Histoire de la culture du coton

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Jusque à la fin du 18ème siècle, la culture du coton, présente de façon marginale dans un grand nombre de pays, était surtout l'affaire de l'Asie, tout particulièrement de l'Inde, qui vendait depuis des siècles des filés de coton déja colorés, très recherchés en Europe.

Dans le sud des Etats-Unis, le coton a d'abord coexisté avec le tabac, le riz, le sucre ou l'indigo, mais de façon encore marginale. Tout change très brutalement, en quinze ans, à la fin du siècle: la part dans la production mondiale du coton brut des plantation américaines est passée de 5% à 70% entre 1791 et 1805, alors qu'elle est encore proche de zéro en 1782 lors de la création des premières fabriques en Angleterre.

En seulement 60 ans, la quantité de coton importée par l'Angleterre sera multipliée par 50, passant de 11 millions de tonnes en 1785 à 588 millions en 1850.

Sommaire

[modifier] La demande anglaise explose avec les nouvelles machines

En 1789 en Angleterre, Edmond Cartwright invente la machine à peigner et reçoit pour celà une récompense de 10.000 livres du parlement en 1792. Son invention multiplie le potentiel de celles réalisées en 1765 par Heargreaves, la fileuse Spinning-Jenny), puis en 1769 par Watt (machine à vapeur avec condensateur) et en 1768 Arkwright avec la fileuse "waterframe".

La dernière machine, qui fonctionne à la vapeur, profite d'un charbon deux fois moins cher grâce aux nouvelles voies de communication contruites dans la région de Manchester, dès 1761 avec le canal de Bridgewater, bientôt suivis par d'autres. Sur la seule période de 1789 à 1793, le parlement anglais autorise la création de 53 sociétés par action pour la construction de canaux, qui vont lever en 4 ans près de 5 millions de livres, essentiellement par le biais d'annonces dans les journaux. Entre 1760 et 1830, 6.000 kilomètres de canaux sont creusés en Angleterre.

A partir de 1789, la machine àvapeur de Cartwright décuple la productivité des filés de coton en dix ans. Cet ingénieur sans fortune emploie 400 ouvriers, tandis le rival Robert Owen en fait travailler 4000 rapidement au même moment dans la ville-champigon écossaise de New Lanark.

Les prix des vêtements en coton baissent, même si dans un premier temps celui de la matière première augmente de 50%, face à l'explosion de la demande. Dans le port de Liverpool le prix de la livre de coton (indice cotlook) passe de 30 à 45 dollars entre 1790 et 1800, avant de retomber à 10 cents, mais seulement en 1840, l'offre de coton brut ne s'adaptant que progressivement à la demande.

[modifier] La culture obligée d'augmenter ses surfaces et ses rendements

Dans les plantations nord-américaines, le recours à la main d'oeuvre noire est en effet limité par l'interdiction de la traite des esclaves en 1805, par l'incapacité des planteurs à imaginer une façon de sortir de l'esclavage pour produire plus et surtout par la lenteur dans la mise en place de nouvelles plantations, vers l'Ouest, où il faut défricher dans de nouveaux Etats encore situés sur la "frontière sauvage".

A partir de 1834, l'Alabama, le Mississipi et la Louisiane cultivent la moitié du coton américain et près de 78% en 1859, si on leur ajoute la Georgie, soit quatre nouveaux états qui ne figuraient pas dans les 13 ayant obtenu l'indépendance en 1784.

Entre temps, la production de la Virginie, qui avait décidé d'abolir la traite dès 1785, diminue, tout comme celles des Carolines, les deux autres anciennes colonies, qui ne pèsent que plus que 10% de la culture du coton américain à la veille de Guerre de Sécession.

Une partie des déplacements d'esclaves s'opéraient par la voie maritime, principalement depuis Norfolk (Virginie) jusqu'à la Nouvelle-Orléans mais la plupart des esclaves étaient forcés à se déplacer à pieds. Des routes de migration régulières étaient établies le long d'un réseau d'entrepôts destinés à l'accueil temporaire des esclaves.

Dans un premier temps, le coton évince d'autres cultures sur les terres existantes, et annexe le plus rapidement possible de nouveaux territoires. Mais la croissance des plantation est ensuite un peu moins forte, car d'autres pays producteurs font leur apparition, plus timidement.

Après explosé entre 1790 et 1805, la part de marché américaine du coton brut ne progresse que lentement, et atteint son pic historique, à plus de 90% du coton brut cultivé dans le Monde, juste à la veille de la guerre de Sécession. Après la défaite militaire des grandes familles qui régnaient sur les plantations du Sud, les Etats-Unis seront concurrencés par de nombreux autres pays producteurs, en Afrique et en Asie, où la productivité devient plus forte.

[modifier] La consommation de coton travaillée par un capitalisme ambitieux

La percée du coton au début du 19e siècle n'est pas seulement technologique. Les nouveaux industriels de la région de Manchester et du Nord des Etats-Unis font preuve d'un savoir-faire marketing impressionnant pour l'époque. La consommation de coton par habitant est multiplisée par sept en Angleterre entre 1830 et 1860. En 1840, 80% de toutes les machines à vapeur d'Europe tournent en Angleterre.

