Longue traîne

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L’expression longue traîne (de l'anglais Long Tail, expression parfois traduite par « longue queue ») a été employée pour la première fois en 2004 par Chris Anderson dans un article de Wired[1] pour décrire une partie du marché des entreprises telles qu'Amazon ou Netflix. Elle est aussi utilisée dans les statistiques, souvent en relation avec les distributions.

Sommaire

[modifier] La longue queue dans la théorie des statistiques

La longue queue, représentée en jaune
La longue queue, représentée en jaune

La longue queue est une expression courante pour désigner un phénomène connu depuis longtemps des statisticiens (loi de Zipf, distribution de Pareto, distribution de Lévy). La loi la plus utilisée en statistique, la loi normale, vulgairement appelée la cloche de Gauss pour sa forme, est critiquée dans certaines de ses utilisations pour sa queue étroite. En finance par exemple, cette queue étroite correspond à une sous estimation des variations extrêmes, et de nouveaux modèles, dit à large queue, cherchent à éliminer ce problème. Le phénomène est aussi connu sous les noms de grandes queues, queue des lois de puissance ou queues de Pareto. Ces distributions sont en général de la forme ci-contre.

Dans ces distributions, une population à grande fréquence ou grande amplitude est suivie par une population à fréquence faible ou de faible amplitude, qui diminue graduellement en une « queue ». Bien souvent, les évènements peu fréquents ou de faible amplitude (la longue queue), représentés par la portion jaune du graphique, peuvent au total représenter un poids ou un nombre plus important que la première partie du graphique.

De telles répartitions sont étonnamment fréquentes. Par exemple, dans l’anglais courant, le mot the est le plus courant ; d’autres mots courts tels que of, and et to sont aussi très courants, beaucoup plus que d’autres mots courants. Par exemple, le mot the représente 12 % des mots utilisés, tandis que le mot barrack survient moins d’une fois sur 50 000 ; mais par accumulation, les mots aussi rares que barrack composent environ un tiers du texte. Ces mots rares sont la longue queue du vocabulaire anglais[2].

[modifier] La longue traîne de Chris Anderson

L’expression longue traîne, est utilisée par Chris Anderson, qui se réfère à l’essai de Clay Shirky "Power Laws, Weblogs and Inequality" qui remarquait qu’un nombre relativement petit de weblogs ont de nombreux liens web pointant vers eux, alors que la longue queue composée de millions de weblogs n’ont que peu de liens qui pointent sur eux. Dans une série de conférences et dans l’article de Wired, paru en octobre 2004, Anderson décrit les effets de cette longue queue sur les modèles économiques présents et futurs. Il pense que les produits qui sont l’objet d’une faible demande, ou qui n’ont qu’un faible volume de vente, peuvent collectivement représenter une part de marché égale ou supérieure à celle des best-sellers, si les canaux de distribution peuvent proposer assez de choix. Des exemples de tels canaux de distribution peuvent se prendre dans Amazon.com, Netfix, Rezolibre.com ou Wikipédia. Comme ces exemples l’illustrent, la longue queue est un marché potentiel, rendu accessible par les possibilités d’Internet.

Un employé d’Amazon décrit la longue queue comme ceci : Aujourd’hui, nous avons vendu plus de livres qui ne se sont pas vendus hier que nous n’avons vendu de livres que nous avons vendu aussi hier. Dans le même ordre d’idées, les articles peu lus de Wikipédia ont, collectivement, plus de lecteurs que les articles principaux, que l’on peut également trouver sur des encyclopédies généralistes telles que l’Encyclopædia Britannica.

La limite est dérivée du graphique qui est tracé grâce aux données de popularité de chaque page de Wikipédia. Dans ce graphique, les articles de Wikipédia sont disposés tout au long de l’axe des abscisses, et le taux de fréquentation est indiqué sur l’axe des ordonnées. Dans cet exemple, la page de Wikipédia qui reçoit le plus de visites serait tout à gauche dans le vert, alors que la page que vous lisez actuellement serait très à droite dans le jaune, comme la plupart des articles de Wikipédia. La même chose se passe pour les livres à l’inventaire d’Amazon : la demande totale pour les articles peu demandés dépasse la demande totale des articles très demandés.

[modifier] Rapport avec les coûts de stockage et de distribution

Le facteur clé qui détermine si les ventes d’un commerce ont une longue queue est le coût de stockage et de distribution. Quand ces coûts sont faibles, il devient rentable de vendre des produits peu demandés ; quand il est onéreux de stocker et de distribuer, seuls les produits les plus populaires sont vendus.

Un exemple significatif est le commerce de location de vidéos. Un magasin de location traditionnel est limité par sa longueur de linéaire d’étagères, qu’il paie sous forme de loyer. Pour maximiser ses produits, il doit exposer uniquement les titres les plus demandés, pour être sûr que tout l’espace est bien utilisé. Netfix au contraire dispose d’entrepôts centralisés, qui lui permettent de baisser les coûts de stockage; le coût de distribution est le même, que ce soit pour un film populaire ou un autre peu demandé. Netfix peut ainsi être rentable en ayant un catalogue bien plus large que des magasins traditionnels. La logistique avancée de stockage ou de distribution permet ainsi de louer davantage de films à public restreint que de films populaires.

[modifier] Conséquences culturelles et politiques

La longue queue peut avoir d’importantes conséquences culturelles et politiques. Quand le coût d'opportunité (stockage et distribution) est élevé, seuls les produits les plus demandés sont vendus. Quand l’effet longue queue marche, les goûts minoritaires sont satisfaits et les individus ont un plus grand choix. Dans une société où la popularité est déterminée par le plus petit dénominateur commun, les effets d’un modèle à longue queue peut augmenter considérablement le niveau culturel d’une société[réf. nécessaire]. La télévision en offre un bon exemple : chaque chaîne dispose d’un temps limité de diffusion (24 heures maximum par jour), donc le coût d’opportunité de chaque tranche horaire est élevé ; les chaînes de télé choisissent donc le programme qui potentiellement rassemblera le plus de monde. Mais lorsque le nombre de chaînes augmente, ainsi que leurs moyens de diffusion (chaînes hertziennes, par satellite, par câble, par ADSL, TNT), le choix de programmes et le niveau culturel augmentent[réf. nécessaire].

Certaines des plus grandes réussites sur Internet ont ouvertement pris en compte la longue queue dans leur modèle économique. On peut citer eBay, Yahoo!, Google, Amazon.

[modifier] Voir aussi

En économie, l'effet longue traîne est souvent étudié en combinaison avec l'effet superstar, par exemple dans l'étude du marché de la musique [3]

[modifier] Notes et références

  1. Cet article est disponible notamment sur le site de Wired : [1] ou en format PDF sur ChangeThis : [2]
  2. Le site www.wordcount.org en donne une bonne illustration
  3. Rapport de projet scientifique collectif L’effet « long-tail »

La Longue traîne, Chris Anderson, ouvrage publié aux éditions Village Mondial, (c) 2007

[modifier] Articles connexes

[modifier] Liens externes