolones, puissants antibiotiques capables de lutter contre une grande variété de germes chez l'homme et l'animal (y compris en pisciculture -Asie notamment-, bien que cet antibiotique soit interdit pour cet usage dans de nombreux pays).

L'apparition sur le marché dans les années 1980 de la norfloxacine, ofloxacine, ciprofloxacine, péfloxacine et loméfloxacine ont permis aux fluoroquinolones de devenir des antibiotiques de référence pour de nombreuses infections, comme les pyélonéphrites aiguës ou les prostatites. Un rapport remis en septembre 2007 par l'INAMI, organisme belge de sécurité sociale, montre que le principale indication de prescription des fluoroquinolones concerne les infections (ou risque d'infection) des voies aériennes.

Sommaire

[modifier] Usage, et évolution des molécules

Près de la moitié des quinolones mises sur le marché se sont vues retirer ou restreindre leur licence d'utilisation, mais vers 1998, les ventes de fluoroquinolones augmentent et vont même exploser à partir de 2001, avec l'apparition de produits de nouvelle génération.

Fin 2001, la psychose du bioterrorisme après les attentats du 11 septembre pousse nombre de gens à se protéger du bacille du charbon à l'aide de produits à base de ciprofloxacine ou d'ofloxacine, multipliant les ventes quotidiennes de ces antibiotiques par 10. C'est ce que certains ont appelé l'heure de gloire des fluoroquinolones.

En mars 2006, le Comité Economique des Produits de Santé estimera que les fluoroquinolones sont trop prescrites en France, et exigera des laboratoires fabricants que le temps de visite médicale qui leur est consacré soit réduit de 30% sur 3 ans.

La recherche vise aujourd'hui de nouvelles générations de quinolones à spectre d'action encore élargi, mais avec moins d'effets secondaires. Des applications anti-cancéreuses sont actuellement explorées.

[modifier] Mode d'action

Les quinolones ciblent l'ADN-gyrase et la topoisomérase II et IV, empêchant la réplication de l'ADN bactérien. Leur mode d'action comprend un effet oxydant sur les bactéries, mais leur effet principal est dû à la fixation de la molécule quinolone sur l'ADN lors de la phase de duplication de l'ADN au cours de la mitose. La topoisomérase II est la protéine qui permet à une bactérie ne mesurant que 2µm sur 1µm en moyenne de contenir un ADN long de 1700µm (effet de surenroulement de l'ADN sur lui-même). L'inhibition de la topoisomérase II induit des cassures dans l'ADN (effet clatogène). Les quinolones se fixent par ailleurs sur les extrémités des brins d'ADN qui ne peuvent plus se réassembler. Cette formation d'un complexe ADN-quinolones est irréversible. L'étape suivante est celle de la mort cellulaire programmée (apoptose). Il semble cependant que de nombreux cas, la bactérie ne meure pas immédiatement : encore présente dans l'organisme, elle ne peut plus se reproduire. Cela pourrait expliquer le remarquable effet post-antibiotique que l'on observe avec les fluoroquinolones, effet qu'aucune étude n'explique de manière satisfaisante à ce jour.

[modifier] Classification des Quinolones

[modifier] 1re génération

  • acide nalidixique (Negram®, Negram Forte®)
  • acide pipémidique (Pipram®, Pipram Forte®)
  • acide oxolinique
  • fluméquine
  • cinoxacine

[modifier] 2e génération

  • ciprofloxacine (Ciflox®, Cipro®)
  • ofloxacine (Oflocet®, Monoflocet®, Tarivid®, Ocuflox®, Floxin®)
  • norfloxacine (Noroxine®)
  • loméfloxacine (Logiflox®, Décalogiflox®)
  • péfloxacine (Péflacine®)
  • énoxacine (Enoxor®, Penetrex®)

[modifier] 3e génération

  • lévofloxacine Isomère de l'ofloxacine (Tavanic®, Levaquin®)
  • sparfloxacine (Zagam®)
  • grépafloxacine
  • gatifloxacine

[modifier] 4e génération

  • trovafloxacine (Trovan®)
  • moxifloxacine (Izilox®)
  • gémifloxacine (Factive®)
  • sitafloxacine
  • clinafloxacine

[modifier] Résistances aux quinolones

On observe une augmentation de la résistance à certaines fluoroquinolones largement distribuées comme la ciprofloxacine. Plusieurs hypothèses sont avancées :

- Comme ce fut le cas pour d'autres classes d'antibiotiques par le passé, l'important volume de prescription en particulier en milieu hospitalier favorise les résistances bactériennes.

- L'utilisation massive de fluoroquinolones vétérinaires favoriserait la sélection de souches microbiennes résistantes dans l'environnement.