Après avoir explosé au tournant du siècle, la productivité des usines de coton britannique quadruple encore entre 1830 et 1845. Les gains de productivité sont réinvestis dans des baisses de prix et les capitaux circulent vers d'autres industries, qui embauchent aussi, augmentant la demande solvable.

Le résultat est désastreux pour les cotons indiens, qui sont quasiment rayés de la carte mondiale à partir de 1830, causant d'immenses dégats chez les planteurs commes les tisserands.

[modifier] Le coton, culture de l'esclavagisme démographique

Les Etats-Unis (comme colonie anglaise puis Etat indépendant) n'ont accueilli que 5% environ des 11 millions d'esclaves victime de la traite, avec 350.000 à 600 000 personnes, selon les estimations, contre plus de 1,6 million pour les Antilles britanniques, environ 1,7 million pour les Antilles françaises et plus de 4 millions au Brésil.

En 1750, sur 1,5 million d'habitants, l'Amérique du Nord compte 350.000 esclaves noirs. En 4 générations, un siècle plus tard, leurs descendants sont 11 fois plus nombreux: 4 millions d'esclaves noirs, soit dix fois plus qu'à Saint-Domingue, où l’économie sucrière était la plus profitable du monde, et plus du double de la population d'esclave que le Brésil ait jamais eu dans toute son histoire.

[modifier] Moins rentable que le sucre et plus répandu en Amérique du Nord

Le travail dans les plantations de canne à sucre, plus dur, plus rentable pour le planteur, était réservé à une minorité de jeunes esclaves, qui mourraient jeunes. L'espérance de vie bien supérieure des esclaves en Amérique du Nord s’expliquait par des cultures généralement moins pénibles plus que par un «meilleur traitement». Moins rentable que le sucre, le coton s'est cependant plus étendu en raison d'une demande mondiale qui a crû dans des proportions exponentielles, ne laissant au sucre que la partie congrûe des terres nord-américaine et le reléguant plus au sud.

On peut parler de deux esclavages:

  • Celui du sucre, où les rendements élevés vont de pair avec l'espoir de gains très importants sur le marché mondial et une exploitation ultraviolente de la main d'oeuvre, essentiellement pendant la période de traite, qui au Brésil dure jusqu'en 1860.
  • Celui du coton, essentientellement localisé aux Etats-Unis après l'interdiction de la traite, dans un secteur où les progrès technologiques phénoménaux chez les clients industriels créent un gigantesque marché et son corrolaire, une inéluctable progression de l'offre de coton brut qui prive à échéance les planteurs de toute garantie concernant leur futurs prix de vente.

[modifier] Les plantations au Sud, les usines au Nord

Si la culture cotonière a été dopée par l'explosion de la demande, qui a créé une pénurie de matière première, les Etats du Sud n'ont pas profité de cette position de force, pour se lancer dans la transformation du coton. A la veille de la guerre de Sécession, les manufactures de coton représentaient un capital de 43 millions de dollars dans les Etats du Nord, et de 2 millions seulement dans le Tennessee, l'Alabama, la Géorgie et la Caroline du Sud, les états planteurs.


Les filés de coton des usines du Nord sont numéro deux mondiaux dès 1830 et pèsent en 1850 l'équivalent de 288.000 livres sterling par an, plus de la moitié de la production britannique et le double de celle de la France, pays qui compte pourtant alors 35 millions d'habitants contre 22 millions pour les USA.

Dans l'Amérique du 19e siècle, les mentalités sont différents entre les élites du Nord, protestantes avec beaucoup d'ascendants hollandais et français, qui ont développé journaux (trois fois plus nombreux qu'au Sud), bibliothèques (vingt fois plus qu'au Sud) et écoles (deux fois plus) et l'oligarchie des familles de planteurs du Sud, aux valeurs plus aristocratiques, dont l'immigration, surtout britannique, a commencé plus tard mais s'est achevée plus tôt.

Après la guerre de Sécession, les états du Sud auront du mal à s'industrialiser pour remplacer la rente du coton. Beaucoup d'esclaves affranchis n'ont aucune envie de travailler sous le joug de leurs anciens maîtres. Certains connaîtront le chômage, d'autres travailleront dans les usines de la deuxième révolution industrielle, qui s'affirme quelques années après.

[modifier] Les Etats du Sud des Etats-Unis défendent leur domination du marché mondial

La Caroline du Sud a recouru en 1832 à l’ordonnance de "nullification", pour tenter d'annuler la loi protectionniste tout juste établie par le gouvernement fédéral américain. Afin de protéger leur industrie naissante de l’Europe, les États du Nord avaient obtenu de l'Etat fédéral qu'il impose des tarifs douaniers exorbitants.

Cette politique pénalisait les Etats du Sud car elle risquait d'entraîner des rétorsions commerciales de l'Angleterre et donc de couper les planteurs du Sud de leurs grand donneurs d'ordre, les industriels anglais des région de Manchester, et Glasgow.

Les tarifs douaniers favorables au coton brut perdent cependant peu à peu de leur intérêt car d'autres pays se sont mis à cultiver à grande échelle, ce qui pèse sur les prix mondiaux. A partir de 1860, la consommation mondiale de coton ne croît plus aussi vite, les innovations plafonnent et la Bourse américaine n'a plus d'yeux que pour la montée en puissance de trois nouvelles industries : le rail, l'acier et le charbon.