Nicolas Edme Restif de La Bretonne

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Nicolas Edme Restif de La Bretonne
Portrait de Nicolas Edme Restif de La Bretonne en 1785
Pseudonyme Monsieur Nicolas, le Hibou, le Spectateur nocturne
Naissance 23 octobre 1734, Sacy
Décès 3 février 1806, Paris
Activité Imprimeur
Nationalité France France
Œuvres principales La Paysanne pervertie, Les Nuits de Paris, Monsieur Nicolas

Nicolas Edme Restif, dit Restif de La Bretonne, également épelé Rétif et de La Bretone[1], né à Sacy le 23 octobre 1734 et mort à Paris le 3 février 1806, est un écrivain français.

Son œuvre, et en particulier Monsieur Nicolas, nous offre une admirable résurrection du passé, au moyen d’une infinité de détails d’autant plus précieux que la plupart concernent des classes sociales n’ayant laissé que peu de témoignages dans la littérature contemporaine.

Sommaire

[modifier] Vie

Né le 23 octobre 1734 à Sacy, Restif est le fils aîné d’Edme Restif et de Barbe Ferlet[2]. Le couple a huit autres enfants, en particulier Marie-Geneviève, née le 26 décembre 1738, et Pierre, né le 21 août 1744, qui prendra la succession de son père à la ferme. Riche laboureur, Edme achète la maison et le domaine de La Bretonne, à l’est de Sacy, le 12 mars 1740 ; la famille s’y installe en 1742[3].

Mis en pension chez sa demi-sœur Anne à Vermenton en juillet 1745, il entre à l’école de Joux en octobre. Le 17 octobre 1746, il part pour Bicêtre, où, sous l’autorité de son demi-frère Thomas, il est élève à l’école des enfants de chœur de l’hôpital. Obligés de quitter Bicêtre dans le cadre de la lutte du nouvel archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, contre le jansénisme, les deux frères regagnent Auxerre le 20 décembre 1747. À la fin du mois, il est à Courgis chez son demi-frère parrain, curé du village. Là, il tombe amoureux en secret, en 1748, de Jeannette Rousseau, fille du notaire, et commence, en 1749, à tenir ses cahiers, ou Memoranda, où il rédige ses premiers essais poétiques et deux actes d’une comédie latine en prose imitée de Térence[4].

Renvoyé par son demi-frère en novembre 1750 pour son insoumission, il rentre à Sacy, où il se consacre pendant dix-huit mois aux travaux des champs[5].

Restif est, de santé très délicate, destiné à l’origine à l’Église, mais il semble qu’il soit plutôt un coureur de jupons, ce qui le fait renoncer à la prêtrise.

D’abord berger dans son village, ses parents l’envoient, en 1751, comme apprenti typographe à Auxerre où il tombe amoureux de l’épouse de son patron. Devenu ouvrier typographe, il se rend à Paris, où il devient compagnon et mène une vie irrégulière. Ayant un poste dans diverses imprimeries, il déménage régulièrement pour fuir ses créanciers. Doué d’une imagination vive et souvent extravagante, d’un esprit observateur, et en même temps, d’un tempérament qui le portait à une vie de désordres sans frein, il étudia de près les mœurs populaires et les reproduisit dans les plus grands détails et se mit, dans les années 1760, à écrire.

En 1767, il publie sa première œuvre importante, la Famille vertueuse, suivie entre autres du Paysan perverti (1775), qui contribue à le faire connaître, la Vie de mon père (1778), les Contemporaines (1780) qui le rend célèbre, la Paysanne pervertie (1784)[6], les Parisiennes (1787), Ingénue Saxancourt (1789) et Anti-Justine (1793).

Parcourant les rues de Paris et de l’île Saint-Louis, la nuit, il se surnommait lui-même « le hibou » et écrivait sur les ponts et les murs. Toutes les apparences portent à penser que Restif travaillait alors pour la police royale : le texte des Nuits de Paris fourmille d’indications de ses liens avec la police qu’il semble en mesure d’appeler à tout moment ; il se promène armé des pistolets et vêtu d’un uniforme, un manteau bleu ; il menace ceux qu’il interpelle d’en appeler à l’autorité, se rend sans cesse au corps de garde, etc.

Ses livres érotiques sont le plus souvent illustrés avec des femmes aux pieds minuscules et la bouche ronde. Celui sur les filles du Palais-Royal est présenté comme un guide, mais est plutôt une série d’entretiens, à la manière d’un journaliste. Il répondait, à ceux qui lui reprochaient le choix de ses sujets, qu’il écrivait des livres de médecine morale, que les principes en étaient honnêtes, et qu’il ne pouvait peindre des mœurs pures puisque le siècle avait des mœurs corrompues. quoique son style soit couramment d’une grande platitude et souvent incorrect, Restif trouva néanmoins des tableaux riants et aimables, des accents émus et allant au cœur, des dialogues naïfs et vrais sans grossièreté, des pages attendrissantes ou énergiques. Sa fécondité fut extraordinaire, et son succès très grand. À une époque où tant d’œuvres fadement libertines remplissaient les boudoirs et les salons, une partie du public se prit de passion pour des romans qui portaient le cachet de la vérité et de la franchise.