L'efficacité des antibiotiques de seconde génération dans les infections serait de 60 à 95%, l'écart venant du type de germe concerné.

Parmi les bactéries résistantes, on peut citer : Aérobies à Gram + : entérocoques, Listeria monocytogenes, Nocardia asteroides, staphylococcus méti-R.

[modifier] Fluoroquinolones et infections nosocomiales

Des études montrent que les fluoroquinolones ne seraient pas, en milieu hospitalier, responsables d'une pression de sélection de nature à en restreindre leur usage. On attribue cependant aux nouvelles fluoroquinolones la prolifération de clostridium difficile, germe responsable de colites pseudo-membraneuses. Une étude réalisée en 2001-2002 sur plusieurs CHU français a montré que lorsque l'on réduisait l'usage de fluoroquinolones de 85%, le nombre d'infections par des staphylocoques dorés résistant à la méthicilline (SARM) diminuait très significativement. Les résultats extrapolés au niveau national permettent d'affirmer que chaque année, environ 20000 infections à SARM (sur 140000 au total) sont directement imputables aux traitements par fluoroquinolones. Des études montrent que la destruction de la flore bactérienne par les fluoroquinolones permet à des bactéries opportunistes comme les SARM de coloniser des niches vacantes. Ce problème a poussé les autorités belges depuis 2003 à lutter contre la surprescription de fluoroquinolones, accusées de coûter trop cher au contribuable alors qu'aucune efficacité supérieure aux traitements classiques n'a pu être mise en évidence mettre en évidence dans les infections des voies aériennes.

[modifier] Allergie/hypersensibilité

[modifier] Contre-indications

  • Enfant ou adolescent en croissance (risque d'atteinte des cartilages).
  • Femme enceinte ou allaitante (risques de malformation).
  • Antécédents de tendinopathie sous fluoroquinolones.

[modifier] Précautions d'emploi

Le rapport bénéfice-risque doit être plus particulièrement évalué chez les insuffisants rénaux et les personnes prenant une corticothérapie concomitante même inhalée.

Chez l'adulte de moins de 30 ans, la survenue d'arthropathies est à surveiller de près.

Chez l'adulte de plus de 65 ans, le risque de tendinopathie est très nettement majoré.

[modifier] Effets indésirables

Les fluoroquinolones peuvent provoquer des effets secondaires très divers, dont les effets de classe sont le tronc commun. Les molécules fluoroquinolones peuvent rester plusieurs mois dans le corps, ce qui expliquerait pourquoi certains effets secondaires comme la photosensibilisation peuvent apparaître longtemps après la prise :

[modifier] Effets secondaires graves

Ces substances, largement utilisées par certains élevages (poissons-chats asiatiques par exemple[4]) génèrent de nombreux effets secondaires, dont parfois de lourdes invalidités temporaires ou définitives. Des effets tendineux, allant jusqu'à la rupture de tendon(s) en divers endroits du corps ont été signalés dès 1983. Les années 1990 seront marquées par une crise de confiance exemplaire[5] de la part des prescripteurs, en particulier en France. Les essais sur les animaux montrent de plus un potentiel cancérigène sur tous les mammifères et tératogène sur le rat[6], d'atteintes cartilagineuses graves sur la plupart des mammifères immatures.

En 1997, l'article de l'équipe des spécialistes Français Marcel-François Kahn et Gilles Hayem, "Tendons et fluoroquinolones: des problèmes non résolus"[7] décrit les effets tendineux des fluoroquinolones. La péfloxacine, accusée depuis des années de provoquer de nombreuses tendinopathies, deviendra marginale. La concentration de fluoroquinolone dans le cerveau est importante et est à l'origine d'effets neuro-psychiatriques comparables à ceux des benzodiazépines. Les fluoroquinolones représentent 4% de tous les effets psychiatriques notifiés à l'Afssaps ; cela les situe en huitième position, n'étant précédées que par des neuroleptiques.

Les mécanismes toxiques ne sont pas clairement établis :

1) captation des métalloïdes, en particulier le magnésium, altérant le métabolisme cellulaire et induisant une production de toxines létales pour les cellules. Il a été démontré chez le rat que la carence en magnésium entraîne des lésions tendineuses similaires à celles observées avec les fluoroquinolones.

2) effet toxique direct : l'ADN du noyau serait directement endommagé, comme dans le cas des bactéries. Cette hypothèse expliquerait la rapidité de survenue des effets toxiques observés chez certains sujets. Le potentiel d'action de la ciprofloxacine sur l'ADN des cellules humaines, récemment mis en évidence, appuie cette hypothèse.

