Prion (protéine)

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Le terme prion est un mot-valise, venant de l'anglais « PRoteinaceous Infectious particle ONly » (particule infectieuse protéinique). Les prions jouent un rôle essentiel dans le bon (ou le mauvais) repliement des protéines, qui permettra de les rendre fonctionnelles ou non. En ce sens, le « infectious » qui lui a été attribué à l'origine n'est pas à prendre au pied de la lettre.

Sommaire

[modifier] Protéines normales et pathologiques

La protéine prion Prp-c est présente à l’état naturel et impliquée dans le fonctionnement normal de la cellule. Ses fonctions, ne sont pas encore connues précisément mais on les soupçonne essentielles. En effet, la protéine Prp-c était présente avant la spéciation, ce qui signifie que tous les mammifères (y compris l'homme) sont susceptibles de développer des maladies à prions. La protéine Prp-c est impliquée dans le développement du système nerveux chez l'embryon. Chez l'adulte, elle est exprimée essentiellement dans le cerveau et la moelle épinière (neurones et glie). Elle est impliquée dans les processus de différenciation et d’adhésion des cellules. Elle aurait aussi un rôle protecteur antioxydant et vis-à-vis de la mort cellulaire programmée (apoptose). Cette protéine aurait également un rôle dans le repliement d’autres protéines.

Selon l'équipe du Dr Scott (décembre 2006), la protéine prion normale, étudiée chez le rat, présente des accumulations particulières à l'intérieur des cellules du pancréas spécialisées dans la production d'insuline, et les rats prédisposés au diabète présentent 3 fois plus de cellules productrices d'insuline avec des amas de protéines prions. Le taux de protéines prions dans le pancréas d'un rat normal change fortement dans les un à trois jours suivant l'administration de concentrations élevées de sucre via le sang. La protéine prion pourrait être impliquée dans le diabète de type 1 ou juvénile, maladies caractérisées par une attaque par le système immunitaire des cellules produisant l'insuline (dans le pancréas)[1].

Le prion pathogène est une protéine prion Prp-c mutée (on ignore la cause de cette mutation) qui provoque les maladies à prions (maladie de la vache folle, ou encéphalopathie spongiforme bovine, maladie de Creutzfeldt-Jakob, Chronical Wasting Disease ou maladie du dépérissement chronique des cervidés). Lors de l'infection, l'agent prion, agent pathogène responsable de l'infection, pénètre le neurone, où pour des raisons et par un mécanisme encore mal compris il se "multiplie" de façon exponentielle, en déformant les protéines prion saines en protéines prion mutées allant jusqu'à provoquer littéralement l'explosion de la cellule nerveuse.

La protéine prion anormale ou Prp-sc, qui est responsable de la maladie, résulte d’une modification de sa structure tridimensionnelle, dont l’origine est imprécise. Cette forme lui confère des propriétés physico-chimiques atypiques qui se traduisent par une très grande résistance aux moyens de désinfection et de stérilisation habituels (chaleur, produits chimiques, enzymes, etc). Elle acquiert des capacités d’auto-agrégation et peut ainsi former des dépôts notamment dans le cerveau, provoquant la mort neuronale.

La nature de « l'agent infectieux prion » est encore controversée et sujette à hypothèses. Aucun acide nucléique (ADN/ARN) n’a pu être spécifiquement associé à l’infectiosité, comme a pu l'être la protéine prion anormale. On parle d’Agent Transmissible Non Conventionnel (ATNC). La théorie du prion ou protéine infectieuse, développée par La vache folle, est actuellement la mieux étayée. On peut citer également, les théories d’un virus conventionnel (trop petit pour être détecté actuellement), du virino (petit ARN/ADN masqué par des protéines prion), ou de la molécule auto-chaperonne (capable de modifier sa propre conformation). Les maladies à prions sont transmissibles d’un individu à l’autre et dans une certaine mesure d’une espèce à l’autre.

[modifier] Maladies

[modifier] Troubles dus à sa présence

Les « trous » microscopiques sont caractéristiques des tissus infectés de prions, leur donnant une consistance spongieuse.
Les « trous » microscopiques sont caractéristiques des tissus infectés de prions, leur donnant une consistance spongieuse.

Les maladies à prions provoquent une dégénérescence du système nerveux central qui est toujours fatale.

  • Chez l’homme, il est responsable de la maladie de Creutzfeldt-Jakob qui se caractérise par une démence précoce aboutissant au décès. La forme commune est sporadique, atteignant le plus souvent le sujet âgé. Elle peut être rarement familiale, avec dans ce cas une implication du gène de la protéine prion. Elle peut être également transmise par inoculation de tissus contaminés (extraits d’hypophyse auparavant employés dans le traitement par l’hormone de croissance, greffes de cornée et de dure-mère, électrodes contaminées).

En mars 1996, est apparue une forme clinique chez le sujet jeune (< 30ans), appelé nouveau variant de la maladie de Creutzfeld-Jakob, dont le lien avec l’ESB a été prouvé ensuite. La transmission serait due probablement à l’ingestion de viande bovine contaminée par l’ESB. Le prion est également la cause d’autres maladies humaines : le kuru aujourd’hui disparu (touchant une tribu de Papous de Nouvelle Guinée qui a été la 1re encéphalopathie spongiforme humaine dont la transmissibilité au singe a été démontrée), la maladie de Gertsmann-Sträussler-Scheinker et l’insomnie familiale fatale.

À noter qu’il existe d’autres maladies neurologiques comportant des accumulations de protéines anormales, les plus célèbres étant la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson. La responsabilité d’un prion n’a toutefois pas été démontrée dans ces cas, bien qu’il puisse coexister.

