Premiers entrepreneurs du coton britannique

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Les premiers entrepreneurs du coton britannique sont pour la plupart des inventeurs, à l'origine simples artisans, ingénieurs, utopistes ou religieux, devenus industriels après avoir réussi tant bien que mal à lever quelques fonds. Ils s'endettent, partagent leur capital et réveillent les régions alors pauvres du Nord-Est de l'Angleterre, en tentant d'améliorer les sources d'énergie et de valoriser des voies de communication plus favorables, soumettant à une formidable demande la matière première venue du Nouveau Monde, où les planteurs doivent rapidement défricher la Frontière sauvage nord-américaine.

Les énormes gains de productivité permis par une noria d'innovations sont réinvestis dans des baisses de prix, qui dopent la consommation de coton par habitant, multipliée par sept en Angleterre entre 1810 et 1860. Sur le front de l'exportation, les marchés lointains (Asie, Afrique, Amérique latine) sont rapidement conquis, permettant des économies d'échelle qui rendent le coton anglais imbattable, même dans une Europe encore réticente.

La réussite de cette génération d'entrepreneurs fait du coton le moteur et la principale composante de la première révolution industrielle britannique, entre 1768 et 1830, époque à laquelle le reste du Monde n'est pas encore entré dans cette ère, si l'on fait exception des tout nouveaux mais encore très peu peuplés Etats-Unis d'Amérique.

Après avoir divisé par cinq ses prix de vente en 50 ans seulement, multipliant ses volumes de production par 50 sur la même période, la nouvelle industrie cotonière représente à elle seule la moitié des exportations britanniques en 1850. Ses profits peuvent alors irriguer l'ère naissante du train, du charbon et de l'acier.