3) altération du métabolisme mitochondrial : émise en 1997, cette hypothèse est remise en cause par des études plus récentes. Si l'ADN mitochondrial est effectivement une cible des fluoroquinolones, les concentrations nécessaires pour obtenir une toxicité importante dépasseraient largement les concentrations thérapeutiques.

Le rémanence des fluoroquinolones dans les tissus expliquerait le passage à la chronicité de certaines séquelles[8] : un seul cachet peut provoquer des remaniements tendineux pendant 6 mois chez le rat. Il faudrait selon certains fabricants environ 6 mois pour que la concentration en fluoroquinolones descende sous le seuil d'action. Des tests à basés sur la chromatographie liquide haute performance permettent cependant de mettre en évidence la présence de fluoroquinolones dans le sang bien après 6 mois.

[modifier] Des fluoroquinolones comme agents anti-cancéreux

Un certain nombre d'études des années 2000 ont montré que les fluoroquinolones n'agissaient pas seulement sur les cellules procaryotes (comme les bactéries) mais également sur les cellules eucaryotes (comme les humains). L'administration concommittante ciprofloxacine/étoposide a montré une compétition entre ces deux molécules qui appartiennent à la famille des inhibiteurs de topoisomérase II. Un effet anti-tumoral notable a été démontré sur des cellules humaines in vitro pour la ciprofloxacine, qui induit comme l'étoposide l'apoptose cellulaire des cellules cancéreuses en scindant l'ADN. L'activité anti-cancéreuse de la ciprofloxacine a été établie à un douzième de celle de l'étoposide, mais la toxicité pour l'ADN des cellules cellules humaines serait en revanche nettement supérieure pour la ciprofloxacine. Réciproquement, des études ont montré dès 1985 que l'étoposide possédait une activité anti-bactérienne. De nouvelles fluoroquinolones sont actuellement mises au point et constituent une piste de recherche contre le cancer. L'une d'entre elles a montré en laboratoire une activité anti-cancéreuse 50 fois supérieure à celle de l'étoposide.

[modifier] Pfizer et l'affaire du Trovan

Le Washington Post fera état le 7 mai 2006 d'un rapport des autorités Nigérianes mettant en cause le leader pharmaceutique mondial Pfizer qui aurait pratiqué un essai illégal du trovafloxacine (Trovan®) en 1996 sur près de 200 enfants et nourrissons à l'occasion d'une épidémie de méningite, provoquant des décès et de lourds handicaps liés en particulier à de l'arthrite. Pfizer affirmera avoir obtenu l'accord oral des familles des enfants. On apprendra début juin 2007 que le Nigéria réclame 7 milliards de dollars de réparation à Pfizer.

Des journalistes affirment que cette affaire, largement ébruitée dès 2000, aurait inspiré "La constance du jardinier" à John le Carré. Le médicament concerné, une fluoroquinolone possédant 3 atomes de fluor, sera mis sur le marché en 1998 en Europe avant d'être interdit en raison de graves effets hépatiques. Le médicament n'a pas été autorisé en France.

Pfizer, qui commercialisait en France le Logiflox (spécialité à base de loméfloxacine), qui serait responsable d'effets graves chez certaines personnes, a revendu ce médicament fin 2005 au laboratoire Biocodex.

[modifier] Notes et références

  1. "The Quinolones", Vincent T. Andriole; Editeur Butterworth-Heinemann, 3e édition (2006).
  2. "Quinolone Antimicrobial Agents", David C. Hooper, Ethan Rubinstein; Editeur ASM Press, 3e edition, (2003).
  3. U.S. Food and Drug Administration ""Summary of product characteristics Proquin⁰, Maxaquin⁰, Noroxin⁰, Floxin⁰" 11 mai 2007
  4. Des quinolones sont souvent trouvées dans les poissons-chats importés d'asie selon la FDA et le Catfish Institute of the U.S., cités par le Daily Advertiser, du 25 aout 2007) ([1]
  5. "Tendinopathies induites par les médicaments" Gilles Hayem, Rev Rhum [Ed Fr] 2002 ; 69 : 406-10.
  6. "Quinolones et grossesse : des données animales inquiétantes et peu de données cliniques."; article de Michel Damase, revue Prescrire, août 1998; Volume 18, 186; ISSN 0247-7750; pages 530-534
  7. "Tendons et fluoroquinolones: des problèmes non résolus." Kahn MF, Hayem G., Rev. Rhum., 1997, 64(7-9), 511-513.
  8. "Tendinopathies induites par les médicaments" Gilles Hayem, Rev Rhum [Ed Fr] 2002 ; 69 : 406-10.