[modifier] Troubles dus à l’absence de prions

Les données disponibles proviennent d’expérimentation de transgenèse sur des souris/hamsters à qui on a retiré le gène de la protéine prion et qui donc ne possèdent plus cette protéine, ou dont on peut stopper à volonté la production de protéine prion. Ces travaux permettent d’élucider peu à peu les fonctions de la protéine prion normale. Certaines souris dépourvues de protéine prion par knock-out du gène prnp codant cette protéine, sont viables et fertiles, sans phénotype apparent. D'autres développent une mort neuronale massive au niveau du cervelet. Cette mort est due à une autre protéine, paralogue à la protéine prion saine Prp-c, appelée Doppel (Dpl).

Ce sont plus des modèles expérimentaux que de véritables prions puisqu’il manque dans ces cas la notion d'«infection». Les « prions » de levure ne sont pas des protéines prion telles que chez les animaux, mais sont en réalité des protéines (souvent de choc thermique) qui miment le comportement de ces protéines prion anormales : dans certaines conditions de stress, elles changent de conformation et s'accumulent, perturbant le fonctionnement cellulaire de la levure.

  • Il a été constaté par des expériences de centrifugation d’ADN que sans certains prions, les levures de bière ne peuvent se reproduire correctement.

[modifier] Mécanismes

Quand la machinerie et les composants nécessaires(ARN-polymérase, ribosome, etc.) sont présents, il est possible de fabriquer des protéines à partir de l’ADN conformément au programme qu’il contient. Toutefois, à composition identique, une protéine peut posséder plus d’une façon de se replier, soit des conformations différentes.

On a constaté que la protéine prion anormale favorise un type de repliement anormal. Or de la bonne ou de la mauvaise façon dont est repliée une protéine dépend sa fonctionnalité. Pour cette raison et selon la théorie de Prusiner, l’ADN ne possède pas nécessairement à lui seul toute l’information pour produire le matériel dont l’organisme a besoin, contrairement à ce qu’on a longtemps cru. Le rôle de la protéine à conformation normale reste à préciser.

Le plus puissant ordinateur du monde (en 2004), Blue gene, a été commandé par le Lawrence Livermore Laboratory pour étudier de façon systématique, par simulation, les repliements de protéines en présence et en l’absence de prions.

La levure de bière pourrait être un modèle expérimental intéressant : certaines de ses protéines ont des propriétés de « contagion de forme » qui évoquent celles des prions, même si l’assimilation à ces dernières est discutée.

[modifier] Détection

Le diagnostic de la maladie est fait de manière courante chez l’animal mort, sur des prélèvements de tissus neurologiques, dans lesquels la concentration en protéine prion anormale est la plus importante chez l’individu malade. Les tests se basent sur l'analyse des résidus de la protéine après digestion à la protéase et également sur la détection de la protéine prion anormale à l’aide d’anticorps spécifiques. Deux méthodes sont utilisées afin de localiser la protéine dans les tissus : le western-blot qui permet l'analyse de la taille des résidus après digestion protéolytique et l'immuno-histo-chimie (ou immunohistochimie) qui met en évidence le complexe anti-corps spécifique/ protéine prion anormale.

En gagnant en sensibilité (détection d’un faible nombre de particules), on espère pouvoir faire, dans l’avenir, un diagnostic par une simple prise de sang sur un sujet vivant.

On peut également rechercher le prion dans d’autres organes, en particulier dans les muscles.

[modifier] Traitements

[modifier] Préventif

Il repose sur :

  • la détection et l’élimination des animaux porteurs ;
  • la détection des sujets à risque devant conduire à des précautions accrues lorsqu’ils nécessitent une exploration.

Un vaccin est difficile à trouver du fait de la présence de prions 'normaux' dans l'organisme. Les chercheurs helvétiques ont donc modifié les gènes des souris pour que leurs lymphocytes B fabriquent des anticorps qui sauront différencier un prion pathogène d'un prion normal. Néanmoins, il n’existe à ce jour pas de vaccin, ni de sérum ayant démontré une efficacité.

[modifier] Curatif

Plusieurs molécules ont été testées et semblent avoir montré un ralentissement de la progression de la maladie. Parmi elles on peut citer la quinacrine, un anti-paludéen, et le polysulfate de Pentosan.

Un des principaux obstacles à un traitement efficace est qu’il s’agit de maladies de l’encéphale, séparé de la circulation sanguine par une barrière hémato-encéphalique empêchant le passage de la plupart des molécules.

[modifier] Éradication

Le prion est une protéine solide, détruite essentiellement par les hautes températures (autoclave à 134°C pendant 20 min). Il existe également des méthodes chimiques tel que l'eau de Javel fraîchement diluée à 6° chlorométrique et la soude utilisées à température ambiante pendant 1 heure. Ne possédant pas de métabolisme, il n’est guère vulnérable aux irradiations utilisées habituellement dans un but de stérilisation. Cependant, aucune de ces méthodes n’offre une garantie absolue ; l’efficacité maximale est obtenue en associant un traitement chimique au traitement thermique. Les déchets inactivés par ces méthodes doivent ensuite être incinérés dans un centre agréé.

[modifier] Divers

La recherche sur le prion a fait l’objet de deux prix Nobel de médecine :

  • D. Carleton Gajdusek en 1976 pour ses travaux sur le kuru ;
  • Stanley B. Prusiner en 1997 pour sa théorie sur le prion, protéine infectieuse.

[modifier] Bibliographie

Corinne Ida Lasmézas, Qu'est-ce qu'un prion ?, Le Pommier, collection : Les Petites Pommes du Savoir n°65, (ISBN 2746502232)

[modifier] Notes et références

[modifier] Voir aussi

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