Sommaire

[modifier] Un terreau culturel, politique et financier favorable

  • Dès 1688, avec la glorieuse révolution britannique et l'arrivée du protestant hollandais Guillaume d'Orange sur le trône, l'Angleterre se modernise, à l'époque où la France de Louis XIV replonge dans les guerres de religion par la révocation de l'Edit de Nantes en 1688. Des centaines de milliers de huguenots français bravent l'interdiction d'émigrer et traversent la Manche, puis l'Atlantique, se mèlent aux protestants hollandais et aux minorités religieuses britanniques du Nouveau-Monde, puis anglicisent leurs noms dans ce qui s'unifie peu à peu comme la Nouvelle-Angleterre. Instruits, dynamiques, commerçants, ils enmènent souvent avec eux un pécule et un savoir-faire, en particulier dans le textile.
  • A la révolution, l'Angleterre se dote d'un parlement, élu par une dizaine de milliers d'aristocrates. A l'époque où Richelieu tente d'interdire les duels, le parlement anglais devient le lieu de joutes oratoires et du débat d'idée. Il offre des prix aux inventeurs et organise des concours, comme celui de 1734 pour créer un chronomètre de marine, gagné par John Harrisson.
  • La durée des brevets, limitée à 17 ans, représente l'équilibre trouvé entre la protection des inventeurs et le renouvellement rapide des technologies, qui a permis à l'industrie du coton d'effectuer de gigantesques bonds technologiques, en moins de deux générations.
  • La création en 1694 de la banque d'Angleterre, qui prête directement à l'Etat, précède d'un siècle celle de la Banque de France. Pour moderniser le pays, le nouvel état s'endette. En 1720, l'écrivain Daniel Defoe, père de Robinson Crusoë, fustige l'activisme des hollandais qui tiennent les centre financiers de Londres et multiplient les astuces pour placer la dette publique: loteries, obligations sur la marine, ou emprunts convertibles en actions de la "Compagnie des Mers du Sud", qui inspirera en France le "système" de John Law et la "Compagnie du Mississipi".
  • Le budget de l'Etat anglais s'élève en 1783 à 15 millions de sterling contre 16 millions en France, où le PNB est pourtant 2,5 fois plus élevé (160 millions de sterling contre 68 millions pour l'Angleterre) selon l'historien Fernand Braudel (Civilisation matérielle, économie et capitalisme, page 475). Revers de la médaille, l'impôt pèse 22% du PNB au Nord de la Manche contre 10% au Sud. Mais selon Braudel les prélèvements de l'Eglise et des nobles sont plus élevés en France. Louis XIV a mené 4 guerres grâce la fiscalité directe sur une population 3 fois plus nombreuse. Outre-Manche, la lourde fiscalité sur les échanges ne freine pourtant pas le commerce du XVIIe siècle, très rentable car basé sur les esclaves et les produits rares, ainsi que la laine pour les colons de Nouvelle-Angleterre, déjà 400.000 en 1713 et 1,5 millions en 1750, dont seulement 250.000 esclaves[1].
  • Le nouvel Etat britannique, dirigé par les hollandais, s'inspire du triomphe maritime de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales depuis 80 ans: il arme une flotte rivalisant avec celle de la France, trois fois plus peuplée. Critiquée pour sa dette, Londres surveille ses dépenses. Les guerres deviennent plus courtes: 7 ans pour prendre le Canada en 1764, 7 aussi pour céder l'indépendance des Etats-Unis en 1783. Les Anglais s'installent au Pakistan en 1750. L'Inde, l'Australie, l'Afrique viendront au 19e, le maillage de l'océan par les hollandais et portugais se disloquant.
  • L'Etat britannique investit surtout pour aménager le réseau fluvial, dans le premier quart du 18e siècle, portant les voies navigables à 1160 miles, afin de compléter une intense activité de cabotage, selon Fernand Braudel (page 452). Le Canal du Midi construit par Colbert de 1666 à 1681 est visité par des aristocrates anglais, dont Lord Bridgewater, qui en 1761 s'endette pour relier ses mines de charbon aux voies navigables, par un canal privé. Son succès inspire d'autres canaux, financés par une Bourse qui fonctionne à plein régime. Les inventions, des années 1770, le pudlage de l'acier et la machine à vapeur sont gourmandes d'un charbon deux fois moins coûteux à livrer grâce aux rivières aménagées puis aux canaux.
  • Le rôle spécifique d'une révolution agricole britannique est par contre relativisé par Jean-Pierre Rioux comme par Fernand Braudel (page 474) selon qui le PNB français progresse de 110% entre 1715 et 1800 contre +82% pour l'Angleterre. Trois fois plus peuplée, la France a beaucoup plus de campagnes arriérées que l'Angleterre mais également plus de campagnes riches, de commerçants et d'artisans dynamiques. Et elle profite plus que l'Angleterre de la traite vers les colonies sucrières les plus rentables, comme Saint-Domingue.
  • Les surplus de l'Angleterre agricole riche, concentrés dans le Sud-est, ne montent pas jusqu'à Manchester, alors en plein "désert anglais", tout comme les céréaliers français ne recyclent pas leur profits vers l'industrie. Le port colonial de Liverpool ne réinvestit pas non plus les énormes bénéfices de la traite négrière dans les fabriques de coton de Manchester, pourtant toutes proches, pas plus qu'en France la richesse coloniale de Nantes ne profite à un arrière-pays chouan qui reste arriéré. Le placement foncier éponge les excédents agricoles, artisanaux et coloniaux français, selon Jean-Pierre Rioux.
  • La nouvelle banque d'Angleterre devient le le pivot du développement des grandes banques privées de Londres. Leur nombre s'élève jusqu'à 73 en 1807. En province, les petites banques de comté se multiplient: une douzaine dès 1750, puis 120 en 1784, 200 aux environs de 1797 et 370 en 1800, selon l'historien Fernand Braudel (page 761).
  • Ces nouveaux banquiers de proximité diffusent l'épargne et le crédit dans les villes nouvelles, en exigeant des fonds propres, incitant les entrepreneurs-inventeurs du coton, comme Richard Arkwright et Edmund Cartwright à trouver des associés. Le boom du coton recentre la croissance sur des régions peu peuplées du Nord-Est, alors en retard, et se diffuse aux autres secteurs vers 1880, via le charbon, l'acier et la machine à vapeur.
  • En 1698, les spéculateurs hollandais délaissent le Royal Exchange, où leurs nouvelles techniques déconcertent les anglais, pour se retrouver au Jonathan's Coffee-House, qui brûle en 1748, devient un club de 161 courtiers en 1661 et bâtit en 1773 son propre bâtiment, le Stock Exchange, féroce rival du Royal Exchange dont il triomphe rapidement. Rôdés, les courtiers sont prêts à accompagner la révolution industrielle.
  • La rivalité boursière s'affûte aussi entre les trois grandes cités du Nord des nouveaux Etats-Unis d'Amérique. Six ans après l'indépendance, en 1790, Baltimore, Philadelphie et New-York ont déjà chacune leur bourse des valeurs. A New-York, c'est d'abord une réunion de courtiers sous un platane, dans la rue du Mur, qui mène à l'ancienne palissade de bois entourant la cité à l'époque où elle était encore hollandaise.

