Liquidateurs

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Médailles remises aux liquidateurs, la première étant plus rare et remise aux premiers héros « sacrifiés » et/ou aux membres du Parti impliqués. (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)
Médailles remises aux liquidateurs, la première étant plus rare et remise aux premiers héros « sacrifiés » et/ou aux membres du Parti impliqués. (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)
Le centre de la médaille représente une goutte de sang traversée par des rayons alpha, gamma et bêta
Le centre de la médaille représente une goutte de sang traversée par des rayons alpha, gamma et bêta

« Liquidateurs » (en russe : ликвидаторы) était le nom donné en ex-URSS aux hommes ayant travaillé à la décontamination du site de la catastrophe de Tchernobyl (Ukraine, 26 avril 1986) et à la construction du sarcophage recouvrant le réacteur nucléaire n°4 en fusion. Le terme provient de l'expression utilisée par les responsables pour expliquer leur rôle aux volontaires et personnes réquisitionnés : il s'agissait de « liquider » la radiation.

Sommaire

[modifier] Qui étaient les liquidateurs, et combien étaient-ils ?

Le terme de liquidateurs désigne le personnel civil et militaire intervenu immédiatement sur les lieux le 26 avril au matin, mais aussi les équipes impliquées dans la consolidation et l'assainissement du site à plus long terme, jusque dans les années 1990. Le bilan les concernant doit être distingué du bilan civil de la catastrophe.

Le nombre avancé est généralement de 600 000 personnes, soit :

  • 200 000 personnels d’intervention,
  • 116 000 civils évacuées (par bus réquisitionnés) dans les jours qui ont suivi l’accident
  • 270 000 autres personnes évacuées trois mois plus tard dans les zones les plus touchées par les retombées[1]. La dosimétrie précise concernant ces groupes est hétérogène et souvent difficile à reconstituer, et ces personnes venues de toutes les régions de l'ex URSS n'ont pas fait l'objet d'un suivi à moyen ni à long terme. Certains se sont ensuite regroupés en associations.

[modifier] Juguler l'incendie et décontaminer le site

L'enjeu immédiat, dans les jours qui suivirent Tchernobyl, était d'éteindre le graphite brûlant encore dans le réacteur pour éviter une réaction nucléaire en chaîne conduisant à un accident thermonucléaire : les scientifiques soviétiques avaient calculé que cet incendie devait être maîtrisé avant le 8 mai sous peine d'assister à une explosion démultipliée encore plus dévastatrice, à l'échelle de l'Europe.

Des dizaines de milliers d'ouvriers furent acheminés sur le site dans l'urgence, afin de construire un sarcophage à la va-vite. Les équipes furent exposées par roulement pendant des durées de quelques secondes à quelques minutes à une radioactivité intense, avec ordre de s'attarder le moins possible. Ces intervenants ne disposaient ni d'informations sur les risques encourus, ni de protections efficaces ; ils bricolèrent tout au plus des sortes d'armures avec des matériaux récupérés et des plaques de plomb qu'on leur avait fourni. Une distribution de cachets d' iode aurait été effectuée parmi eux, mais elle ne fut pas systématique et l'ordre de la prendre ne fut pas toujours respecté. Les travailleurs déblayant les matériaux de la centrale et les pilotes survolant le site à travers le nuage de poussière radioactive étaient particulièrement exposés. Il en allait de même pour les intervenants sur le toit du réacteur n°3 qui récupéraient les débris de graphite, connus sous le nom de « chats du toit » dans le cas de certaines unités. [2] C'est dans ces conditions que l'incendie finit par être maîtrisé le 6 mai 1986.

[modifier] Profil des intervenants

Entre 1986 et 1992 on estime qu'il s'agit au total de 600 000 à 800 000 individus en provenance de toute l'URSS, opérateurs de la centrale, sapeurs-pompiers, pilotes d'hélicoptères, mineurs, terrassiers, ouvriers, militaires ou civils, qui se relaieront sur le site.
Une partie de leur travail était motivée par ce qui fut salué comme un acte de dévouement, voire un véritable « sacrifice » (dans le cas de personnes conscientes du danger); et plus largement par des promesses de salaires élevés et d'avantages sociaux (logements, places dans les crèches...) ou symboliques (médailles et diplômes) décernés par le gouvernement.

Certains de ces intervenants furent par la suite déclarés « Héros de l'Union soviétique ». Ce fut le cas notamment de Nikolaï Melnik, un pilote d'hélicoptère qui avait placé des capteurs de radiations sur le réacteur [3], et du major Leonid Teliatnikov responsable de la lutte contre l'incendie, auquel un monument fut érigé à titre posthume au cimetière de Baykove à Kiev le 25 avril 2006 [4].