Illustration des Nuits de Paris
Illustration des Nuits de Paris

Admirateur des idées de Rousseau, dont il estimait du reste assez peu le talent, Restif voulut, à son exemple, émettre des projets de réforme sociale, et montra dans ce qu’il écrivit sur le gouvernement, sur l’éducation, sur les femmes, le théâtre, etc., de la singularité et de la bizarrerie, mais également de la hardiesse, de l’originalité, quelquefois de la justesse. Le marquis de Sade et Restif, dont les points de vue sont quasi opposés, se détestaient ; le premier a dit du second qu’il dormait avec une presse au pied de son lit tandis que Restif a traité Sade de « monstre », terme qu’il affectionne particulièrement et qu’on retrouve fréquemment sous sa plume. En revanche, il était apprécié notamment de Benjamin Constant, de Gabriel Sénac de Meilhan et de Schiller. Très critiqué par les puristes comme La Harpe (on lui donna comme sobriquet « le Voltaire des femmes de chambre » ou « le Rousseau du ruisseau » mais Lavater l’appela « le Richardson français »), Gérard de Nerval lui consacre une biographie dans Les Illuminés, et il fait l’objet de l’admiration des surréalistes, notamment, qui le redécouvriront. Imprimeur, il entendait également réformer la langue, créant de nombreux néologismes (par exemple, « etlrst » pour « etc. », « talionné » pour « assujetti à la loi du talion », « pornographe », « gynographe », « mimographe »…).

À l’avènement de la Révolution, la chute de l’assignat le ruine et l’écriture le fait à peine vivre. Durant la Terreur, il frôle l’arrestation. Témoin des événements de la Révolution, il fit paraître le Palais-Royal (1790), Les Nuits de Paris (1793). En 1794, il décide d’écrire son autobiographie, Monsieur Nicolas, huit volumes échelonnés entre 1794 et 1797. En 1795, la Convention thermidorienne lui vient en aide en lui versant la somme de deux mille francs. Bien que ses déclarations soient orientées avec ostentation dans le sens du nouveau pouvoir, ses amitiés aristocratiques et sa réputation le font tomber en disgrâce. Il entre au ministère de la Police, mais sa mauvaise santé l’oblige à prendre sa retraite. Il mourra peu de temps après, miséreux.

Ce polygraphe[7], auteur de romans, mais aussi de pièces de théâtre, d’une grande autobiographie dans la lignée de celle de Rousseau et tout aussi attachante, d’une utopie et de nombreux projets de réforme (sur la prostitution, le théâtre, la situation des femmes, les mœurs, la législation), est l’objet d’un regain de curiosité de la part de la critique universitaire qui voit en lui un des représentants les plus exemplaires des Secondes Lumières (fin du siècle).

[modifier] Notes et références

  1. Il prônait l’orthographe simplifiée ; voir Pierre Testud, « Rétif de La Bretonne et la création romanesque », préface du vol. I des Romans Restif de la Bretonne, Paris, Robert Laffont, collection « Bouquins », 2002. C’est d’ailleurs l’orthographe qu’adopte la notice d’autorité de la Bibliothèque nationale de France.
  2. Edme Restif, né le 25 août 1690 à Nitry, veuf de Marie Dondaine (avec laquelle il s’était marié le 25 novembre 1729 et qui était morte en 1733), épouse Barbe Ferlet, née le 22 janvier 1703 à Accolay, le 25 janvier 1734 à Sacy.
  3. Chronologie de Pierre Testud, in Nicolas-Edme Restif de La Bretonne, Le Pied de Fanchette. Le Paysan perverti. Les contemporaines du commun, Paris, robert Laffont, 2002, p. XXXI-XXXIV
  4. Chronologie de Pierre Testud, op. cit., p. XXXIV-XXXV
  5. Chronologie de Pierre Testud, op. cit., p. XXXV.
  6. Ce roman, qui raconte l’histoire d’Ursule, sœur d’Edmond, héros du Paysan perverti, constitue une réplique à la tentative de Pierre-Jean-Baptiste Nougaret de profiter du sujet avec La Paysanne pervertie, ou Moeurs des grandes villes, mémoires de Jeannette R*** en 1777.
  7. Selon Pierre Testud, il est l’auteur de « 187 volumes, 44 titres, 57 000 pages (pour ne s’en tenir qu’aux premières éditions) », op. cit.