[modifier] Les lainiers préparent le terrain, puis sont balayés

Le textile britannique reste artisanal avant la révolution du coton. Il est dominé par la laine de la riche région de Norwitch, au sud-est, non loin de Londres et face aux Pays-Bas. La technologie progresse peu et la France reste leader mondial de la laine, grâce aux liens avec les drapiers des Flandres. Jusqu'en 1771, c'est toujours le continent qui profite le plus de la croissance de la demande mondiale de textile, tirée par une démographie en plein éveil, même si laine britannique y fait une première percée.

Entre 1701 et 1760, les exportations britanniques de laine doublent, comme celles de l'ensemble de l'Angleterre. Tout au long de cette période, la laine représente le quart des exportations de l'île, contre moins de 10% pour le coton.

Mais sur la période suivante de 60 ans, l'industrie cotonière fera 26 fois mieux que la laine, en multipliant par 52 ses importations de matière brute, passant de 11 millions de livres en 1785 à 588 millions en 1850. La valeur ajoutée des fabriques permet aux exportations de croître encore plus vite.

La croissance du coton décolle dès 1771 et accélère encore en 1787, au fil des progrès technologiques: sur seulement 37 ans, entre 1771 et 1808, les importations de coton brut de l'Angleterre sont multipliées par douze.

C'est grâce à la contribution de ce nouveau produit, que l'ensemble du 18ème siècle voit le total des exportations britanniques multipliées par cinq. [2].

[modifier] Les inventeurs et entrepreneurs

Les inventeurs restent souvent à la tête des entreprises qu'ils créent, même s'ils doivent souvent partager la direction et le capital avec des entrepreneurs et associés. Les procédés sont régulièrement améliorés par un nouveau venu dans l'industrie.


