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Le tophet de Salammbô désigne le tophet de la cité antique de Carthage.

la stèle du prêtre, conservée au Musée national du Bardo
la stèle du prêtre, conservée au Musée national du Bardo

Le sujet ne peut se distinguer de la question de la religion phénicienne et punique, ainsi que de la manière dont les rites religieux -et au-delà, la civilisation phénicienne et punique- ont été perçus par les autres peuples auxquels ils ont eu affaire : Les Juifs, pour les Phéniciens, et les Romains, dans le conflit séculaire qui l'opposa à Carthage.

Le « tophet » désigne au départ un lieu proche de Jérusalem, Tophet, lieu de Géhenne et donc de l’enfer. Le nom du lieu provient de sources bibliques et il induit une interprétation sur les rites supposés y avoir lieu, à tort ou à raison. Cette dénomination corrobore donc un postulat partagé par les divers interlocuteurs qui nous ont livré des sources sur les Phéniciens en général et les Puniques en particulier : La religion à Carthage était infernale.

Dans l’imaginaire collectif, le roman de Flaubert[1] , Salammbô en 1862[2] a joué un rôle important, la fiction donnant son nom au quartier où fut trouvé le sanctuaire. De même, encore récemment, « Le spectre de Carthage » des aventures d’Alix, de Jacques Martin, reprend cette interprétation.

Une difficulté majeure réside dans le fait que les seules sources écrites qui citent le rite du sacrifice des enfants à Carthage sont partiales. Les sources archéologiques sont quant à elles sujettes à de multiples interprétations. Ces sources archéologiques dont nous disposons sont les stèles et les cippes, ainsi que le lieu dénommé « tophet » trouvé à proximité des ports.

Le débat fut longtemps vif, et n'est pas encore totalement tranché entre historiens. La plus grande prudence s’impose donc, tant les arguments des uns et des autres semblent imparables, l'historien de l'antiquité se trouvant face à des sources écrites et archéologiques sinon divergentes, du moins soumises à interprétations.

Sommaire

[modifier] Brève histoire d’une découverte

[modifier] Les prémices

  • Les découvertes du 19e siècle : depuis longtemps on connaît la présence de stèles sur le site, les premières indications connues datant de 1817.

Les stèles étaient réparties sur l’ensemble du site de Carthage, de par la dispersion ayant suivi la destruction de 146 avant JC et les opérations d'urbanisme ayant remué le sol lors de la construction de la Rome africaine.

  • Dans l’histoire de Carthage, il faut donner une place à part à celle de la cargaison du Louvre, ainsi que le naufrage de Toulon du 31 octobre 1875, date du naufrage du « Magenta », navire amiral de la flotte de la Méditerranée, à la suite d’un incendie suivi d’une explosion.[3]

A bord se trouvaient plus de 2000 stèles puniques, et d’autres pièces dont la statue de l’impératrice Sabine femme d’Hadrien (117-138). Les pièces archéologiques furent chargées à La Goulette, faisant suite aux fouilles de Pricot de Sainte Marie, interprète au consulat général de France, ces mêmes fouilles étant autorisées par Sadok Bey. A la suite du naufrage, les scaphandriers récupérèrent une partie des stèles et de la statue, ces restes archéologiques prenant diverses directions par la suite. Quant à l’épave, elle est dynamitée afin qu’elle n’empêche pas l’accès au port, les pièces archéologiques étant dispersées entre diverses collections (dont la bibliothèque nationale). Sous 12 mètres de fond, ce qui subsistait de l'épave s’est envasé peu à peu.

Trois campagnes archéologiques sont effectuées en 1995/1998 par Max GUEROUT et le Groupe de recherche en archéologie navale, afin de récupérer des stèles ainsi que la tête de la statue : En avril/mai 1995, la tête de la statue de Sabine est retrouvée. En avril/ mai 1997, environ 60 fragments de stèles, ainsi que des fragments de la statue. Enfin en 1998 77 fragments ou stèles retrouvent la surface.[4]

  • La collection Spiro

Parmi les précurseurs, il faut souligner le rôle tenu par Jean Herszek SPIRO (1847-1914), pasteur et un temps enseignant au collège Sadiki, revenu à Lausanne avec 19 stèles, ayant rédigé un ouvrage sur « Les inscriptions et les stèles votives de Carthage » en 1895.