[modifier] Conséquences sanitaires

Mémorial aux liquidateurs au cimetière de Mitino, Moscou, où certains des sapeurs-pompiers qui furent exposés aux radiations sont enterrés.(Photo : Mikhail Evstafiev)
Mémorial aux liquidateurs au cimetière de Mitino, Moscou, où certains des sapeurs-pompiers qui furent exposés aux radiations sont enterrés.
(Photo : Mikhail Evstafiev)

Le suivi médical des liquidateurs a été différent selon leur nationalité (russe, ukrainienne, estonienne) depuis la désagrégation de l' URSS en plusieurs républiques autonomes (1991).
Le nombre de liquidateurs se réduit cependant d'année en année : les liquidateurs en vie souffrent actuellement de pathologies rares, parmi lesquelles une forte proportion de cancers. Les sauveteurs et les pompiers intervenus immédiatement sur les lieux sont décédés les premiers, dans les semaines qui suivirent l'accident. Des cancers de la thyroïde, de la peau et des os, la plupart très rares, ont été relevés chez les autres avec une fréquence 4 fois supérieure à la moyenne nationale (d'après une étude de médecins biélorusses). Certains de leurs enfants présentent des malformations congénitales à la naissance. Enfin, les anciens liquidateurs présentent des séquelles psychologiques graves dues en partie à la non-reconnaissance de leur travail par les autorités : beaucoup continuent de réclamer les avantages promis, leur taux de suicide est particulièrement élevé.

[modifier] Bilan

Le bilan de la catastrophe relatif aux liquidateurs est controversé, et ce jusque dans la définition et l'évaluation numérique de ce groupe.

  • Une étude de 1998 de l'OMS aurait annoncé, pour 72 000 liquidateurs, 212 morts.
  • En avril 2004, un texte de commémoration de la catastrophe provenant de l'Ambassade d'Ukraine en Belgique faisait état du décès de plus de 25 000 liquidateurs sur 600 000 depuis 1986. [5]
  • Selon un rapport provisoire de l'ONU de septembre 2005, sur plus de 200 000 liquidateurs en 1986-1987, 47 sont morts et 2 200 pourraient encore décéder. [6] Ce bilan a été revu à la hausse en avril 2006 (cf.l'article principal)

Les conclusions de ce rapport ont notamment provoqué les réactions d'associations de liquidateurs et d'experts :

  • Selon le décompte de l'ingénieur biélorusse Gueorgui Lepine, qui a participé au programme de décontamination, « Le nombre de liquidateurs décédés atteint aujourd'hui près de 100 000 personnes, alors qu'un million de personnes au total ont travaillé à la centrale de Tchernobyl. »
  • Selon Viatcheslav Grichine, président de l'Union Tchernobyl (la principale association de liquidateurs) sur 600 000 liquidateurs « 25 000 sont morts et 70 000 restés handicapés en Russie, en Ukraine les chiffres sont proches, et en Biélorussie 10 000 sont morts et 25 000 handicapés», ce qui fait un total de 60 000 morts (10% des 600 000 liquidateurs) et 165 000 handicapés[7].
  • Cependant, même si le nombre de morts peut sembler assez élevé, il n'y a aucune preuve que plus d'une poignée de personnes soient décédées des suites de l'accident de Tchernobyl. En effet, la consultation d'une table de mortalité actuarielle [8]indique qu'en 20 ans, le risque de mourir de toutes les sortes de causes pour l'âge des liquidateurs de Tchernobyl est d'entre 10 et 20%, selon l'âge et la provenance des liquidateurs, soit entre 60 000 et 200 000 morts selon que l'on estime le nombre de liquidateurs à 600 000 ou 1 000 000. L'imprécision des statistiques sur le nombre et la provenance des liquidateurs impliqués, de même que sur le nombre de morts, rend impossible de faire quelque analyse que ce soit du nombre de victimes attribuables à l'accident, au delà des quelques dizaines de personnes mortes dans les semaines suivant celui-ci.[réf. nécessaire][9]

[modifier] Voir aussi

[modifier] Documents et ressources sur le sujet

[modifier] Photographies

  • Les premières photographies de liquidateurs ont été prises par Igor Kostine, photographe ukrainien qui fut le premier à travailler sur les lieux de l'accident et prit notamment des clichés d'hommes déblayant le toit du réacteur. [10]

[modifier] Bibliographie

[modifier] Filmographie

[modifier] Notes et références

  1. http://www.sfen.org/fr/themes/tchernobyl.pdf Document de la sfen] (Société française de l'énergie nucléaire ( page 2 sur 12)
  2. Rapporté par Igor Kostine in Tchernobyl, confessions d'un reporter, éditions les Arènes, 2006.
  3. (en) Former Chernobyl Pilot Soars Above His Obstacles, in The St. Petersburg Times, 31 mai 2005
  4. (en) Communiqué sur le site du gouvernement ukrainien (22 avril 2006)
  5. "Commémorations en Ukraine de la catastrophe de Tchernobyl" (26 avril 2004)
  6. "Tchernobyl : l'ampleur réelle de l'accident" Rapport de l'ONU (septembre 2005)
  7. "Selon un rapport indépendant, les chiffres de l'ONU sur les victimes de Tchernobyl ont été sous-estimés" in Le Monde du 7 avril 2006
  8. Voir entre autres: http://www.mortality.org/ L'âge des liquidateurs étant de 20 à 30 ans au moment de la catastrophe, il s'agit simplement de prendre 1-le nombre de survivants âgés de 40 à 50 ans (20 ans plus tard) divisé par le nombre de personnes vivantes de 20 à 30 ans.
  9. Voir: Ngô, Christian, L'énergie, Ressources technologies et environnement, pp. 123 à 125, Éditions Dunod, 2002; Rapport UNSCEAR (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation) 2000 sur Tchernobyl: http://www.unscear.org/unscear/en/chernobyl.html et notamment: http://www.unscear.org/docs/reports/2000/Volume%20II_Effects/AnnexJ_pages%20451-566.pdf pp. 491-492
  10. Une photographie de I.Kostine sur le site de l'Unesco : le travail sur le toit