  • Dès 1733, la navette volante de John Kay, artisan de la région de Manchester, permet de multiplier la productivité par 4, mais la production reste dans la sphère artisanale. Kay meurt en France, où il a tenté sans succès de vendre son invention. A l'époque, les cotonades colorées et mystérieuses, arrivent des Indes, où une industrie intégrée des plantations et des tisserands artisanaux s'est d'abord heurtée à des interdictions en France (1686) puis en Angleterre (1700), avant de les contourner par la contrebande des grands négociants.
  • En 1738, Lewis Paul, figure de la communauté des Huguenots français qui ont fui les persécutions religieuse s'installe à Birmingham et invente avec le charpentier John Wyatt une machine à filer à roues. Trop faible, sur un marché étroit, Paul mourra criblé de dettes. En 1757, le révérent John Dyer reconnait l'importance de la nouvelle machine de Paul et Wyatt dans un poème.
  • En 1742, le journaliste et éditeur Edward Cave, fils de coordonnier, qui avait créé onze ans plus tôt le premier magazine d'intérêt général, "The Gentleman's Magazine" rachète le moulin à eau de Marvels Mill, à Northampton pour en faire la première usine de filage, équipée de 250 machines sous licence Lewis Paul.
  • En 1764, Thomas Highs un artisan spécialiste des pièces détachées, né lui aussi dans la région de Manchester, invente une machine textile très proche de la spinning-jenny, dont Heargreaves sera l'inventeur officiel, l'année suivante dans la même région. La spinning-jenny permet de muliplier par 120 la productivité dans les ateliers textiles.
  • Dès 1768, la fileuse waterframe de Richard Arkwright, fonctionnant au moulin à eau puis à vapeur, gagne en puissance. L'industrie du filé de coton émerge. La machine est mise en production industrielle en 1771, grâce à la création laborieuse d'une société par actions.
  • Richard Arkwright échoue à trouver des capitaux dans la ville voisine de Liverpool et retourne dans son village natal, où il est aidé par un vendeur d'alcool local, qui lui prête un local pour installer sa machine. Des banquiers, les frères Wright, soutiennent l'entreprise et jouent les entremetteurs, en lui présentant ses futurs associés, Need et Strutt[3].
  • Après 1769, toujours sur les terres pauvres du Nord-Est, la nouvelle machine à vapeur de Watt, avec condensateur, permet de bâtir des usines de coton à l'écart des moulins à eau et d'envisager des machines plus puissantes. L'inventeur s'est fait aider par Mathieu Boulton fils d'un artisan de Birmingham, qui s'associe en 1762 avec John Fothergill pour implanter les usines de Soho où ils fondent des objets d'arts en métal et en verre, où impiment des reproductions de peinture, par des procédés gourmands en énergie.
  • En 1772, le docteur John Roebuck, autre associé de Watt, n'a plus les fonds pour accompagner la croissance de l'entreprise. Boulton accepte de convertir sa créance en une participation qui monte désormais 66%. Watt doit s'endetter jusqu'au cou pour suivre. Pendant onze ans, la forge fabriquera des pompes à vapeur facilitant l'exploitation des premières mines de charbon, grâce à un procédé quatre fois plus puissant que celui de Thomas Newcomen. Les nouveaux associés parviennent finalement à rentabiliser cette production, au moment où les premiers canaux divisent par deux le coût d'approvisionnement en houille, rendant cette source d'énergie compétitive face au bois.
  • En 1781, un nouveau modèle de pompe à vapeur, permet de nouvelles utilisations en dehors des mines, en particulier dans les fabriques de coton. Quelques 500 machines Boulton & Watt de nouvelle génération sont placées dans les 15 ans qui suivent. En 1775, le parlement donne son feu vert au renouvellement du brevet de 1769, jusqu'en 1799.
    Sarehole Mill's blue plaque commemorating Matthew Boulton
    Sarehole Mill's blue plaque commemorating Matthew Boulton
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  • Patron respecté d'un Birminghamshire encore émergent Mathieu Boulton innove aussi sur le plan marketing, en intégrant la fonction du dessin des pièces, jusque là sous-traitées, puis au plan social, en refusant d'employer des enfants et en instituant un système d'assurance sociale, financé par un prélèvement sur les salaires des ouvriers.
  • Entre temps, dès 1778, 14 ans après le dépôt du brevet d'Arkwright, près de 300 fileuses comme la sienne sont déjà utilisées en Angleterre, le long des rivières et des chutes d'eau. Richard Arkwright créé lui même en 1772, trois ans après son invention, une nouvelle usine employant 800 personnes au bord d'un moulin à 60 kilomètres au sud de Manchester.
  • En 1779, Samuel Crompton et sa Mule-jenny accélèrent encore la production. La machine est rentabilisée dès 1784 par l'entrepreneur et penseur socialiste Robert Owen dans le village-champignon de New Lanark, sur les chutes de la rivière Clyde, près de Glasgow où 4 usines emploient bientôt 4.000 ouvriers. Après avoir fait travailler des enfants, Owen construit des logements puis des écoles pour les familles de fileurs.
  • La grande industrie se profile en 1785, avec la tisseuse à vapeur automatique du révérend Edmund Cartwright, qui a visité l’année précédente l’usine de Richard Arkwright, en apprenant que le brevet expire en 1784. Alors que le marché du filage est lancé, dopant l'activité des tisserands, les investisseurs prévoient une mécanisation accrûe du tissage.
  • En 1790, Edmund Cartwright et son associé le financier Nicholas Grimshaw installent 200 machines textiles à vapeur près de Manchester mais l'usine brûle quelques semaines après son inauguration. Ses propriétaires ont été peu avant abreuvés de lettres de menaces anonymes. Les tisserands de la ville craignent que la fumée des machines à vapeur noircisse leur ciel, les privant d'emploi, selon le poème écrit alors par Lucas un musicien illettré de Manchester, qui va se diffuser dans le pays du Lancaster.