Nous n’avons aucune indication de la découverte du tophet tant pour les fouilles de Pricot de Sainte Marie que pour les découvertes de Spiro. Tout au plus était soulignée pour le premier des découvertes de stèles dans les réemplois dans des murs d’époque romaine. Tous ces vestiges provenant primitivement du tophet avaient fait l'objet d'un déplacement dès l'Antiquité, et personne ne cherchait un lieu précis où elles avaient pu être regroupées. Les collectes archéologiques de Spiro relevaient surtout d'une recherche épigraphique. Une découverte fortuite allait faire changer notre compréhension de tout un pan de la topographie de la Carthage punique.

[modifier] une date charnière, 1921

Les fouilles du tophet de 1921
Les fouilles du tophet de 1921
  • En 1921 est mise au jour la stèle dite du prêtre, dans le cadre de fouilles archéologiques clandestines qui étaient très fréquentes à l’époque : Une stèle en calcaire, sur laquelle figure un adulte portant un chapeau typique des "kohanim" , prêtres puniques, portant une tunique punique et tenant dans ses bras un jeune enfant fut proposée par un pourvoyeur à des amateurs d'antiquité, Paul Gielly et François Icard, fonctionnaires en poste en Tunisie et amateurs éclairés d'antiquités.

Face à une pièce qui semblait confirmer en tous points les données bibliques et certains auteurs classiques, les deux amateurs se sont émus et ont décidé de mettre fin au côté clandestin afin que nulle découverte ne puisse échapper aux archéologues et historiens. Les deux comparses achetèrent le terrain et y pratiquèrent des fouilles jusqu'à l'automne 1922.

  • La première fouille américaine (Kelsey et Harden) en 1925, apporta une compréhension globale de l'organisation du site. Hélas, le décès de Kelsey dès 1927 entraîna la fin de cette session de fouilles.
  • Le père Lapeyre, père blanc, fouilla un terrain voisin en 1934-1936 et récolta du matériel archéologique et épigraphique divers, mais sans précisions stratigraphiques permettant de comprendre le contexte de la découverte.

[modifier] Les fouilles récentes, de Pierre Cintas aux fouilles de la campagne internationale de l’UNESCO

[modifier] La « chapelle Cintas » et les lieux de culte
une partie du mobilier de la chapelle Cintas, Musée national de  Carthage
une partie du mobilier de la chapelle Cintas, Musée national de Carthage

A partir de la fin de la seconde guerre mondiale, Pierre Cintas effectua des fouilles sur le site, et découvrit l'un des éléments qui souleva une vaste polémique, l'élément dénommé « chapelle Cintas » en honneur de son inventeur, qui fut découvert en 1947. Entouré de maçonnerie dans une chambre d'environ 1 m2, ce qui fut interprété comme un dépôt de fondation de haute époque fut trouvé, constitué de pièces de céramique de diverses origines du VIIIe siècle avant JC, soit le plus ancien élément de la présence des Phéniciens sur cette terre. Les objets ont fait l'objet d'études poussées et étaient déposés dans des anfractuosités sur le sol natif.[5] Les méandres de la datation des céramiques en particulier manifestement égéennes pour une partie d'entre elles permirent une datation moins haute que celle qui fut proposée d'abord par l'inventeur. [6]

[modifier] les dernières fouilles américaines

Ces dernières fouilles, liées à la campagne internationale de fouilles sous l’égide de l’UNESCO ont eu lieu entre 1976 et 1979, sous l'égide de l'American schools of oriental research (ASOR) et de L.E. Stager.


En guise de bilan des fouilles, a été prouvée une utilisation continue du site sur six siècles, avec une surface estimée à 6000 m2, 20000 urnes ayant été découvertes sur diverses strates, « dès que l'aire sacrée était totalement occupée, elle était recouverte de terre et les dépositions recommençaient au niveau supérieur.»[7]

Les restes découverts, dès les premières fouilles, ont fait l'objet d'analyses médico-légales, les résultats ayant semé davantage de troubles que donnant une réponse aux questions lancinantes que se poussaient les spécialistes.

