Patriarcat (sociologie)

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Le patriarcat se rapporte à un système social qui voit l'homme accéder au statut de pater familias, soit à celui de dépositaire de l'autorité au sein de la famille, tant au sens large de clan familial qu'au sens plus restreint de « chef de famille » dans la cellule familiale. La perpétuation de cette autorité au travers de la tradition patriarcale passe notamment par la transmission du patronyme et implique la subordination des femmes au membre masculin recueillant cette autorité qu'est le père, le mari ou à défaut le frère. Impliquant l'oppression d'un sexe sur l'autre, il s'agit d'un système sexiste fondé sur la division sexuée du travail qui elle même s'alimente d'une discrimination. Le patriarcat est un système de classes, les hommes bénéficiant du travail gratuit des femmes dans la sphère domestique (appropriation privée) mais aussi dans l'économie marchande (main-d'oeuvre gratuite des maris et pères artisans, agriculteurs, professions libérales, chefs d'entreprise).

le patriarcat induit dans le genre pictural / détail du Jardin des délices de Jérôme Bosch, panneau de gauche représentant l'Éden avant la chute
le patriarcat induit dans le genre pictural / détail du Jardin des délices de Jérôme Bosch, panneau de gauche représentant l'Éden avant la chute

Sommaire

[modifier] Apparition dans les sociétés humaines

Le système patriarcal apparaît avec le néolithique. Il succède non pas à un « matriarcat » (né d'imaginations évolutionnistes et encore utilisé par la littérature, la bande-dessinée ou le cinéma) mais davantage à une société dont les caractéristiques prépondérantes étaient matrilocales et matrilinéaires, comme en témoigne l'archéologie. A cette époque, les humains découvrent, avec le lien entre l’acte sexuel et la naissance d’un enfant, l’existence du géniteur. L'homme qui croit être l’élément le plus important dans la procréation puisqu’il apporte la semence, en fait un prétexte pour inférioriser la femme qui passe du statut de divinité créatrice à celui de simple réceptacle. La femme comme la terre perdent leur caractère sacré et l’homme se donne alors le droit de les maîtriser. L’homme invente l’agriculture et installe la phallocratie.


L'hypothèse de la naissance du système patriarcal en concomitance avec la domestication du cheval chez les populations indo-européennes des Kourganes a été avancée par Marija Gimbutas.

  • Nota bene
    • Le patriarcat étant un système d'exploitation, est social et humain, il n'y a donc pas de patriarcats chez les animaux.

[modifier] Conditions d'apparition et caractéristiques du système patriarcal

Il semble, selon Elizabeth Barber, et c'est la thèse « gradualiste », que deux conditions fondamentales au moins soient nécessaires pour que le patriarcat puisse émerger : en premier lieu, le commerce des métaux, ce qui nécessairement nous ramène aux alentours de l'âge du bronze. Cette activité qu'est l'extraction, la fusion et le commerce des métaux pourrait avoir monopolisé l'énergie masculine puisque les femmes, ralenties dans leur liberté de mouvement par les nourrissons et les enfants en bas âge *, dès le mésolithique où la famille n'est déjà plus le clan mais la famille composée des enfants, parents et grands-parents, ne pouvaient voyager sur de longues distances. En second lieu, la division du travail, liée à l'amélioration des conditions de vie et au désir de réunir le nécessaire pour le mieux-être que cette amélioration procure, semble rentrer en ligne de compte.

  • NB : cette mythologie patriarcale des femmes toujours enceintes est dénoncée par Christine Delphy dans Protoféminisme et antiféminisme in "L'ennemi Principal, l'économie politique du patriarcat". Sur la question de l'hyper-fécondité des femmes sous les patriarcats, cf. les analyses de Paola Tabet de la "reproduction forcée", et de toutes les techniques patriarcales de taylorisation de la reproduction dans "La construction sociale de l'inégalité des sexes, des outils et des corps".

Ce ne sont cependant pas les seules conditions, et d'autres thèses sont envisagées. Selon Evelyn Reed, le système de parenté joue le rôle de déclencheur. Sans doutes, toutes jouent-elles un rôle plus ou moins important et déterminant dans ce processus.