[modifier] De l'énergie, de la finance et des voies navigables

  • Le nouveau canal de Bridgewater relie Manchester aux mines de charbon de l'entreprenant Duc de Bridgewater, qui s'est lourdement endetté pour le creuser en 1761. Sur 65 kilomètres, la voie d'eau achemine le charbon des mines du Duc jusqu'à Manchester. Ce premier canal divise par deux le coût du charbon, car il suffit d'un cheval pour tirer six barges reliées les unes aux autres, chargées de 30 tonnes. Le duc est moqué par les chansons tristes du balladin Lucas.

L'audacieux financement des canaux, sur fonds privés, complète les très nombreux aménagements de rivières opérés depuis un siècle par les pouvoirs publics britaniques. Dès 1830, l'Angleterre est le seul pays européen à bénéficier de 6.000 kilomètres de voies navigables, dont un tiers de rivières aménagées et un tiers de canaux, creusés en 73 ans, entre 1661 et 1834. Ce réseau à forte capillarité complète l'intense cabotage permis par l'insularité.

  • De 1789 à 1792, la spéculation se jette sur les sociétés par action organisant le creusement de canaux. En trois ans, 54 d'entre elles entrent en Bourse où elles lèvent un total de six millions de sterling. Cinquante ans après le scandale de la Société des mers du Sud, la Bourse britannique retrouve vrai public, avec des souscriptions d'actions organisées par le biais d'annonces dans les journaux, enrichissant les investisseurs et les préparant à la grande vague du chemin de fer, qui déferle aussi à partir de la région de Manchester et l'année 1825: sur les 115 introductions de l'année à la Bourse du Stock Echange, 20 viennent du rail...

Le temps fort de la spéculation sur les canaux, appelé "canal mania", de 1789 à 1792, correspond au développement progressif de la machine textile à vapeur la plus puissante de cette époque, par le révérend Edmund Cartwright. Mais plusieurs canaux creusés alors se révèleront finalement inutiles. Dès 1830, la moitié des canaux ne sont plus rentables.

Auparavant, les progrès de la machine à vapeur et les nouveaux débouchés auxquels elle prétend, dans de nombreuses industries, aiguisent aussi la spéculation sur les canaux. L'un d'eux, bien situé, sur le neud fluvial émergent de Birmingham voit son action quadrupler en quelques années.

  • En 1793,Edmund Cartwright est acculé à la faillite par ses banquiers, déclenchant un premier krach. Mais seize ans après, en 1809, il est annobli et reçoit une récompense de 10.000 dollars votée par le parlement pour le remercier de sa contribution à l'industrie du coton. Il meurt enrichi de ses nombreux brevets, qui expirent un à un. En 1850, l'invention du révérend Cartwright est utilisée par 250.000 machines textile en Angleterre.

[modifier] Un capital culturel et scientifique qui se diffuse

Le coton eut un rôle primordial à Manchester pour des raisons non seulement économiques, mais aussi intellectuelles et culturelles, selon de nouvelles recherches conduites dans les archives de l'entreprise Mac Connel et Kennedy, qui souligne l'importance des connaissances en sciences mécaniques élémentaires employées.