[modifier] Topographie du site et découvertes archéologiques

[modifier] caractères du site

Présentation actuelle du tophet, stèles et cippes de grès d'El Haouaria
Présentation actuelle du tophet, stèles et cippes de grès d'El Haouaria

« Fouiller, c’est détruire » : Cet adage de tout archéologue (le fouilleur détruit l’objet de sa science) est encore davantage valide dans le cas du tophet de par la nature du site, la superposition des stèles et urnes. Il faut signaler de même que le périmètre du site n'est pas connu précisément, du fait du bouleversement du site de Carthage depuis l’époque romaine, et de l'urbanisation intense qui fait que le tophet se situe actuellement dans un quartier résidentiel.

  • Localisation dans la ville.

A l'extrême sud de la cité, à proximité du "port commercial", le site était situé à un endroit particulièrement insalubre et marécageux. Lors des fouilles les archéologues atteinrent un niveau d'eau saumâtre. Le tophet de Motyé était lui aussi situé à l'écart de la ville des vivants et même de la nécropole stricto sensu.

  • Un site vierge à l'arrivée des marchands phéniciens, aucune couche archéologique antérieure n'ayant été trouvée. Ce caractère est valable également pour les autres tophets qui ont pu être reconnus et fouillés.
  • Un site à l'air libre. L'image la plus connue du tophet est celle de la partie qui est située sous des voûtes romaines, et qui a été dégagée lors des fouilles Kelsey. Cette image, il faut bien l'avouer, qui correspondait assez à un lieu où le sacrifice tant honni aurait eu lieu, n'est pas l'espace tel qu'il se présentait à l'époque, délimité et à l'air libre.
  • Un site clos. A Carthage, l'enceinte du tophet n'a toutefois pas été reconnue que très partiellement, au moment des fouilles de Pierre Cintas. Cependant cette enceinte semble avoir été débordée assez tôt, dès le Ve siècle. Pour ce qui est de la surface précise du tophet, il est fort peu probable qu'on la connaisse un jour, de par l'emprise urbaine de la Carthage contemporaine, en particulier dans la zone littorale.
  • Un site à une double fonction : votive (stèles portant dédicace à Ba'al Hammon ou à Tanit) et funéraire (stèles funéraires).[8] Le double caractère trouve un élément de preuve dans le fait que le terme « molk » (offrande) est très peu présent dans les stèles épigraphiées, les autres étant associées à des urnes funéraires sans autre indication.

[modifier] Stratigraphie du tophet et typologie des stèles et cippes

Stratigraphie de Harden, fouilles de Kelsey,1925
Stratigraphie de Harden, fouilles de Kelsey,1925
Stratigraphie du tophet, fouilles ASOR,1976-1979
Stratigraphie du tophet, fouilles ASOR,1976-1979

[modifier] Organisation en périodes (Tanit I, II, III)

La typologie du produit des découvertes et en particulier des stèles est le fruit des fouilles américaines et d'abord des fouilles Kelsey-Harden de 1925, et s'est vue affinée dans les années 1970.

  • Caractère général des dépositions :
    • Une urne entourée de pierres, qui contenait des os brûlés.
    • Offrandes funéraires : des masques de terre cuite et de petits masques de pâte de verre ont été trouvés.
    • Monuments : stèles ou cippes.

« Compte-tenu des divers types de poteries renfermant les cendres de victimes et de l'installation des dépôts sacrificiels, on peut distinguer trois phases dans cette stratification : la plus ancienne, où les vases étaient recouverts sous des tas de petites pierres ou sous des galets ; la deuxième [...]qui contient des urnes posées sous des pierres en forme d'obélisque, de bétyles ou sous des cippes de divers types ; la plus récente enfin, qui est caractérisée par des stèles plates à sommet triangulaire, parfois flanqué d'acrotères.[9] »

  • Caractères des diverses périodes.
    • Tanit I (750-600): cippes et bétyles de grès, urnes déposées dans des anfractuosités du sol natif, cippe-trône de grès.
    • Tanit II (Ve siècle-IIIe siècle avant JC): Cippe-trône encore à Tanit IIa mais à Tanit IIb stèles de calcaire
    • Tanit III (-IIIe|IIIe siècle]]-146): stèles de calcaire (2nd siècle), fines, avec acrotères.