[modifier] Bibliographie

Sculpture à Auxerre représentant Restif de la Bretonne.
Sculpture à Auxerre représentant Restif de la Bretonne.
  • La Famille vertueuse (Paris, 1767, 4 vol. in-12).
  • Lucile, ou le Progrès de la vertu (1768, in-18).
  • Le Pied de Fanchette (1769, 3 vol. in-12).
  • La Fille naturelle (1769, 2 vol. in-12).
  • Le Pornographe (Londres, 1769, in-8°).
    Ouvrage dans lequel il présente un projet de réforme de la prostitution.
  • Le Mimographe (Amsterdam, 1770, in 8°).
    Ouvrage relatif à un plan de réforme pour le théâtre.
  • Les Idées singulières, 1770.
  • Le Marquis de T… (Londres, 1771, 4 vol. in-12).
  • Adèle (1772, 5 vol. in-12).
  • La Femme dans les trois états de fille, d’épouse et de mère (Londres, 1773, 3 vol. in-12).
  • Le Ménage parisien (Paris, 1773, 2 vol. in-12).
  • Les Nouveaux Mémoires d’un homme de qualité (1774, 2 vol. in-12).
  • Le Paysan perverti, ou Les dangers de la ville, 1775, 1776, 4 vol. in-12.
  • L’École des pères (1776, 3 vol. in-8°).
  • Les Gynographes, ou Idées de deux honnêtes femmes sur un projet de règlement pour mettre les femmes à leur place (1777, in-8°).
  • Le Quadragénaire (1777, 2 vol. in-12).
  • Le Nouvel Abélard, ou Lettres de deux amants qui ne se sont jamais vus (1778, 4 vol. in-12).
  • La Vie de mon père (1779, 2 vol. in-12).
  • La Malédiction paternelle (1780, 3 vol. in-12).
  • Les Contemporaines, ou Aventures des plus jolies femmes de l’Âge présent (1780-85, 42 vol. in-12).
  • L’Andrographe, ou Idées pour opérer une réforme générale des mœurs (1782, in-8°).
  • La Dernière aventure d’un homme de quarante-cinq ans (1783, in-12).
  • La Prévention nationale, action adaptée à la scène (1784, 3 vol. in-12).
  • La Paysanne pervertie (1784, 4 vol. in-12).
  • Les Veillées du Marais, ou Histoire du prince Oribeau et de la princesse Oribelle (1785, 2 vol. in-12), réimpr. sous le titre de l’Instituteur d’un prince royal (1791, 4 vol. in-12).
  • Les Françaises (1786, 4 vol. in-12).
  • Les Parisiennes (1787, 4 vol. in-12).
  • Les Nuits de Paris ou le Spectateur nocturne (1788-1794, 8 vol. in-12).
  • La Femme infidèle (1788, 4 vol. in-12).
  • Ingénue Saxancour, ou la Femme séparée (1789, 3 vol. in-12).
  • Le Thesmographe, ou Idées pour opérer une reforme générale des lois (1789, in-8°).
  • Monument du costume physique et moral, de la fin du XVIIIe siècle (Neuwied, 1789, in-fol.).
  • Le Palais-Hoyal (Paris, 1790, 3 vol. in-12).
  • L’Année des dames nationales, ou Histoire jour par jour d’une femme de France (1791-94, 12 vol. in-12).
  • Le Drame de la vie, contenant un homme tout entier, pièce en treize actes d’ombres et en dix pièces régulières (1793, 5 vol. in-12).
  • Monsieur Nicolas, ou le Cœur humain dévoilé (1794-97, 16 vol. in-12).
  • La Philosophie de de Nicolas (1796, 3 vol., in-12).
  • L’Anti-Justine ou les délices de l’amour, 1798, œuvre érotique saisie par la police en 1802.

Restif a encore publié, sous le titre de Théâtre (1793, 5 vol. in-12), une série de pièces qui n’ont pas été représentées.

[modifier] Sources

  • Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des littératures, Paris, Hachette, 1876, p. 1721-2.
  • Jean-René Suratteau, Dictionnaire historique de la Révolution française, Albert Soboul (dir.), Quadrige/PUF, 1989, p. 897-98.

[modifier] Voir aussi

[modifier] Bibliographie

  • Maurice Blanchot, Sade et Restif de La Bretonne, Paris, Éditions Complexe, collection Regard littéraire, n° 5, 1986, 160 pages (ISBN 2870271948)
  • Daniel Baruch, Restif de la bretonne, Paris, Éditions Fayard, 1996 (ISBN 2213596719)
  • Claude Klein, Restif de la Bretonne et ses doubles - Le double dans la genèse des romans épistolaires de Restif de la Bretonne (1775-1787), Presses universitaires de Strasbourg, 1995 (ISBN 2868203434)

[modifier] Liens externes