En cinq ans, la puissance des moteurs fut plus que triplée dans cette entreprise. Une telle augmentation n'était possible que grâce à une connaissance approfondie du fonctionnement des machines à vapeur. Ces premiers entrepreneurs du coton étaient d'autre part bien intégrés dans la vie culturelle de leur ville, à savoir dans les cercles unitariens et sociétés scientifiques de Manchester. Leur savoir leur fournit un capital à la fois culturel et économique. [4]

[modifier] Une stratégie mondiale, de l'approvisionnement aux nouveaux marchés

  • A partir de 1790, les besoins de l'industrie textile britannique vont inverser l'histoire de la culture du coton, jusque ici centrée sur l'Inde, où la production de coton brut et la fabrication artisanale sont intégrés. Les plantations du sud des Etats-Unis, en Virginie et dans les deux Caroline prennent le relais et fournissent dès 1805 les deux tiers de la production mondiale de coton brut. La part de marché des Etats-Unis montera en 1840 jusqu'à 90%, grâce aux nouvelles terres, monopolisées par le coton.
  • La rapide montée en puissance du coton, au détriment des autres cultures de l'époque (riz, tabac et sucre) se révèle d'abord insuffisante: le prix du coton brut livré dans le port de Liverpool flambe 50%. Puis il diminue progressivement, les planteurs franchissant la frontière sauvage, sur la chaîne montagneuse des Appalaches pour aller à l'Ouest défricher des terres qui deviendront les quatre nouveaux états assurant dès 1840 plus de 78% de la production de coton brut nord-américaine (Tennessee, Alabama, Georgie et Louisiane).
  • S'ensuit une énorme migration vers l'Ouest des esclaves, qu'il faut désormais ménager car leur prix a augmenté. Des trois états planteurs d'origine (la Virginie et les Caroline) colonisées bien plus tard que la Nouvelle-Angleterre, la Virginie est le plus ancien et le plus urbanisé. Il a aboli la traite dès 1776, l'année de l'indépendance, au grand dam de ses planteurs. Lorsque le coton décolle, évinçant les plantations de tabac, la flambée de son prix et celle du prix de leurs esclaves adoucit la colère des planteurs. Mais les racines du racisme et de la rancune anti-bostonienne vont prospérer dans les nouveaux états comme l'Alabama, futur fief du ségrégationisme.
  • L'abolition générale de la traite négrière aux Etats-Unis intervient en 1806 juste après le pic des cours du coton de 1805, la victoire surprise de Jean-Jacques Dessalines contre la France à Saint-Domingue en 1803 et le rachat la même année de la Louisiane à la France. Les colons américains à la recherche de terres à coton remontent les bayous, où ils ont la surprise de tomber sur des villages acadiens.
  • En plus de pousser la demande par des baisses de prix en Angleterre, où la consommation de coton par habitant est rapidement multipliée par sept, les premiers entrepreneurs du coton la soutiennent aux Etats-Unis, où les concurrencent cependant très vite les entrepreneurs de la Nouvelle-Angleterre, aidés par le protectionnisme de la nouvelle république américaine.
  • Plus encore qu'en Europe, où la laine résiste difficilement, le coton britannique renforce très vite ses économies d'échelle en gagnant à coup de baisse de prix d'énormes parts de marché en Afrique, en Asie, et surtout dans les nouvelles républiques d'Amérique du Sud qui émergent des difficultés de l'empire espagnol, après des révolutions où les métis sont en pointe. Partout, les anglais évincent rapidement le coton indien. Le nouvel impérialisme britannique, commercial, financier et militaire, émerge.

[modifier] Sources et références:

  • Manchester, ville du coton [1]
  • Nicholas Grimshaw, financier des Premiers entrepreneurs du coton britannique, [2]
  • L'industrie textile britannique bouleversée dès 1771[3]
  • Une influence culturelle considérable à Manchester, selon les recherches de Margaret Jacob [4]
  • Fernand Braudel (Civilisation matérielle, économie et capitalisme, livre de poche.
  • 250.000 esclaves en Nouvelle-Angleterre en 1750 sur 1,5 millions d'habitants [5]