Selon Colin Spencer, le patriarcat apparaît avec la fin du nomadisme. Le nouveau mode de vie sédentaire aurait entraîné la nécessité de protéger l'accumulation des richesses alors que ce n'était pas nécessaire auparavant. La nécessité de protéger la richesse (accumulés pas la sédentarité) entraîna l'obligation d'une organisation militaire. Les hommes s'attribuèrent les tâches politiques et militaires puisqu'ils étaiten physiquement plus forts* et parce que les femmes étaient en meilleure position pour s'occuper des enfants**. Bref, l'ensemble des pouvoirs politiques tombèrent dans les mains des hommes avec l'apparition de la sédentarité.

  • NB justification patriarcale d'une inégalité sociale massive : le monopole des affaires publiques, des moyens de productions et des moyens symboliques; cf. à ce propos Paola Tabet, les mains les outils les armes, in La construction sociale de l'inégalité ...
    • NB cette affirmation n'est motivée par rien : c'est la division sexiste du travail qui explique les affinités électives des individus à certaines tâches : les productives et socialement et économiquement valorisées sont attribuées aux dominants, les tâches répétitives et gratuites, absorbées dans l'économie virile, sont dévolues aux femmes (entretien matériel des enfants et des invalides du groupe, entretien matériel des hommes valides du groupe... pour la description du rapport d'appropriation totale que constitue la division sexuée du travail[1].

[modifier] L'analyse féministe

L'analyse féministe du patriarcat se concentre fréquemment dans des sujets concernant le pouvoir, ce que résume le dénommé « Mantra du viol » : «le viol relève d'une affaire de pouvoir, pas de sexe.»

Les féministes, se rapportant au thème du pouvoir, distinguent l'influence (sur d'autres personnes) de la capacité (à agir)[2].

se reporter aux articles Histoire des femmes et féminisme radical


[modifier] Notes

  1. Colette Guillaumin, "Sexe, Race et Pratique du pouvoir"

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Amneus (Daniel), The Case for Father Custody, 2000, Primrose Press.
  • Amneus (Daniel), The Garbage Generation, 1990, Primrose Press.
  • à propos de la subordination des femmes :
  • Delphy (Christine), L’ennemi principal 1, l’économie politique du patriarcat, 1998, Paris : Editions Syllepse, coll. « Nouvelles Questions Féministes ».
  • Delphy (Christine), L’ennemi principal 2, penser le genre, 2001, Paris : Editions Syllepse, coll. « Nouvelles Questions Féministes ».
  • Ferrand Michèle, Féminin-masculin, Paris, La Découverte, Repères, n° 389.
  • Guillaumin (Collette), Sexe Race et Pratique du pouvoir. L’idée de nature, 1992, Paris : Côté femme, coll. «  Recherche ».
  • Guillaumin (Colette), L’idéologie raciste, genèse et langage actuel, 2002, Paris, Ed. Gallimard, coll. Folio essais.
  • Mathieu (Nicole-Claude), L’anatomie politique : catégorisations et idéologies du sexe, 1991, Paris : Côté femme, coll. «  Recherche ».
  • Mathieu (Nicole Claude), L’arraisonnement des femmes, essais en anthropologie des sexes, 1985, édition de l’EHESS, (textes réunis par)
  • Tabet (Paola), La construction sociale de l’inégalité des sexes. Des outils et des corps, 1998, Paris : l’Harmattan, coll. «  Bibliothèque du féminisme ».
  • Tabet (Paola),La grande arnaque, sexualité des femmes et échange économico-sexuel, Paris : L’ Harmattan, coll. « Bibliothèque du féminisme ».
  • Dictionnaire critique du féminisme Hirata, Laborie, Le Doaré, Senotier
  • Gabard (Jean),L'invention du père limite à la "toute-puissance" féminine dans Le féminisme et ses dérives Du mâle dominant au père contesté, (http://www.jeangabard.com/) 2006, Paris, Les Editions de Paris.

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes