Pastel des teinturiers

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Pastel des teinturiers
Isatis tinctoria
Isatis tinctoria
Classification classique
Règne Plantae
Division Magnoliophyta
Classe Magnoliopsida
Ordre Capparales
Famille Brassicaceae
Genre Isatis
Nom binominal
Isatis tinctoria
L., 1753
Classification phylogénétique
Ordre Brassicales
Famille Brassicaceae
Plante en fleurs
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Le pastel des teinturiers est une plante bisannuelle de la famille des Brassicacées, très cultivée autrefois pour la production d'une teinture bleue, le pastel.

Nom scientifique : Isatis tinctoria L., sous-famille des Brassicoideae.

Noms vernaculaires : pastel, pastel des teinturiers, guède ou guesde, waide, herbe de saint Philippe, or bleu de Picardie, herbe du Lauragais (France), woad (anglais), glastum (latin), Waid (allemand), weede (néerlandais), guado (italien), guasto (espagnol), nilo et "urzet barwierski" (polonais), ijenack (russe)

Le nom de « pastel » vient du latin pasta, pâte (autrefois les feuilles étaient broyées dans les moulins à pastel et formaient une pâte ensuite fermentée et séchée).

Le terme « guède », autrefois « vouède » (picard : waide) dérive d'une racine germanique qu'on retrouve dans l'anglais woad et dans l'allemand Waid.

Sommaire

[modifier] Description

Aspect général
Aspect général

La plante forme une rosette de feuilles basales la première année. Ces feuilles sont vertes, oblongues lancéolées. La deuxième année, elle émet une tige dressée qui peut atteindre 1,5 m de hauteur, sur laquelle s'étagent des feuilles plus petites, les feuilles supérieures embrassant la tige par des oreillettes.

Les fleurs, à pétales jaunes, sont groupées en grappes.

Les fruits sont des siliques de petite taille.

Ce sont les feuilles qui sont récoltées pour la production de teinture.

[modifier] Distribution

Cette espèce est spontanée en Afrique du Nord, en Europe et en Asie occidentale, jusqu'au Xinjiang (Chine).

Elle a été répandue par la culture dans toute l'Europe, particulièrement en Europe occidentale et méridionale depuis des temps très reculés.

Isatis tinctoria est considérée comme une plante envahissante dans une partie des États-Unis d'Amérique.

[modifier] Utilisation

[modifier] Plante tinctoriale

La teinture bleue est extraite des feuilles de la plante. Ces feuilles, allongées, se détachent facilement par simple torsion lorsqu'elles ont atteint leur maturation au solstice d'été. Mais la récolte se poursuit de juillet à novembre jusqu'à ce la plante ne possède plus de feuilles[1]. Puis on les écrase en les mélangeant à de l'eau pour en exprimer une pulpe que l'on comprime sous forme de boulettes ou « cocagnes » de quelques centimètres. Ces boulettes fermentent en séchant pendant un à deux mois. Au bout de cette période, les cocagnes sont écrasées dans un moulin et la poudre est additionnée d'urine pour provoquer une oxydation : on obtient ainsi une pâte qui, séchée, donne la poudre tinctoriale, contenant de l'indigotine[2]. Il s'agit bien d'une teinture, qui se révèle par oxydation et est ensuite d'une très grande stabilité. L'usage du pastel comme pigment colorant était un sous-produit de la teinture : on recueillait l'écume à la surface des bains de teinture, et cette fleurée séchée donnait une poudre bleue utilisée comme pigment pour des peintures. On en voit des exemples dans les peintures murales de la cathédrale Sainte-Cécile d'Albi.

Aujourd'hui, les feuilles de pastel sont mélangées à l'eau. Cette phase de macération permet d'extraire l'indoxyle qui est une fois oxydée l'élément chimique donnant la coloration bleue. L'indoxyle est d'abord incolore. Il est oxygéné par agitation pour provoquer son oxydation. Le liquide passe alors de la couleur verte à la couleur bleue intense. Une fois l'oxydation achevée, le liquide est mis au repos et le pigment est récupéré au fond de la cuve par précipitation. Il est ensuite filtré plusieurs fois pour le raffiner[3]. Il faut 1 tonne de feuilles de pastel pour produire 2 kilos de pigments[4].

La culture du pastel en Europe a décliné avec l'arrivée de l'indigo au XVIIe siècle. Elle a disparu presque totalement à la fin du XIXe. Actuellement, on assiste à des tentatives de remettre à l'honneur cette plante, pour ses vertus particulières. Un agriculteur de la Somme, en France, Jean-François Mortier, essaie de faire revivre cette tradition [5]. À Lectoure, dans le Gers, un chimiste belge, Henri Lambert, produit des teintures et des pigments de pastel avec des techniques nouvelles sans rapport avec la longue fabrication traditionnelle[6].

[modifier] Plante fourragère

[modifier] Plante ornementale

[modifier] Plante médicinale

La racine du pastel des teinturiers (appelée ban lan gen en chinois) est employée en médecine populaire chinoise contre les oreillons, l'hépatite infectieuse, le mal de gorge, le mal de tête et la fièvre.

Récemment, des scientifiques ont découvert que le pastel des teinturiers pourrait servir à prévenir le cancer, car il a un taux de glucobrassicine vingt fois supérieur à celui du brocoli[7].

[modifier] Histoire

Le pastel fut la seule source de teinture bleue disponible en Europe jusqu'à la fin du XVIe siècle, avant que le développement des routes commerciales vers l'Extrême Orient permette l'arrivée de l'indigo.

Les premières traces archéologiques du pastel remontent au Néolithique et ont été trouvées dans la grotte de l'Audoste dans les Bouches-du-Rhône en France. Dans un habitat de l'Âge du fer du Heuneburg (Allemagne), on a trouvé des impressions de graines sur des poteries. Les sépultures du Hallstatt de Hochdorf et de Hohmichele contiennent des tissus teints au pastel.

Jules César raconte dans ses Commentaires sur la Guerre des Gaules que les Brittons se peignaient le corps avec du vitrum ; on en a souvent déduit qu'ils se peignaient ou se tatouaient à l'aide de pastel. Mais vitrum ne se traduit pas par « pastel », mais se réfère plus vraisemblablement à un type de verre bleu-vert qui était courant à l'époque[8].

Les Pictes doivent probablement leur nom (du Latin Picti, désignant des personnes peintes ou peut-être tatouées) à leur coutume d'aller au combat nus, couverts seulement de peintures de guerre. (Cela a été commémoré dans une chanson humoristique britannique, The Woad Ode.) Cependant, des recherches plus récentes ont jeté de sérieux doutes sur l'hypothèse selon laquelle le pastel serait la substance dont les Pictes se servaient pour leurs peintures corporelles. Des expériences contemporaines sur le pastel ont démontré qu'il ne convenait pas du tout pour les peintures corporelles ni comme pigment de taouage. En effet, le pastel étant très astringent, il provoque, lorsqu'on l'emploie pour faire un taouage ou qu'on le pose sur une blessure, une forte réaction cicatricielle et, une fois cicatrisé, ne laisse aucune marque bleue. En outre, l'emploi courant de fumier dans les préparations traditionnelles de teinture de pastel rend aussi invraisemblable qu'elles aient pu être appliquées à des blessures[9].

Dans les niveaux de l'âge des Vikings à York (Angleterre), on a mis au jour les vestiges d'une échoppe de teinturier et des restes de pastel et de garance datant du Xe siècle. A l'époque médiévale, les centres de culture du pastel se situaient notamment en Angleterre (Lincolnshire et Somerset), en France (Bretagne, Normandie, Somme, Gascogne et Toulouse), en Allemagne (Jülich, région d'Erfurt en Thuringe) et en Italie (Piémont et Toscane). Les habitants des cinq villes du pastel de Thuringe, Erfurt, Gotha, Tennstedt, Arnstadt et Bad Langensalza avaient leurs propres chartes. A Erfurt, les négociants du pastel ont financé la création de l'université. Un tissu traditionnel est encore de nos jours imprimé au pastel en Thuringe, en Saxe et en Lusace : il y est connu sous le nom de Blaudruck (littéralement « teinture bleue »).

En France, le triangle compris entre Toulouse, Albi et Carcassonne connut une grande prospérité grâce au commerce du pastel. Les pastelliers figuraient parmi les plus grandes fortunes de l'époque et ont laissé de nombreux témoignages, comme les grands hôtels particuliers de Toulouse. Le commerce des coques débutait dans cette région appelée « pays de cocagne ». Les coques transitaient dans les ports français de Bordeaux, Marseille et Bayonne. Le XVIe siècle marque l'apogée de la culture du pastel occitan. Le bleu était devenu un produit de luxe[10].

Au Moyen Âge, l'utilisation de la teinture de pastel ne se limitait pas aux tissus. Ainsi l'illustrateur des Évangiles de Lindisfarne employait un pigment à base de pastel comme couleur bleue.

[modifier] Notes

  1. Sébastien Vaissière et Alain Félix, Le Pastel, Visite en pays de cocagne, Édition Loubatières, juin 2006, (ISBN 2-86266-492-8), p.18
  2. Sébastien Vaissière et Alain Félix, Le Pastel, Visite en pays de cocagne, p.25
  3. Sébastien Vaissière et Alain Félix, Le Pastel, Visite en pays de cocagne, p.22 et 23
  4. Sébastien Vaissière et Alain Félix, Le Pastel, Visite en pays de cocagne, p.27
  5. « Nature : couleur waide », dans Vivre en Somme, no 5, Avril 2006 [texte intégral]
  6. Bleu Pastel de Lectoure
  7. (en) Une plante tinctoriale contre le cancer, BBC News
  8. (en) Le problème du pastel sur Cyberpict
  9. (en) Le problème du pastel sur Cyberpict
  10. Sébastien Vaissière et Alain Félix, Le Pastel, Visite en pays de cocagne, Édition Loubatières, juin 2006, (ISBN 2-86266-492-8), p.8

[modifier] Voir également

[modifier] Liens internes

[modifier] Références

  • de Beauvais-Raseau M., « « L'art de l'indigotier » », 1770, impr. de L.F. Delatour, Paris. Consulté le 28 mai 2007
  • Maurice Daumas - « Histoire générale des techniques » (1964, rééd. 1996), P.U.F., coll. Quadrige, vol. 2, 2e partie, livre 1 (ISBN 2-13047-862-X)
  • (fr) Sébastien Vaissière et Alain Félix, Le Pastel, Visite en pays de cocagne, Édition Loubatières, juin 2006, (ISBN 2-86266-492-8)

[modifier] Liens externes