[modifier] Types de motifs présents sur les stèles

Ces signes se trouvent particulièrement sur les stèles tardives, les stèles des premières catégories étant signifiantes de par leurs formes des influences s'exerçant, en particulier égyptiennes.

On trouve de nombreux symboles religieux :

  • Signe dit de Tanit.
  • Signe de la bouteille : ce signe a pu être identifié avec la déesse-mère présente de façon immémorielle dans le bassin méditerranéen.
  • Signes astraux : lune et soleil, parfois entrecoisés en une rosace, symbole d'éternité.

Sur les stèles tardives, une ornementation figurative se fait jour : On trouve des animaux (éléphants), des éléments végétaux (palmiers), des humains tels une main ouverte, des portraits laissant transparaître l'influence hellénique, et bien évidemment des représentations d'hommes dans l'intégralité (scène du prêtre avec l'enfant), et des éléments marins (bateau).

Ce métissage de traits sémitiques et d'apports externes, est surtout net et fort à partir du moment où Carthage a eu des contacts avec le monde grec, en particulier avec les contacts en Sicile.

[modifier] Epigraphie punique

Les stèles sont parfois gravées d'inscriptions du même type mais qui laissent apparaître le tophet comme « un sanctuaire d'expression populaire et de piété fervente.» [10]

Soit les dédicants demandent un voeu, soit ils remercient de la réalisation :

« A la grande dame Tanit Péné Ba'al et au seigneur Baal Hammon, ce qu'a offert (untel), fils d'(untel), Qu'ils (Ba'al) ou qu'elle (Tanit) entende(nt) sa voix et le bénisse(nt).  »

Les inscriptions sont stéréotypées en un « formulaire désespérément sec et répétitif.»[11]

[modifier] Occupation romaine du site

A l'époque romaine, le site fut réutilisé : Les fondations d'un temple de Saturne furent découvertes dans les fouilles, de nombreuses fondations d’édifices ultérieurs ont percé les couches archéologiques. Sont visibles sur le site des piles des fondations romaines, à l'endroit du tophet qui fut fouillé par Pierre Cintas. Furent également dégagés sur le site des ateliers d’artisans (potiers) et des hangars.

Le site actuel est un élément important de la visite de la Carthage antique, bien que la mise en scène actuelle constitue une présentation hétéroclite de stèles appartenant à diverses époques, et surtout les plus anciennes. Ne sont exposées pratiquement que des stèles de grès d'El Haouaria, nous trouvons cependant quelques stèles de calcaire plus tardives dans la partie voûtée.

[modifier] Questions autour de l’interprétation du site

[modifier] les sources antiques

[modifier] sources à charge

« Ils [les Carthaginois] estimèrent que Kronos aussi leur était hostile, en raison de ce qu'eux, qui auparavant sacrifiaient à ce dieu les meilleurs de leurs fils, s'étaient mis à acheter secrètement des enfants qu'ils nourrissaient, puis envoyaient au sacrifice. Après enquête on découvrit que certains des [enfants] sacrifiés avaient été substitués. Considérant ces choses et voyant l'ennemi campé devant les murs [l'armée d'Agathocle], ils éprouvaient une crainte religieuse à l'idée d'avoir ruiné les honneurs traditionnels dus aux dieux. Brûlant du désir de réparer leurs errements, ils choisirent deux cents enfants des plus considérés et les sacrifièrent au nom de l'Etat. D'autres, contre qui on murmurait, se livrèrent volontairement ; ils n'étaient pas moins de trois cents. Il y avait chez eu [à Carthage]une statue de Kronos en bronze, les mains étendues, la paume en haut, et penchées vers le sol, en sorte que l'enfant qui y était placé roulait et tombait dans une fosse pleine de feu.[13] »

    • Denys d'Halicarnasse, Archéologie romaine, I, 38, 2 : « On dit que les Anciens sacrifiaient à Cronos à la façon dont cela se passait à Carthage tant que dura la cité. »[14]
    • Porphyre, De l'abstinence, II, 56, 1 : «  Les Phéniciens, lors des grandes calamités que sont les guerres, les épidémies ou les sécheresses, sacrifiaient une victime prise parmi les êtres qu'ils chérissaient le plus, et qu'ils désignaient par un vote comme victime offerte à Cronos. »
    • Plutarque, De la superstition, XIII : « C'est en pleine conscience et connaissance que les Carthaginois offraient leurs enfants, et ceux qui n'en avaient pas achetaient ceux des pauvres comme des agneaux ou de jeunes oiseaux, tandis que la mère se tenait à côté sans larmes et sans gémissements. Si elle gémissait ou pleurait, elle devait perdre le prix de la vente, et l'enfant n'en était pas moins sacrifié ; cependant, tout l'espace devant la statue était rempli du son des flûtes et des tambours afin qu'on ne pût entendre les cris. »
    • Tertullien, Apologétique, IX, 2 : «  Des bébés étaient immolés publiquement à Saturne en Afrique jusqu'au proconsulat de Tibère, qui exposa les prêtres eux-mêmes aux arbres mêmes qui ombrageaient leurs crimes, croix votive : témoin la milice de notre patrie qui exécuta cet ordre du proconsul. Mais aujourd'hui encore ce crime sacré persiste en secret. »[15]

[modifier] silence d'autres sources majeures

Face à ces textes accablants, il faut signaler le silence d’autres historiens qui dénote, notamment quand il s'agit de sources majeures pour l'histoire antique tels qu'Hérodote, Thucydide, Polybe, ou Tite-Live, ce « silence [...] détonne fortement dans le concert des accusations d'impiété et de perfidie qui sont, chez les auteurs classiques, le lot habituel des Carthaginois. »[16]

[modifier] débats actuels

Tophet sous des fondations romaines
Tophet sous des fondations romaines

Il ne s'agit pas là que de rappeler que les sacrifices humains étaient fort répandus, et particulièrement lors de périodes de troubles ou de difficultés. La mythologie se fait l'écho de cette pratique au travers du mythe d'Iphigénie et on se contentera de rappeler qu’à Rome même, fort tardivement, on sacrifia un couple de Gaulois et de Grecs sur le forum boarium, sacrifice relaté par Tite Live dans son Histoire romaine, Ab urbe condita. [17]

  • Interprétation; auteurs diffèrent.

Déjà, dès la découverte du tophet, et face aux affirmations et interprétations qui étaient conjectures, Charles Saumagne s'indignait. Le débat a toujours été vif, les recherches successives ne permettant pas encore de trancher le débat de façon définitive. Les historiens de l'antiquité s'affrontaient encore récemment :

    • Sacrifices irréfutables : Selon L.E Stager « L'analyse des contenus et le contexte archéologique, ainsi que la reconsidération des sources écrites [...] démontrent sans aucun doute que le sacrifice des enfants était pratiqué à Carthage depuis au moins 750 jusqu'à la destruction de la ville. » [18]
    • Contrôle des naissances : Le même auteur souligne qu' « à Carthage, le sacrifice d'enfant n'avait pas une dimension religieuse mais aussi des aspects sociaux et économiques.[...] L'infanticide semblait moins hasardeux pour la santé de la mère que l'avortement d'un foetus ; de plus, cette pratique permettait aux parents de réguler les naissances et d'effectuer une sélection par le sexe. Parmi l'élite économique de Carthage, l'institution religieuse du sacrifice d'enfants peut avoir été utilisée par les familles riches pour consolider et maintenir leur fortune en leur permettant de modérer le nombre d'héritiers mâles entre lesquels l'héritage aurait dû être partagé ainsi que le nombre de filles à doter au moment de leur mariage.»[19]
    • Nécropoles d'enfants morts-nés ou morts jeunes : Sabatino Moscati affirme pour sa part que « le tophet, aire sacrée dédiée aux deux divinités suprêmes Tanit et Ba'al Hammon, était le lieu où étaient brûlés et, par la suite ensevelis dans des urnes, des enfants morts-nés ou morts peu après leur naissance. Les tombes des très jeunes enfants qu'on ne trouve pas dans les nécropoles se trouvent en réalité dans le tophet. Le sanctuaire abritait ainsi les restes de ceux qui, morts trop tôt, étaient exclus de la société des adultes et de leurs nécropoles. Là ils étaient voués ou offerts à la divinité, en étant incinérés de façon rituelle. » [20]
    • Evolution dans le temps, développement d'un sacrifice de substitution dit « molchomor » (sacrifice de l'agneau) : F.Decret[21] et également M.Gras et alii, le sacrifice étant accompli « souffle pour souffle, sang pour sang, vie pour vie. »[22] La difficulté de cette interprétation concerne l'utilisation d'inscriptions romaines du second siècle de notre ère, ainsi que par le constat dans l'analyse du contenu des urnes à une réduction de la proportion de substitutions au fil du temps.
    • Sacrifice exceptionnellement pratiqué, dans des circonstances particulièrement graves.[23]
    • Nécropole enfants sacrifiés (parfois sacrifices de substitution de jeunes animaux) et ceux décédés. le tophet est perçu comme un « hybride de sanctuaire et de nécropole »[24], les jeunes enfants étant inhumés dans le même lieu qui connaît des « sacrifices humains occasionnels, comme chez beaucoup de peuples de cette époque. »[25]

[modifier] Un débat qui n’est pas encore tranché par la médecine

Dès la découverte du site les archéologues ont tenu à mettre en place de véritables analyses médico-légales,[26] même si le but -inavoué il faut bien le dire, était de trouver une confirmation des assertions des auteurs anciens les plus prolixes sur les Carthaginois.

  • Echantillonnage
  • Contenu des urnes
    • enfants très jeunes (maximum 3 ans) hormis un cas unique d'enfant d'environ 12 ans.[27]
    • petits animaux : capridés et quelques cas d'oiseaux.

On peut constater une évolution dans le temps : Alors que les urnes analysées datées du VIIe siècle voient parmi elles environ un tiers de substitution, la part de restes de petits animaux est d'une urne sur dix au IVe siècle.

  • Interprétation

Les résultats des analyses de l'institut de médecine de Lille ont inquiété, les médecins se refusant de faire des tophets des « nécropoles réservées à des cadavres d'enfants ou de foetus, ou de nouveaux-nés, cadavres incinérés avant l'inhumation ».[28]

La médecine est incapable en l’état actuel d’indiquer les raisons des décès, il est impossible de dire « si les enfants incinérés étaient mis vivants sur le bûcher ou bien s'ils étaient déjà décédés de mort naturelle. »[29]

Pour le tophet de Salammbô, jusqu'à nouvelle découverte, la confrontation des sources écrites et archéologiques reste sujette à débat, la rencontre de sources diverses et convergentes tant attendue par les historiens et les archéologues n'ayant pas eu lieu.

[modifier] Références

  1. qui qualifiait le rite décrit dans son roman de « grillade de moutards », citation extraite de Connaissance des Arts n°344, ‘’La Méditerranée des Phéniciens’’, p.62
  2. En particulier le chapitre ‘’Moloch’’
  3. Voir la fiche du navire
  4. Voir à ce propos sur le site du ministère de la culture http://www.culture.gouv.fr/culture/archeosm/archeosom/magen-s.htm
  5. Voir G. et C. Charles-Picard, La vie quotidienne à Carthage au temps d'Hannibal, pp. 37-45
  6. Pierre Cintas changea son interprétation de sa découverte entre 1948, un article de la Revue tunisienne un sanctuaire précarthaginois sur la grève de Salammbô, et 1970, tome I de son manuel d'archéologie punique ayant daté initialement le dépôt de la fin du IIe millénaire avant JC, pour la placer dans la première moitié du VIIIe siècle, pp. 315-324
  7. [Dir.] E. Lipinski, Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, p 463
  8. M.Sznycer, la religion punique à Carthage, dans Carthage, l'histoire sa trace et son écho p. 100-106
  9. F.Decret, Carthage ou l'empire de la mer, p. 145-146
  10. Selon H.Benichou-Safar, « les rituels funéraires des Puniques » dans La Méditerranée des Phéniciens de Tyr à Carthage pp.247-255, cit. p.254
  11. S.Lancel, Carthage, p.340
  12. Cité par Hedi SLIM, La Tunisie antique de Hannibal à Saint Augustin, p. 64
  13. Voir la lecture critique de ce texte dans M.Gras, P.Rouillard, J.Teixidor, L'univers phénicien, pp. 178-179
  14. Cité par M.Gras, P.Rouillard, J.Teixidor, L'univers phénicien, p. 176
  15. Cité par C.Hugoniot, Rome en Afrique, p. 159
  16. S.Lancel, Carthage, p. 348
  17. Tite-Live, Histoire romaine, XXII, 57, 1-6 : « sur l'indication des livres du destin, on fit plusieurs sacrifices extraordinaires : entre autres, un Gaulois et une Gauloise, un Grec et une Grecque furent enterrés vivants au marché aux Boeufs, dans un endroit clos de pierres, arrosé déjà auparavant du sang de victimes humaines, cérémonie religieuse bien peu romaine. »(« Interim ex fatalibus libris sacrificia aliquot extraordinaria facta, inter quae Gallus et Galla, Graecus et Graeca in foro bouario sub terram uiui demissi sunt in locum saxo consaeptum, iam ante hostiis humanis, minime Romano sacro, imbutum. »)
  18. L.E.Stager, cité par A.Beschaouch, La légende de Carthage, p.79-80
  19. L.E Stager, « le tophet et le port commercial », Pour sauver Carthage, UNESCO/INAA 1992, p.75
  20. Cité par A.Beschaouch, La légende de Carthage, p.80
  21. Voir en particulier Carthage ou l'empire de la mer, pp.138-147
  22. M.Gras, P.Rouillard, J.Teixidor, L'univers phénicien, p.178
  23. M.Gras, P.Rouillard, J.Teixidor, L'univers phénicien, p.180
  24. H Bénichou-Safar, La Méditerranée des Phéniciens, p.255
  25. H Bénichou-Safar, La Méditerranée des Phéniciens, p.255
  26. Tant pour les fouilles Icard de 1922-1924 que pour les fouilles Cintas et plus récemment l'équipe de L.E.Stager
  27. M.Gras, P.Rouillard et J.Teixidor, L'univers phénicien, p.186
  28. P.Rohn, auteur d'une thèse en 1950 sur la détermination de l'âge des enfants incinérés à Carthage et à Sousse, cité par M.Gras, P.Rouillard et J.Teixidor, L'univers phénicien, p.186
  29. Cité par A.Beschaouch, La légende de Carthage, p.78


[modifier] Bibliographie

  • M.Gras, P.Rouillard, J.Teixidor, L'univers phénicien, Arthaud, 1989 (ISBN 2700307321)
  • L.E. Stager : "le tophet et le port commercial", Pour sauver Carthage. Exploration et conservation de la cité punique, romaine et byzantine, éd. Unesco/INAA, 1992, pp 73-78 (ISBN 9232027828)
  • Édouard Lipinski [sous la dir.], Dictionnaire de la civilisation phénicienne et punique, éd. Brépols, Paris, 1992 (ISBN 2503500331)
  • Hedi Slim et Nicolas Fauqué, La Tunisie antique, d'Hannibal à St Augustin, éd. Mengès, 2001
  • Carthage, l'histoire, sa trace et son écho, Catalogue exposition 1995 (ISBN 9973220269)
  • Carthage, approche d'une civilisation, M Fantar
  • La vie quotidienne à Carthage au temps d'Hannibal,G et C Charles-Picard, 1958.
  • Carthage ou l'empire de la mer, F Decret
  • La Méditerranée des Phéniciens de Tyr à Carthage [sous la dir.] Badr-Eddine Arodaky, Somogy-IMA, 2007 (ISBN 9782757201305)
  • La Méditerranée des Phéniciens, Connaissance des Arts n°344, octobre 2007.
  • Les Phéniciens, marins des trois continents, C.Baurain et C.Bonnet, Armand Colin, 1992 (ISBN 2200212232)
  • S Lancel : « questions sur le tophet de Carthage » pp. 40-47, La Tunisie carrefour du monde antique Editions Faton 1995

[modifier] Voir aussi

[modifier] Liens internes

[modifier] Liens externes

  • Sur la fouille du « magenta » :

Site archéologie navale

http://www.culture.gouv.fr/culture/archeosm/archeosom/magen-s.htm

Notice du site du Louvre sur la tête de Sabine retrouvée sur le Magenta


  • Sur la collection Spiro

Spiro et sa collection de stèles


http://remmm.revues.org/document2933.html